Maux d'Amour 2
Lundi, 19h p.m., intérieur de la voiture de Tony,
Installé
au volant de sa Mustang, Tony accompagnait à pleine voix le CD qui défilait
dans le lecteur. Rien ne l’enchantait davantage que la perspective d’une longue
soirée chez lui, et avec un peu de chance, pas tout seul. En effet, Lauren, sa
nouvelle voisine, n’avait pas vraiment l’air farouche. Il sourit pour lui-même
en augmentant encore un peu le son de l’autoradio.
Lundi,
19h p.m., intérieur de la voiture de Ziva,
Dieu
merci, Ziva s’était rendu compte du problème bien avant de s’engager sur la
voie rapide qui la ramenait chez elle, et, se trouvant en pleine zone urbaine,
elle roulait encore à une allure relativement modérée. Elle avait aussitôt
cessé d’accélérer mais le carrefour suivant arrivait bien trop vite.
Rassemblant tout son sang-froid, elle fit une courte prière pour que le feu
restât au vert le temps qu’elle eût traversé l’intersection.
Mais, alors qu’elle était encore à une centaine de mettre du feu, celui-ci
changea de couleur. Ziva se retint de jurer, sachant pertinemment qu’elle ne
pourrait s’arrêter. C’était l’heure de pointe, le défilé des véhicules venant
de la droite et de la gauche du carrefour était incessant. Il n’y avait qu’une
infime chance pour qu’elle parvienne à passer sans qu’aucune voiture ne
l’accroche. Elle serra ses mains sur le volant et se concentra. Il ne restait
qu’une chose à faire : accélérer, dégager l’intersection le plus vite possible.
Et prier.
Lundi,
19h18 p.m., intérieur de la voiture de Tony,
Tony
arrivait en vue des bâtiments abritant son appartement. Il ralentit et fouilla
dans sa poche pour en extraire ses clefs, dont une magnétique qui lui servirait
à ouvrir le garage. En même temps, il en sortit son portable. Comme par un fait
exprès, celui-ci se mit à vibrer juste à ce moment-là.
«DiNozzo.»
«Tony
? C’est Chuck.»
Chuck était un flic sympa, vieil ami de Tony, qui
travaillait à la sécurité routière, et Tony trouvait que c’était toujours utile
de connaître quelqu’un là-bas. Surtout quand on conduisait une voiture comme la
sienne. Cela dit, il était étonné d’avoir des nouvelles de celui-ci un lundi
soir. On n’était pourtant pas vendredi, et il ne se souvenait pas qu’ils aient
prévu une sortie au bowling.
«Chuck!
Content de t’entendre mon vieux. Qu’est ce qui se passe?» demanda Tony, une
note de surprise dans la voix.
«On
nous a signalé un accident sur le carrefour Alevine. Un truc assez grave…»
«Et…?»
s’étonna Tony, qui ne voyait pas du tout où son ami voulait en venir.
«Il y a une Mini impliquée, on
m’a filé le numéro de plaque pour les vérifications d’usage… C’est celle de
Ziva David…»
Tony pila brutalement.
«Comme
je sais que c’est une collègue à toi, je me suis dit qu’il valait peut être
mieux que je te prévienne…»
Chuck continuait de parler mais Tony avait cessé
d’écouter. Déjà, quand Chuck avait parlé de Mini, son cœur avait fait un bond.
Maintenant, il battait à tout rompre.
«…
Tony? Tony?» Chuck commençait à s’inquiéter du silence de son ami.
«Oui,
oui je suis là. Carrefour Alevine tu as dit?»
«C’est
ça.»
Tony redémarra brusquement la Mustang.
«
Il y a des blessés? Des…?» Il ne prononça pas le mot.
«J’en
sais rien, Tony, je suis désolé. Une équipe est partie sur place. Tu veux que
je les contacte?»
Tony regarda sa montre.
«Non,
ça ira. Merci Chuck.»
«De
rien. Encore désolée.»
Sans répondre, Tony raccrocha. Il fit faire un
faire un demi-tour immédiat à sa voiture et repartit à vive allure en direction
du centre-ville, de l’accident, de Ziva.
Lundi,
une dizaine de minutes plus tôt,
Elle
pensait vraiment qu’elle y était parvenue. Elle avait presque entièrement
traversé le carrefour, après avoir évité les véhicules qui lui barraient le
chemin, sans autre désagrément que des klaxons courroucés ou apeurés, et elle
commençait déjà à pousser un soupir de soulagement, lorsque, soudain, déboulant
de sa droite, Ziva vit surgir un vélo arrivant sur elle à toute vitesse. La
collision était inévitable. Dans un réflexe stupide, elle appuya sur le frein,
ce qui n’eut, bien entendu, aucun résultat. Le cycliste prit enfin conscience
de sa présence, mais il était trop tard pour qu’il puisse faire quoi que ce
soit. Dans un mouvement désespéré pour l’éviter, elle braqua à droite de toutes
ses forces. L’absence de choc et de bruit de tôles froissées la convainquit
qu’elle avait réussi. Mais sa trajectoire la menait désormais droit dans le mur
d’enceinte de l’école primaire qui faisait l’angle de la rue. Elle se prépara.
Le choc allait être rude.
Lundi,
19h32 p.m., Carrefour Alevine,
Le
bruit que fit la Mustang de Tony en se garant était un excellent indicateur de
son état de tension. Il bondit hors de l’habitacle et se précipita près de
l’équipe médicale la plus proche.
«Agent
DiNozzo, NCIS.» cria t’il presque en montrant sa plaque.
«Je
cherche ma collègue, Ziva, Ziva David. Elle conduit une Mini… Elle est blessée,
elle va bien…? »
L’infirmier eut un geste courroucé, agacé d’être
interrompu.
«Vous
ne voyez pas que nous sommes occupés, non ? L’occupante de la voiture a été
emmenée par là bas.»
Il fit un geste vague vers une seconde unité de
soin qui s’affairait un peu plus loin.
«J’ignore
comment elle se porte!»
Il se tourna de nouveau vers l’homme dont il
s’occupait, un cycliste, à en juger par son casque. Tony courut vers l’endroit
que l’infirmier venait de lui indiquer, craignant le pire. Il dut passer devant
la Mini que des dépanneurs étaient en train de remorquer. La petite voiture
était dans un tel état qu’il préféra ne pas penser à celui dans lequel devait
être sa conductrice.
Le jeune médecin essayait tant bien que mal de
faire son travail, vérifiant ses constantes et recherchant d’éventuels
traumatismes, mais le point que l’on puisse dire, c’était que Ziva ne lui
simplifiait pas la tâche.
«Vous
en avez encore pour longtemps?» demanda-t-elle, la contrariété perçant
nettement dans sa voix.
Elle jeta un regard anxieux vers sa pauvre voiture
autour de laquelle les dépanneurs s’activaient encore. Dire qu’elle l’avait
fait réviser moins d’un mois plus tôt! Qu’est ce qu’il avait bien pu se passer
pour que ses freins lâchent aussi brutalement? Elle eut un mouvement de colère.
Si son garagiste avait laissé passer une telle usure des freins, il allait
entendre parler du pays!
«S’il
vous plaît, pourriez vous cesser de bouger, vous ne faîtes que me ralentir!»
soupira le médecin, exaspéré.
Elle se dégagea et se mit debout.
«Vous
savez quoi, je me sens parfaitement bien. Allez donc vous occuper de quelqu’un
d’autre.»
«Mais… Vous devez vous rendre
à l’hôpital…» protesta le médecin.
«Sûrement
pas!»
«C’est
la procédure! Vous avez peut être des blessures internes qui peuvent être
graves et…» tenta d’expliquer le jeune praticien.
Elle le coupa.
«Et
bien, je signerai une décharge ou tout autre papier que vous voudrez, s’il le
faut mais j’ai autre chose à faire que de perdre mon temps à l’hôpital!»
Le médecin haussa les épaules et s’éloigna, vaincu.
Tony l’avait enfin aperçu, discutant avec animation avec un des membres de
l’équipe de soin. A en juger par sa véhémence, elle semblait en pleine forme.
Il poussa un soupir de soulagement, les battements de son cœur reprenant petit
à petit un rythme plus normal. Il s’approcha d’elle.
«Ziva!»
Elle se retourna, la surprise se peignant sur son
visage.
«Tony?»
Elle fronça les sourcils.
«Qu’est
ce que tu fais là?» s’enquit-elle d’un air soupçonneux.
«On
m’a dit que tu avais eu un accident.» répondit-il évasivement.
«Qu’est
ce qui s’est passé?»
«Mes
freins ont lâché brusquement.» expliqua-t-elle avec gravité.
Tony mesura toute l’horreur de cette affirmation et
ne put réprimer un frisson rétrospectif.
«Ça
aurait pu être tellement plus grave…»
Préférant ne pas penser à une telle éventualité,
elle changea de sujet.
«Tu
ne m’as pas dit comment tu as fait pour arriver ici…»
«
Avec ma voiture, bien sûr!» rétorqua-t-il en levant les yeux devant une telle
évidence.
«J’ai
toujours dit que la Mustang était une voiture épatante…J’avoue que je n’aurais
jamais pensé ne mettre que 18 minutes entre ici et chez moi, mais…» Il arbora
une mine fière de lui.
«Tu
sais bien que ce n’est pas ce que j’ai voulu dire! Comment as-tu su…?»
Elle s’interrompit.
«18
minutes?! Depuis chez toi? Mais tu as du rouler comme un fou!»
s’exclama-t-elle.
Tony reprit son air inquiet.
«Oui.
Mais j’ai été plus proche de mourir d’une crise cardiaque que d’un accident,
crois moi!»
Il y eut un silence.
«Tu
as eu si peur pour moi, Tony?»
Il détourna le regard.
«Oui.
Mais j’avoue que je ne sais pas pourquoi…»
«Parce
que tu m’aimes… beaucoup.»
Il plongea son regard dans le sien.
«Oui.»
avoua-t-il.
Il y eut un deuxième silence.
«Heu…
Excusez-moi?»
Tony et Ziva cillèrent et se tournèrent vers celui
qui venait de les interpeller, brisant le silence gênant qui s’était installé.
Il s’agissait d’un des dépanneurs qui s’affairaient autour de la Mini quelques
minutes plus tôt.
«On
m’a dit que la voiture était à vous, madame?»
«Mademoiselle.
Oui. Elle est réparable?» demanda-t-elle sans se faire la moindre illusion.
L’homme prit un air contrit.
«J’ai
bien peur que non. Elle est beaucoup trop abimée… Je suis navré.»
Ziva haussa les épaules en soupirant. Ce n’était
qu’une voiture. Même si elle l’aimait beaucoup, ce n’était pas irremplaçable.
«Heu…
Il y a autre chose, mada…mademoiselle.» se reprit il devant le regard noir de
l’agent du Mossad.
«Quoi
d’autre? Vous avez une idée de ce qui a provoqué l’usure de mes freins?»
«Vos
freins ne sont pas usés. Ils sont même quasi-neufs…»
«Alors,
pourquoi n’ont il pas fonctionné?!»
«Surement
parce que quelqu’un a sectionné les durites…»
«Les…?»
«…Durites. C’est… Bah, en
gros, ce qui permet de transmettre aux plaquettes de frein l’ordre de freiner
quand vous appuyez sur la pédale.»
«Et
pourquoi quelqu’un les aurait sectionné?» s’alarma Tony.
«Ça
ne pourrait pas être accidentel? Une pierre tranchante sur la route ou…?»
Il s’interrompit devant le signe de dénégation de
l’homme.
«Impossible.
Trop net. Ça ne peut être qu’un couteau qui a fait ça. Et la personne savait ce
qu’elle faisait. C’était tranché proprement et pile au bon endroit…»
Un nouveau silence s’ensuivit, tandis que Tony et
Ziva digéraient l’information en échangeant un regard lourd de sens.
«Je
vais notifier tout ça par écrit, pour l’assurance, la police, tout ça…» reprit
le dépanneur afin de briser le silence pesant.
«Merci.»
«De rien… Je vais retourner
avec mes gars, on va emmener votre voiture… Si vous avez des choses à récupérer
dedans, c’est le moment.»
Ziva songea aux dossiers qui étaient posés sur le
siège passager avant l’accident. Ils devaient s’être éparpillés un peu partout
sous la violence du choc. Elle soupira.
«Je
vous suis.»
En plus des dépanneurs, des policiers s’affairaient
autour de la voiture et semblaient l’attendre de pied ferme pour lui poser quelques questions. Elle poussa un second
soupir tandis qu’elle emboîtait le pas au dépanneur. Elle sentit Tony la
rejoindre d’une enjambée. Il sortit sa carte d’agent fédéral.
«Prend
ton temps pour récupérer des affaires. Je me charge du reste!» dit-il avec un
mouvement de tête vers les policiers.
Elle le remercia d’un sourire qu’il lui rendit.
Lundi,
22h27 p.m., Open Space du NCIS,
Cela
faisait près de deux heures que Gibbs avait décrété une réunion de crise. Tony
soupira et posa sa tête sur les lettres envoyées par leur harceleur à leur
directeur et à Ziva. Une heure qu’il lisait et relisait celles qui lui avaient
été confiées, et rien. Rien. De toute façon, si même Abby n’en avait rien tiré,
il n’y avait aucune raison qu’eux découvrent quoi que ce soit. Il avait même
tenté de chercher un éventuel code caché parmi les menaces, mais il avait du
rapidement se rendre à l’évidence : le contenu de ces missives ne cachaient
rien de plus que ce qu’elles affirmaient, à savoir que Jen et Ziva devaient se
tenir à distance de Gibbs. Et il ne voyait pas ce que les fixer pendant des
heures allait leur apporter de nouveau… Encore que… Il redressa la tête pour
regarder son patron. Il s’était toujours demandé si Gibbs n’aurait pas une
sorte de vision à rayon X lui permettant de percer les moindres petits secrets…
Gibbs leva
la tête pour observer ses agents. Il croisa le regard de Tony qui le fixait
avec curiosité. Celui-ci se remit aussitôt au travail avec un air coupable.
Gibbs porta ensuite son regard sur Ziva, qui avait un pansement sur l’arcade sourcilière,
seul témoin de l’accident qu’elle venait de subir, mais douloureux rappel pour
lui de ce qui menaçait –encore une fois!- son équipe. Il entendit Tony soupirer
discrètement. Ses agents avaient l’air extenué et tendu. Ils n’avaient plus dit
un mot depuis plus d’une heure, chacun enfermé dans ses propres pensés. Gibbs
regarda de nouveau les feuilles étalées devant lui, qui ne lui apprenait rien.
Il n’y avait aucun indice pour les orienter vers l’ombre d’un suspect. Il avait
beau retourner dans sa tête la liste des femmes susceptibles d’agir de cette
manière –et n’en déplaise à Jen, il n’y en avait quand même pas TANT que ça !- il n’en voyait aucune capable de
faire une chose pareille. Ils étaient dans l’impasse. Repoussant d’un geste
brusque les documents posés devant lui, Gibbs se leva soudain, faisant
sursauter ses trois agents.
«Rentrez
chez vous.» leur intima t-il.»
«Mais…»
protestèrent les trois agents dans un bel ensemble.
«Vous pensez être sur le point de
découvrir une information capitale?»
Silence.
«Très bien. Alors, rentrez
vous reposez! McGee, vous dormez chez Ziva. Ziva, vous ne protestez pas? »
anticipa-t-il en la voyant ouvrir la bouche.
Elle se tut, mais conserva un air boudeur. Gibbs
regarda ses agents s’éloigner et monter dans l’ascenseur. Il put entendre Tony
faisant une réflexion acerbe à McGee et celui-ci se défendre avec véhémence
sous le sourire moqueur de Ziva avant que les portes ne se referment. Il sourit
pour lui-même avant de se tourner de nouveau vers son bureau. Il ouvrit le
premier tiroir et y prit son arme qu’il rangea prestement dans l’étui se
trouvant à sa hanche droite. Il ramassa vite fait ses affaires et jeta un œil à
sa montre. 22h34. Il retint un soupir. Elle n’allait pas l’accueillir à bras
ouverts.
Lundi, 23h02, Extérieur chez Jen,
Il sortit
de sa voiture après avoir passé 5 bonnes minutes à fixer la maison de Jenny.
Aucune lumière ne filtrait de la maison, ce qui signifiait qu’il allait devoir
la réveiller. Ce qui n’allait pas arranger les choses. Il jeta rapidement un
regard aux alentours de la demeure mais ne remarqua rien de suspect. Le
quartier était désert. Il réfléchit encore quelques instants avant de prendre
son portable. Il fit défiler les numéros de sa liste d’appel jusqu’à celui de Jen
et il s’apprêtait à l’appeler lorsqu’une idée stupide le fit suspendre son
geste. Il se tourna de nouveau vers la fenêtre qu’il savait donner sur sa
chambre. Et si… Et si elle n’était pas seule ? L’image de l’ignominieux
avocat et de ses cheveux gominés qu’il avait croisé dans son bureau quelques
jours plus tôt s’imposa à son esprit. Après seulement quelques secondes de
réflexion, il décida que c’était finalement une raison supplémentaire et il
appuya sur la touche ‘dial’. Il y eut deux sonneries avant que la lumière ne
s’allume dans sa chambre, et encore deux avant qu’elle ne décroche.
«Jethro?
Il y a un problème?» demanda-t-elle d’une voix tendue.
«Je
suis en bas de chez toi.» expliqua-t-il en guise de réponse.
«Quoi?»
Elle se rendit à la fenêtre pour se rendre compte
par elle-même de la véracité de son affirmation. Il lui fit un grand sourire,
ce qui l’exaspéra.
«Qu’est
ce que tu fais là?»
«Ziva
a eu un accident, ce soir.»
Même de là où il était, il put la voir se raidir.
«Elle
va bien? Que s’est il passé? »
«Ses
freins ont été sectionnés… Elle va bien!» s’empressa-t-il d’ajouter en voyant
Jen pâlir encore davantage.
«Écoute,
on ne pourrait pas plutôt parler de tout ça à l’intérieur?»
Elle raccrocha et disparut dans les profondeurs de
chez elle. Pendant quelques minutes, rien ne bougea. Puis, la lumière du hall
s’alluma et la porte s’ouvrit sur Jenny. Il s’approcha mais elle ne le laissa
pas entrer immédiatement.
«Tu
ne m’as pas répondu, Jethro. Que fais-tu là? Et ne me dit pas que c’est à cause
de Ziva, tu aurais très bien pu me dire ce qui s’était passé par téléphone…»
«…
Et tu ne penses pas une seconde que je pourrais simplement avoir envie de te
voir?» ironisa-t-il.
Elle haussa les épaules et
commença à refermer la porte. Il l’en empêcha. Elle s’interrompit et l’observa.
Il avait retrouvé son air sérieux.
«Je
préfère ne pas te savoir seule cette nuit.» expliqua-t-il avec gravité.
«
La personne qui a envoyé ces lettres est toujours dans la nature et elle nous a
prouvé ce soir qu’elle ne plaisante pas quant à ses motivations.»
Elle
soupira et s’écarta pour le laisser passer. Avant de pénétrer chez elle, il
jeta un dernier regard inquiet vers la rue sombre. Mais ni lui, ni elle,
n’aperçurent la silhouette pâle qui se tenait dans le parc situé juste en face
de la maison et qui avait brusquement serré les poings en voyant Gibbs entrer
chez Jen.
Mardi, 08h07, Intérieur, NCIS,
Tony
grimpa les escaliers quatre à quatre, maudissant Ziva qui avait refermé les
portes de l’ascenseur sur lui, volontairement, avec un sourire narquois. Or, il
tenait à être le premier à annoncer à Gibbs ce qu’il avait découvert. Ziva
aussi. D’où cette course effrénée dans les escaliers. Il franchit les portes
battantes à l’instant même où Ziva, accompagné de McGee, quittait l’ascenseur.
Ils firent mine de marcher d’un pas égal sur quelques mètres puis se mirent
tous les deux à courir en même temps en direction du bureau de leur patron. Ils
s’interrompirent net lorsqu’ils réalisèrent que Gibbs n’était pas là. Ziva
fronça les sourcils tandis qu’une barre d’inquiétude plissait le front de Tony.
«Gibbs
a déjà été en retard ?»
Tony ne lui répondit pas. Il avait déjà sorti son
téléphone pour essayer de joindre son supérieur. Il s’interrompit en entendant
l’ascenseur tinter. Pour son plus grand soulagement, il vit Gibbs en sortir.
Accompagné de Jenny.
«Ah,
mais, tout s’explique...» murmura-t-il à l’oreille de McGee, taquin.
Ziva, profitant de la distraction de Tony, se précipita à la rencontre de Gibbs
qui s’approchait. Réagissant au quart de tour, le bel italien la suivit et vint
immédiatement se placer entre elle et Gibbs, forçant ce dernier à s’arrêter.
«Patron,
j’ai trouvé quelque chose!»
«Moi
aussi! Et j’étais là avant!» protesta Ziva.
«Moi
aussi, j’ai quelque chose, patron!» renchérit McGee, qui ne voulait pas être en
reste.
«Et
ce que vous avez découvert peut-il attendre que j’ai déposé mon manteau?»
Tony et Ziva s’écartèrent aussitôt du chemin de
Gibbs qui put continuer jusqu’à son bureau. Les deux agents le suivirent à peu
de distance.
«Tu
vois, Ziva, je t’avais dit que ça n’était pas la peine de se précipiter!»
Pour seule réponse, elle leva les yeux au ciel. Ils
redevinrent sérieux en voyant leur patron les observer.
«
Vas-y Tony, je t’écoute.»
Avec un regard triomphant à l’encontre de Ziva, qui
se retint à grand peine de lui tirer la langue, il commença à exposer ce qu’il
avait découvert d’intéressant en feuilletant l’agenda de leur victime.
«Colin
Woerth a beaucoup, beaucoup d’admiratrices… Mais il connaît aussi pas mal de
gens qui ne l’apprécie guère…»
«Des
tueurs potentiels?» l’interrompit Gibbs, qui sentait que, parti comme c’était,
Tony allait faire durer le suspens un peu trop longtemps à son goût.
«Oui.
Un!» répondit son agent d’une voix théâtrale, en ouvrant l’agenda à une page
cornée par lui.
«James
Dorset. Employé chez Woerth en tant que maître d’hôtel. Congédié brutalement il
y a 3 semaines. Si j’en crois ce que notre victime a écrit, cet homme aurait
proféré des menaces à son encontre après qu’il lui ait signifié son congé. Et
Woerth était clairement inquiet! » conclut-il, en refermant l’agenda d’un coup
sec, sous le nez de McGee qui sursauta.
«Bien.
Et je suppose que ce Dorset est déjà en route pour nos locaux, Tony?»
«Oui!»
assura Tony.
«Cueilli
aux aurores devant chez lui par 2 de nos agents.»
Gibbs se tourna vers Ziva qui comprit que c’était à
son tour de faire son rapport.
«J’ai
découvert que la secrétaire de Colin Woerth a été sa maîtresse et qu’elle a
particulièrement mal vécu leur rupture!» Elle tendit une note manuscrite à
Gibbs. Sur celle-ci, on pouvait lire : ‘Tu me le paieras, Colin, on ne m’abandonne
pas comme ça !’
La note
n’était pas signée, mais une autre main, sûrement celle de Woerth lui-même,
avait ajouté au crayon ‘voir Helen'. Le prénom de la jolie secrétaire. Tony se
tourna vers McGee.
«J’aurais du me douter qu’il y
avait un truc anormal chez cette fille. Elle s’intéressait à toi!»
«Tony!»
S’exclama Gibbs, courroucé. Il ne trouvait pas qu’il y avait matière à
plaisanter pour le moment.
«Ziva,
amenez-la-moi.»
«C’est
fait agent Gibbs, un agent est allé l’appréhender tout à l’heure.»
Enfin, Gibbs se tourna vers McGee.
«J’ai
retrouvé la patiente avec qui le capitaine Woerth a eu une liaison.»
Il afficha une image à l’écran depuis son
ordinateur. Une belle femme d’une trentaine d’année, souriante, apparut à
l’écran, en habit de la marine.
«Belinda
Shames. 31 ans, divorcée, ancien capitaine de Corvette, reconvertie en
secrétaire dans le civil… Son mari l’a accusé de tentative de meurtre durant le
divorce et elle a fait une tentative de suicide en mai dernier, ce qui
correspond à peu près à la date où Colin a rompu avec elle.»
«Très
bien. McGee, je veux que vous alliez l’interroger.»
Obéissant, celui-ci se dirigea aussitôt vers les
escaliers menant à l’étage supérieur.
«
Agent McGee?! Que faîtes vous?» l’interrogea Gibbs, stupéfait.
«Ce
que vous m’avez demandé, patron. Miss Shames travaille ici. Elle est secrétaire
au MTAC.» expliqua-t-il en continuant son ascension.
Tony fixa de nouveau la jolie blonde à l’écran. Ce
qui était étonnant, c’était qu’il ne l’ait jamais remarqué auparavant.
Mardi, 08h40 a.m., Salle d’interrogatoire du NCIS,
James
Dorset était un homme âgé d’une soixantaine d’années, au flegme typiquement
britannique.
«Si je peux me permettre, bien
que cela soit déplorable, je dois admettre que ça ne m’étonne qu’à moitié.»
«Donc,
vous vous attendiez à ce que le Capitaine Woerth soit assassiné.» triompha
Tony.
«Non,
je dis simplement que ça lui pendait au nez, étant donné la désinvolture avec
laquelle il traitait les femmes… Et surtout, sa femme ! Une vraie dame, pas
comme toutes les pimprenelles qu’il ramassait dans Dieu sait quel ruisseau !
Oui, elle a été sacrément bien élevée. C’était un plaisir de travailler pour
elle.»
Tony se retint de demander à l’homme si, par
hasard, il n’aurait pas un lien de parenté avec Ducky. Depuis le début de leur
entretien, il avait en permanence le sentiment de parler au vieux médecin légiste
devant les digressions permanentes de son interlocuteur.
«Donc,
vous ne portiez pas vraiment Mr. Woerth dans votre cœur, n’est ce pas ?» fit
remarquer Tony, pour ramener la conversation sur le sujet qui les intéressait.
«Non,
pas vraiment, en effet. Nous n’avions pas la même idée de comment il convient
de se comporter en règle générale dans la vie. »
«Je
vois. Vous désapprouviez la conduite de Woerth et vous le lui avez fait
comprendre. C’est la cause de votre renvoi?» demanda Tony.
Dorset rougit légèrement. Visiblement, il n’avait
pas encore digéré d’avoir été congédié. Tony avait touché le point sensible.
«Non…
J’ai été renvoyé pour avoir fait ce qui
me semblait juste vis-à-vis de Meg.»
«Meg?»
«Margaret.
La femme de Colin.»
«C'est-à-dire?»
«C’est moi qui ait révélé à
Meg les multiples aventures de son mari. Je pensais qu’il fallait qu’elle
sache ! Dieu sait quelle maladie il aurait pu lui transmettre. Et puis,
elle avait le droit de voir qui était son mari. De voir qu’il n’était certainement
pas le Dieu qu’elle pensait qu’il était…»
«Comment
l’a-t-elle pris?»
«Oh…
Elle, très bien. J’ai compris qu’en fait, elle savait déjà depuis longtemps. En
revanche, Colin l’a très mal pris quand je lui ai dit que sa femme était au
courant pour ses aventures. Il m’a accusé de lui raconter des mensonges…»
L’homme rougit de nouveau.
«Je
n’ai jamais menti de ma vie, agent DiNozzo, vous m’entendez….Mais, je me
souviens que ce soir-là, Colin était particulièrement de mauvaise humeur. Une
de ces gourgandines l’avait suivi jusque chez lui et ça l’avait mis hors de
lui. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit, elle est restée peu de temps, mais
ensuite, il semblait très perturbé…»
«Vous
savez ce qu’ils se sont dit?»
James Dorset lança un regard très digne à Tony.
«Bien
sûr que non. Est-ce que vous trouvez que j’ai une tête à écouter aux portes,
agent DiNozzo?» s’indigna-t-il.
«Pourriez-vous
reconnaître cette femme malgré tout?»
«Sans
aucun problème. C’était Mlle Adams. Sa propre secrétaire, vous vous rendez seulement
compte ? Elle n’a même pas vingt-cinq ans!»
Tony avait bondi en entendant l’info.
«Vous
êtes surs?»
«Et
bien, oui, agent DiNozzo, je ne suis plus tout jeune, mais j’ai encore une très
bonne vue, je vous remercie!»
«Une
dernière chose : où étiez vous hier matin, aux alentours de 7h?»
«Oh,
ça sera facile pour vous de vérifier : j’étais dans un vol en provenance de
Londres où je venais de passer une semaine.»
Mardi, 08h57, a.m., Salle de
conférence du NCIS,
Maudissant
Tony qui avait réussi à investir la salle d’interrogatoire le premier, Ziva
s’assit en face de la jeune femme tendue qui l’attendait dans la grande pièce
vide et posa un dossier devant elle.
«Mlle
Adams…» commença-t-elle en la fixant droit dans les yeux.
Comme elle l’avait prévu, la jeune femme baissa les
yeux.
«Je
pourrais savoir ce que je fais ici ?»
Ziva ne répondit pas tout de suite. Enfin, elle
sortit un papier blanc du dossier, le poussa vers sa suspecte et posa un crayon
dessus.
«Je
veux que vous écriviez la première chose qui vous passe par la tête sur ce
papier.» lui ordonna Ziva.
«C’est
un test psychologique ou quoi?»
Pas plus que la première fois, Ziva ne daigna
répondre à sa question. La jeune femme s’exécuta. Ziva récupéra le papier pour le donner à
Ducky qui attendait derrière la porte.
«Merci,
je vais comparer ça tout de suite au mot que l’on a déjà.»
Ziva retourna dans la pièce et se rassit à la même
place toujours sans un mot.
«Est-ce
que vous allez me dire ce qu’il se passe oui ou non?» protesta la jeune
secrétaire.
Ziva ne répondit toujours pas mais ouvrit le
dossier.
«Vous
n’avez pas tout dit à mes collègues, Mlle Adams… Ce n’est pas très malin…»
La jeune femme resta coite un instant.
«Mais
j’ai dit tout ce que je savais, je vous assure.»
Ziva retint un soupir. Pourquoi ce genre de filles jouait-elle toujours les
saintes nitouches?
«Ah
oui? Pourquoi avoir caché votre liaison avec M Woerth, dans ce cas?»
«Ma…?»
Elle semblait tombée des nues.
«Mais
je n’ai jamais eu de liaison avec Colin Woerth!»
«Inutile de nier! Nous avons
ici…»
Elle fut interrompue par un coup sec frappé à la
porte. C’était Tony qui lui murmura quelque chose. Elle acquiesça avant de
retourner à son interrogatoire, un sourire aux lèvres.
«Connaissez-vous
M Dorset?» reprit la jeune Israélienne.
«Non,
ça ne me dit rien du tout.»
«Hé
bien, lui, il vous connaît. Il vous a vu chez M Woerth à l’époque où il était
encore son maître d’hôtel….Et le capitaine ne semblait pas ravi de votre petite
visite chez lui…»
«Oh,
James, ce vieil hibou… Mais il n’a rien compris du tout ! J’étais chez Colin
pour des raisons professionnelles… »
Ziva eut une moue dubitative et tendit une
photocopie des menaces trouvées dans les papiers de Colin Woerth. Elle vit la
jeune femme pâlir. Décidément, ils étaient sur la bonne voie…
«Vous
reconnaissez ceci, je suppose?»
«Non…»
« Il y a pourtant votre nom
dessus!» ironisa Ziva.
«Oui,
mais ce n’est pas ce que vous croyez! »
«Ah
non? » soupira Ziva.
Toujours la même excuse lamentable.
«Expliquez-moi
alors?»
«Colin…
Je veux dire, M Woerth… Il était harcelé par une femme. J’ignore laquelle. Mais
dans les semaines qui ont précédé sa mort, il a reçu plusieurs lettres de cet
acabit, de plus en plus violentes. Il m’a confié les lettres parce qu’il savait
que mon oncle est détective privé. Il lui a demandé de chercher le coupable. Il
ne voulait pas mêler la police à ça à cause de la réputation de la clinique, et
de sa femme. Je lui servais d’intermédiaire avec mon oncle. Le soir où le vieux
majordome m’a vue, c’est après
l’inconnue que Colin en avait. Son bureau avait été saccagé et je venais de le
lui apprendre. Je l’ai conjuré de prévenir la police mais il a refusé de
m’écouter…»
«Pourquoi
ne pas l’avoir fait vous-même?»
«Parce
que je tenais à ma place!»
«Et
pourquoi ne pas nous en avoir parlé tout de suite?»
La jeune femme rougit.
«Parce
que… Parce que j’ai eu peur d’avoir des ennuis voilà!» avoua-t-elle.
«Mais
j’avais changé d’avis. Quand votre agent est venu… me demander de le suivre au
NCIS, j’avais déjà pris la décision de venir. J’étais sur le point de
téléphoner à Timothy…»
Elle rougit davantage.
«Je
voulais lui donner les copies des lettres reçues par Colin.»
Elle
sortit de son sac une liasse de feuilles sous le regard méfiant de Ziva et la
lui tendit.
«Voilà,
il n’y a pas tout, mais une bonne partie quand même.»
Ziva feuilleta quelques instants les documents et
son visage s’assombrit petit à petit.
Mardi, 08h45, a.m., salle de conférence du MTAC,
McGee
avait perdu dix minutes à convaincre un vieux dragon qui s’était auto proclamée
secrétaire-en-chef du MTAC que c’était avec Belinda Shames, et uniquement avec
elle qu’il souhaitait s’entretenir, et que cela n’avait rien à voir avec son
emploi au sein du NCIS. Quand enfin elle avait accepté de le laisser parler à
Miss Shames, il lui avait encore fallu cinq minutes de plus pour lui faire
comprendre qu’il s’agissait d’un entretien privé. Quand enfin il la vit
s’éloigner avec son air guindé, il ne put retenir un soupir de soulagement qui
tira un sourire à sa suspecte.
«
Vous imaginez ce que ça peut être de l’avoir en permanence sur le dos?»
McGee lui sourit en retour.
«Je
suppose que vous vous demandez pourquoi j’ai demandé à vous parler? »
«Oui.
J’espère que ce n’est rien de grave? » demanda-t-elle, une expression inquiète
s’affichant sur son visage.
«Mademoiselle,
est-ce que vous connaissiez le Capitaine Colin Woerth?»
L’expression faciale de Belinda Shames se durcit
imperceptiblement.
«Oh,
oui.» répondit-t-elle sèchement.
«Nous
avons eu une liaison… Mais c’est terminé maintenant. En quoi cela regarde-t-il
le NCIS? »
«
Le Capitaine Woerth a été assassiné hier matin. »
Belinda Shames resta un instant silencieuse puis
éclata en sanglots. Pris de court, McGee s’en trouva décontenancé.
«
Heu… Pourquoi… Pourquoi Colin a-t-il mis un terme à votre relation? »
«Oooooh…»
sanglota-t-elle.
«Il
a utilisé tout un tas de bonnes raisons… Il ne pouvait pas quitter sa femme
enceinte, il ne pouvait pas sortir avec une de ses patientes, il n’était pas
l’homme qu’il me fallait….Choisissez l’option que vous préférez, agent McGee!
Et deux jours après, je l’ai croisé avec une autre… Il n’a même pas eu le tact
de paraître désolé ou gêné le moins du monde! Ça l’a simplement fait
rire!»
Elle aussi eut un rire aux accents hystériques au
milieu de ses sanglots. Puis elle sembla reprendre contenance.
«Désolée
de vous imposer ce spectacle pitoyable.» murmura-t-elle après s’être tamponné
les yeux avec un mouchoir. « Il faut croire que je ne choisis jamais la bonne
personne.»
Elle
réussit à sourire.
«
Mais c’est fini, n’est ce pas? »
Soulagé qu’elle ait cessé de pleurer, McGee lui
rendit une nouvelle fois son sourire et
osa lui demander :
«Quand
avez-vous vu Colin Woerth pour la dernière fois? »
«
Je ne sais plus. Je l’ai revu quelques fois pour des questions professionnelles
mais c’était trop dur. Il a fini par me confier à un autre chirurgien. »
Elle avait un ton amer.
«Et
hier matin? »
«
Qu’est ce que vous insinuez? Non, je n’ai pas vu Colin hier. Je suis arrivée en
avance, vers 8h, ce jour-là. Mme Cobb pourra vous le dire, c’est elle que vous
avez vu tout à l’heure. Et puis, je suis passée à autre chose, maintenant, vous
savez. »
Elle eut de nouveau un sourire.
«
Je sais que c’est la bonne personne cette fois-ci. Autre chose, agent McGee ?
Parce que j’ai une tonne de travail qui m’attend…»
«Non,
c’est tout pour le moment. Nous allons vérifier votre alibi… Et restez à la
disposition du NCIS…»
Elle eut un léger rire.
«Où
voulez vous que j’aille d’autre? » rétorqua-t-elle gaiement.
«Je
ne compte pas bouger…»
Elle fut interrompue par l’ouverture brusque de la
porte du MTAC. Gibbs entra, accompagné de Jen avec laquelle il était plongé
dans une conversation dont le sujet semblait clairement le contrarier.
«McGee!
Réunion de crise, en bas, tout de suite! » aboya-t-il dès qu’il eut aperçut son
agent.
«Oui,
patron! » acquiesça aussitôt McGee.
Mais Gibbs avait déjà reporté son attention vers
Jenny qu’il laissa passer devant lui avant de sortir à son tour de la pièce.
McGee prit aussitôt congé de Belinda qui avait
suivi la courte scène avec intérêt.
«
Je vais vous laisser retourner à votre travail. Si il y avait quoique ce soit,
vous seriez joignable? »
«A
mon poste de travail, oui…Dépêchez vous, vous ne devriez pas faire attendre
l’agent Gibbs! Vous avez de la chance de travailler avec lui, vous savez. »
ajouta-t-elle.
Ne sachant que répondre, McGee se contenta d’un
signe de tête affirmatif avant de se dépêcher d’obéir à l’ordre de son patron.
Mardi, 09h22, a.m., Open
Space du NCIS,
Ziva attendit
que McGee les rejoigne avant de débuter ses explications.
« Trois semaines avant
sa mort, Colin Woerth a commencé à recevoir des menaces provenant d’une
personne non identifiée, très probablement une de ses anciennes maîtresses.»
Elle fit passer à Tony et McGee quelques unes des missives qu’elle
tenait encore dans les mains.
«Ça vous rappelle
quelque chose? »
Les deux agents restèrent quelques instants silencieux, observant à
leur tour les lettres d’un air attentif. Parmi les différents mots que Tony
étudiait se trouvait une photo, sur laquelle il reconnut la femme de Colin
Woerth, Amy. Et son visage était entouré d’une cible rouge… Comme sur les
menaces reçues par Ziva et Jenny…. A sa gauche, McGee semblait avoir suivi le
même raisonnement que lui parce qu’il s’exclama soudain :
« On dirait… On dirait
le même genre de menaces reçues par… Ziva et… »
Son regard croisa celui de Jen et il ne finit pas sa phrase.
«Le style semble
identique, en tout cas…»
Tony approuva silencieusement.
«C’est ce que Ducky
est en train de chercher à démontrer, en effet.» dit Ziva, en récupérant les lettres pour les
fixer de nouveau, comme si elles allaient lui apporter le nom du coupable.
« On a des pistes? »
s’enquit Tony.
Il y eut un silence durant lequel Gibbs échangea un regard avec Ziva.
Finalement, celle-ci détourna le regard avec défi et répondit :
« Le seul lien pour le
moment entre Colin et le NCIS, c’est Mary-Jane.»
Tony comprit au regard que Gibbs adressait maintenant à Ziva que
celui-ci ne croyait toujours pas à la culpabilité de la jeune sœur d’Abby.
L’ouverture des portes de l’ascenseur brisa le silence qui devenait pesant.
Ducky en sortit, lui aussi avec des papiers plein les mains. Il sembla surprit
de tomber sur la team au grand complet, tous arborant des mines sombres.
«Ce n’est pas le bon
moment, peut-être? »
«Au contraire, Duck,
c’est le moment idéal! Qu’est ce que tu as trouvé? » demanda Gibbs.
«Rien de très bon, je
le crains, Jethro… Tout d’abord, la femme qui a écrit ça n’est pas Helen Adams.
» expliqua-t-il en montrant rapidement les différences flagrantes entre les
deux écritures.
«Ensuite, je crains
que nous ne soyons en présence d’une meurtrière très déterminée…»
«Tu es sûr qu’il
s’agit d’une femme, Duck? »
Le vieux médecin eut une légère moue.
«Sûr, non. Disons,
affirmatif à 99%. La maladie dont je soupçonne cette femme d’être atteinte
touche très peu les hommes…»
«Maladie? »
«Oui. L’érotomanie.
Une maladie du groupe des psychoses délirantes qui se construit autour de la conviction délirante
que l'on est aimé par une personne. Et cet amour va prendre une place
considérable jusqu’à n’être plus que l’unique raison de vivre de la malade.»
«Mais…»
Tony jeta un coup d’œil discret vers Gibbs.
«Tu veux dire… Comme…
Une ancienne petite amie? »
Gibbs fronça les sourcils, mais Ducky intervint avant qu’il ne
rétorque.
«Non, pas forcément.
Au contraire, même. L’homme qui devient objet du délire érotomane, qui occupe
souvent une certaine position sociale, tel un médecin, par exemple, est le plus
souvent tout à fait inconscient de l’amour qui lui est porté. En effet,
l'érotomane se persuade que l'autre l'aime en secret; sans oser ou pouvoir se
déclarer, elle croit qu’il doit cacher son amour. Pendant cette phase,
l'érotomane cherche à entrer en contact avec lui, persuadée que c'est lui qui
le souhaite. Elle peut lui téléphoner, lui envoyer des mails, le suivre jusque
chez lui… Elle peut attendre des heures pour le croiser une minute… Et tout ça,
toujours sans que l'objet de cet amour délirant ne s'en doute! »
«Oui, c’est vraiment
pathétique. » commenta Ziva, pour couper court au cours de Ducky.
«Mais je ne vois pas
en quoi ça explique les menaces, surtout envers moi ou Jenny! Il est clair que
nous n’avons pas le profil «d’objet d’amour délirant»»
«Non. Vous avez le
profil d’obstacle.»
«…? »
«C’est Jethro, l’objet
de cet amour délirant.» continua Ducky.
Malgré tout le sérieux du moment, Tony eut toutes les peines du monde à
retenir un sourire à ces mots. Mais la tête de son patron fut suffisante pour
le convaincre de conserver un air grave de circonstance.
«Et toi et Mme le
Directeur n’êtes que des obstacles, une des raisons qui, aux yeux de notre
malade, empêche Jethro de dévoiler son amour pour elle….Elle peut alors entrer
dans une phase dite ‘‘de rancune’’ où elle va s'attaquer à la personne qu’elle
adorait, pour peu qu’il l’ait repoussé, ou à son entourage proche, femme, amie,
collègue… C’est sûrement parce qu’il l’a repoussé qu’elle a tué Colin. C’est
elle encore qui a du sectionner les freins de la voiture de Ziva… Nul ne peut
dire jusqu’où elle pourrait encore aller… Il n'y a plus aucun sens critique,
elle s’est sûrement persuadée de la véracité de son amour… Et elle ira jusqu’au
bout, pour lui…» conclut Ducky.
Un nouveau silence pesant s’installa.
«Mary-Jane a déjà
travaillé dans un garage. » insista Ziva.
«Elle avait les
capacités de s’en prendre à ma voiture. Et si Colin l’avait repoussé... Enfin,
elle ne le connaissait que depuis trois semaines, et elle pensait qu’ils
allaient s’installer ensemble! » s’enflamma-t-elle.
«Mais comment
aurait-elle eu accès au bureau de la Directrice? Ça n’est pas si facile que
ça… Quelqu’un l’aurait vu, non? » rétorqua Tony, décidé à rester objectif, bien
que lui aussi commençait à trouver que beaucoup de preuves s’accumulaient
contre Mary-Jane.
«Ducky vient juste de
nous dire qu’elle devait surveiller Gibbs, le suivre sans que qui que ce soit
ne remarque rien… Et Cynthia a dit que ça n’avait pas pu prendre plus de cinq
minutes pour déposer le mot et le couteau sur le bureau… Et d’ailleurs, elle ou
pas, personne n’a vu qui que ce soit, or, quelqu’un a bel et bien réussi à
pénétrer dans ce bureau!» riposta-t-elle.
«Enfin, elle a un
mobile et pas d’alibi! SI elle n’était pas la sœur d’Abby, ça ferait longtemps
qu’elle serait en salle d’interrogatoire! »
Gibbs se leva brutalement, ce qui eut pour effet de faire aussitôt
taire Ziva, qui avait conscience d’être allée un peu loin mais qui maintint la
tête haute face à son patron.
«Allez chercher
Mary-Jane et emmenez la en salle d’interrogatoire.» Ziva se prépara à obéir
quand la voix de Gibbs la retint encore un instant.
«Et ne remettez plus
jamais mon intégrité en doute, agent David, est ce bien clair?»
«Oui, agent Gibbs. »
murmura Ziva en baissant les yeux, cette fois.
Quatre heures plus tard, ils en étaient toujours au même point.
Mary-Jane n’avait rien avoué du tout, Gibbs refusait de venir l’interroger, se
contentant d’observer Ziva et Tony essayer tour à tour l’intimidation et la
douceur. Ils se rendirent compte très vite que Mary-Jane n’avait pas que le
physique en commun avec sa sœur. Elle était tout aussi impossible à canaliser.
Tony finit par renoncer à son tour et il regagna la petite pièce
derrière la glace sans tain, où se trouvait le reste de l’équipe. En désespoir
de cause, McGee venait de proposer de la faire évaluer par l’un des psychiatres
du NCIS pour déterminer si oui ou non, elle souffrait de délire de type paranoïaque.
Le psychiatre joint avait promis de passer le plus vite possible et c’était
présentement lui qu’ils attendaient. Tony allait demander l’autorisation de
sortir se chercher de quoi manger, lorsqu’un jeune agent frappa, entra dans la
pièce et vint murmurer un mot à Gibbs qui le suivit aussitôt, laissant ses
agents perplexes quelques secondes.
Jen quitta
le NCIS pour sortir déjeuner au congrès, comme tous les mardis midis. Son
chauffeur l’attendait déjà devant la porte du bâtiment. Elle avait à peine fait
quelques pas dehors lorsqu’elle fut rattrapée par Gibbs, visiblement mécontent.
«Où
vas-tu? »
«Déjeuner.»
«Seule?»
«Je ne vois pas en quoi ça te
concerne, mais non, en compagnie de centaines de députés et sénateurs.»
«Je veux que deux
agents t’accompagnent en permanence à partir de maintenant.»
«Le congrès est encore plus surveillé que Fort Knox, Jethro! Tu crains vraiment qu’il m’arrive quoi que ce soit pendant que je serais là-bas?» ironisa-t-elle.
Mais il n’était pas du tout d’humeur à discuter.
«Tu
vas emmener deux agents avec toi, point final.»
Elle s’apprêtait à répliquer vertement quand deux coups de feu retentirent brusquement dans le silence de la cour du NCIS, déchirant l’air de leurs déflagrations meurtrières.
Lorsque
les détonations avaient retenti, le premier réflexe, immédiat, de Gibbs avait
été de mettre Jen à l’abri en la poussant derrière la voiture de fonction sans
ménagement avant de sortir son arme et de se précipiter vers l’origine des
tirs. Il eut le temps de voir passer une rutilante mercedes grise, fenêtre côté
passager ouverte, s’enfuyant sur les chapeaux de roues. Bien que les traits du
conducteur et unique occupant de la voiture soit impossible à distinguer clairement
à la distance où il se trouvait, il put quand même noter quelques détails.
L’agresseur était une femme, de race blanche. La voiture s’éloignait trop vite pour qu’il puisse tenter quoique ce
soit sans prendre un risque pour les badauds qui commençaient déjà à affluer
devant le vacarme provoqué par les coups de feu. Arrivée au carrefour situé
100m plus loin, la voiture ralentit quelques secondes, suffisamment longtemps
pour que la conductrice ait le temps de jeter un objet lourd par la fenêtre qui
rebondit sur le trottoir dans un bruit métallique. Puis, le véhicule accéléra
de nouveau et disparut dans un crissement de pneus assourdissant. Gibbs
s’apprêtait à ranger son arme pour aller récupérer dans les plus brefs délais
ce que leur agresseur avait balancé hors de l’habitacle lorsque des bruits de
pas précipités, derrière lui, le firent se retourner brusquement, en alerte.
Les trois agents avaient regardé
leur patron quitter la pièce sans un mot. Passablement inquiet –et, même s’il
ne l’avouerait jamais, curieux- Tony avait décidé au bout de quelques secondes
de suivre Gibbs. Tant pis pour les possibles représailles.
«Ziva, McGee, restez ici et
surveillez Mary-Jane! Je vais voir ce qu’il se passe!» leur intima-t-il.
«Tony… Je ne pense pas que ça
soit une très bonne idée de se mêler de ce que Gibbs…»
commença
McGee.
Mais il n’eut pas le loisir de
pouvoir terminer sa phrase, parce que Tony avait déjà filé par la porte resté
ouverte. Le jeune agent soupira et voulut échanger un regard exaspéré avec
Ziva. Mais celle-ci ne lui prêtait pas attention, fixant la porte par laquelle
Tony venait de disparaître. Elle n’allait quand même pas le laisser être au
cœur de l’action –quelle qu’elle soit- ou bien obtenir des infos qu’elle
n’aurait pas, ce qui le rendrait encore plus insupportable, si c’était
possible. Tant pis si Gibbs n’était pas content, si tant est que ça lui
arrivait d’être vraiment content.
«McGee, reste ici et surveille
Mary-Jane… Je vais avec Tony!»
Sidéré, McGee la regarda quitter la
pièce à son tour avant de pousser un second soupir bruyant. Il se tourna de
nouveau vers la vitre derrière laquelle Mary-Jane n’avait pratiquement pas
bougé, bien décidé, lui, à faire ce que leur patron attendait d’eux. Et tant
pis pour Tony et Ziva s’ils subissaient les foudres de Gibbs, ça serait bien
fait pour eux.Ziva avait rattrapé Tony à mi-chemin des escaliers.
«Qu’est ce que tu fais là?» avait-il
demandé, mécontent.
«Comme toi.» avait-elle rétorqué,
sur le même ton.
«Je ne t’ai pas demandé de venir! Je
t’ai demandé de surveiller Mary-Jane!»
«McGee fera ça très bien.»
Dieu,
que Ziva pouvait être agaçante, songea Tony.
«Tu sais où est allé Gibbs?»
«Pas loin, je suppose.»
«Donc, tu ne sais pas.»
ironisa-t-elle.
«Toi non plus!» riposta-t-il.
«Et quand tu l’auras retrouvé,
comment tu comptes lui expliquer que tu n’es pas en bas à surveiller Mary-Jane,
Tony?»
«Et toi?»
Elle était sur le point de lui
répondre qu’elle comptait expliquer que l’idée venait de lui quand les bruits
de tirs, provenant de toute évidence de la rue, les interrompirent brutalement.
Ils se jetèrent un regard soucieux qui en disait long sur le fond de leur
pensée que Ziva exprima tout haut dans un murmure:
«On dirait qu’on sait où est Gibbs,
maintenant.»
Dans
un bel ensemble, ils se précipitèrent, sortant leurs armes tout en finissant de
grimper l’escalier quatre à quatre. Ils franchirent la porte du NCIS et
gagnèrent la cour, le cœur battant. Ils aperçurent Gibbs à quelques dizaines de
mètres plus loin, leur tournant le dos. Soulagés de le voir sain et sauf, ils
coururent tout deux à sa rencontre.
Gibbs se retourna brutalement à leur approche, visiblement inquiet. Il se
détendit néanmoins lorsqu’il eut reconnu ses agents.
«Qu’est ce qu’il s’est passé?»
demanda Ziva d’un ton anxieux.
«On a entendu des tirs…» ajouta
Tony. Puis, remarquant du sang sur la chemise blanche de Gibbs, il s’alarma,
désignant les fines gouttelettes rouges qui maculaient une partie du vêtement.
«Tu es blessé!?»
Gibbs
fronça les sourcils en baissant les yeux sur sa chemise. Effectivement,
d’inexpliquées petites taches de sang la parsemaient. Mais il n’avait pas été
touché… Alors? ‘Jen!’ Il ne mit que quelques secondes à rejoindre la voiture de
fonction, Tony et Ziva sur ses talons.
Jen était étendue sur le sol,
apparemment inconsciente, couverte de sang. Son chauffeur personnel, blanc
comme un linge, était penché au dessus d’elle.
«Je… J’ai appelé les secours… Ils
devraient arriver… Mais… Madame le Directeur a perdu connaissance…»
Il
semblait totalement désemparé. Sans ménagement, Gibbs l’écarta pour se pencher
à son tour vers Jenny. Elle n’avait visiblement été touché qu’une seule fois, à
l’épaule gauche. Pas de risque qu’un organe vital soit touché gravement. Le
problème, c’est qu’elle perdait beaucoup trop de sang… Il commença à comprimer
la blessure. Au loin, les sirènes de l’ambulance retentirent.
Mardi,
14h45, Open Space du NCIS,
Gibbs marchait de long en large
entre les bureaux, l’air ombrageux. Ses agents travaillaient autour de lui dans
un silence de mort, aucun d’entre eux n’osant faire le moindre bruit étant
donné l’humeur de leur patron. D’ailleurs, tout le NCIS était étrangement
silencieux, la nouvelle de ce qui était arrivé à la Directrice s’étant répandue
comme une traînée de poudre parmi l’ensemble du personnel. Mais personne ne
connaissait exactement la gravité du pronostic –bien que l’ambulancier se soit
montré rassurant- et l’hôpital n’avait toujours pas rappelé.
En attendant, la team se concentrait
sur un objectif très simple : retrouver le coupable. Du moins, c’était simple
en théorie. Parce qu’en pratique… La seule certitude qu’ils avaient à ce point
de l’enquête, c’était que Mary-Jane était désormais innocentée puisqu’elle se
trouvait toujours dans la salle d’interrogatoire sous la surveillance de McGee
au moment des faits. Depuis qu’ils avaient fait ce constat, ils en étaient
toujours au même point.
Tony avait bien demandé si Gibbs connaissait qui que ce soit d’autre qui aurait
pu avoir ce type de comportement, mais le regard qu’il reçut en retour
signifiait si clairement qu’il existait une chance non négligeable qu’il
finisse allongé sur une des tables de Ducky pour peu qu’il insiste encore sur
ce point, qu’il préféra renoncer. D’autant plus que Ducky, venu aux nouvelles,
leur rappela que ça pouvait être à peu près n’importe qui, de la factrice à
l’employée des téléphones que Jethro avait interrogé le mois précédent. Ce qui
ne fit rien pour améliorer l’humeur de Gibbs. C’était donc à peu près depuis ce
moment là que Gibbs faisait les cent pas et que tout le monde s’efforçait de ne
pas se faire remarquer. C’est pourquoi, lorsque le téléphone de McGee avait
retenti de sa sonnerie stridente, tout le monde avait sursauté, en particulier
McGee lui-même, qui après avoir manqué de tomber de sa chaise, s’était jeté sur
son téléphone avec un regard d’excuse.
«Agent McGee, bureau du NCIS.»
«…»
«Ah, Monsieur Shames, merci de nous
avoir rappelé aussi vite. C’est à propos de votre ex-femme, Belinda. »
McGee
l’interrogea quelques minutes sur les antécédents de sa femme, en particulier
sur la tentative de meurtre qu’il l’accusait d’avoir commis à son encontre.
Quand il raccrocha, il semblait soucieux.
«M. Shames m’a expliqué que son
ex-femme a toujours eu un côté hyper possessif, c’est ce qui a selon lui
précipité la fin de leur mariage. Le jour où il a demandé le divorce, elle a
essayé de lui rouler dessus…»
Tony
émit un sifflement.
«C’est une des raisons pour laquelle
je ne me marierai jamais!» s’exclama-t-il.
«Mais ça ne nous avance pas
vraiment, ça, si?» intervint Ziva.
«On le savait déjà, qu’elle s’en
était pris à son mari non? Beaucoup de femmes attaquent leurs ex-maris, ce ne
sont pas toutes des psychopathes en puissance!»
Gibbs
ne dit rien, mais le regard qu’il lançait à McGee indiquait clairement qu’il
était plutôt d’accord avec Ziva. Tony avait observé l'approbation tacite de
Gibbs et songea que celui-ci approuvait en connaissance de cause, mais il
estima préférable de ne pas exprimer son point de vue à voix haute.
«Après ça,» reprit McGee,
«elle a reçu un suivi psychiatrique
obligatoire par décision de justice. Monsieur Shames m’a donné le nom du
psychiatre qui s’est occupé d’elle, ça ne coûte rien de lui téléphoner…»
Il
quêta l’assentiment de son patron.
«Hé bien, allez y, McGee!» s’exclama celui-ci, agacé.
McGee
était en train de gravir quatre à quatre les marches de l’escalier menant au
MTAC. Le psychiatre qu’il avait eu en ligne lui avait décrit Belinda Shames
comme une personnalité dite ‘borderline’. Autrement dit, le type de
personnalité à la frontière, pouvant basculer dans le trouble psychiatrique, ou
pas. McGee n’y avait pas compris grand-chose, en dehors du fait qu’un choc
affectif ou émotionnel –une rupture, par exemple- aurait pu provoquer chez elle
une décompensation de la maladie sous-sous-jacente. Autrement dit, elle pouvait
avoir développé un syndrome érotomaniaque, tout à fait compatible avec son
profil psychiatrique.
«Et alors?! Qu’est ce que vous
attendez pour l’amener en salle d’interrogatoire, agent McGee?!» avait crié
Gibbs après que son agent ait rapporté la conversation qu’il venait d’avoir
avec le psychiatre.
C’est
pourquoi il se trouvait présentement à courir dans les escaliers, espérant de
toutes ses forces que Belinda Shames soit toujours à son bureau. Sinon… Il
préférait ne pas y penser pour le moment.
«Mme Cobin!» s’exclama-t-il en
entrant dans le MTAC, reconnaissant l’acariâtre vieille secrétaire.
«Qu’y a-t-il encore, agent McGee?»
soupira-t-elle, visiblement peu ravie de le revoir.
«Il faut que je voie Miss Shames,
tout de suite, s’il vous plaît…»
«Encore!» s’écria-t-elle.
«Et bien, je suis désolée de devoir
vous décevoir, agent McGee, mais elle n’est pas là!»
«Où est-elle? Quand est elle
partie?» la questionna McGee.
«Elle ne se sentait pas bien du
tout, elle a du partir vers midi. Je suppose qu’elle est rentrée chez elle,
agent McGee, mais je n’ai pas été vérifié…Et pourquoi vous intéressez vous tant
à elle? Elle a fait quelque chose de mal? Je l’ai toujours trouvé suspecte,
depuis le premier jour. D’ailleurs…»
Elle
était sur le point de se lancer dans un grand discours sur les mœurs des jeunes
actuels quand McGee l’interrompit.
«Je vous remercie, Mme Cobin.
Surtout prévenez moi si Miss Shames repassait!» requit-il en s’éloignant sans
lui laisser le temps de terminer.
Elle le regarda s’éloigner, l’air indignée. Les jeunes étaient vraiment tous les mêmes.
McGee avait redescendu les escaliers
bien moins vite qu’ils ne les avaient montés. La perspective d’affronter son
irascible patron y était sûrement pour quelque chose.
Il s’approcha du bureau de Gibbs avec une tête contrite qui reflétait
clairement qu’il aurait souhaité se trouver n’importe où ailleurs, plutôt que
devant ce bureau. Au milieu d’une arène pleine de fauves, par exemple.
«Patron?» murmura McGee.
Gibbs
leva les yeux vers lui.
«Je… Je crois qu’on a un problème…
Heu… Belinda Shames n’est pas à son bureau.»
Au vu de l’expression de Gibbs, on sentait qu’il valait mieux pour McGee que ça
ne soit pas la fin de la phrase.
«Heu… Elle n’est plus au NCIS, elle
est partie vers midi et personne ne l’a revu depuis.»
Gibbs se contenta de fixer McGee sans dire un mot. Celui-ci, qui s’était
attendu à une explosion de colère, trouvait finalement bien pire de subir ce
regard glacial qui semblait ne rien exprimer. Enfin, après quelques secondes
qui lui parurent interminables, Gibbs détourna son regard de lui.
«Tony!» aboya-t-il.
«Oui, patron.» réagit aussitôt ce
dernier.
«Je cherche tout de suite quel type
de véhicule elle conduit!»
«Ziva!»
Ziva décrocha le téléphone.
«J’essaye de la joindre chez elle ou
sur son portable!» répondit-elle en ouvrant devant elle le dossier personnel
que McGee avait consulté quelques heures plus tôt.
Gibbs se leva brusquement, faisant sursauter
McGee qui fit un pas en arrière. Il ferma les yeux, anticipant son châtiment. Quand il les
rouvrit, Gibbs avait disparu et Tony l’observait en coin, d’un air goguenard.
Bien décidé à rattraper l’erreur qu’il avait commise en laissant disparaître un
suspect dans la nature –suspect qui avait peut-être assassiné le directeur du
NCIS, réalisa-t-il soudain avec horreur-, McGee ouvrit à son tour le dossier de
Belinda, bien décidé à aider à la retrouver le plus vite possible. Ou à donner
sa démission.
Gibbs revint avec un café quelques
minutes plus tard, fixant son téléphone d’un air soucieux. Tony se leva
aussitôt qu’il aperçut son patron.
«Toujours pas de nouvelles de
l’hôpital?» demanda-t-il, inquiet. Gibbs ne répondit pas et Tony préféra
changer de sujet.
«Belinda Shames conduit une Mercedes
grise de 2008…» rapporta-t-il. Il montra le modèle en question. «Je suppose que c’est bien la voiture que tu
as vu ce matin?»
Gibbs
acquiesça avant de se tourner vers Ziva.
«Personne ne répond chez elle et son
téléphone portable est éteint.»
«Trouvez-là.» ordonna-t-il à ses
agents.
McGee
hésita une seconde avant d’intervenir.
«Je pourrais…» commença-t-il.
Gibbs
se tourna vers lui et le pauvre agent piqua un fard.
«Enfin, peut-être que… Comme sa
voiture est un modèle récent, il est possible qu’elle soit équipée d’un antivol
relié au GPS qui pourrait nous dire exactement où elle se trouve…»
Il
commença à taper sur le clavier à toute vitesse entrant le numéro de plaque, le
modèle…
«Oui!» s’exclama-t-il enfin,
après quelques minutes de silence à fixer son écran. Il afficha un plan sur
l’écran au centre duquel se trouvait un point rouge qui se déplaçait.
«Elle n’est pas très loin! Elle est
sur…» Il examina le plan de plus près.
«…Lincoln Street. Et elle se dirige
vers le Nord. C’est la direction de Washington, ça, non?»
Il se tourna vers le reste de la team juste à temps pour voir Tony et Gibbs
échanger un regard éloquent.
«L’Hôpital Universitaire de
Washington!»
Ziva
et McGee frémirent à leur tour : c’était l’hôpital où Jenny avait été conduite
deux heures plus tôt.
Mardi,
15h58, Hôpital de Washington
Les quatre agents
sortirent de la voiture, McGee les yeux toujours fixés sur l’écran de son PDA à
l’aide duquel ils avaient suivi le trajet de Belinda Shames jusqu’à l’hôpital.
Selon les indications du petit appareil, elle y était arrivée un peu moins de
dix minutes plus tôt.
Ils observèrent un instant en silence l’imposante taille du bâtiment qui se
trouvait devant eux. La retrouver là-dedans ne serait pas simple.
Belinda s’engouffra dans l’ascenseur au moment où les portes se refermaient. Bien qu’elle ait perdu du temps à trouver une blouse pour passer inaperçue, elle était tout près du but. Elle n’échouerait pas une seconde fois. Elle s’était sentie tellement frustrée lorsqu’elle avait appris que Jennyfer Shepard n’était pas morte ! Tout était à refaire! Mais, puisqu’il le fallait… Et après, plus rien n’empêcherait l’agent Gibbs de lui avouer son amour… Elle se sourit à elle-même. Ils allaient être heureux. Bientôt. Elle s’arrêta devant la porte de la chambre 229. Le couloir était entièrement désert. Elle ouvrit et poussa brutalement la porte de la chambre pour se trouver face-à-face avec un lit vide. Et des yeux bleus glacials.
Aussitôt après leur arrivée, Gibbs
avait demandé expressément à la
secrétaire de l’accueil de lui communiquer le numéro de la chambre de Jennyfer
Shepard.
«Mais, heu… Agent… Gibbs… Elle est
encore en chirurgie…» avait d’abord protesté la jeune femme.
Mais
il ne l’avait pas laissé finir. Il avait tourné l’écran d’ordinateur vers lui
et lut l’information qu’il cherchait. Espérer avoir un ascenseur rapidement à
l’hôpital relevant de la plus pure utopie, les quatre agents avaient emprunté
l’escalier jusqu’au deuxième étage. Sur place, ils ne trouvèrent nulle trace de
Belinda et les infirmières qu’ils interrogèrent n’avaient encore vu personne
autour de la chambre 229. McGee emmena les deux infirmières à l’abri, pendant
que Gibbs, Tony et Ziva vérifiaient les différentes chambres de l’étage.
«Apparemment, elle ne connaît pas
encore le numéro de chambre…» fit remarquer Ziva une fois qu’ils se furent
réunis dans ladite chambre.
«Ou bien, elle est allée directement
en chirurgie…» suggéra Tony.
«Toi et McGee, allez vérifier!»
ordonna Gibbs.
Les
deux agents s’exécutèrent aussitôt, s’engouffrant dans les escaliers au moment
où l’ascenseur s’arrêtait au second étage.
«Belinda Shames, vous êtes en état
d’arrestation pour le meurtre de Colin Woerth, pour menaces aggravées sur agents
fédéraux et pour tentative de meurtre sur la personne du directeur d’une agence
fédérale américaine.»
Elle
sembla n’avoir rien entendu de ce qu’il venait de dire, comme subjuguée par sa
présence.
«Bientôt, nous pourrons être
réunis tous les deux…» murmura-t-elle, extatique.
Ziva,
restée dans l’ombre de la porte, leva les yeux au ciel. Elle décida qu’il
valait mieux qu’elle intervienne tout de suite, parce qu’ils n’allaient pas
s’en sortir, là.
«Miss Shames, je crois que vous
n’avez pas bien saisi. La seule chose avec laquelle vous allez être réuni,
c’est une cellule de prison! »
Encore
une fois, Belinda Shames négligea totalement les propos de Ziva. En revanche,
elle réagit violemment à la présence de la jeune femme.
«Qu’est ce qu’elle fait là, celle-là?»
hurla-t-elle, à l’attention de Gibbs, soudain furibonde.
«Il faut qu’elles meurent toutes!»
Son ton se fit brusquement tendre.
«Il faut qu’on ne soit que tous les
deux…»
Et
elle se tourna vers Ziva, prête à faire feu. Mais celle-ci était prête. D’un
geste, elle désarma Belinda. Mais celle-ci, folle furieuse, se jeta sur Ziva
avec laquelle s’engagea une lutte sans merci pour avoir le dessus. Ziva, mieux
entraînée, finit par réussir à ceinturer son assaillante. Celle-ci continua de
se débattre pendant un instant, jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que Gibbs
l’ignorait délibérément. Elle perdit alors toute combativité.
«J’ai fait tout ça pour nous! »
sanglota-t-elle tandis que Ziva lui passait les menottes.
«Jethro, je t’en prie! Je t’aime!»
Il lui tourna le dos et sortit son téléphone sans prêter attention aux supplications de la jeune femme.
Tony décrocha son téléphone en
voyant l’indicatif de son patron s’afficher.
«Oui, Boss?»
«…»
«Et elle a avoué?»
«…»
«Ziva a du être ravie!» s’esclaffa Tony.
Il
fut interrompu par un chirurgien qui quittait la salle de bloc et qui
s’approcha des deux agents.
«Vous êtes de la famille de Mlle
Shepard?» demanda-t-il.
«Non, des coll… des amis.» répondit
Tony, ayant toujours Gibbs au téléphone.
Le chirurgien sourit.
«Vous pouvez être rassuré, tout
s’est bien passé. On a extrait la balle de l’épaule, aucun organe vital n’a été
touché… Elle devrait se remettre très vite.»
McGee
poussa un soupir de soulagement.
«On peut la voir?»
«Non, non, pas tout de suite. Mais
d’ici ce soir, il n’y aura pas de problème. Maintenant, si vous voulez bien
m’excuser…»
«Je vous en prie, docteur.»
Le
chirurgien s’éloigna. Tony reprit son téléphone.
«Tu as entendu?»
«…»
Tony
raccrocha.
«Le Bleu! On rentre au NCIS!» s’exclama-t-il
à l’attention de McGee.
Le retour fut bien plus détendu que
l’aller. Les quatre agents suivaient la voiture dépêchée sur place pour ramener
Belinda dans la cellule du NCIS où elle prendrait la place de Mary-Jane en
attendant qu’elle rédige des aveux et qu’un juge se charge de la faire déférer.
Mais surtout, Jen était saine et sauve. Tony, assis à l’arrière avec McGee, ce
qui ne lui plaisait guère, se vengea en lui adressant une de ses habituelles
piques :
«N’empêche, on laisse vraiment
n’importe qui entrer au NCIS… Je pensais qu’on devait passer des évaluations
psychologiques? Cela dit, si même McGee a réussi...» fit il remarquer avec un
grand sourire à l’intention de celui-ci.
Gibbs
lui jeta un regard via le rétroviseur.
«Tu as de la chance que je conduise,
Tony!»
Dans
un élan de bonne volonté, Ziva se retourna et infligea à Tony la punition
habituelle que Gibbs n’était pas en mesure de prodiguer.
«Merci, Ziva.» approuva McGee.
Abby faisait les cent pas dans le
bureau. Quand les portes de l’ascenseur s’ouvrirent enfin, elle se précipita
vers les arrivants et se planta devant Gibbs, les mains sur les hanches, l’air
furieux.
«On ne me dit rien, tout un
après-midi sans nouvelle ! Je me suis tellement inquiété que j’ai fini par
revenir ici. Et là, plus personne. Ducky qui ne veut pas me dire ce qu’il se
passe ! Cynthia traumatisée parce que le directeur s’est fait tiré dessus!
Injoignables!Et personne pour me… »
Gibbs
lui posa un doigt sur la bouche pour la faire taire.
«Tout va bien, Abbs! Nous avons
innocenté ta sœur et la directrice va très bien.»
Abby garda les yeux plissés quelques secondes comme pour le sonder, puis elle
lui sauta au cou.
«Je savais que tu sauverais
Mary-Jane!»
«Merci pour le travail des autres…»
grommela Tony.
«Oh, ne sois pas jaloux, Tony…»
railla la jeune gothique en lui plantant un baiser sonore sur la joue à lui
aussi.
Leurs
effusions furent interrompues par une scène qui allait être la conclusion de
cette affaire.
Mme Woerth remontait de la morgue où
elle avait demandé à pouvoir faire une prière sur le corps de son mari,
Mary-Jane sortait libre de sa cellule tandis qu’un agent y emmenait Belinda.
Les trois femmes se croisèrent. Belinda chercha à se jeter sur Mary-Jane,
l’accusant de lui avoir pris Colin. En revanche, Margaret Woerth dit à
Mary-Jane et Belinda qu’elle leur pardonnait tout et qu’elle leur souhaitait
vivement de trouver Dieu sur leur chemin. Elle remercia ensuite les quatre
agents d’avoir arrêté si promptement l’assassin de son mari avant de quitter le
NCIS, sereine.
«C’est le moment où on peut dire
‘tout est bien qui finit bien’ non?» conclut Tony.
Tout le monde sourit à sa réflexion mièvre, mais vraie. Même Gibbs avait esquissé un début de sourire, McGee
l’aurait juré.
Mardi,
18h45, Hôpital de Washington,
Gibbs avait mis un
bon quart d’heure avant de rentrer dans sa chambre. Quinze minutes qu’il avait
passé à se demander si c’était une bonne idée d’être venu. D’un autre côté,
elle avait été là quand lui-même s’était retrouvé allongé sur un lit d’hôpital.
Ce fut seulement quand l’infirmière, qui passait dans le couloir pour la
troisième fois, lui jeta un regard de travers qu’il se décida à rentrer dans la
chambre. Il avait peur de la trouver endormie mais elle tourna la tête vers lui
en l’entendant pénétrer dans la pièce.
«Bonsoir Jen.»
Elle
lui sourit.
«Jethro.» murmura-t-elle.
«Je suppose que tu es venu
m’expliquer un peu plus en détails ce que je fais dans ce lit d’hôpital?»
«Tu t’es fait tirée dessus.»
«Mais encore?»
«Si tu veux la version longue, il y
en a pour un moment…»
«Tu es pressé?»
«Non, Jen, j’ai tout mon temps.»
Il
vint s’assoir sur le bord du lit.
«Comment te sens-tu?» demanda-t-il
d’un air concerné.
«Comme quelqu’un qui s’est pris une
balle dans l’épaule!» ironisa-t-elle.
Il
la regarda, l’air grave.
«Bien, en fait. Si le chirurgien
n’avait pas exigé que je reste cette nuit, je t’assure que je ne serais déjà
plus là!» ajouta-t-elle plus sérieusement.
«Tu as perdu beaucoup de sang, Jen.
Un peu de repos en plus ne te fera pas de mal…»
«Oh? Et c’est toi qui me dis ça?
Monsieur je-me-soigne-avec-un-verre-de-bourbon, et c’est reparti?»
Il
haussa les épaules sans relever le sarcasme.
«Juste une nuit, ça n’est pas si long.»
«Hum? Ça dépend de ce qu’on en fait…»
Gibbs
l’observa un instant. Ils étaient proches. Très proches. Il laissa son regard
glisser sur le visage de Jen jusqu’à ses lèvres entrouvertes… Définitivement
pas une bonne idée.
«Tu m’as fait peur, tu sais, Jen…»
murmura-t-il en se penchant un peu plus vers elle.
«Ça n’était pas intentionnel, cette
fois…» chuchota-t-elle, sans détacher son regard des yeux bleus de Gibbs.
Il
posa ses lèvres sur les siennes, doucement, et il sentit qu’elle répondait à
son baiser. Il se fit plus alors plus exigeant, l’attirant à lui jusqu’à ce que
l’espace qui les séparait encore soit réduit au maximum. Il laissa descendre sa main dans le dos de
Jen jusqu’au creux de ses reins avant d’interrompre leur étreinte le temps
qu’ils reprennent leurs souffles. Il commença à l’embrasser dans le cou,
descendant le long de la clavicule. Elle se mordit la lèvre inférieure pour se
retenir de gémir. C’est à ce moment précis que l’infirmière entra sans
ménagement dans la pièce.
Ils se séparèrent instantanément. Il
fallut quelques secondes à l’infirmière, sous le choc et ayant pris une teinte
tirant sur le rouge pivoine, pour s’excuser et quitter la pièce précipitamment
en balbutiant des excuses. C’est également le temps qu’il fallut à Jen pour
prendre conscience de ce qu’il venait de se passer. Que ce qu’elle avait voulu
à tout prix éviter venait de se produire. Il avait fallu qu’il fiche tout en
l’air, comme toujours.
Gibbs se rendit qu’elle cherchait délibérément à esquiver son regard. Ce qui
signifiait toujours chez elle qu’elle avait quelque chose d’absolument injuste
à lui reprocher. Le silence se prolongea
encore un instant.
«Pourquoi as-tu fait ça?» finit elle
par demander, glaciale.
Il
resta un instant sans voix devant tant de mauvaise foi.
«Parce que tu le voulais?» répondit-il
sèchement, se levant brusquement.
«Non.» mentit-elle en détournant les
yeux.
Il
lui jeta un regard furibond.
«Qui est ce que tu essayes de
convaincre, là, Jen? Toi ou moi?»
«Ça n’aurait jamais du arriver.»
«Il fallait penser à ça il y a dix
ans, Jen. C’est un peu tard, maintenant, non?»
«Tu ne peux pas laisser une bonne
fois pour toute le passé là où il est, Jethro?»
Ils
s’observèrent en silence pendant un instant avant que Gibbs ne quitte la pièce,
hors de lui, à la fois furieux contre elle, et contre lui. Il avait oublié
qu’elle était capable de produire cet effet là sur lui, et la piqûre de rappel
était douloureuse.
Mercredi,
1h57, quelque part dans un bar de Norfolk,
Le barman refusa de
le servir encore une fois. De toute façon, le bar allait fermer.
L’homme se leva péniblement et attrapa par la hanche la fille rousse, à
l’allure délurée, qui avait passé avec lui une partie de la soirée. Ils
quittèrent le bar ensemble, sous le regard du barman, probablement pour finir
la soirée ailleurs. L’employé haussa les épaules, indifférent, et ajouta machinalement la note que l’homme
venait de régler par-dessus les autres. Une note signée ‘L.J.Gibbs’.