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Le jeu

20 novembre 2009

Maux d'Amour 2

             Lundi, 19h p.m., intérieur de la voiture de Tony,

 

 Installé au volant de sa Mustang, Tony accompagnait à pleine voix le CD qui défilait dans le lecteur. Rien ne l’enchantait davantage que la perspective d’une longue soirée chez lui, et avec un peu de chance, pas tout seul. En effet, Lauren, sa nouvelle voisine, n’avait pas vraiment l’air farouche. Il sourit pour lui-même en augmentant encore un peu le son de l’autoradio.

 

 Lundi, 19h p.m., intérieur de la voiture de Ziva,

 

 Dieu merci, Ziva s’était rendu compte du problème bien avant de s’engager sur la voie rapide qui la ramenait chez elle, et, se trouvant en pleine zone urbaine, elle roulait encore à une allure relativement modérée. Elle avait aussitôt cessé d’accélérer mais le carrefour suivant arrivait bien trop vite. Rassemblant tout son sang-froid, elle fit une courte prière pour que le feu restât au vert le temps qu’elle eût traversé l’intersection.
Mais, alors qu’elle était encore à une centaine de mettre du feu, celui-ci changea de couleur. Ziva se retint de jurer, sachant pertinemment qu’elle ne pourrait s’arrêter. C’était l’heure de pointe, le défilé des véhicules venant de la droite et de la gauche du carrefour était incessant. Il n’y avait qu’une infime chance pour qu’elle parvienne à passer sans qu’aucune voiture ne l’accroche. Elle serra ses mains sur le volant et se concentra. Il ne restait qu’une chose à faire : accélérer, dégager l’intersection le plus vite possible. Et prier.

 

 Lundi, 19h18 p.m., intérieur de la voiture de Tony, 

 

 Tony arrivait en vue des bâtiments abritant son appartement. Il ralentit et fouilla dans sa poche pour en extraire ses clefs, dont une magnétique qui lui servirait à ouvrir le garage. En même temps, il en sortit son portable. Comme par un fait exprès, celui-ci se mit à vibrer juste à ce moment-là.

 «DiNozzo.»

 «Tony ? C’est Chuck.»

Chuck était un flic sympa, vieil ami de Tony, qui travaillait à la sécurité routière, et Tony trouvait que c’était toujours utile de connaître quelqu’un là-bas. Surtout quand on conduisait une voiture comme la sienne. Cela dit, il était étonné d’avoir des nouvelles de celui-ci un lundi soir. On n’était pourtant pas vendredi, et il ne se souvenait pas qu’ils aient prévu une sortie au bowling.

 «Chuck! Content de t’entendre mon vieux. Qu’est ce qui se passe?» demanda Tony, une note de surprise dans la voix.

 «On nous a signalé un accident sur le carrefour Alevine. Un truc assez grave…»

 «Et…?» s’étonna Tony, qui ne voyait pas du tout où son ami voulait en venir.
 «Il y a une Mini impliquée, on m’a filé le numéro de plaque pour les vérifications d’usage… C’est celle de Ziva David…»

Tony pila brutalement.

 «Comme je sais que c’est une collègue à toi, je me suis dit qu’il valait peut être mieux que je te prévienne…»

Chuck continuait de parler mais Tony avait cessé d’écouter. Déjà, quand Chuck avait parlé de Mini, son cœur avait fait un bond. Maintenant, il battait à tout rompre.

 «… Tony? Tony?» Chuck commençait à s’inquiéter du silence de son ami.

 «Oui, oui je suis là. Carrefour Alevine tu as dit?»

 «C’est ça.»

Tony redémarra brusquement la Mustang.

 « Il y a des blessés? Des…?» Il ne prononça pas le mot.

 «J’en sais rien, Tony, je suis désolé. Une équipe est partie sur place. Tu veux que je les contacte?»

Tony regarda sa montre.

 «Non, ça ira. Merci Chuck.»

 «De rien. Encore désolée.»

Sans répondre, Tony raccrocha. Il fit faire un faire un demi-tour immédiat à sa voiture et repartit à vive allure en direction du centre-ville, de l’accident, de Ziva.

 

 Lundi, une dizaine de minutes plus tôt,

 

 Elle pensait vraiment qu’elle y était parvenue. Elle avait presque entièrement traversé le carrefour, après avoir évité les véhicules qui lui barraient le chemin, sans autre désagrément que des klaxons courroucés ou apeurés, et elle commençait déjà à pousser un soupir de soulagement, lorsque, soudain, déboulant de sa droite, Ziva vit surgir un vélo arrivant sur elle à toute vitesse. La collision était inévitable. Dans un réflexe stupide, elle appuya sur le frein, ce qui n’eut, bien entendu, aucun résultat. Le cycliste prit enfin conscience de sa présence, mais il était trop tard pour qu’il puisse faire quoi que ce soit. Dans un mouvement désespéré pour l’éviter, elle braqua à droite de toutes ses forces. L’absence de choc et de bruit de tôles froissées la convainquit qu’elle avait réussi. Mais sa trajectoire la menait désormais droit dans le mur d’enceinte de l’école primaire qui faisait l’angle de la rue. Elle se prépara. Le choc allait être rude.

 

 Lundi, 19h32 p.m., Carrefour Alevine,

 

 Le bruit que fit la Mustang de Tony en se garant était un excellent indicateur de son état de tension. Il bondit hors de l’habitacle et se précipita près de l’équipe médicale la plus proche.

 «Agent DiNozzo, NCIS.» cria t’il presque en montrant sa plaque.

 «Je cherche ma collègue, Ziva, Ziva David. Elle conduit une Mini… Elle est blessée, elle va bien…? »

L’infirmier eut un geste courroucé, agacé d’être interrompu.

 «Vous ne voyez pas que nous sommes occupés, non ? L’occupante de la voiture a été emmenée par là bas.»

Il fit un geste vague vers une seconde unité de soin qui s’affairait un peu plus loin.

 «J’ignore comment elle se porte!»

Il se tourna de nouveau vers l’homme dont il s’occupait, un cycliste, à en juger par son casque. Tony courut vers l’endroit que l’infirmier venait de lui indiquer, craignant le pire. Il dut passer devant la Mini que des dépanneurs étaient en train de remorquer. La petite voiture était dans un tel état qu’il préféra ne pas penser à celui dans lequel devait être sa conductrice.

Le jeune médecin essayait tant bien que mal de faire son travail, vérifiant ses constantes et recherchant d’éventuels traumatismes, mais le point que l’on puisse dire, c’était que Ziva ne lui simplifiait pas la tâche.

 «Vous en avez encore pour longtemps?» demanda-t-elle, la contrariété perçant nettement dans sa voix.

Elle jeta un regard anxieux vers sa pauvre voiture autour de laquelle les dépanneurs s’activaient encore. Dire qu’elle l’avait fait réviser moins d’un mois plus tôt! Qu’est ce qu’il avait bien pu se passer pour que ses freins lâchent aussi brutalement? Elle eut un mouvement de colère. Si son garagiste avait laissé passer une telle usure des freins, il allait entendre parler du pays!

 «S’il vous plaît, pourriez vous cesser de bouger, vous ne faîtes que me ralentir!» soupira le médecin, exaspéré.

Elle se dégagea et se mit debout.

 «Vous savez quoi, je me sens parfaitement bien. Allez donc vous occuper de quelqu’un d’autre.»
 «Mais… Vous devez vous rendre à l’hôpital…» protesta le médecin.

 «Sûrement pas!»

 «C’est la procédure! Vous avez peut être des blessures internes qui peuvent être graves et…» tenta d’expliquer le jeune praticien.

Elle le coupa.

 «Et bien, je signerai une décharge ou tout autre papier que vous voudrez, s’il le faut mais j’ai autre chose à faire que de perdre mon temps à l’hôpital!»

Le médecin haussa les épaules et s’éloigna, vaincu. Tony l’avait enfin aperçu, discutant avec animation avec un des membres de l’équipe de soin. A en juger par sa véhémence, elle semblait en pleine forme. Il poussa un soupir de soulagement, les battements de son cœur reprenant petit à petit un rythme plus normal. Il s’approcha d’elle.
 «Ziva!»

Elle se retourna, la surprise se peignant sur son visage.

 «Tony?»

Elle fronça les sourcils.

 «Qu’est ce que tu fais là?» s’enquit-elle d’un air soupçonneux.

 «On m’a dit que tu avais eu un accident.» répondit-il évasivement.

 «Qu’est ce qui s’est passé?»

 «Mes freins ont lâché brusquement.» expliqua-t-elle avec gravité.

Tony mesura toute l’horreur de cette affirmation et ne put réprimer un frisson rétrospectif.

 «Ça aurait pu être tellement plus grave…»

Préférant ne pas penser à une telle éventualité, elle changea de sujet.

 «Tu ne m’as pas dit comment tu as fait pour arriver ici…»

 « Avec ma voiture, bien sûr!» rétorqua-t-il en levant les yeux devant une telle évidence.

 «J’ai toujours dit que la Mustang était une voiture épatante…J’avoue que je n’aurais jamais pensé ne mettre que 18 minutes entre ici et chez moi, mais…» Il arbora une mine fière de lui.

 «Tu sais bien que ce n’est pas ce que j’ai voulu dire! Comment as-tu su…?»

Elle s’interrompit.

 «18 minutes?! Depuis chez toi? Mais tu as du rouler comme un fou!» s’exclama-t-elle.

Tony reprit son air inquiet.

 «Oui. Mais j’ai été plus proche de mourir d’une crise cardiaque que d’un accident, crois moi!»

Il y eut un silence.

 «Tu as eu si peur pour moi, Tony?»

Il détourna le regard.

 «Oui. Mais j’avoue que je ne sais pas pourquoi…»

 «Parce que tu m’aimes… beaucoup.»

Il plongea son regard dans le sien.

 «Oui.» avoua-t-il.

Il y eut un deuxième silence.

 «Heu… Excusez-moi?»

Tony et Ziva cillèrent et se tournèrent vers celui qui venait de les interpeller, brisant le silence gênant qui s’était installé. Il s’agissait d’un des dépanneurs qui s’affairaient autour de la Mini quelques minutes plus tôt.

 «On m’a dit que la voiture était à vous, madame?»

 «Mademoiselle. Oui. Elle est réparable?» demanda-t-elle sans se faire la moindre illusion.

L’homme prit un air contrit.

 «J’ai bien peur que non. Elle est beaucoup trop abimée… Je suis navré.»

Ziva haussa les épaules en soupirant. Ce n’était qu’une voiture. Même si elle l’aimait beaucoup, ce n’était pas irremplaçable.

 «Heu… Il y a autre chose, mada…mademoiselle.» se reprit il devant le regard noir de l’agent du Mossad.

 «Quoi d’autre? Vous avez une idée de ce qui a provoqué l’usure de mes freins?»

 «Vos freins ne sont pas usés. Ils sont même quasi-neufs…»

 «Alors, pourquoi n’ont il pas fonctionné?!»

 «Surement parce que quelqu’un a sectionné les durites…»

 «Les…?»
 «…Durites. C’est… Bah, en gros, ce qui permet de transmettre aux plaquettes de frein l’ordre de freiner quand vous appuyez sur la pédale.»

 «Et pourquoi quelqu’un les aurait sectionné?» s’alarma Tony.

 «Ça ne pourrait pas être accidentel? Une pierre tranchante sur la route ou…?»

Il s’interrompit devant le signe de dénégation de l’homme.

 «Impossible. Trop net. Ça ne peut être qu’un couteau qui a fait ça. Et la personne savait ce qu’elle faisait. C’était tranché proprement et pile au bon endroit…»

Un nouveau silence s’ensuivit, tandis que Tony et Ziva digéraient l’information en échangeant un regard lourd de sens.

 «Je vais notifier tout ça par écrit, pour l’assurance, la police, tout ça…» reprit le dépanneur afin de briser le silence pesant.

 «Merci.»
 «De rien… Je vais retourner avec mes gars, on va emmener votre voiture… Si vous avez des choses à récupérer dedans, c’est le moment.»

Ziva songea aux dossiers qui étaient posés sur le siège passager avant l’accident. Ils devaient s’être éparpillés un peu partout sous la violence du choc. Elle soupira.

 «Je vous suis.»

En plus des dépanneurs, des policiers s’affairaient autour de la voiture et semblaient l’attendre de pied ferme pour lui poser quelques questions. Elle poussa un second soupir tandis qu’elle emboîtait le pas au dépanneur. Elle sentit Tony la rejoindre d’une enjambée. Il sortit sa carte d’agent fédéral.

 «Prend ton temps pour récupérer des affaires. Je me charge du reste!» dit-il avec un mouvement de tête vers les policiers.

Elle le remercia d’un sourire qu’il lui rendit.

 

 Lundi, 22h27 p.m., Open Space du NCIS,

 

 Cela faisait près de deux heures que Gibbs avait décrété une réunion de crise. Tony soupira et posa sa tête sur les lettres envoyées par leur harceleur à leur directeur et à Ziva. Une heure qu’il lisait et relisait celles qui lui avaient été confiées, et rien. Rien. De toute façon, si même Abby n’en avait rien tiré, il n’y avait aucune raison qu’eux découvrent quoi que ce soit. Il avait même tenté de chercher un éventuel code caché parmi les menaces, mais il avait du rapidement se rendre à l’évidence : le contenu de ces missives ne cachaient rien de plus que ce qu’elles affirmaient, à savoir que Jen et Ziva devaient se tenir à distance de Gibbs. Et il ne voyait pas ce que les fixer pendant des heures allait leur apporter de nouveau… Encore que… Il redressa la tête pour regarder son patron. Il s’était toujours demandé si Gibbs n’aurait pas une sorte de vision à rayon X lui permettant de percer les moindres petits secrets…

 Gibbs leva la tête pour observer ses agents. Il croisa le regard de Tony qui le fixait avec curiosité. Celui-ci se remit aussitôt au travail avec un air coupable. Gibbs porta ensuite son regard sur Ziva, qui avait un pansement sur l’arcade sourcilière, seul témoin de l’accident qu’elle venait de subir, mais douloureux rappel pour lui de ce qui menaçait –encore une fois!- son équipe. Il entendit Tony soupirer discrètement. Ses agents avaient l’air extenué et tendu. Ils n’avaient plus dit un mot depuis plus d’une heure, chacun enfermé dans ses propres pensés. Gibbs regarda de nouveau les feuilles étalées devant lui, qui ne lui apprenait rien. Il n’y avait aucun indice pour les orienter vers l’ombre d’un suspect. Il avait beau retourner dans sa tête la liste des femmes susceptibles d’agir de cette manière –et n’en déplaise à Jen, il n’y en avait quand même pas TANT que ça !- il n’en voyait aucune capable de faire une chose pareille. Ils étaient dans l’impasse. Repoussant d’un geste brusque les documents posés devant lui, Gibbs se leva soudain, faisant sursauter ses trois agents. 

 «Rentrez chez vous.» leur intima t-il.»

 «Mais…» protestèrent les trois agents dans un bel ensemble.

  «Vous pensez être sur le point de découvrir une information capitale?»

Silence.
 «Très bien. Alors, rentrez vous reposez! McGee, vous dormez chez Ziva. Ziva, vous ne protestez pas? » anticipa-t-il en la voyant ouvrir la bouche.

Elle se tut, mais conserva un air boudeur. Gibbs regarda ses agents s’éloigner et monter dans l’ascenseur. Il put entendre Tony faisant une réflexion acerbe à McGee et celui-ci se défendre avec véhémence sous le sourire moqueur de Ziva avant que les portes ne se referment. Il sourit pour lui-même avant de se tourner de nouveau vers son bureau. Il ouvrit le premier tiroir et y prit son arme qu’il rangea prestement dans l’étui se trouvant à sa hanche droite. Il ramassa vite fait ses affaires et jeta un œil à sa montre. 22h34. Il retint un soupir. Elle n’allait pas l’accueillir à bras ouverts.

 

  Lundi, 23h02, Extérieur chez Jen,

 

 Il sortit de sa voiture après avoir passé 5 bonnes minutes à fixer la maison de Jenny. Aucune lumière ne filtrait de la maison, ce qui signifiait qu’il allait devoir la réveiller. Ce qui n’allait pas arranger les choses. Il jeta rapidement un regard aux alentours de la demeure mais ne remarqua rien de suspect. Le quartier était désert. Il réfléchit encore quelques instants avant de prendre son portable. Il fit défiler les numéros de sa liste d’appel jusqu’à celui de Jen et il s’apprêtait à l’appeler lorsqu’une idée stupide le fit suspendre son geste. Il se tourna de nouveau vers la fenêtre qu’il savait donner sur sa chambre. Et si… Et si elle n’était pas seule ? L’image de l’ignominieux avocat et de ses cheveux gominés qu’il avait croisé dans son bureau quelques jours plus tôt s’imposa à son esprit. Après seulement quelques secondes de réflexion, il décida que c’était finalement une raison supplémentaire et il appuya sur la touche ‘dial’. Il y eut deux sonneries avant que la lumière ne s’allume dans sa chambre, et encore deux avant qu’elle ne décroche.

 «Jethro? Il y a un problème?» demanda-t-elle d’une voix tendue.

 «Je suis en bas de chez toi.» expliqua-t-il en guise de réponse.

 «Quoi?»

Elle se rendit à la fenêtre pour se rendre compte par elle-même de la véracité de son affirmation. Il lui fit un grand sourire, ce qui l’exaspéra.

 «Qu’est ce que tu fais là?»

 «Ziva a eu un accident, ce soir.»

Même de là où il était, il put la voir se raidir.

 «Elle va bien? Que s’est il passé? »

 «Ses freins ont été sectionnés… Elle va bien!» s’empressa-t-il d’ajouter en voyant Jen pâlir encore davantage.

 «Écoute, on ne pourrait pas plutôt parler de tout ça à l’intérieur?»

Elle raccrocha et disparut dans les profondeurs de chez elle. Pendant quelques minutes, rien ne bougea. Puis, la lumière du hall s’alluma et la porte s’ouvrit sur Jenny. Il s’approcha mais elle ne le laissa pas entrer immédiatement.

 «Tu ne m’as pas répondu, Jethro. Que fais-tu là? Et ne me dit pas que c’est à cause de Ziva, tu aurais très bien pu me dire ce qui s’était passé par téléphone…»

 «… Et tu ne penses pas une seconde que je pourrais simplement avoir envie de te voir?» ironisa-t-il.
 Elle haussa les épaules et commença à refermer la porte. Il l’en empêcha. Elle s’interrompit et l’observa. Il avait retrouvé son air sérieux. 

 «Je préfère ne pas te savoir seule cette nuit.» expliqua-t-il avec gravité.

 « La personne qui a envoyé ces lettres est toujours dans la nature et elle nous a prouvé ce soir qu’elle ne plaisante pas quant à ses motivations.»

 Elle soupira et s’écarta pour le laisser passer. Avant de pénétrer chez elle, il jeta un dernier regard inquiet vers la rue sombre. Mais ni lui, ni elle, n’aperçurent la silhouette pâle qui se tenait dans le parc situé juste en face de la maison et qui avait brusquement serré les poings en voyant Gibbs entrer chez Jen.

 

  Mardi, 08h07, Intérieur, NCIS,

 

 Tony grimpa les escaliers quatre à quatre, maudissant Ziva qui avait refermé les portes de l’ascenseur sur lui, volontairement, avec un sourire narquois. Or, il tenait à être le premier à annoncer à Gibbs ce qu’il avait découvert. Ziva aussi. D’où cette course effrénée dans les escaliers. Il franchit les portes battantes à l’instant même où Ziva, accompagné de McGee, quittait l’ascenseur. Ils firent mine de marcher d’un pas égal sur quelques mètres puis se mirent tous les deux à courir en même temps en direction du bureau de leur patron. Ils s’interrompirent net lorsqu’ils réalisèrent que Gibbs n’était pas là. Ziva fronça les sourcils tandis qu’une barre d’inquiétude plissait le front de Tony.

 «Gibbs a déjà été en retard ?»

Tony ne lui répondit pas. Il avait déjà sorti son téléphone pour essayer de joindre son supérieur. Il s’interrompit en entendant l’ascenseur tinter. Pour son plus grand soulagement, il vit Gibbs en sortir. Accompagné de Jenny.

 «Ah, mais, tout s’explique...» murmura-t-il à l’oreille de McGee, taquin.
Ziva, profitant de la distraction de Tony, se précipita à la rencontre de Gibbs qui s’approchait. Réagissant au quart de tour, le bel italien la suivit et vint immédiatement se placer entre elle et Gibbs, forçant ce dernier à s’arrêter.

 «Patron, j’ai trouvé quelque chose!»

 «Moi aussi! Et j’étais là avant!» protesta Ziva.

 «Moi aussi, j’ai quelque chose, patron!» renchérit McGee, qui ne voulait pas être en reste.

 «Et ce que vous avez découvert peut-il attendre que j’ai déposé mon manteau?»

Tony et Ziva s’écartèrent aussitôt du chemin de Gibbs qui put continuer jusqu’à son bureau. Les deux agents le suivirent à peu de distance.

 «Tu vois, Ziva, je t’avais dit que ça n’était pas la peine de se précipiter!»

Pour seule réponse, elle leva les yeux au ciel. Ils redevinrent sérieux en voyant leur patron les observer.

 « Vas-y Tony, je t’écoute.»

Avec un regard triomphant à l’encontre de Ziva, qui se retint à grand peine de lui tirer la langue, il commença à exposer ce qu’il avait découvert d’intéressant en feuilletant l’agenda de leur victime.

 «Colin Woerth a beaucoup, beaucoup d’admiratrices… Mais il connaît aussi pas mal de gens qui ne l’apprécie guère…»

 «Des tueurs potentiels?» l’interrompit Gibbs, qui sentait que, parti comme c’était, Tony allait faire durer le suspens un peu trop longtemps à son goût.

 «Oui. Un!» répondit son agent d’une voix théâtrale, en ouvrant l’agenda à une page cornée par lui.

 «James Dorset. Employé chez Woerth en tant que maître d’hôtel. Congédié brutalement il y a 3 semaines. Si j’en crois ce que notre victime a écrit, cet homme aurait proféré des menaces à son encontre après qu’il lui ait signifié son congé. Et Woerth était clairement inquiet! » conclut-il, en refermant l’agenda d’un coup sec, sous le nez de McGee qui sursauta.

 «Bien. Et je suppose que ce Dorset est déjà en route pour nos locaux, Tony?»

 «Oui!» assura Tony.

 «Cueilli aux aurores devant chez lui par 2 de nos agents.»

Gibbs se tourna vers Ziva qui comprit que c’était à son tour de faire son rapport.

 «J’ai découvert que la secrétaire de Colin Woerth a été sa maîtresse et qu’elle a particulièrement mal vécu leur rupture!» Elle tendit une note manuscrite à Gibbs. Sur celle-ci, on pouvait lire : ‘Tu me le paieras, Colin, on ne m’abandonne pas comme ça !’
La note n’était pas signée, mais une autre main, sûrement celle de Woerth lui-même, avait ajouté au crayon ‘voir Helen'. Le prénom de la jolie secrétaire. Tony se tourna vers McGee.
 «J’aurais du me douter qu’il y avait un truc anormal chez cette fille. Elle s’intéressait à toi!»

 «Tony!» S’exclama Gibbs, courroucé. Il ne trouvait pas qu’il y avait matière à plaisanter pour le moment.

 «Ziva, amenez-la-moi.»

 «C’est fait agent Gibbs, un agent est allé l’appréhender tout à l’heure.»

Enfin, Gibbs se tourna vers McGee.

 «J’ai retrouvé la patiente avec qui le capitaine Woerth a eu une liaison.»

Il afficha une image à l’écran depuis son ordinateur. Une belle femme d’une trentaine d’année, souriante, apparut à l’écran, en habit de la marine.

 «Belinda Shames. 31 ans, divorcée, ancien capitaine de Corvette, reconvertie en secrétaire dans le civil… Son mari l’a accusé de tentative de meurtre durant le divorce et elle a fait une tentative de suicide en mai dernier, ce qui correspond à peu près à la date où Colin a rompu avec elle.»

 «Très bien. McGee, je veux que vous alliez l’interroger.»

Obéissant, celui-ci se dirigea aussitôt vers les escaliers menant à l’étage supérieur.

 « Agent McGee?! Que faîtes vous?» l’interrogea Gibbs, stupéfait.

 «Ce que vous m’avez demandé, patron. Miss Shames travaille ici. Elle est secrétaire au MTAC.» expliqua-t-il en continuant son ascension.

Tony fixa de nouveau la jolie blonde à l’écran. Ce qui était étonnant, c’était qu’il ne l’ait jamais remarqué auparavant.

 
 Mardi, 08h40 a.m., Salle d’interrogatoire du NCIS,

 

 James Dorset était un homme âgé d’une soixantaine d’années, au flegme typiquement britannique.
 «Si je peux me permettre, bien que cela soit déplorable, je dois admettre que ça ne m’étonne qu’à moitié.»

 «Donc, vous vous attendiez à ce que le Capitaine Woerth soit assassiné.» triompha Tony.

 «Non, je dis simplement que ça lui pendait au nez, étant donné la désinvolture avec laquelle il traitait les femmes… Et surtout, sa femme ! Une vraie dame, pas comme toutes les pimprenelles qu’il ramassait dans Dieu sait quel ruisseau ! Oui, elle a été sacrément bien élevée. C’était un plaisir de travailler pour elle.»

Tony se retint de demander à l’homme si, par hasard, il n’aurait pas un lien de parenté avec Ducky. Depuis le début de leur entretien, il avait en permanence le sentiment de parler au vieux médecin légiste devant les digressions permanentes de son interlocuteur.

 «Donc, vous ne portiez pas vraiment Mr. Woerth dans votre cœur, n’est ce pas ?» fit remarquer Tony, pour ramener la conversation sur le sujet qui les intéressait.

 «Non, pas vraiment, en effet. Nous n’avions pas la même idée de comment il convient de se comporter en règle générale dans la vie. »

 «Je vois. Vous désapprouviez la conduite de Woerth et vous le lui avez fait comprendre. C’est la cause de votre renvoi?» demanda Tony.

Dorset rougit légèrement. Visiblement, il n’avait pas encore digéré d’avoir été congédié. Tony avait touché le point sensible.

 «Non… J’ai été renvoyé pour avoir fait ce qui me semblait juste vis-à-vis de Meg.»

 «Meg?»

 «Margaret. La femme de Colin.»

 «C'est-à-dire?»
 «C’est moi qui ait révélé à Meg les multiples aventures de son mari. Je pensais qu’il fallait qu’elle sache ! Dieu sait quelle maladie il aurait pu lui transmettre. Et puis, elle avait le droit de voir qui était son mari. De voir qu’il n’était certainement pas le Dieu qu’elle pensait qu’il était…»

 «Comment l’a-t-elle pris?»

 «Oh… Elle, très bien. J’ai compris qu’en fait, elle savait déjà depuis longtemps. En revanche, Colin l’a très mal pris quand je lui ai dit que sa femme était au courant pour ses aventures. Il m’a accusé de lui raconter des mensonges…»

L’homme rougit de nouveau.

 «Je n’ai jamais menti de ma vie, agent DiNozzo, vous m’entendez….Mais, je me souviens que ce soir-là, Colin était particulièrement de mauvaise humeur. Une de ces gourgandines l’avait suivi jusque chez lui et ça l’avait mis hors de lui. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit, elle est restée peu de temps, mais ensuite, il semblait très perturbé…»

 «Vous savez ce qu’ils se sont dit?»

James Dorset lança un regard très digne à Tony.

 «Bien sûr que non. Est-ce que vous trouvez que j’ai une tête à écouter aux portes, agent DiNozzo?» s’indigna-t-il.

 «Pourriez-vous reconnaître cette femme malgré tout?»

 «Sans aucun problème. C’était Mlle Adams. Sa propre secrétaire, vous vous rendez seulement compte ? Elle n’a même pas vingt-cinq ans!»

Tony avait bondi en entendant l’info.

 «Vous êtes surs?»

 «Et bien, oui, agent DiNozzo, je ne suis plus tout jeune, mais j’ai encore une très bonne vue, je vous remercie!»

 «Une dernière chose : où étiez vous hier matin, aux alentours de 7h?»

 «Oh, ça sera facile pour vous de vérifier : j’étais dans un vol en provenance de Londres où je venais de passer une semaine.»

 

 Mardi, 08h57, a.m., Salle de conférence du NCIS,

 

 Maudissant Tony qui avait réussi à investir la salle d’interrogatoire le premier, Ziva s’assit en face de la jeune femme tendue qui l’attendait dans la grande pièce vide et posa un dossier devant elle.

 «Mlle Adams…» commença-t-elle en la fixant droit dans les yeux.

Comme elle l’avait prévu, la jeune femme baissa les yeux.

 «Je pourrais savoir ce que je fais ici ?»

Ziva ne répondit pas tout de suite. Enfin, elle sortit un papier blanc du dossier, le poussa vers sa suspecte et posa un crayon dessus.

 «Je veux que vous écriviez la première chose qui vous passe par la tête sur ce papier.» lui ordonna Ziva.

 «C’est un test psychologique ou quoi?»

Pas plus que la première fois, Ziva ne daigna répondre à sa question. La jeune femme s’exécuta. Ziva récupéra le papier pour le donner à Ducky qui attendait derrière la porte.

 «Merci, je vais comparer ça tout de suite au mot que l’on a déjà.»

Ziva retourna dans la pièce et se rassit à la même place toujours sans un mot.

 «Est-ce que vous allez me dire ce qu’il se passe oui ou non?» protesta la jeune secrétaire.

Ziva ne répondit toujours pas mais ouvrit le dossier.

 «Vous n’avez pas tout dit à mes collègues, Mlle Adams… Ce n’est pas très malin…»

La jeune femme resta coite un instant.

 «Mais j’ai dit tout ce que je savais, je vous assure.»
Ziva retint un soupir. Pourquoi ce genre de filles jouait-elle toujours les saintes nitouches?

 «Ah oui? Pourquoi avoir caché votre liaison avec M Woerth, dans ce cas?»

 «Ma…?» Elle semblait tombée des nues.

 «Mais je n’ai jamais eu de liaison avec Colin Woerth!»
 «Inutile de nier! Nous avons ici…»

Elle fut interrompue par un coup sec frappé à la porte. C’était Tony qui lui murmura quelque chose. Elle acquiesça avant de retourner à son interrogatoire, un sourire aux lèvres.

 «Connaissez-vous M Dorset?» reprit la jeune Israélienne.

 «Non, ça ne me dit rien du tout.»

 «Hé bien, lui, il vous connaît. Il vous a vu chez M Woerth à l’époque où il était encore son maître d’hôtel….Et le capitaine ne semblait pas ravi de votre petite visite chez lui…»

 «Oh, James, ce vieil hibou… Mais il n’a rien compris du tout ! J’étais chez Colin pour des raisons professionnelles… »

Ziva eut une moue dubitative et tendit une photocopie des menaces trouvées dans les papiers de Colin Woerth. Elle vit la jeune femme pâlir. Décidément, ils étaient sur la bonne voie…

 «Vous reconnaissez ceci, je suppose?»

 «Non…»
 « Il y a pourtant votre nom dessus!» ironisa Ziva.

 «Oui, mais ce n’est pas ce que vous croyez! »

 «Ah non? » soupira Ziva.

Toujours la même excuse lamentable.

 «Expliquez-moi alors?»

 «Colin… Je veux dire, M Woerth… Il était harcelé par une femme. J’ignore laquelle. Mais dans les semaines qui ont précédé sa mort, il a reçu plusieurs lettres de cet acabit, de plus en plus violentes. Il m’a confié les lettres parce qu’il savait que mon oncle est détective privé. Il lui a demandé de chercher le coupable. Il ne voulait pas mêler la police à ça à cause de la réputation de la clinique, et de sa femme. Je lui servais d’intermédiaire avec mon oncle. Le soir où le vieux majordome m’a vue, c’est après l’inconnue que Colin en avait. Son bureau avait été saccagé et je venais de le lui apprendre. Je l’ai conjuré de prévenir la police mais il a refusé de m’écouter…»

 «Pourquoi ne pas l’avoir fait vous-même?»

 «Parce que je tenais à ma place!»

 «Et pourquoi ne pas nous en avoir parlé tout de suite?»

La jeune femme rougit.

 «Parce que… Parce que j’ai eu peur d’avoir des ennuis voilà!» avoua-t-elle.

 «Mais j’avais changé d’avis. Quand votre agent est venu… me demander de le suivre au NCIS, j’avais déjà pris la décision de venir. J’étais sur le point de téléphoner à Timothy…»

Elle rougit davantage.

 «Je voulais lui donner les copies des lettres reçues par Colin.»

 Elle sortit de son sac une liasse de feuilles sous le regard méfiant de Ziva et la lui tendit.

 «Voilà, il n’y a pas tout, mais une bonne partie quand même.»

Ziva feuilleta quelques instants les documents et son visage s’assombrit petit à petit.

 

 Mardi, 08h45, a.m., salle de conférence du MTAC,

 

 McGee avait perdu dix minutes à convaincre un vieux dragon qui s’était auto proclamée secrétaire-en-chef du MTAC que c’était avec Belinda Shames, et uniquement avec elle qu’il souhaitait s’entretenir, et que cela n’avait rien à voir avec son emploi au sein du NCIS. Quand enfin elle avait accepté de le laisser parler à Miss Shames, il lui avait encore fallu cinq minutes de plus pour lui faire comprendre qu’il s’agissait d’un entretien privé. Quand enfin il la vit s’éloigner avec son air guindé, il ne put retenir un soupir de soulagement qui tira un sourire à sa suspecte.

 « Vous imaginez ce que ça peut être de l’avoir en permanence sur le dos?»

McGee lui sourit en retour.

 «Je suppose que vous vous demandez pourquoi j’ai demandé à vous parler? »

 «Oui. J’espère que ce n’est rien de grave? » demanda-t-elle, une expression inquiète s’affichant sur son visage.

 «Mademoiselle, est-ce que vous connaissiez le Capitaine Colin Woerth?»

L’expression faciale de Belinda Shames se durcit imperceptiblement.

 «Oh, oui.» répondit-t-elle sèchement.

 «Nous avons eu une liaison… Mais c’est terminé maintenant. En quoi cela regarde-t-il le NCIS? »

 « Le Capitaine Woerth a été assassiné hier matin. »

Belinda Shames resta un instant silencieuse puis éclata en sanglots. Pris de court, McGee s’en trouva décontenancé.

 « Heu… Pourquoi… Pourquoi Colin a-t-il mis un terme à votre relation? » 

 «Oooooh…» sanglota-t-elle.

 «Il a utilisé tout un tas de bonnes raisons… Il ne pouvait pas quitter sa femme enceinte, il ne pouvait pas sortir avec une de ses patientes, il n’était pas l’homme qu’il me fallait….Choisissez l’option que vous préférez, agent McGee! Et deux jours après, je l’ai croisé avec une autre… Il n’a même pas eu le tact de paraître désolé ou gêné le moins du monde! Ça l’a simplement fait rire!»

Elle aussi eut un rire aux accents hystériques au milieu de ses sanglots. Puis elle sembla reprendre contenance.

 «Désolée de vous imposer ce spectacle pitoyable.» murmura-t-elle après s’être tamponné les yeux avec un mouchoir. « Il faut croire que je ne choisis jamais la bonne personne.»

 Elle réussit à sourire.

 « Mais c’est fini, n’est ce pas? »

Soulagé qu’elle ait cessé de pleurer, McGee lui rendit une nouvelle fois son sourire et osa lui demander :

 «Quand avez-vous vu Colin Woerth pour la dernière fois? »

 « Je ne sais plus. Je l’ai revu quelques fois pour des questions professionnelles mais c’était trop dur. Il a fini par me confier à un autre chirurgien. »

Elle avait un ton amer.

 «Et hier matin? »

 « Qu’est ce que vous insinuez? Non, je n’ai pas vu Colin hier. Je suis arrivée en avance, vers 8h, ce jour-là. Mme Cobb pourra vous le dire, c’est elle que vous avez vu tout à l’heure. Et puis, je suis passée à autre chose, maintenant, vous savez. »

Elle eut de nouveau un sourire.

 « Je sais que c’est la bonne personne cette fois-ci. Autre chose, agent McGee ? Parce que j’ai une tonne de travail qui m’attend…»

 «Non, c’est tout pour le moment. Nous allons vérifier votre alibi… Et restez à la disposition du NCIS…»

Elle eut un léger rire.

 «Où voulez vous que j’aille d’autre? » rétorqua-t-elle gaiement.

 «Je ne compte pas bouger…»

Elle fut interrompue par l’ouverture brusque de la porte du MTAC. Gibbs entra, accompagné de Jen avec laquelle il était plongé dans une conversation dont le sujet semblait clairement le contrarier.

 «McGee! Réunion de crise, en bas, tout de suite! » aboya-t-il dès qu’il eut aperçut son agent.

 «Oui, patron! » acquiesça aussitôt McGee.

Mais Gibbs avait déjà reporté son attention vers Jenny qu’il laissa passer devant lui avant de sortir à son tour de la pièce.

McGee prit aussitôt congé de Belinda qui avait suivi la courte scène avec intérêt.

 « Je vais vous laisser retourner à votre travail. Si il y avait quoique ce soit, vous seriez joignable? »

 «A mon poste de travail, oui…Dépêchez vous, vous ne devriez pas faire attendre l’agent Gibbs! Vous avez de la chance de travailler avec lui, vous savez. » ajouta-t-elle.

Ne sachant que répondre, McGee se contenta d’un signe de tête affirmatif avant de se dépêcher d’obéir à l’ordre de son patron.

 

  Mardi, 09h22, a.m., Open Space du NCIS,

 

 Ziva attendit que McGee les rejoigne avant de débuter ses explications.

 « Trois semaines avant sa mort, Colin Woerth a commencé à recevoir des menaces provenant d’une personne non identifiée, très probablement une de ses anciennes maîtresses.»

Elle fit passer à Tony et McGee quelques unes des missives qu’elle tenait encore dans les mains.

 «Ça vous rappelle quelque chose? »

Les deux agents restèrent quelques instants silencieux, observant à leur tour les lettres d’un air attentif. Parmi les différents mots que Tony étudiait se trouvait une photo, sur laquelle il reconnut la femme de Colin Woerth, Amy. Et son visage était entouré d’une cible rouge… Comme sur les menaces reçues par Ziva et Jenny…. A sa gauche, McGee semblait avoir suivi le même raisonnement que lui parce qu’il s’exclama soudain :

 « On dirait… On dirait le même genre de menaces reçues par… Ziva et… »

Son regard croisa celui de Jen et il ne finit pas sa phrase.

 «Le style semble identique, en tout cas…»
Tony approuva silencieusement.

 «C’est ce que Ducky est en train de chercher à démontrer, en effet.» dit Ziva, en récupérant les lettres pour les fixer de nouveau, comme si elles allaient lui apporter le nom du coupable.

 « On a des pistes? » s’enquit Tony.

Il y eut un silence durant lequel Gibbs échangea un regard avec Ziva. Finalement, celle-ci détourna le regard avec défi et répondit :

 « Le seul lien pour le moment entre Colin et le NCIS, c’est Mary-Jane.»

Tony comprit au regard que Gibbs adressait maintenant à Ziva que celui-ci ne croyait toujours pas à la culpabilité de la jeune sœur d’Abby. L’ouverture des portes de l’ascenseur brisa le silence qui devenait pesant. Ducky en sortit, lui aussi avec des papiers plein les mains. Il sembla surprit de tomber sur la team au grand complet, tous arborant des mines sombres.

 «Ce n’est pas le bon moment, peut-être? »

 «Au contraire, Duck, c’est le moment idéal! Qu’est ce que tu as trouvé? » demanda Gibbs.

 «Rien de très bon, je le crains, Jethro… Tout d’abord, la femme qui a écrit ça n’est pas Helen Adams. » expliqua-t-il en montrant rapidement les différences flagrantes entre les deux écritures.

 «Ensuite, je crains que nous ne soyons en présence d’une meurtrière très déterminée…»

 «Tu es sûr qu’il s’agit d’une femme, Duck? »

Le vieux médecin eut une légère moue.

 «Sûr, non. Disons, affirmatif à 99%. La maladie dont je soupçonne cette femme d’être atteinte touche très peu les hommes…»

 «Maladie? »

 «Oui. L’érotomanie. Une maladie du groupe des psychoses délirantes qui se construit autour de la conviction délirante que l'on est aimé par une personne. Et cet amour va prendre une place considérable jusqu’à n’être plus que l’unique raison de vivre de la malade.»
 «Mais…»

Tony jeta un coup d’œil discret vers Gibbs.

 «Tu veux dire… Comme… Une ancienne petite amie? »

Gibbs fronça les sourcils, mais Ducky intervint avant qu’il ne rétorque.

 «Non, pas forcément. Au contraire, même. L’homme qui devient objet du délire érotomane, qui occupe souvent une certaine position sociale, tel un médecin, par exemple, est le plus souvent tout à fait inconscient de l’amour qui lui est porté. En effet, l'érotomane se persuade que l'autre l'aime en secret; sans oser ou pouvoir se déclarer, elle croit qu’il doit cacher son amour. Pendant cette phase, l'érotomane cherche à entrer en contact avec lui, persuadée que c'est lui qui le souhaite. Elle peut lui téléphoner, lui envoyer des mails, le suivre jusque chez lui… Elle peut attendre des heures pour le croiser une minute… Et tout ça, toujours sans que l'objet de cet amour délirant ne s'en doute! »

 «Oui, c’est vraiment pathétique. » commenta Ziva, pour couper court au cours de Ducky.

 «Mais je ne vois pas en quoi ça explique les menaces, surtout envers moi ou Jenny! Il est clair que nous n’avons pas le profil «d’objet d’amour délirant»»

 «Non. Vous avez le profil d’obstacle.»

 «…? »

 «C’est Jethro, l’objet de cet amour délirant.» continua Ducky.

Malgré tout le sérieux du moment, Tony eut toutes les peines du monde à retenir un sourire à ces mots. Mais la tête de son patron fut suffisante pour le convaincre de conserver un air grave de circonstance.

 «Et toi et Mme le Directeur n’êtes que des obstacles, une des raisons qui, aux yeux de notre malade, empêche Jethro de dévoiler son amour pour elle….Elle peut alors entrer dans une phase dite ‘‘de rancune’’ où elle va s'attaquer à la personne qu’elle adorait, pour peu qu’il l’ait repoussé, ou à son entourage proche, femme, amie, collègue… C’est sûrement parce qu’il l’a repoussé qu’elle a tué Colin. C’est elle encore qui a du sectionner les freins de la voiture de Ziva… Nul ne peut dire jusqu’où elle pourrait encore aller… Il n'y a plus aucun sens critique, elle s’est sûrement persuadée de la véracité de son amour… Et elle ira jusqu’au bout, pour lui…» conclut Ducky.

Un nouveau silence pesant s’installa.

 «Mary-Jane a déjà travaillé dans un garage. » insista Ziva.

 «Elle avait les capacités de s’en prendre à ma voiture. Et si Colin l’avait repoussé... Enfin, elle ne le connaissait que depuis trois semaines, et elle pensait qu’ils allaient s’installer ensemble! » s’enflamma-t-elle.

 «Mais comment aurait-elle eu accès au bureau de la Directrice? Ça n’est pas si facile que ça… Quelqu’un l’aurait vu, non? » rétorqua Tony, décidé à rester objectif, bien que lui aussi commençait à trouver que beaucoup de preuves s’accumulaient contre Mary-Jane.

 «Ducky vient juste de nous dire qu’elle devait surveiller Gibbs, le suivre sans que qui que ce soit ne remarque rien… Et Cynthia a dit que ça n’avait pas pu prendre plus de cinq minutes pour déposer le mot et le couteau sur le bureau… Et d’ailleurs, elle ou pas, personne n’a vu qui que ce soit, or, quelqu’un a bel et bien réussi à pénétrer dans ce bureau!» riposta-t-elle.

 «Enfin, elle a un mobile et pas d’alibi! SI elle n’était pas la sœur d’Abby, ça ferait longtemps qu’elle serait en salle d’interrogatoire! »

Gibbs se leva brutalement, ce qui eut pour effet de faire aussitôt taire Ziva, qui avait conscience d’être allée un peu loin mais qui maintint la tête haute face à son patron.

 «Allez chercher Mary-Jane et emmenez la en salle d’interrogatoire.» Ziva se prépara à obéir quand la voix de Gibbs la retint encore un instant.

 «Et ne remettez plus jamais mon intégrité en doute, agent David, est ce bien clair?»

 «Oui, agent Gibbs. » murmura Ziva en baissant les yeux, cette fois.

Quatre heures plus tard, ils en étaient toujours au même point. Mary-Jane n’avait rien avoué du tout, Gibbs refusait de venir l’interroger, se contentant d’observer Ziva et Tony essayer tour à tour l’intimidation et la douceur. Ils se rendirent compte très vite que Mary-Jane n’avait pas que le physique en commun avec sa sœur. Elle était tout aussi impossible à canaliser.

Tony finit par renoncer à son tour et il regagna la petite pièce derrière la glace sans tain, où se trouvait le reste de l’équipe. En désespoir de cause, McGee venait de proposer de la faire évaluer par l’un des psychiatres du NCIS pour déterminer si oui ou non, elle souffrait de délire de type paranoïaque. Le psychiatre joint avait promis de passer le plus vite possible et c’était présentement lui qu’ils attendaient. Tony allait demander l’autorisation de sortir se chercher de quoi manger, lorsqu’un jeune agent frappa, entra dans la pièce et vint murmurer un mot à Gibbs qui le suivit aussitôt, laissant ses agents perplexes quelques secondes.

 Jen quitta le NCIS pour sortir déjeuner au congrès, comme tous les mardis midis. Son chauffeur l’attendait déjà devant la porte du bâtiment. Elle avait à peine fait quelques pas dehors lorsqu’elle fut rattrapée par Gibbs, visiblement mécontent.

 «Où vas-tu? » 

 «Déjeuner.»
 «Seule?»
 «Je ne vois pas en quoi ça te concerne, mais non, en compagnie de centaines de députés et sénateurs.»

 «Je veux que deux agents t’accompagnent en permanence à partir de maintenant.»

 «Le congrès est encore plus surveillé que Fort Knox, Jethro! Tu crains vraiment qu’il m’arrive quoi que ce soit pendant que je serais là-bas?» ironisa-t-elle.

Mais il n’était pas du tout d’humeur à discuter.

 «Tu vas emmener deux agents avec toi, point final.»

Elle s’apprêtait à répliquer vertement quand deux coups de feu retentirent brusquement dans le silence de la cour du NCIS, déchirant l’air de leurs déflagrations meurtrières.

 

    Lorsque les détonations avaient retenti, le premier réflexe, immédiat, de Gibbs avait été de mettre Jen à l’abri en la poussant derrière la voiture de fonction sans ménagement avant de sortir son arme et de se précipiter vers l’origine des tirs. Il eut le temps de voir passer une rutilante mercedes grise, fenêtre côté passager ouverte, s’enfuyant sur les chapeaux de roues. Bien que les traits du conducteur et unique occupant de la voiture soit impossible à distinguer clairement à la distance où il se trouvait, il put quand même noter quelques détails. L’agresseur était une femme, de race blanche. La voiture s’éloignait trop vite pour qu’il puisse tenter quoique ce soit sans prendre un risque pour les badauds qui commençaient déjà à affluer devant le vacarme provoqué par les coups de feu. Arrivée au carrefour situé 100m plus loin, la voiture ralentit quelques secondes, suffisamment longtemps pour que la conductrice ait le temps de jeter un objet lourd par la fenêtre qui rebondit sur le trottoir dans un bruit métallique. Puis, le véhicule accéléra de nouveau et disparut dans un crissement de pneus assourdissant. Gibbs s’apprêtait à ranger son arme pour aller récupérer dans les plus brefs délais ce que leur agresseur avait balancé hors de l’habitacle lorsque des bruits de pas précipités, derrière lui, le firent se retourner brusquement, en alerte.

 Les trois agents avaient regardé leur patron quitter la pièce sans un mot. Passablement inquiet –et, même s’il ne l’avouerait jamais, curieux- Tony avait décidé au bout de quelques secondes de suivre Gibbs. Tant pis pour les possibles représailles.

 «Ziva, McGee, restez ici et surveillez Mary-Jane! Je vais voir ce qu’il se passe!» leur intima-t-il.
 «Tony… Je ne pense pas que ça soit une très bonne idée de se mêler de ce que Gibbs…»

commença McGee.

 Mais il n’eut pas le loisir de pouvoir terminer sa phrase, parce que Tony avait déjà filé par la porte resté ouverte. Le jeune agent soupira et voulut échanger un regard exaspéré avec Ziva. Mais celle-ci ne lui prêtait pas attention, fixant la porte par laquelle Tony venait de disparaître. Elle n’allait quand même pas le laisser être au cœur de l’action –quelle qu’elle soit- ou bien obtenir des infos qu’elle n’aurait pas, ce qui le rendrait encore plus insupportable, si c’était possible. Tant pis si Gibbs n’était pas content, si tant est que ça lui arrivait d’être vraiment content.

 «McGee, reste ici et surveille Mary-Jane… Je vais avec Tony!»

 Sidéré, McGee la regarda quitter la pièce à son tour avant de pousser un second soupir bruyant. Il se tourna de nouveau vers la vitre derrière laquelle Mary-Jane n’avait pratiquement pas bougé, bien décidé, lui, à faire ce que leur patron attendait d’eux. Et tant pis pour Tony et Ziva s’ils subissaient les foudres de Gibbs, ça serait bien fait pour eux.Ziva avait rattrapé Tony à mi-chemin des escaliers.

 «Qu’est ce que tu fais là?» avait-il demandé, mécontent.

 «Comme toi.» avait-elle rétorqué, sur le même ton.

 «Je ne t’ai pas demandé de venir! Je t’ai demandé de surveiller Mary-Jane!»

 «McGee fera ça très bien.»

Dieu, que Ziva pouvait être agaçante, songea Tony.

 «Tu sais où est allé Gibbs?»

 «Pas loin, je suppose.»

 «Donc, tu ne sais pas.» ironisa-t-elle.

 «Toi non plus!» riposta-t-il.

 «Et quand tu l’auras retrouvé, comment tu comptes lui expliquer que tu n’es pas en bas à surveiller Mary-Jane, Tony?»

 «Et toi?»

 Elle était sur le point de lui répondre qu’elle comptait expliquer que l’idée venait de lui quand les bruits de tirs, provenant de toute évidence de la rue, les interrompirent brutalement. Ils se jetèrent un regard soucieux qui en disait long sur le fond de leur pensée que Ziva exprima tout haut dans un murmure:

 «On dirait qu’on sait où est Gibbs, maintenant.»

Dans un bel ensemble, ils se précipitèrent, sortant leurs armes tout en finissant de grimper l’escalier quatre à quatre. Ils franchirent la porte du NCIS et gagnèrent la cour, le cœur battant. Ils aperçurent Gibbs à quelques dizaines de mètres plus loin, leur tournant le dos. Soulagés de le voir sain et sauf, ils coururent tout deux à sa rencontre.
Gibbs se retourna brutalement à leur approche, visiblement inquiet. Il se détendit néanmoins lorsqu’il eut reconnu ses agents.

 «Qu’est ce qu’il s’est passé?» demanda Ziva d’un ton anxieux.

 «On a entendu des tirs…» ajouta Tony. Puis, remarquant du sang sur la chemise blanche de Gibbs, il s’alarma, désignant les fines gouttelettes rouges qui maculaient une partie du vêtement.

 «Tu es blessé!?»

Gibbs fronça les sourcils en baissant les yeux sur sa chemise. Effectivement, d’inexpliquées petites taches de sang la parsemaient. Mais il n’avait pas été touché… Alors? ‘Jen!’ Il ne mit que quelques secondes à rejoindre la voiture de fonction, Tony et Ziva sur ses talons.
 Jen était étendue sur le sol, apparemment inconsciente, couverte de sang. Son chauffeur personnel, blanc comme un linge, était penché au dessus d’elle.

 «Je… J’ai appelé les secours… Ils devraient arriver… Mais… Madame le Directeur a perdu connaissance…»

Il semblait totalement désemparé. Sans ménagement, Gibbs l’écarta pour se pencher à son tour vers Jenny. Elle n’avait visiblement été touché qu’une seule fois, à l’épaule gauche. Pas de risque qu’un organe vital soit touché gravement. Le problème, c’est qu’elle perdait beaucoup trop de sang… Il commença à comprimer la blessure. Au loin, les sirènes de l’ambulance retentirent.

 

 Mardi, 14h45, Open Space du NCIS,

 

 Gibbs marchait de long en large entre les bureaux, l’air ombrageux. Ses agents travaillaient autour de lui dans un silence de mort, aucun d’entre eux n’osant faire le moindre bruit étant donné l’humeur de leur patron. D’ailleurs, tout le NCIS était étrangement silencieux, la nouvelle de ce qui était arrivé à la Directrice s’étant répandue comme une traînée de poudre parmi l’ensemble du personnel. Mais personne ne connaissait exactement la gravité du pronostic –bien que l’ambulancier se soit montré rassurant- et l’hôpital n’avait toujours pas rappelé.

 En attendant, la team se concentrait sur un objectif très simple : retrouver le coupable. Du moins, c’était simple en théorie. Parce qu’en pratique… La seule certitude qu’ils avaient à ce point de l’enquête, c’était que Mary-Jane était désormais innocentée puisqu’elle se trouvait toujours dans la salle d’interrogatoire sous la surveillance de McGee au moment des faits. Depuis qu’ils avaient fait ce constat, ils en étaient toujours au même point.
Tony avait bien demandé si Gibbs connaissait qui que ce soit d’autre qui aurait pu avoir ce type de comportement, mais le regard qu’il reçut en retour signifiait si clairement qu’il existait une chance non négligeable qu’il finisse allongé sur une des tables de Ducky pour peu qu’il insiste encore sur ce point, qu’il préféra renoncer. D’autant plus que Ducky, venu aux nouvelles, leur rappela que ça pouvait être à peu près n’importe qui, de la factrice à l’employée des téléphones que Jethro avait interrogé le mois précédent. Ce qui ne fit rien pour améliorer l’humeur de Gibbs. C’était donc à peu près depuis ce moment là que Gibbs faisait les cent pas et que tout le monde s’efforçait de ne pas se faire remarquer. C’est pourquoi, lorsque le téléphone de McGee avait retenti de sa sonnerie stridente, tout le monde avait sursauté, en particulier McGee lui-même, qui après avoir manqué de tomber de sa chaise, s’était jeté sur son téléphone avec un regard d’excuse.
 «Agent McGee, bureau du NCIS.»

 «…»

 «Ah, Monsieur Shames, merci de nous avoir rappelé aussi vite. C’est à propos de votre ex-femme, Belinda. »

McGee l’interrogea quelques minutes sur les antécédents de sa femme, en particulier sur la tentative de meurtre qu’il l’accusait d’avoir commis à son encontre. Quand il raccrocha, il semblait soucieux.

 «M. Shames m’a expliqué que son ex-femme a toujours eu un côté hyper possessif, c’est ce qui a selon lui précipité la fin de leur mariage. Le jour où il a demandé le divorce, elle a essayé de lui rouler dessus…»

Tony émit un sifflement.

 «C’est une des raisons pour laquelle je ne me marierai jamais!» s’exclama-t-il.

 «Mais ça ne nous avance pas vraiment, ça, si?» intervint Ziva.

 «On le savait déjà, qu’elle s’en était pris à son mari non? Beaucoup de femmes attaquent leurs ex-maris, ce ne sont pas toutes des psychopathes en puissance!»

Gibbs ne dit rien, mais le regard qu’il lançait à McGee indiquait clairement qu’il était plutôt d’accord avec Ziva. Tony avait observé l'approbation tacite de Gibbs et songea que celui-ci approuvait en connaissance de cause, mais il estima préférable de ne pas exprimer son point de vue à voix haute.

 «Après ça,» reprit McGee,

 «elle a reçu un suivi psychiatrique obligatoire par décision de justice. Monsieur Shames m’a donné le nom du psychiatre qui s’est occupé d’elle, ça ne coûte rien de lui téléphoner…»

Il quêta l’assentiment de son patron.

 «Hé bien, allez y, McGee!» s’exclama celui-ci, agacé.

  McGee était en train de gravir quatre à quatre les marches de l’escalier menant au MTAC. Le psychiatre qu’il avait eu en ligne lui avait décrit Belinda Shames comme une personnalité dite ‘borderline’. Autrement dit, le type de personnalité à la frontière, pouvant basculer dans le trouble psychiatrique, ou pas. McGee n’y avait pas compris grand-chose, en dehors du fait qu’un choc affectif ou émotionnel –une rupture, par exemple- aurait pu provoquer chez elle une décompensation de la maladie sous-sous-jacente. Autrement dit, elle pouvait avoir développé un syndrome érotomaniaque, tout à fait compatible avec son profil psychiatrique.
 «Et alors?! Qu’est ce que vous attendez pour l’amener en salle d’interrogatoire, agent McGee?!» avait crié Gibbs après que son agent ait rapporté la conversation qu’il venait d’avoir avec le psychiatre.

C’est pourquoi il se trouvait présentement à courir dans les escaliers, espérant de toutes ses forces que Belinda Shames soit toujours à son bureau. Sinon… Il préférait ne pas y penser pour le moment.

 «Mme Cobin!» s’exclama-t-il en entrant dans le MTAC, reconnaissant l’acariâtre vieille secrétaire. 

 «Qu’y a-t-il encore, agent McGee?» soupira-t-elle, visiblement peu ravie de le revoir.

 «Il faut que je voie Miss Shames, tout de suite, s’il vous plaît…»

 «Encore!» s’écria-t-elle.

 «Et bien, je suis désolée de devoir vous décevoir, agent McGee, mais elle n’est pas là!»

 «Où est-elle? Quand est elle partie?» la questionna McGee.

 «Elle ne se sentait pas bien du tout, elle a du partir vers midi. Je suppose qu’elle est rentrée chez elle, agent McGee, mais je n’ai pas été vérifié…Et pourquoi vous intéressez vous tant à elle? Elle a fait quelque chose de mal? Je l’ai toujours trouvé suspecte, depuis le premier jour. D’ailleurs…»

Elle était sur le point de se lancer dans un grand discours sur les mœurs des jeunes actuels quand McGee l’interrompit.

 «Je vous remercie, Mme Cobin. Surtout prévenez moi si Miss Shames repassait!» requit-il en s’éloignant sans lui laisser le temps de terminer.

Elle le regarda s’éloigner, l’air indignée. Les jeunes étaient vraiment tous les mêmes.

 McGee avait redescendu les escaliers bien moins vite qu’ils ne les avaient montés. La perspective d’affronter son irascible patron y était sûrement pour quelque chose.
Il s’approcha du bureau de Gibbs avec une tête contrite qui reflétait clairement qu’il aurait souhaité se trouver n’importe où ailleurs, plutôt que devant ce bureau. Au milieu d’une arène pleine de fauves, par exemple.

 «Patron?» murmura McGee.

Gibbs leva les yeux vers lui.

 «Je… Je crois qu’on a un problème… Heu… Belinda Shames n’est pas à son bureau.»
Au vu de l’expression de Gibbs, on sentait qu’il valait mieux pour McGee que ça ne soit pas la fin de la phrase.

 «Heu… Elle n’est plus au NCIS, elle est partie vers midi et personne ne l’a revu depuis.»
Gibbs se contenta de fixer McGee sans dire un mot. Celui-ci, qui s’était attendu à une explosion de colère, trouvait finalement bien pire de subir ce regard glacial qui semblait ne rien exprimer. Enfin, après quelques secondes qui lui parurent interminables, Gibbs détourna son regard de lui.

 «Tony!» aboya-t-il.

 «Oui, patron.» réagit aussitôt ce dernier.

 «Je cherche tout de suite quel type de véhicule elle conduit!»

 «Ziva!»
Ziva décrocha le téléphone.

 «J’essaye de la joindre chez elle ou sur son portable!» répondit-elle en ouvrant devant elle le dossier personnel que McGee avait consulté quelques heures plus tôt.

 Gibbs se leva brusquement, faisant sursauter McGee qui fit un pas en arrière. Il ferma les yeux, anticipant son châtiment. Quand il les rouvrit, Gibbs avait disparu et Tony l’observait en coin, d’un air goguenard. Bien décidé à rattraper l’erreur qu’il avait commise en laissant disparaître un suspect dans la nature –suspect qui avait peut-être assassiné le directeur du NCIS, réalisa-t-il soudain avec horreur-, McGee ouvrit à son tour le dossier de Belinda, bien décidé à aider à la retrouver le plus vite possible. Ou à donner sa démission.

 Gibbs revint avec un café quelques minutes plus tard, fixant son téléphone d’un air soucieux. Tony se leva aussitôt qu’il aperçut son patron.

 «Toujours pas de nouvelles de l’hôpital?» demanda-t-il, inquiet. Gibbs ne répondit pas et Tony préféra changer de sujet.

 «Belinda Shames conduit une Mercedes grise de 2008…» rapporta-t-il. Il montra le modèle en question. «Je suppose que c’est bien la voiture que tu as vu ce matin?»

Gibbs acquiesça avant de se tourner vers Ziva.

 «Personne ne répond chez elle et son téléphone portable est éteint.»

 «Trouvez-là.» ordonna-t-il à ses agents.

McGee hésita une seconde avant d’intervenir.

 «Je pourrais…» commença-t-il.

Gibbs se tourna vers lui et le pauvre agent piqua un fard.

 «Enfin, peut-être que… Comme sa voiture est un modèle récent, il est possible qu’elle soit équipée d’un antivol relié au GPS qui pourrait nous dire exactement où elle se trouve…»

Il commença à taper sur le clavier à toute vitesse entrant le numéro de plaque, le modèle…
 «Oui!» s’exclama-t-il enfin, après quelques minutes de silence à fixer son écran. Il afficha un plan sur l’écran au centre duquel se trouvait un point rouge qui se déplaçait.

 «Elle n’est pas très loin! Elle est sur…» Il examina le plan de plus près.

 «…Lincoln Street. Et elle se dirige vers le Nord. C’est la direction de Washington, ça, non?»
Il se tourna vers le reste de la team juste à temps pour voir Tony et Gibbs échanger un regard éloquent.

 «L’Hôpital Universitaire de Washington!»

Ziva et McGee frémirent à leur tour : c’était l’hôpital où Jenny avait été conduite deux heures plus tôt.

 

 Mardi, 15h58, Hôpital de Washington

 

 Les quatre agents sortirent de la voiture, McGee les yeux toujours fixés sur l’écran de son PDA à l’aide duquel ils avaient suivi le trajet de Belinda Shames jusqu’à l’hôpital. Selon les indications du petit appareil, elle y était arrivée un peu moins de dix minutes plus tôt.
Ils observèrent un instant en silence l’imposante taille du bâtiment qui se trouvait devant eux. La retrouver là-dedans ne serait pas simple.

 Belinda s’engouffra dans l’ascenseur au moment où les portes se refermaient. Bien qu’elle ait perdu du temps à trouver une blouse pour passer inaperçue, elle était tout près du but. Elle n’échouerait pas une seconde fois. Elle s’était sentie tellement frustrée lorsqu’elle avait appris que Jennyfer Shepard n’était pas morte ! Tout était à refaire! Mais, puisqu’il le fallait… Et après, plus rien n’empêcherait l’agent Gibbs de lui avouer son amour… Elle se sourit à elle-même. Ils allaient être heureux. Bientôt. Elle s’arrêta devant la porte de la chambre 229. Le couloir était entièrement désert. Elle ouvrit et poussa brutalement la porte de la chambre pour se trouver face-à-face avec un lit vide. Et des yeux bleus glacials.

 Aussitôt après leur arrivée, Gibbs avait demandé expressément à la secrétaire de l’accueil de lui communiquer le numéro de la chambre de Jennyfer Shepard.

 «Mais, heu… Agent… Gibbs… Elle est encore en chirurgie…» avait d’abord protesté la jeune femme.

Mais il ne l’avait pas laissé finir. Il avait tourné l’écran d’ordinateur vers lui et lut l’information qu’il cherchait. Espérer avoir un ascenseur rapidement à l’hôpital relevant de la plus pure utopie, les quatre agents avaient emprunté l’escalier jusqu’au deuxième étage. Sur place, ils ne trouvèrent nulle trace de Belinda et les infirmières qu’ils interrogèrent n’avaient encore vu personne autour de la chambre 229. McGee emmena les deux infirmières à l’abri, pendant que Gibbs, Tony et Ziva vérifiaient les différentes chambres de l’étage.

 «Apparemment, elle ne connaît pas encore le numéro de chambre…» fit remarquer Ziva une fois qu’ils se furent réunis dans ladite chambre.

 «Ou bien, elle est allée directement en chirurgie…» suggéra Tony.

 «Toi et McGee, allez vérifier!» ordonna Gibbs.

Les deux agents s’exécutèrent aussitôt, s’engouffrant dans les escaliers au moment où l’ascenseur s’arrêtait au second étage.

 «Belinda Shames, vous êtes en état d’arrestation pour le meurtre de Colin Woerth, pour menaces aggravées sur agents fédéraux et pour tentative de meurtre sur la personne du directeur d’une agence fédérale américaine.»

Elle sembla n’avoir rien entendu de ce qu’il venait de dire, comme subjuguée par sa présence.
 «Bientôt, nous pourrons être réunis tous les deux…» murmura-t-elle, extatique.

Ziva, restée dans l’ombre de la porte, leva les yeux au ciel. Elle décida qu’il valait mieux qu’elle intervienne tout de suite, parce qu’ils n’allaient pas s’en sortir, là.

 «Miss Shames, je crois que vous n’avez pas bien saisi. La seule chose avec laquelle vous allez être réuni, c’est une cellule de prison! »

Encore une fois, Belinda Shames négligea totalement les propos de Ziva. En revanche, elle réagit violemment à la présence de la jeune femme.

 «Qu’est ce qu’elle fait là, celle-là?» hurla-t-elle, à l’attention de Gibbs, soudain furibonde.

 «Il faut qu’elles meurent toutes!» Son ton se fit brusquement tendre.

 «Il faut qu’on ne soit que tous les deux…»

Et elle se tourna vers Ziva, prête à faire feu. Mais celle-ci était prête. D’un geste, elle désarma Belinda. Mais celle-ci, folle furieuse, se jeta sur Ziva avec laquelle s’engagea une lutte sans merci pour avoir le dessus. Ziva, mieux entraînée, finit par réussir à ceinturer son assaillante. Celle-ci continua de se débattre pendant un instant, jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que Gibbs l’ignorait délibérément. Elle perdit alors toute combativité.

 «J’ai fait tout ça pour nous! » sanglota-t-elle tandis que Ziva lui passait les menottes.

 «Jethro, je t’en prie! Je t’aime!»

Il lui tourna le dos et sortit son téléphone sans prêter attention aux supplications de la jeune femme.

 Tony décrocha son téléphone en voyant l’indicatif de son patron s’afficher.

 «Oui, Boss?»

 «…»

 «Et elle a avoué?»

 «…»

 «Ziva a du être ravie!» s’esclaffa Tony.

Il fut interrompu par un chirurgien qui quittait la salle de bloc et qui s’approcha des deux agents.

 «Vous êtes de la famille de Mlle Shepard?» demanda-t-il.

 «Non, des coll… des amis.» répondit Tony, ayant toujours Gibbs au téléphone.
Le chirurgien sourit.

 «Vous pouvez être rassuré, tout s’est bien passé. On a extrait la balle de l’épaule, aucun organe vital n’a été touché… Elle devrait se remettre très vite.»

McGee poussa un soupir de soulagement.

 «On peut la voir?»

 «Non, non, pas tout de suite. Mais d’ici ce soir, il n’y aura pas de problème. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser…»

 «Je vous en prie, docteur.»

Le chirurgien s’éloigna. Tony reprit son téléphone.

 «Tu as entendu?»

 «…»

Tony raccrocha.

 «Le Bleu! On rentre au NCIS!» s’exclama-t-il à l’attention de McGee.

 Le retour fut bien plus détendu que l’aller. Les quatre agents suivaient la voiture dépêchée sur place pour ramener Belinda dans la cellule du NCIS où elle prendrait la place de Mary-Jane en attendant qu’elle rédige des aveux et qu’un juge se charge de la faire déférer. Mais surtout, Jen était saine et sauve. Tony, assis à l’arrière avec McGee, ce qui ne lui plaisait guère, se vengea en lui adressant une de ses habituelles piques :

 «N’empêche, on laisse vraiment n’importe qui entrer au NCIS… Je pensais qu’on devait passer des évaluations psychologiques? Cela dit, si même McGee a réussi...» fit il remarquer avec un grand sourire à l’intention de celui-ci.

Gibbs lui jeta un regard via le rétroviseur.

 «Tu as de la chance que je conduise, Tony!»

Dans un élan de bonne volonté, Ziva se retourna et infligea à Tony la punition habituelle que Gibbs n’était pas en mesure de prodiguer.

 «Merci, Ziva.» approuva McGee.

 Abby faisait les cent pas dans le bureau. Quand les portes de l’ascenseur s’ouvrirent enfin, elle se précipita vers les arrivants et se planta devant Gibbs, les mains sur les hanches, l’air furieux.

 «On ne me dit rien, tout un après-midi sans nouvelle ! Je me suis tellement inquiété que j’ai fini par revenir ici. Et là, plus personne. Ducky qui ne veut pas me dire ce qu’il se passe ! Cynthia traumatisée parce que le directeur s’est fait tiré dessus! Injoignables!Et personne pour me… »

Gibbs lui posa un doigt sur la bouche pour la faire taire.

 «Tout va bien, Abbs! Nous avons innocenté ta sœur et la directrice va très bien.»
Abby garda les yeux plissés quelques secondes comme pour le sonder, puis elle lui sauta au cou.

 «Je savais que tu sauverais Mary-Jane!»

 «Merci pour le travail des autres…» grommela Tony.

 «Oh, ne sois pas jaloux, Tony…» railla la jeune gothique en lui plantant un baiser sonore sur la joue à lui aussi.

Leurs effusions furent interrompues par une scène qui allait être la conclusion de cette affaire.

 Mme Woerth remontait de la morgue où elle avait demandé à pouvoir faire une prière sur le corps de son mari, Mary-Jane sortait libre de sa cellule tandis qu’un agent y emmenait Belinda. Les trois femmes se croisèrent. Belinda chercha à se jeter sur Mary-Jane, l’accusant de lui avoir pris Colin. En revanche, Margaret Woerth dit à Mary-Jane et Belinda qu’elle leur pardonnait tout et qu’elle leur souhaitait vivement de trouver Dieu sur leur chemin. Elle remercia ensuite les quatre agents d’avoir arrêté si promptement l’assassin de son mari avant de quitter le NCIS, sereine.

 «C’est le moment où on peut dire ‘tout est bien qui finit bien’ non?» conclut Tony.
Tout le monde sourit à sa réflexion mièvre, mais vraie. Même Gibbs avait esquissé un début de sourire, McGee l’aurait juré.

 Mardi, 18h45, Hôpital de Washington,

 

 Gibbs avait mis un bon quart d’heure avant de rentrer dans sa chambre. Quinze minutes qu’il avait passé à se demander si c’était une bonne idée d’être venu. D’un autre côté, elle avait été là quand lui-même s’était retrouvé allongé sur un lit d’hôpital. Ce fut seulement quand l’infirmière, qui passait dans le couloir pour la troisième fois, lui jeta un regard de travers qu’il se décida à rentrer dans la chambre. Il avait peur de la trouver endormie mais elle tourna la tête vers lui en l’entendant pénétrer dans la pièce.

 «Bonsoir Jen.»

Elle lui sourit.

 «Jethro.» murmura-t-elle.

 «Je suppose que tu es venu m’expliquer un peu plus en détails ce que je fais dans ce lit d’hôpital?»

 «Tu t’es fait tirée dessus.»

 «Mais encore?»

 «Si tu veux la version longue, il y en a pour un moment…»

 «Tu es pressé?»

 «Non, Jen, j’ai tout mon temps.»

Il vint s’assoir sur le bord du lit.

 «Comment te sens-tu?» demanda-t-il d’un air concerné.

 «Comme quelqu’un qui s’est pris une balle dans l’épaule!» ironisa-t-elle.

Il la regarda, l’air grave.

 «Bien, en fait. Si le chirurgien n’avait pas exigé que je reste cette nuit, je t’assure que je ne serais déjà plus là!» ajouta-t-elle plus sérieusement.

 «Tu as perdu beaucoup de sang, Jen. Un peu de repos en plus ne te fera pas de mal…»

 «Oh? Et c’est toi qui me dis ça? Monsieur je-me-soigne-avec-un-verre-de-bourbon, et c’est reparti?»

Il haussa les épaules sans relever le sarcasme.

 «Juste une nuit, ça n’est pas si long.»

 «Hum? Ça dépend de ce qu’on en fait…»

Gibbs l’observa un instant. Ils étaient proches. Très proches. Il laissa son regard glisser sur le visage de Jen jusqu’à ses lèvres entrouvertes… Définitivement pas une bonne idée.

 «Tu m’as fait peur, tu sais, Jen…» murmura-t-il en se penchant un peu plus vers elle.

 «Ça n’était pas intentionnel, cette fois…» chuchota-t-elle, sans détacher son regard des yeux bleus de Gibbs.

Il posa ses lèvres sur les siennes, doucement, et il sentit qu’elle répondait à son baiser. Il se fit plus alors plus exigeant, l’attirant à lui jusqu’à ce que l’espace qui les séparait encore soit réduit au maximum. Il laissa descendre sa main dans le dos de Jen jusqu’au creux de ses reins avant d’interrompre leur étreinte le temps qu’ils reprennent leurs souffles. Il commença à l’embrasser dans le cou, descendant le long de la clavicule. Elle se mordit la lèvre inférieure pour se retenir de gémir. C’est à ce moment précis que l’infirmière entra sans ménagement dans la pièce.

 Ils se séparèrent instantanément. Il fallut quelques secondes à l’infirmière, sous le choc et ayant pris une teinte tirant sur le rouge pivoine, pour s’excuser et quitter la pièce précipitamment en balbutiant des excuses. C’est également le temps qu’il fallut à Jen pour prendre conscience de ce qu’il venait de se passer. Que ce qu’elle avait voulu à tout prix éviter venait de se produire. Il avait fallu qu’il fiche tout en l’air, comme toujours.
Gibbs se rendit qu’elle cherchait délibérément à esquiver son regard. Ce qui signifiait toujours chez elle qu’elle avait quelque chose d’absolument injuste à lui reprocher. Le silence se prolongea encore un instant.

 «Pourquoi as-tu fait ça?» finit elle par demander, glaciale.

Il resta un instant sans voix devant tant de mauvaise foi.

 «Parce que tu le voulais?» répondit-il sèchement, se levant brusquement.

 «Non.» mentit-elle en détournant les yeux.

Il lui jeta un regard furibond.

 «Qui est ce que tu essayes de convaincre, là, Jen? Toi ou moi?»

 «Ça n’aurait jamais du arriver.»

 «Il fallait penser à ça il y a dix ans, Jen. C’est un peu tard, maintenant, non?»

 «Tu ne peux pas laisser une bonne fois pour toute le passé là où il est, Jethro?»

Ils s’observèrent en silence pendant un instant avant que Gibbs ne quitte la pièce, hors de lui, à la fois furieux contre elle, et contre lui. Il avait oublié qu’elle était capable de produire cet effet là sur lui, et la piqûre de rappel était douloureuse.

 

 Mercredi, 1h57, quelque part dans un bar de Norfolk,

 

 Le barman refusa de le servir encore une fois. De toute façon, le bar allait fermer.
L’homme se leva péniblement et attrapa par la hanche la fille rousse, à l’allure délurée, qui avait passé avec lui une partie de la soirée. Ils quittèrent le bar ensemble, sous le regard du barman, probablement pour finir la soirée ailleurs. L’employé haussa les épaules, indifférent, et ajouta machinalement la note que l’homme venait de régler par-dessus les autres. Une note signée ‘L.J.Gibbs’.

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20 novembre 2009

Maux d'Amour 1

   LUNDI, 8h45 a.m., Open space du NCIS,

 

 Gibbs était resté silencieux cinq bonnes minutes, observant les photos que Ziva avait ajouté sur le bureau, à côté de celle concernant Jen. Ce fut le chuchotement de Tony qui le tira de ses pensées.

 «Pourquoi tu ne nous en as pas parlé avant, Ziva?» demandait-t-il à l’agent du Mossad debout a côté de lui. Elle haussa les épaules.

  «Tu crois vraiment que c’est le moment, Tony?»

 «Oui, c’est le moment, agent David!» intervint Gibbs avec colère.

 «Vous trouvez que c’est normal que je découvre par hasard que l’un de mes agents est harcelé par un individu potentiellement dangereux?»

Ziva ne se laisse pas démonter par l’irritation de son supérieur.

 «Je ne vous ai rien dit parce que je ne pensais pas l’individu en question dangereux. Et je croyais être la seule à être ‘harcelée’, agent Gibbs. Je ne pouvais pas savoir que la directrice aussi recevait ce genre de messages…»

 «Bien sûr que non, vous ne pouviez pas le savoir, puisque vous êtes toutes les deux assez idiotes pour croire que vous pouvez toujours tout régler toutes seules.» cria Gibbs en se levant brusquement. Il referma la boîte que Cynthia avait apportée d’un coup sec et s’approcha de Ziva, qui préféra faire un pas en arrière.

 «On est une équipe Ziva! Vous comprenez ce que ça veut dire?»

Elle acquiesça.

 «Parfait. Alors, vous allez dire à Tony et McGee quand et comment ces lettres vous sont parvenues, ainsi que tous les détails dont vous pourrez vous souvenir. Et sans rien omettre. Je me suis bien fait comprendre, Ziva?»

Sans attendre de réponse, il abandonna ses agents pour monter quatre à quatre les marches de l’escalier menant au bureau du directeur. Quelques secondes plus tard, ils entendirent une porte claquer. Tony eut une grimace.

 «Je vous conseille de rester ici un moment, Cynthia. C’est surement préférable pour votre santé. »

 

 LUNDI, 8h50 a.m., bureau de la directrice du NCIS,

 

 Gibbs entra sans ménagement dans le bureau puis claqua la porte d’un coup sec, faisant sursauter Jenny. Celle-ci était au téléphone et lui lança un regard courroucé. D’un geste de la main, elle lui désigna la porte pour lui faire comprendre qu’elle n’avait absolument pas le temps d’avoir une discussion avec lui pour le moment. Sans tenir aucun compte de son avis, Gibbs s’approcha du bureau et renversa le contenu de la boîte qu’il portait dessus, causant l’éparpillement dans un artistique désordre des lettres et des photos qu’elle abritait.
Jen resta sans voix un instant, jusqu’à ce que son interlocuteur s’inquiète de son silence et lui demande si tout allait bien.

  «Oui, oui. Un petit problème… interne.» expliqua-t-elle en jetant un regard explicite à Gibbs.

 «Je vous rappelle aussi vite que possible, colonel.»

Elle raccrocha et se tourna vers son agent.

  «Je peux savoir ce qui te prends?»

 «Regarde par toi-même.»

Elle ne baissa même pas les yeux vers les documents, elle les connaissait déjà par cœur.

 «J’avais interdis à Cynthia de te parler de ça. Ça ne te concerne pas!»

 «Non, bien sûr, Jenny, mon nom est écrit sur les trois quarts de ces lettres, mais ça ne me regarde pas, en effet! Une idée de qui a pu t’envoyer ces charmants billets?»

 «A part une de tes anciennes maîtresses, tu veux dire?» ironisa-t-elle.

 «Je ne sais pas, Jen. Tu penses à une en particulier, où il faut que je les rappelle toutes?» lui répondit-t-il sur le même ton.

 «Hollis, peut être?»

Il sourit.

 «Crois moi, ce n’est pas Hollis.»

Elle fronça les sourcils.

 «Je te trouve bien catégorique. Ce ne serait pas la première fois qu’elle essaierait de me nuire.» lui rappela-t-elle.

 «Ce n’est pas Hollis.» affirma-t-il.

 «Hollis ne te laisserait pas de mots pour te prévenir de ses intentions. Elle te tuerait, point final.En plus, je ne vois pas pourquoi Hollis ressentirait le besoin de s’en prendre à Ziva.»

 «A Ziva?»

 «Oui, à Ziva. Et tu le saurais aussi, si tu n’avais pas tendance à vouloir régler tes problèmes… seule.»

Ils échangèrent un regard lourd de sens.

 «Donc, si je comprends bien, Ziva aussi a reçu ce genre de missives.»

Il acquiesça.

 «Tu es sûr qu’il s’agit du même auteur?»

Il haussa les épaules.

 «Le fond et la forme sont relativement identiques, oui. Mais je vais demander à Abby de confirmer.»

Il attrapa une des lettres et une des photos qui trainaient sur le bureau et se dirigea vers la porte.  

 «Tu ne vas pas partir en laissant tout ça sur mon bureau, si?»

Il lui fit un sourire et s’apprêtait s’en aller lorsqu’il s’arrêta pour ajouter:

 «Inutile que je précise que tu ne vas nulle part sans être accompagné de Tony et Ziva jusqu’à ce qu’on ait éclairé tout ça, n’est ce pas?»

Et il quitta la pièce avant qu’elle puisse protester.

 

  LUNDI, 9h00 a.m., Open Space du NCIS,

 

 Tony raccrocha le téléphone juste quand Gibbs redescendait les escaliers. D’un regard son patron lui demanda de le mettre au courant.

 «Un meurtre. Colin Woerth, un médecin du Washington Hope Military Hospital.»
Gibbs haussa les sourcils.

 «Quel rapport avec la marine, Tony?»

 «Réserviste. Remobilisé il y a trois semaines. Il devait repartir en Irak demain.»
Il y eut un bref instant de silence durant lesquels les trois agents restèrent dans l’expectative.

 «Et alors? Qu’est ce que vous attendez pour vous préparer?»

Les trois agents commencèrent aussitôt à rassembler leurs affaires.
Gibbs se dirigea vers l’ascenseur.

 «Tu ne viens pas, patron?» s’étonna Tony.

 «Je vous rejoins au garage, Tony. J’ai un petit travail à confier à Abby avant.»

 

 Abby était allongée sur le sol, sa musique à fond.

 «Abby. Abby! ABBY!»

 Celle-ci ouvrit brutalement les yeux et sourit à Gibbs.

 «Salut!»

Elle se releva rapidement.

 «Excuse-moi, je dormais.»

Sur un signe de Gibbs, elle baissa le son de sa chaîne.

 «Tu dormais? Dans ce bruit?»

 «Ce bruit? Quel bruit?» s’étonna la jeune scientifique.

 «Tu as quelque chose pour moi?»

Il déposa les lettres et les photos devant elle. Elle les examina une seconde avant de relever la tête.

 «Dis-moi qu’un cinglé ne s’en prend pas ENCORE à nous? Mais je croyais que personne ne connaissait le NCIS? En dehors de la marine, je veux dire?»

Il ignora ses questions.

 «Je veux que tu compares ces deux lettres pour me dire si elles proviennent bien de la même personne. Et que tu cherches des empreintes, traces, origine du papier, lieu de développement des photos…»

Elle eut un sourire malicieux.

 «Et tu veux aussi ce que la personne a mangé avant d’écrire ces lettres, peut-être?»

 «Si tu peux le faire, alors, oui.»

Elle se mit au garde-à-vous.

 «J’ai compris, monsieur! Je vous promets de tout mettre en œuvre pour faire avouer à ces lettres!»

 «J’y compte bien, Abbs.»

Elle commença aussitôt à s’activer.

 «Je suppose que tu veux des résultats le plus vite possible. Hum… Je pense que d’ici une heure ou deux je pourrais déjà te dire si elles proviennent du même auteur. Et peut être même la marque du papier. Mais en ce qui concerne les photos, ce sera surement un peu plus l…»

Elle s’interrompit et se retourna. Ainsi qu’elle s’y attendait, Gibbs était déjà reparti.

 

    LUNDI, 10h05 a.m., Washington Hope Military Hospital,

 

 Le corps était étendu sur le sol du bureau. Il avait visiblement été déplacé, à en juger par les traces de sang étalées qui l’entourait.

 «Qui a découvert le corps?» s’enquit Gibbs en s’adressant aux curieux qui s’étaient attroupés devant la porte de la pièce.

 «C’est moi.» lui répondit une voix féminine.

 «Parfait. Restez ici. Les autres, à moins que vous n’ayez vu quoi que ce soit, vous pouvez retournez vaquer à vos occupations habituelles.»

Sa voix autoritaire eut l’effet escompté et les gens se dispersèrent rapidement.

 «C’est vous qui avez déplacé le corps ?» fut la première question de Gibbs.

«Docteur Jeremy Hanlon, enchantée de vous connaître également. Et oui, c’est moi. Quand je suis entrée dans le bureau et que j’ai vu Colin étendu sur le sol dans tout ce sang, mon premier réflexe a été de vérifier s’il était possible de le sauver. Je l’ai donc retourné et…»

 «Et ce faisant, vous avez détérioré une scène de crime.» compléta-t-il en la coupant.

 «Je me fiche de votre scène de crime! Quand je trouve un homme par terre gisant dans son sang, mon premier réflexe est d’essayer de lui venir en aide, pas de ne pas abimer de possibles indices. Je suis médecin, chacun son travail.»

Sans tenir compte de l’irritation de son témoin, Gibbs continua à la questionner sur ce qu’elle avait vu et sur les habitudes du soldat Woerth.

 

 McGee et Ziva s’occupaient de la scène de crime. McGee notait consciencieusement les preuves avant de les prendre en photos, tandis que Ziva passait derrière lui pour les mettre sous scellé. McGee ramassa une longue épée effilée couverte de sang qui gisait abandonnée non loin du corps.

 «Je crois qu’on a notre arme du crime, Ziva.» fit-t-il remarqué en la lui tendant.

 «Tu crois?» lui répondit-t-elle en la faisant glisser dans un grand sac.

 «Probablement, mais Ducky nous le confirmera.»

Elle se tourna vers Tony, qui était censé prendre des photos du corps, mais qui était figé, appareil photo à la main, fasciné par l’échange entre Gibbs et le docteur Hanlon.

 «Ca va, Tony, tu ne te fatigues pas trop?»

Il ne tourna même pas la tête vers elle.

 «Je crois que Gibbs a rencontré sa future cinquième femme, Ziva.» expliqua-t-il avec un sourire.

Elle observa à son tour quelques secondes la femme avec qui Gibbs s’entretenait de manière tendue. Elle ressemblait incroyablement à Jen, sauf qu’elle était plus blonde. Ziva haussa les épaules.

 «Occupe-toi du corps, au lieu de raconter n’importe quoi, Tony…»

 «Qu’est ce que tu crois que je suis en train de faire?» lui répondit-t-il sans détacher les yeux du docteur Hanlon.

Ziva soupira.

 «Tu es vraiment irrécupérable!»

Il daigna enfin se tourner vers elle et prit un cliché d’elle dont le flash l’éblouit.

 «Non, Ziva. Je suis italien.»

 

 Ducky débarqua dans la pièce, suivi de Palmer qui courbait le dos sous le poids des instruments dont le docteur Mallard l’avait chargé en descendant du van. Il s’approcha aussitôt du corps et commença son inspection de routine. Il nota immédiatement que le corps avait été déplacé.

 «Jethro…» commença-t-il en se tournant vers Gibbs.

Celui, occupé avec McGee, ne répondit même pas, se contentant de désigner d’un bref geste de la main le docteur Hanlon. Ducky se redressa pour la saluer.

 «Enchanté, chère collègue, je suis le Docteur Mallard, médecin légiste au NCIS.»

 «Docteur Hanlon.» répondit-t-elle.

 «Je suppose que c’est vous qui avez déplacé le corps?»

 «Vous aussi, vous avez l’intention de me le reprocher?»

 «Oh, non.» sourit Ducky.

 «Loin de moi l’idée de reprocher quoique ce soit à une aussi charmante personne…»

 «Merci, Docteur Mallard. Vous êtes nettement plus agréable que l’agent Gibbs, si je peux me permettre… Il est comme ça avec tout le monde, ou j’ai eu le droit à un traitement de faveur?»

 « Non, il est comme ça avec toute femme présentant un risque de devenir la sienne.»

Il se pencha de nouveau sur le corps, la laissant perplexe. Il examina rapidement les blessures qui couvraient le corps. Elles étaient au nombre de trois, très fines. L’une d’entre elles se trouvait très près du cœur et il l’examina avec un peu plus d’attention.

 «Ces blessures ont probablement été faites à l’aide d’un outil très effilé…Peut être avec un fleuret ou une rapière…»

 «Heu, oui, on a effectivement trouvé une épée par terre non loin du corps…» intervint McGee.

 «Une épée? Ça m’étonnerait mon petit Timothy. L’épée est un accessoire très lourd et volumineux, qui ne pourrait en aucun cas avoir causé ce genre de blessures. Le fleuret, en revanche, a une lame…»

Pressentant un long discours sur l’évolution de l’épée et de ses apparentés au cours de l’Histoire, McGee prit sur lui d’inventer un subterfuge pour s’esquiver:

 «Excusez-moi, Ducky, mais je pense que Ziva a encore besoin de moi…»

 «Ah? Et bien, allez y, Timothy, ne faite jamais patienter une femme…»

Soulagé, McGee s’éloigna.

 «Je vais devoir vous laisser également, Docteur Mallard, si vous n’avez plus besoin de moi. Mes patients m’attendent.»

 « Je comprends, oui. Ce fut un plaisir de vous rencontrer, Docteur Hanlon. Si jamais j’avais une question…»

 «L’agent Gibbs sait où me joindre. Mais, vous savez, je n’étais pas très proche de Colin et à part constater son décès…» expliqua-t-elle en quittant la pièce.

Ducky sortit le thermomètre hépatique et le mit en place d’un geste machinal.

 «Alors, Ducky, ton estimation de l’heure du décès?»

Le docteur Mallard examina le thermomètre quelques secondes avant de tourner la tête vers Gibbs.

 «Le décès a eu lieu il y a une heure et demi ou deux heures…»

 «Entre 8h et 8h30 ce matin, donc…»

 «Oui. Mais vu la quantité de sang que ce pauvre avant, j’aurais tendance à te dire qu’il n’est probablement pas mort sur le coup… Il a pu rester un moment dans cet état avant qu’il ne soit découvert…J’espère pouvoir être plus précis après l’autopsie.»
Il fit signe à Palmer qu’il pouvait emmener le corps.

 

 LUNDI, 11h35 a.m., Open Space du NCIS,

 

 Aussitôt leur retour à la base, les trois agents s’étaient aussitôt mis au travail. Tous les aspects de la vie de Colin Woerth furent passés au peigne fin, aussi bien sa vie professionnelle que personnelle.Ainsi, ils découvrirent que, du côté de sa vie personnelle, Colin Woerth était marié depuis 18 ans à Margaret Amy Watson, dont il avait eu trois enfants. Il habitait dans l’upper-side de Washington, au sein d’un des quartiers les plus cotés de la capitale.
 «Étonnant pour un marin, non?’ avait remarqué Tony.

La réponse à son interrogation avait été éclaircie par l’étude approfondie de la vie professionnelle de leur marin. Son travail à l’hôpital militaire s’avéra n’être qu’un à-côté volontaire et bénévole à son véritable métier. Au civil, Colin Woerth était chirurgien esthétique. Et à en croire les échos que Tony, McGee et Ziva avaient recueillis à son sujet, il semblait avoir été sacrément bon dans son domaine. Il officiait dans une clinique privée dont il possédait cinquante pour cent des parts. Un certain Philip Anders, avec qui il était associé depuis sept ans, possédait les cinquante autres pour cent. La mort de Colin lui profitait en cela qu’il récupérait la totalité de la valeur de la clinique, hormis une somme qui, bien que conséquente, était dérisoire en regard de la valeur actuelle de l’établissement et qui devait revenir à la veuve. Le second fait intéressant qui attira leur attention fut que Colin était membre amateur d’un grand club d’escrime.

 «Voilà qui explique l’épée!» s’était exclamée Ziva.

 «Le fleuret…» l’avait repris machinalement McGee. 

Ils découvrirent que Phillip Anders était également membre du même club. 

 «Et nous avons un gagnant!» avait alors exulté Tony.

 «Mobile, accès à l’arme et au lieu du crime…Tout y est!»

 «Sauf les preuves, DiNozzo…» lui rappela sèchement Gibbs.

 «C’est le boulot d’Abby, ça, patron, de nous fournir les preuves, non? Alors, on va arrêter cet Anders ?»

 «Contentez-vous d’aller faire un tour à la clinique avec Ziva, d’abord… McGee, approfondissez les recherches sur cet Anders… Et sur sa femme, aussi!» avait répliqué Gibbs.

Les trois agents n’avaient pas réagi sur le champ.

 «Vous attendez un signe du ciel?»

Tony et Ziva s’étaient empressés de quitter les lieux tandis que McGee commençait à taper à toute vitesse sur son clavier. Satisfait, Gibbs avait tourné les talons en direction de l’ascenseur.

 

 LUNDI, 11h40 a.m., Morgue du NCIS,

 

 «Jethro, si tu viens pour les conclusions de l’autopsie, c’est beaucoup trop tôt… Par contre, j’ai déjà quelques petites choses qui pourront t’intéresser.»

Il se pencha sur le corps pour désigner les blessures à Gibbs.

 «Ainsi que je le supposais, aucun des trois coups portés à notre homme ne lui a été fatal. Combien de temps a-t-il fallu pour que ces coups entrainent la mort…? Je l’ignore pour l’instant. Il faut que je voie plus en détail les dégâts internes, mais je pense que tu peux déjà reculer l’heure présumée de la mort d’une bonne demi-heure.»

 «Autre chose, Ducky?»

 «Evidement, Jethro, pour qui me prends tu?»

Il tourna autour de la table pour faire face à Gibbs.

 «Notre homme a eu un rapport sexuel peu de temps avant sa mort. J’ai déjà envoyé à Abby tous les prélèvements nécessaires à une identification ADN. Elle va faire la même recherche pour l’ADN que j’ai relevé sous les ongles.»

 «Tu penses que la femme avec qui il se trouvait l’a assassiné, Duck?»
 «Je n’en sais rien, Jethro, je ne suis pas agent spécial… Mais disons que ces deux événements, la relation et le meurtre, ont eu lieu à très peu de temps d’intervalle, ça, je peux te l’affirmer!»

 

 LUNDI, 11h50 a.m., Laboratoire d’Abby,

 

 Malgré sa musique à fond et le fait qu’elle lui tournait le dos, Abby sut immédiatement que Gibbs était là. Elle se retourna et lui fit un magnifique sourire, qui s’agrandit encore lorsqu’elle vit qu’il portait un verre de Caf-Pow à la main.

 «Gibbs!» s’exclama-t-elle.

 «Si tu viens pour les résultats des analyses, tu es là dix heures trop tôt!»

Il fit demi-tour et fit mine de repartir, remportant la précieuse boisson avec lui.

 «Pour les résultats des analyses, c’est trop tôt, par contre, pour ce que tu m’a demandé ce matin…»

Il fit aussitôt demi tour et lui tendit le gobelet. D’une traite, elle le vida de moitié, avant de reprendre son souffle.

 «Alors… Ces lettres.»

Elle fit apparaître sur l’écran de son ordinateur une copie des deux lettres et fit se superposer certaines des lettres. La concordance était parfaite.

 «C’est la même écriture, il n’y a aucun doute. Il s’agit également du même papier, un papier que tu peux trouver dans n’importe quelle papeterie à peu près n’importe où dans le monde. Pas de filigrane, pas de marque ou de signe particuliers… Je dirais qu’il s’agit d’une écriture féminine, mais je ne peux pas te l’affirmer…»

 «Et les photos…»

 «Pas grand-chose à en tirer. Prises à une distance d’une trentaine de mètres. Avec un appareil jetable de qualité médiocre. La personne qui a pris ces clichés est loin d’être une professionnelle de la photo, si tu veux mon avis. Ce n’est même pas cadré correctement!»

 «Est-ce qu’il y a quoique ce soit d’exploitable dans ces lettres ou ces photos, Abbs?»

 «Pour les lettres, rien. Pas d’empreintes ni de tissus. Pour les photos, je continue d’essayer de rechercher un détail qui pourrait nous aider, mais je n’ai rien trouvé de très probant pour le moment…»

Abby eut une moue désolée.

 «Je continue de chercher, Gibbs! Peut-être que sur toutes les autres lettres que tu m’as fait porter, je trouverais quelque chose… Vu la prolificité de notre inconnu ces dernières semaines en terme de prose, il y a des chances pour que je finisse par trouver quelque chose…» s’enflamma-t-elle.

Comme pour confirmer ses dires, son ordinateur se mit à sonner.

 «Bravo, Abby, je crois que tu as trouvé quelque chose…» lui demanda Gibbs en se rapprochant d’elle pendant qu’elle tapait à toute vitesse sur son ordinateur.

 «Oui, il semblerait, mais ça n’a rien à voir avec les lettres ou les photos.» expliqua-t-elle sans quitter son écran des yeux.

  «J’avais lancé une recherche pour les empreintes que j’ai relevé sur l’épée que McGee m’a rapporté de votre scène de crime de ce matin, et il semblerait que j’ai trouvé une concordance…»

Une image apparut enfin sur l’écran, tandis que dessous clignotait le sigle ‘positive match’.

Les yeux d’Abby s’agrandirent de stupeur tandis qu’elle détaillait la photo. Elle attrapa Gibbs par le bras et se serra contre lui.

 «Gibbs…Dis-moi que… Je t’en prie, dis-moi que tu ne vois pas la même chose que moi…» murmura-t-elle, la voix blanche.

 

 LUNDI, 13h10 p.m., 1264 Widal Avenue, Washington,

 

 La clinique où officiait Colin Woerth était un grand bâtiment moderne, entouré de plusieurs petites bâtisses. La secrétaire à l’entrée parut très étonnée de voir débarquer le NCIS (‘le NCIS?’) dans la clinique de messieurs Anders et Woerth.

 «Nous souhaiterions nous entretenir avec monsieur Anders, mademoiselle, s’il vous plaît.» demanda McGee.

Elle jeta un regard sur la pendule derrière elle et décrocha le téléphone.

 «Il est surement parti déjeuner, à cette heure-ci.» commenta-t-elle avec un sourire désolé.

 «Mais je vais voir ce que je peux faire. Un instant s’il vous plaît.»

Elle composa un numéro et attendit quelques instants.

 «Samia? C’est Helen. Tu sais où le docteur Anders peut être joint à cette heure-ci?»
 «…?»
 «Je sais qu’il ne veut pas être dérangé pendant l’heure du déjeuner, mais ce n’est pas un patient qui le réclame, c’est le NCIS.» répondit-t-elle en faisant un grand sourire à McGee.
 «?»
 «Je sais pas trop. Des fédéraux qui s’occupent des affaires criminelles de la marine…»

 «…»
 «Ok. Merci Samia. Je te revaudrais ça.»

Elle raccrocha.

 «Le docteur Anders est parti déjeuner au restaurant qui se trouve en face de la clinique. Vous devriez le trouver là-bas.»

 «Merci beaucoup, mademoiselle.» la remercia McGee.

 «Mais, de rien. Ce fut un plaisir, agent McGee.»
Elle hésita avant d’ajouter :

 «Je suppose que vous ne pouvez pas me dire pourquoi vous recherchez le docteur Anders? »

 «Son associé le docteur Woerth a été assassiné ce matin.»
La stupeur puis la consternation se dessinèrent sur le joli visage.

 «Colin? Assassiné? Mon Dieu… Mais… Ce n’est pas possible. Assassiné? »

McGee acquiesça. Elle retomba assise sur sa chaise.

 «Mais c’est horrible! Qui a pu faire une chose pareille?»

 «C’est ce que nous cherchons à découvrir, mademoiselle…»

 « Vous ne soupçonnez pas le docteur Anders, si?»

 «Quels étaient les rapports entre les deux hommes?»

 «Mais… Ils sont… Etaient excellents. Colin et Philip étaient comme deux frères. Cela implique des disputes parfois, mais rien de très grave.»

 «Des disputes à quel sujet? La clinique?»

 «Oh, non. C’étaient plutôt sur des broutilles. Ils avaient deux caractères opposés, Colin était aussi extraverti que Philip est taciturne et cela créait parfois des tensions. Mais ils étaient toujours d’accord sur l’essentiel. D’ailleurs, je ne les ai jamais entendus se quereller à propos de la clinique. Jamais. Colin était certes un excellent chirurgien, sans doute meilleur que Philip, mais il n’avait aucun sens de la gestion. Sans Philip, la clinique aurait coulé depuis longtemps. Du point de vue professionnel, ils étaient parfaitement complémentaires.»

 «Et d’un point de vue personnel? »

 «Je vous l’ai dit, ils leur arrivaient parfois d’être en désaccord. Surtout en ce qui concerne certains… aspects de la vie de Colin.»

 «C'est-à-dire?» intervint Tony, qui sentait la conversation devenir intéressante.

La petite secrétaire baisse les yeux.

 «Je ne veux pas dire du mal des morts… Mais… Colin était un invétéré coureur de jupons et Philip lui reprochait souvent la façon dont il traitait sa femme, qui est une femme merveilleuse. Mais ces disputes n’allaient jamais très loin. Philip se contentait de lui faire comprendre qu’il désapprouvait par une réflexion acide et Colin se contentait la plupart du temps d’un simple haussement d’épaule.»

 «Ca n’a jamais été plus loin?»

 «Et bien…»

Elle hésita et Tony l’encouragea à continuer de son plus beau sourire.

 «Il y a bien eu une fois… Mais ça remonte à plus de six mois maintenant… Ce jour-là, j’ai bien cru qu’ils allaient en venir aux mains…»

 «Que s’est il passé?» demanda McGee.

 «Sincèrement, je l’ignore. Tout ce que je sais c’est que Philip est sorti du bureau de Colin en hurlant que ça dépassait les bornes et qu’il allait démissionner sur le champ si Colin ne mettait pas un terme à cette situation. Colin a déboulé derrière lui, l’air aussi furieux. Il a dit que tout ça ne regardait Philip en aucun cas, et que lui –Colin- était libre de faire ce qu’il voulait. Philip lui a répondu que tout ça finirait très mal s’il continuait comme ça et qu’il avait de la chance qu’il soit son ami sinon il en référerait au conseil de l’ordre. Colin a semblé sur le point de frapper Philip et j’étais vraiment inquiète. Et puis, il a semblé se calmer et il a promis à Philip de remédier au problème le plus vite possible. J’ignore de quel problème pouvait parler Colin et s’il a réellement obéi à la demande de Philip, toujours est-il qu’ils n’ont plus jamais reparlé de cet incident, en tout cas devant moi.»

 «Merci pour tous ces précieux renseignements, mademoiselle…» conclut McGee.

 «Ils nous seront surement très utile.»

 « C’est normal. Il faut que vous retrouviez celui qui a fait ça à Colin, il avait peut-être des défauts, mais c’était un homme bien et très généreux. Et je vous en prie, appelez-moi Helen…» répondit-elle en lui faisant son plus charmant sourire.

 «Heu, d’accord, Helen. Si nous avions encore des questions…»

 «Je suis à votre entière disposition, bien sûr, agent McGee.»
 «Timothy.»
 «Timothy.» reprit-elle.

 «Ce sera un plaisir de vous revoir…»

Tony se retint de ne pas faire de réflexion tout haut mais il ne se gêna pas pour le faire aussitôt qu’ils eurent quitté la clinique en direction du restaurant qui leur avaient été indiqué.

 « Tu dois être ému, le Bleu. C’est surement la première fois que tu te fais draguer par quelqu’un…»

 «N’importe quoi, Tony. Elle ne me draguait pas. Elle cherchait simplement à nous aider, c’est tout…»

 «Hou, mais c’est que le petit McGeek est amoureux, on dirait…»

 «La ferme, Tony. Réfléchis plutôt à ce qu’on va dire à Anders, au lieu de dire des bêtises.»
 «Susceptible, en plus… Cette fois, c’est sûr, elle te plaît. Je le savais! Pourquoi tu ne l’as pas invité à sortir, le bleu?»

McGee haussa les épaules et décida d’ignorer les commentaires de Tony. De toute façon, il savait qu’il n’aurait jamais le dernier mot avec lui.

 

 LUNDI, 13h15 p.m., Open Space du NCIS,

 

 Abby faisait les cent pas entre les bureaux des membres de l’équipe depuis près de vingt minutes. Elle ne parvenait toujours pas à assimiler ce que ses propres recherches avaient révélées un peu plus d’une heure plus tôt.

Ziva suivait des yeux cet incessant va-et-vient qui commençait à l’agacer, mais vu la situation, elle préféra s’abstenir de toute remarque.

 «Ce n’est pas possible, Gibbs! Ce n’est pas possible! » répéta-t-elle pour la centième fois.

 «Il y a forcément eu une erreur quelque part.»

 «Tu as refait les tests deux fois, Abby….Il n’y a pas d’erreur et tu le sais très bien.»

 «Je refuse de penser qu’elle puisse être impliquée là-dedans! Tu entends? Je refuse! » s’écria-t-elle en s’adressant à Gibbs.

 «Peut-être que ce n’est qu’un malentendu? » se décida à intervenir Ziva.

 «Elle aura sûrement une explication rationnelle à nous fournir, Abby.»

Abby se tourna brusquement vers Ziva.

 «‘Peut-être’ que ce n’est qu’un malentendu? C’est un malentendu! » s’exclama Abby.

 «Ziva, elle n’a tué personne, tu m’entends! Je t’interdis d’en douter! »

 

 LUNDI, 13h20 p.m., restaurant ‘L’Oranger’,

 

 Tony jeta un regard pathétique sur les assiettes garnies qui passèrent devant lui tandis que lui et McGee entraient dans le restaurant. Il demanda la table du Dr Anders qu’une serveuse leur indiqua de bonne grâce. Philip Anders était un homme d’une quarantaine plutôt petit, le crâne relativement dégarni mais dont l’air avenant et le sourire aimable n’était pas dépourvu de charme.Il invita gracieusement les agents à s’assoir en face de lui après que ceux-ci se furent présentés.

 «Et que me veut donc le NCIS? On me soupçonne de détournement de sous marin? » demanda-t-il jovialement en s’adressant à Tony et McGee.

 «Je crains que nous ne soyons pas porteur de très bonnes nouvelles, malheureusement, Mr Anders. Votre associé Colin Woerth a été retrouvé mort ce matin dans son bureau de l’hôpital militaire de Washington.»

Philip Anders cessa de sourire et ses traits se crispèrent tandis que son regard passait de Tony à McGee rapidement, cherchant à évaluer si il s’agissait d’une blague.

 «Colin? Mort? Assassiné? » Il se passa une main sur le visage pour se redonner constance.

 «Mon Dieu, ce n’est pas possible. Comment?»

 «Ce sera l’autopsie qui le déterminera mais il semblerait qu’on ait retourné sa propre passion contre lui : on a retrouvé son fleuret ensanglanté à côté de lui.»

Anders resta silencieux quelques secondes, le temps de digérer la nouvelle.

 «Une idée du coupable? Du mobile? »

 «Nous comptons justement sur vous pour nous aider à y voir plus clair. Connaissiez-vous d’éventuels ennemis à votre associé.»

Anders tomba des nues.

 «Mais non, aucun… Colin avait un don pour se faire apprécier des gens les plus divers.»

 «Même de maris jaloux? » ajouta Tony.

 «De maris jaloux? » s’étonna Anders sans sembler comprendre.

 «Selon votre secrétaire, Colin Woerth était quelqu’un de plutôt volage. Je suppose que certains maris n’ont pas forcément apprécié de porter des cornes. »

 «Colin aimait les femmes, oui, mais il ne les aimait pas mariées. C’était une règle, chez lui. Il était coureur, pas idiot. »

 «Et il n’a jamais franchi cette règle? »

 «Pour autant que je sache –et je savais toujours- non.»

 «Ce n’est donc pas la raison pour laquelle vous vous êtes disputés il y a six mois?» s’enquit nonchalamment Tony.

Un instant, Anders parut déconcerté puis il sembla brusquement se souvenir de l’événement en question.
 «Non, mais ça n’en ait pas éloigné, en effet. Mon Dieu, j’avais presque oublié cet incident… Comme ça semble dérisoire à présent… Voila, j’ai su que Colin avait eu une aventure avec une patiente à lui. J’ai trouvé ce manque à l’éthique intolérable et je le lui ai dit. La conversation a un peu dégénéré, je le reconnais. Je lui ai fait valoir que depuis le temps que nous étions associés, je n’avais jamais rien dit et j’avais tout accepté mais que là, c’était trop et que s’il ne cessait pas de la voir aussitôt, je le dénoncerai au conseil. Il est finalement revenu à la raison et a mis un terme à cette liaison.»

 «Je suppose que la jeune femme n’a pas du être ravie… Vous vous rappelez de son nom? »

Anders hésita un instant.

 «Miss Shales, je crois. Mais nous ne l’avons jamais revu après que Colin ait rompu. Et Colin a eu plusieurs nouvelles maîtresses depuis…»

 «Vous savez qui il fréquentait en ce moment? »

Anders eut un sourire triste.

 «Oh oui. Enfin, je ne l’ai jamais vu, je n’ai fait que l’entrevoir, un soir en quittant la clinique, une rousse aux allures de gamine. Mais Colin me parlait d’elle à longueur de journée en ce moment. Sa nouvelle toquade, on va dire. Il avait l’air d’y tenir à celle-ci. »

 «Que pouvez-vous nous dire sur elle? »

 «Pas grand-chose, je le crains. Elle s’appelle Mary-Jane et elle est cartomancienne, c’est à peu près tout ce que je sais de concret.»

 «Pas de nom de famille ni d’adresse? »

 «Si, agent DiNozzo, elle en a surement, seulement je ne les connais pas. »

 «Très bien, résumons nous : nous avons son ex-maîtresse, sa maîtresse actuelle… Et sa femme, dans tout ça?»

 «Amy? Vous plaisantez, j’espère. Amy peut être rayée d’office de votre liste de suspect. C’est la femme la plus douce que je n’ai jamais rencontré de ma vie. Et la plus croyante, aussi, sûrement. »

 «Elle savait pour les liaisons de son mari? »

 «Je ne lui ai jamais posé la question directement si c’est ce que vous voulez savoir. Cependant, oui, je pense qu’elle savait. »

 «Et qu’est ce qui vous fait penser ça? »

 «Rien, des allusions. Elle m’a dit plusieurs fois qu’elle priait pour lui. Qu’elle était certaine de pouvoir en faire un honnête homme, que Dieu l’avait placée sur le chemin de son époux dans ce but là. Elle considérait cela comme sa mission sur terre, je crois.»

McGee et Tony échangèrent un regard éloquent. ‘Folle.’ Elle devenait la principale suspecte à leurs yeux. Anders surprit leurs regards entendus.

 «Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles, messieurs. Amy Woerth n’a rien d’une folle mystique, loin de là. Seulement la seule défense qu’elle connaît, c’est la prière. Jamais elle n’aurait pu faire de mal à Colin. Jamais. Au contraire, si vous osiez critiquer son mari, elle le défendait envers et contre tout. Elle adorait son mari.»

 «Il faut croire que Colin aimait également sa femme, car il ne l’a jamais quitté malgré tout. » fit remarquer McGee, fort à-propos.

Anders eut une moue dubitative.

 «Quand Colin a rencontré Amy, elle était riche, jeune, jolie et soumise. Je crois qu’il était difficile pour un homme de ne pas l’aimer… Je crois qu’elle était l’épouse idéale pour Colin, et qu’il l’aimait pour ça. Et elle était heureuse comme ça. »

McGee était clairement peu convaincu.

 «Que va devenir la clinique maintenant que Colin est mort? »

 «Et bien, la clinique était bien entendue assurée contre ce genre de… De problèmes. La somme que débloquera l’assurance sera reversée à Amy. Les parts que Colin possédaient me reviennent, mais j’en céderai un quart à Amy afin qu’elle continue de profiter du travail de son mari. Cette clinique doit tout à Colin. Je dois tout à Colin. Il est normal que je n’abandonne pas sa femme et ses enfants. »

 «Vous vous retrouvez actionnaire majoritaire d’une clinique extrêmement rentable du coup….» avança Tony.

 «Et alors? Vous croyez que j’aurais pu tuer Colin pour un motif aussi futile que l’argent, agent DiNozzo? » s’emporta le docteur Anders devant l’accusation implicite.

 «Tout d’abord, Colin était mon meilleur ami et cela vaut tout l’or du monde. Ensuite, je n’ai nullement besoin d’argent, j’en ai déjà bien trop pour savoir comment l’utiliser. Enfin, c’était Colin, le chirurgien reconnu et renommé, pas moi. La clinique va énormément souffrir de sa disparition. Vous comprenez donc que je suis bien le dernier à avoir une raison de tuer Colin! » cria-t-il avant de se calmer aussitôt.

Il arborait désormais un air abattu.

 «Excusez mon emportement messieurs. Je n’arrive pas à croire que l’on ait pu assassiner Colin, c’est tout. Personne, personne n’aurait pu lui en vouloir à ce point…»

 «Il semble pourtant que si, malheureusement. » répliqua Tony.

Philip Anders hocha la tête.

 «Je ferais tout ce que je pourrais pour vous aider à retrouver celui qui a fait ça à Colin. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pourrez me joindre à la clinique, ou chez moi. Je vous ferais parvenir par ma secrétaire tous les documents dont vous pourriez avoir besoin…. »

 «Il nous faudrait l’emploi du temps de votre associé pour ce matin là et le nom de la patiente avec qui il a eu une liaison… »

 «Je vais m’en occuper immédiatement. Il me faudra peut-être un moment pour mettre la main sur le dossier de la patiente, car Colin était quelqu’un d’assez peu ordonné, mais je pense pouvoir vous faire parvenir tout cela avant la fin de la journée. Si vous aviez besoin d’autre chose…»

Tony et McGee prirent congé d’Anders en le remerciant de sa coopération et quittèrent le restaurant pour rejoindre leur voiture.

 «Qu’est ce que tu en pense, McGee? » demanda Tony.

 «Je ne sais pas. Il avait l’air vraiment bouleversé mais…»

 «Mais…? » insista Tony.

 «Je ne sais pas, j’ai eu l’impression qu’il cachait quelque chose…»

 «Tu crois qu’il cherchait à protéger quelqu’un? »

 «C’est possible.» 

 «Et tu penses à quelqu’un en particulier? »

 « Madame Woerth, peut-être…» hasarda McGee.

Tony boucla sa ceinture et eut un regard ironique pour McGee avant de démarrer la voiture.
 «J’ai vraiment cru que tu allais tourner autour du pot pendant encore un quart d’heure.» se moqua-t-il gentiment.

Puis redevenant sérieux.

 « Tu as l’adresse des Woerth? »

McGee fit un signe affirmatif de la tête.

 «Tu veux lui rendre visite maintenant? » demanda-t-il.

Tony jeta un regard sur l’heure affichée sur le tableau de bord. 13h45. Encore tôt.

 «On a le temps de passer prendre Ziva, non? Je suis certain qu’elle doit mourir d’ennui derrière son bureau.»

 

            Lundi, 14h00, morgue du NCIS,

 

 Ducky remit son rapport d’autopsie final dans les mains de Gibbs avec le sentiment du travail accompli comme toujours. Tandis que Gibbs le parcourait succinctement, il entreprit de lui en résumer lui-même les points essentiels.

 «L’agresseur devait être plus petit que le capitaine Woerth, à en juger par l’angle de pénétration des coups. Je dirais entre qu’il devait faire entre 1m65 et 1m75 environ. Etant donné la qualité et l’excellent entretien du fleuret de ce pauvre homme, il n’était pas nécessaire d’être d’une exceptionnelle force physique pour porter les coups qui lui ont été fatals, cependant vu le nombre et la puissance de ces coups, la personne qui a fait ça devait être sacrément en colère contre Colin…»

Il se tourna vers le corps étendu sur la table d’autopsie.

 «Je ne sais pas ce que vous aviez fait à cette personne, mon cher, mais vous l’avez payé le prix fort. Quelle fin affreuse vous avez eu.»

De nouveau, il regarda Gibbs.

 «Je pense qu’il a du mettre plus d’une demi-heure à mourir. Ce qui situerait l’agression aux alentours de 7h ou 7h30 ce matin. Plutôt vers 7h que vers 7h30, d’ailleurs, les blessures n’ayant touchées aucun organe vital, c’est bien d’exsanguination qu’est morte notre victime.»

Gibbs referma le dossier d’un coup sec.

 «C’est cohérent avec le témoignage du gardien du parking de l’hôpital qui dit avoir vu arriver le docteur Woerth vers 6h45, seul.»

 «Soit son bourreau est arrivé après, soit il l’attendait déjà. Dans tous les cas, l’intention de tuer n’était pas forcément présente au début : il a utilisé une arme se trouvant sur place et, comme je le disais, les coups portés sont davantage dus à la rage qu’à une froide exécution.»
Gibbs hocha la tête en signe d’assentiment puis quitta la morgue avec le dossier. Ducky le regarda s’éloigner avant de murmurer à l’intention du corps :

 «Ne vous en faites pas, il retrouvera celui qui vous a fait ça, capitaine, ça ne fait aucun doute.»

 

            Lundi, 14h07, Open Space du NCIS,

 

 En entendant l’ascenseur s’ouvrir, Ziva s’était redressée brusquement pour apercevoir celui ou celle qui arrivait. Constatant qu’il ne s’agissait que de Tony et McGee, elle se rassit, l’air visiblement déçu. Son petit manège n’échappa pas à Tony qui chercha immédiatement à savoir ce qu’il se passait.

 «Tu as l’air déçue de nous voir, Ziva. Tu attendais quelqu’un d’autre? » railla-t-il.

 «J’espérais que McGee t’aurais perdu en route, Tony, tout simplement. » rétorqua-t-elle sur le même ton.

 «Aucune chance. J’ai un sens de l’orientation infaillible. Et tu n’as pas répondu à ma question, Ziva…»

Elle hésita un instant.

 «Abby a trouvé à qui appartenait les traces d’ADN sur l’épée qui a servi à assassiné le capitaine Woerth et c’est…»

Elle fut interrompue une nouvelle fois par l’ascenseur d’où émergèrent Gibbs et Abby.

 «Elle m’a promis qu’elle allait venir. »

 «Il y a deux heures qu’elle devrait être là, Abby…»

 «Et si je vais la chercher moi-même? »

 «Abby…»

 «Je sais qu’elle est innocente, Gibbs. Je le sais.»

 «Plus vite on l’aura interrogée, plus vite on le prouvera, Abby.»

Il se tourna vers ses agents sans tenir compte du regard suppliant d’Abby.

 «Tony, Ziva vous allez… »

Une troisième fois, l’ascenseur les interrompit. Ils tournèrent tous la tête vers les portes qui s’ouvrirent sur un agent accompagnant une jeune femme souriante. Mis à part des cheveux châtains aux reflets roux –et l’accoutrement général, qui était très différent!-, celle-ci était une réplique quasiment exacte d’Abby.

 «Cette jeune femme affirme avoir rendez-vous avec vous.» expliqua l’agent.

Gibbs acquiesça et l’agent disparut de nouveau dans l’ascenseur sur un remerciement de la jeune femme. Le regard des trois agents, à l’exception de celui de Gibbs, alternait entre l’inconnue et la jeune scientifique. Nullement intimidée par ces regards stupéfaits qui la dévisageaient, la jeune femme s’approcha de leur groupe et s’adressa directement à Abby.
 «Alors, petite sœur, il paraît que tu voulais me voir? »

 

 Lundi, 14h15 p.m., Bureaux du NCIS,

 

 La stupeur qui avait frappé McGee à l’arrivée de la sœur d’Abby laissait maintenant place à de l’étonnement indigné. Abby ne lui avait jamais dit qu’elle avait une sœur! Il se sentit vexé. Il jeta un regard à Tony dont l’expression ahurie le consola. Au moins, il n’était pas le seul à ne jamais avoir entendu parler de…

 «Mary-Jane! Tu devais être là il y a plus de deux heure!» s’exclama Abby.

 «Je sais.» répondit celle-ci avec une désinvolture qui n’était pas feinte.

Tony se pencha pour murmurer à l’oreille de McGee :

 «Mary-Jane. Comme la petite amie de Woerth…»

D’un signe de tête, McGee lui fit comprendre que la même réflexion venait de lui traverser l’esprit.

 «Si tu sais, pourquoi ce retard?»

Mary-Jane haussa les épaules avec désinvolture.

 «J’ai eu des choses plus importantes à faire… »

 «Des choses plus importantes que d’être convoquée par une agence fédérale?»

Mary-Jane eut un léger rire insouciant.

 «De quoi est ce que tu parles,‘gail? –Abby frémit en entendant ce surnom- Tu voulais me voir, je suis venue, j’ai un peu de retard, la belle affaire… J’ai été étonnée que tu m’invites à passer te voir au siège du NCIS d’ailleurs, je croyais que tu ne voulais pas que je vienne voir où tu travaillais…»

Elle se tourna vers les agents qui continuaient de l’observer avec curiosité et un intérêt non dissimulé et reprit son discours avec volubilité.

 «Abby m’a tellement parlé de vous. Je suis ravie de pouvoir enfin mettre un visage sur vos noms… Enfin, je connaissais déjà Jethro, -je suis contente de vous revoir, d’ailleurs, digressa-t-elle avec un magnifique sourire pour Gibbs- mais je suis ravie de savoir à quoi ressemble Ziva la guerrière sans peur, Tony le séduisant italien, Tim l’adorable probie…»

Son sourire se figea soudain et elle eut un léger froncement de sourcils. Elle venait d’apercevoir le dossier militaire de Colin Woerth, accompagné de sa photo, qui apparaissait sur l’écran situé derrière la team. Elle fit volte face et se planta face à Abby.

 «Tu m’espionnes, maintenant? Tu as demandé à tes amis de faire des recherches sur les gens que je fréquente?»

Ses yeux brillaient de colère.

 «Nous n’avons plus quinze ans, Abby! Je suis capable de décider seule de mes fréquentations et tu n’as pas à t’en mêler! En plus, Colin est quelqu’un de merveilleux! Aussitôt qu’il aura divorcé, nous allons nous marier et…»

 «Oh, Jane!» l’interrompit Abby en se jetant dans les bras de sa sœur et en l’étreignant.

 «Jane, je suis tellement désolée…»

Abasourdie, Mary-Jane se déroba à l’étreinte de sa sœur pour la fixer d’un air étonné.

 «Qu’est-ce qui te prends ?»

Abby prit une profonde inspiration avant de parler.

 «Colin Woerth a été assassiné ce matin, Jane…»

Il y eut un instant de silence avant que la voix inquiète de Mary-Jane ne perce le silence.

 «Non, non, non, non. Tu mens. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas possible.»

Elle se tourna vers les agents qui continuaient de l’observer, mais désormais avec plus de compassion que de curiosité. Elle put lire dans leurs regards navrés la confirmation de la nouvelle que sa sœur venait de lui annoncer.

 «Mais… Mais je l’ai vu ce matin, à l’hôpital! Il allait très bien! On devait se retrouver ce soir pour visiter un appartement tous les deux…»

Elle tomba assit sur la chaise la plus proche tandis qu’Abby tentait vainement de la consoler.
«Co…Comment est-ce arrivé?» finit-elle par demander à travers ses sanglots.

Abby se tourna vers Gibbs, ne sachant quoi répondre exactement.

 «Est-ce que je peux le voir?»

 «Pas pour le moment, je suis désolé.» lui répondit Gibbs avec une certaine douceur.

 «Nous avons quelques questions à vous poser.»

Mary-Jane hésita un instant avant d’acquiescer d’un petit mouvement de tête.

 «Demandez-moi ce que vous voulez. Mais ensuite, je veux voir Colin.» exigea-t-elle d’une voix ferme malgré ses pleurs.

Ce fut au tour de Gibbs de hocher la tête.

 «Nous serons mieux dans un endroit plus tranquille. Tony, Ziva, accompagnez Mary-Jane dans la salle de conférence…»

 «Dans la salle de conférence?» s’étonna Ziva.

Mais elle ne discuta pas d’avantage. Elle comprenait que Gibbs ne voulait pas interroger la sœur d’Abby dans la salle d’interrogatoire pour la simple et bonne raison qu’il avait sûrement déjà décidé que Mary-Jane Sciuto n’était pas coupable. Quant à elle, elle préférait réserver son jugement. Les preuves directes à son encontre étaient quand même non négligeables. Sans oublier qu’elle avait un mobile et qu’elle semblait être la dernière personne à avoir vu Colin en vie…. Quand elle sortit de ses pensées, ce fut pour s’apercevoir que Tony et Mary-Jane s’éloignait déjà et que Gibbs la regardait d’un air sévère.

 «Quelque chose à ajouter, agent David ?»

 «Heu, non, agent Gibbs.» répondit-elle en se hâtant de rejoindre Tony.

Abby lui emboîta le pas mais Gibbs la retint gentiment par le bras.

 «Pas toi, Abby.»

Elle se dégagea et fit face à Gibbs avec détermination.

 «Je veux venir avec vous et assistez à son interrogatoire.»

 «Non.»

Le ton de Gibbs ne souffrait aucune discussion.

 «Gibbs. C’est ma sœur! Je dois l’aider. Je veux l’aide!» insista la jeune scientifique, les larmes aux yeux.

 «Je sais, Abby. Mais tu l’aideras bien plus en redescendant dans ton labo chercher la preuve qu’elle n’est pas coupable plutôt qu’ici où tu ne servirais à rien.»

Abby voulut répliquer mais Gibbs ne lui en laissa pas le temps.

 «McGee va t’accompagner. Et je ne veux pas te revoir avant que tu n’aies quelque chose d’important pour l’enquête, Abby!»

 «De toutes façons, dans ces cas-là, c’est toi qui apparaît…» maugréa Abby, résignée, en se dirigeant vers l’ascenseur sans prêter attention à McGee qui dut courir pour se glisser dans l’ascenseur derrière elle.

 

  Lundi, 15h06 p.m., Laboratoire d’Abby,

 

 McGee fixait avec intensité l’écran de l’ordinateur, dans l’espoir que celui-ci se décide enfin à donner une réponse quant à l’échantillon ADN recueilli sur Colin Woerth. Il n’y avait pas beaucoup de doute à avoir sur l’identité de celle qui avait laissé cet échantillon, Tony ayant appelé pour dire que Mary-Jane reconnaissait avoir eu un rapport avec Colin ce matin-là dans son bureau, mais une surprise était toujours possible. La raison pour laquelle McGee souhaitait une réponse au plus vite était pour le moment assise sur le sol non loin de lui et était d’une humeur insupportable. Depuis quarante-cinq minutes, elle n’avait pas ouvert la bouche sauf pour essayer de la convaincre de la laisser remonter voir sa sœur.
 «Ils doivent avoir fini de l’interroger, maintenant, McGee.» Elle se leva.

 «Je vais voir.»

Il soupira.

 «Non, Abby. Tony t’a dit qu’il te préviendrait quand ils auront fini. Alors, sois patiente…»
 «Il a peut-être oublié? Rappelle-le!» ordonna Abby.

 «Ça ne fait que cinq minutes depuis mon dernier appel, Abbs!» s’exaspéra McGee.

 «Tony m’a juré les pires représailles de la part de Gibbs si je rappelais encore une fois.»

Elle tendit la main.

 «Tony avait raison, Tim. Tu es beaucoup trop timoré! Donne-moi ce téléphone.»
 «Non.»

Elle essaya de l’attraper mais il leva le bras en l’air. Pendant quelques secondes, ils luttèrent, McGee pour garder le contrôle du téléphone, Abby pour le lui arracher des mains. Un bip de l’ordinateur les arrêta net. Il avait enfin fini d’établir la correspondance. Positive pour l’ADN de Mary-Jane Sciuto, comme McGee s’y était attendu. Cette confirmation figea Abby dans une stupeur proche du désespoir.

 «Elle n’a pas tué ce Colin, Tim.» gémit-elle.

 «Je le sais. C’est impossible.»

 «Sûrement… Mais toutes les preuves sont contre elle pour le moment, Abby.» murmura McGee d’un ton qu’il voulait compatissant, en passant un bras autour des épaules de la jeune scientifique, dans l’espoir de la rasséréner un peu. Malheureusement, sa phrase maladroite provoqua l’effet inverse de celui escompté, plongeant Abby dans une colère noire.

Elle se dégagea brusquement de l’étreinte de McGee et le regarda droit dans les yeux, les poings posés sur les hanches.

 «Je me fiche de ce que disent les preuves, Tim! Elles se sont trompées pour Tony…»
 «Mais…» tenta vainement de se défendre McGee, désemparé devant cet accès de fureur peu habituel de la part d’Abby.

 «Ne. M’interromps. Pas!» menaça la jeune scientifique, pointant son index juste sous le nez de McGee qui n’en menait pas large.

 «Elles se sont trompées pour Jethro.»

Elle marqua une pose.

 «Elles se sont trompées pour ta propre sœur, Tim, je te rappelle. Tu devrais être capable de me comprendre mieux que personne, de savoir ce que je ressens. Et tu devrais être convaincu de son innocence. Mais non, ce qui est valable pour Sarah McGee ne peut pas être valable pour Mary-Jane Sciuto, l’excentrique sœur d’Abby. D’ailleurs, de quel droit juges-tu ma sœur, Tim? Tu ne la connais même pas. A force de me fréquenter, tu devrais savoir qu’il ne faut pas juger les gens sur leurs apparences. Tu me déçois beaucoup, là, Tim.»

Sur ce, elle tourna les talons pour se diriger vers l’ascenseur. McGee resta étourdi quelques secondes après la fin de ce flot de reproches absolument injustifié. Jamais il ne lui serait venu à l’idée de juger Mary-Jane, puisqu’il venait à peine de la rencontrer! Certes, son attitude et son accoutrement général dénotaient sans ambiguïté son originalité, mais cela signifiait-il qu’il la jugeait? Peut-être….Le timbre caractéristique émis par la porte de l’ascenseur se refermant le tira de ses pensées et il réalisa qu’Abby venait de tromper sa surveillance pour voler au secours de sa sœur. Il soupira profondément.

 «Gibbs va me tuer» songea-t- il en se dirigeant vers les escaliers.  

 

 Lundi, 15h17 p.m., Salle de conférence,

 

 Plus Gibbs écoutait le récit de Mary-Jane, plus il était convaincu de son innocence. Elle s’était trouvé auprès de Colin Woerth quelques minutes avant le meurtre mais n’était certainement pas celle qui l’avait commis. Elle reconnaissait avoir eu un rapport avec Colin le matin même dans son bureau, ce qui expliquait l’ADN, elle s’était déjà servie de l’épée à plusieurs reprises, ce qui expliquait les empreintes. Malheureusement, ces preuves avaient beau n’être que des preuves indirectes, elles étaient largement suffisantes pour permettre à un jury de condamner Mary-Jane. Surtout en l’absence de tout autre suspect, comme c’était le cas jusqu’à présent. D’ailleurs, n’importe quel enquêteur aurait déjà classé l’affaire, même sans aveux, tellement l’affaire paraissait simple. Mais pas Gibbs. Son instinct lui disait que la jeune femme en larmes devant lui n’était pour rien dans ce meurtre. Elle était plutôt une victime collatérale. Et il ne ressentait pas ça uniquement parce que Mary-Jane était la sœur d’Abby et qu’il la connaissait. C’était plus une sorte d’intime conviction. Comme toujours.  Tony observait Gibbs à la dérobée depuis le début de l’entretien mais le visage de son énigmatique patron était aussi illisible qu’à l’accoutumée. Seule Jenny arrivait à le lire. Et encore. Il soupira. Il allait devoir se faire une opinion sur Mary-Jane lui-même. Celle-ci ressemblait tant à Abby –hormis la couleur de ses cheveux- qu’il était difficile d’avoir un à-priori négatif sur elle. Elle semblait réellement bouleversé par la mort de son amant et était complètement déboussolée de se trouver là, interrogée par des agents fédéraux. Malgré tout, elle essayait de répondre du mieux qu’elle pouvait aux questions qu’ils lui posaient, entre deux crises de sanglots.

 «Je ne sais pas, agent Gibbs. Je sais seulement qu’il avait une grosse opération ce matin et qu’il voulait être seul pour s’y préparer. On devait… On devait se… revoir plus tard dans la journée…Pour… Pour… préparer son départ en Irak… Il ne m’a pas parlé de quelque rendez-vous que ce soit en dehors de cette opération…»

Elle sortit un petit mouchoir rose de son sac. Tony décida à ce moment qu’elle n’était pas coupable.
 Ziva s’étonnait elle-même. Jamais elle n’avait ressenti de réelle compassion pour un suspect auparavant. Peut-être était-ce parce que Mary-Jane ressemblait étonnamment à Abby et qu’elle avait l’impression de voir la jeune scientifique au lieu de sa sœur ? Toujours est-il que Ziva se sentait touchée par les larmes de cette fille qu’elle ne connaissait même pas. Elle se secoua pour reprendre contenance et ne pas laisser ces sentiments idiots l’envahir. Cette fille n’était pas coupable, certes, mais ce n’était pas du tout parce qu’elle avait l’air gentille ou touchante ou sympathique, ou quelque autre niaiserie dans ce genre que ce soit. Elle n’était pas coupable parce qu’elle était tout simplement trop frêle pour avoir transpercé le corps d’un homme qui devait faire trois fois son poids, voilà tout.

 Sans se soucier des conséquences, Abby entra brusquement dans la salle de conférence et se précipita vers sa sœur pour l’enlacer. Tony et Ziva regardèrent Gibbs pour savoir s’il était nécessaire de séparer les deux sœurs mais celui-ci leur fit signe que non.
 «Ca va? Gibbs n’a pas été trop terrifiant?» s’enquit Abby.

Cette question arracha un léger sourire à Mary-Jane.

 «Gibbs peut être terrifiant?»

Tony acquiesça discrètement derrière le dos de son patron.

 «Si tu es un vrai méchant, oui…» expliqua Abby.

Un McGee penaud arriva sur ces entrefaites.

 «Désolé, patron, Abby a réussi à monter quand même…»

Tony eut un sourire ironique.

 «Ah bon, le Bleu? On s’en était pas aperçu, c’est gentil de passer nous prévenir…»
McGee se contenta de le fusiller du regard avant de reprendre aussitôt un air contrit sous le regard bleu de Gibbs.

 «Agent McGee…»

Celui-ci rentra les épaules, prêt à recevoir une claque sur le crâne. Ou, à défaut, au moins une remarque cinglante sur son incapacité à faire respecter un ordre simple.
 «…vous allez récupérer l’ordinateur personnel de Colin Woerth et chercher tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un motif de meurtre. Et je veux que vous rappeliez la secrétaire qui doit vous donner la liste des patients de Woerth. Et le docteur Anders, pour le nom des anciennes maîtresses de notre victime. Tony, Ziva, vous allez interroger madame Woerth, les voisins, le postier, le laitier, qui vous voulez, mais je veux connaitre la moindre personne ayant eu un différent quelconque avec Woerth. Je vais retourner à l’hôpital parler avec ses collègues.»

Les trois agents se mirent aux travaux qui venaient de leur être confiés sans perdre une seconde. L’objectif était on ne peut plus clair, même si Gibbs ne l’avait pas explicité clairement : trouver un autre coupable possible que Mary-Jane Sciuto.

 Abby rattrapa Gibbs dans les escaliers.

 «Et moi, je dois faire quoi?»

 «Rentrer chez toi et ne plus t’approcher de ta sœur ou des preuves qui la concerne, sauf si tu veux que l’affaire nous soit retirée et qu’elle soit confiée à une autre équipe. Ou pire, au FBI.»

 «Mais…» commença par protester Abby.

 «Pas de mais, Abby. Si je te vois encore dans les locaux quand je reviens, je te fais expulser par la sécurité et interdire d’accès aux bâtiments.»

Abby ne douta pas un instant du sérieux de l’affirmation de Gibbs, aussi se résigna-t-elle à contrecœur à lui obéir.

 «Promets-moi que tu vas sortir Mary de là.» murmura-t-elle en s’arrêtant pour le regarder s’éloigner.

 «Je te le jure, Abby!» lui répondit-il malgré la distance qui les séparait déjà.

 

 Lundi, 16h05 p.m., Domicile de Colin Woerth,

 

 La maison de Colin Woerth était une grande villa isolée au milieu d’un parc luxuriant. Un domestique à l’air pincé vint ouvrir la porte à Tony et Ziva.

 «Madame, monsieur, que puis-je pour vous? Sachez que nous ne sommes pas intéressés, quelque soit ce que vous vendez.»

Tony et Ziva furent également vexés, mais pas pour les même raisons.

 «Madame?»

 «Nous ne sommes pas des démarcheurs!» s’exclamèrent-ils en même temps.

Le domestique se contenta de leur jeter un regard condescendant et fit mine de refermer la porte mais Tony l’en empêcha tandis que Ziva sortait sa carte d’agent fédéral.

 «NCIS. Nous aimerions nous entretenir avec Madame Woerth.»

 «Madame est souffrante ? De plus, elle ne reçoit jamais l’après-midi.» rétorqua le domestique d’un ton froid.

Ziva eut un sourire.

 «Vous ne m’avez pas bien comprise, je crois. Ce n’était pas une demande, c’était un ordre. Dites à votre patronne que les agents DiNozzo et David du NCIS doivent lui parler maintenant, que c’est grave et que c’est urgent.»

Le majordome prit un air outragé mais s’exécuta. Il disparut quelques instants dans les profondeurs de la maison, laissant les deux agents patienter sur le perron. Quelques instants plus tard, la porte se rouvrit sur une silhouette frêle visiblement déformée par une grossesse avancée.

 «Je suis Margaret Woerth. Que puis-je pour vous?»

Contrairement à ce qu’avait craint Tony, Amy Woerth resta digne lorsque lui et Ziva lui annoncèrent que son mari avait été assassiné. Elle sortit un chapelet de sa poche et débuta une longue prière qui dura une dizaine de minutes au bout desquelles elle appela une jeune fille d’origine sud-américaine à laquelle elle commanda du thé pour tout le monde avant de se rassoir en face de Tony et Ziva.

 «Je vous en prie, demandez moi ce que vous voulez, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider à retrouver celui ou celle qui a fait ça à mon mari.»

 «Certaines de nos questions peuvent vous paraître déplacées ou indiscrètes mais elles sont nécessaires pour nous aider à avancer dans notre enquête…» expliqua Ziva.
Amy Woerth acquiesça d’un air fatigué. 

 «Il n’y a presque rien dans ma vie dont j’ai eu à rougir, mademoiselle. Vous pouvez me demander ce que vous voulez.»

 «Votre mari avait il des ennemis, quelqu’un susceptible de lui en vouloir?»

 «Non, pas que je sache. A part peut-être une de ses anciennes maîtresses.»

 «Vous saviez qu’il avait des liaisons extra conjugales?» s’étonna Ziva.

 «Oui.» répondit-elle avec un fugace sourire désabusé.

 «Et vous ne lui en vouliez pas?» s’exclama presque Ziva d’un ton abasourdi.

 «Non. Dieu m’a envoyé croiser le destin de Colin pour l’aider, non pour l’accabler. C’était la mission qu’Il m’avait confiée : ramener l’âme de Colin dans le droit chemin, celle de la foi.»

Une larme roula sur ses joues.

 «J’ai échoué. Dieu a repris Colin parce que je n’ai pas réussi à le sauver.»

Tony et Ziva restèrent décontenancés par le tour que prenait la conversation.
 «Vous pensez que c’est Dieu qui a assassiné votre époux?» la questionna Tony, stupéfait.

 «Bien sûr que non, agent DiNozzo.» répondit-elle.

 « Dieu a mis son assassin sur le chemin de mon mari pour le punir de ses péchés et pour mettre ma foi à l’épreuve ; je veux que vous retrouviez la personne qui a fait ça afin que je puisse lui pardonner et retrouver la confiance que le seigneur avait placé en moi.»

La jeune femme que les deux agents avaient entraperçue quelques instants plus tôt réapparus, les bras chargés d’un plateau sur lequel trônait un magnifique service à thé qu’elle déposa devant Amy Woerth.

 «Merci, Rosita.» Puis, se tournant vers Tony et Ziva : «Excusez-moi, mais j’ai besoin de prendre une tasse de thé pour me calmer. En désirez-vous une tasse également?»

 Lundi, 18h35 p.m., Bureaux du NCIS,

 

 Gibbs, Tony et Ziva revinrent au NCIS à peu près au même moment. McGee était installé derrière son écran de PC lorsqu’il les aperçut. Il bondit de son fauteuil et fondit littéralement sur Gibbs, débitant à toute vitesse tout ce qu’il avait pu trouver d’intéressant dans l’ordinateur de Colin Woerth. On sentait qu’il avait à cœur de se racheter pour son échec dans la surveillance d’Abby, un peu plus tôt dans l’après midi.

 «J’ai fait un scan approfondi du disque dur et j’en ai extrait les données les plus pertinentes à notre enquête. Ses e-mails recelaient surtout des spam, quelques e-mails concernant des opérations ou des rendez-vous professionnels, rien de personnel. Idem dans ses documents, son carnet d’adresse ou son agenda. S’il gardait des notes personnelles concernant sa vie privée, ce n’était pas dans cet ordinateur.»

Gibbs posa son manteau avant de se tourner vers Tony et Ziva.

 «Vous avez quoi que ce soit de plus intéressant à m’apprendre?»
Les deux agents se regardèrent et ce fut Ziva qui prit la parole.

 «Amy Woerth est… très croyante. Elle a parut affecté par la mort de son mari mais elle a vite reprit contenance après avoir prié pour lui. Elle semblait plus malheureuse de n’avoir pas réussi a sauver l’âme de Colin que de savoir qu’il avait été assassiné. Et elle était au courant pour toutes les maîtresses de ce dernier mais affirme que cela lui inspirait de la compassion à son encontre et non de la haine…»

 «Elle aurait pu commettre le meurtre, oui ou non?» la coupa Gibbs.

Tony eut une moue sceptique.

 «Elle doit mesurer aux alentours d’1m60 et est enceinte de 8 mois. Dans une crise de rage ou de mysticisme, elle aurait pu réussir à tuer Colin, mais ça paraît quand même peu probable.»

Gibbs eut un hochement de tête.

 «J’ai reparlé au gardien. Il confirme que Colin est arrivé en voiture, seul, à l’heure habituelle. Par contre, il a reconnu Mary-Jane sur les photos. Il dit qu’elle est arrivée un peu avant le docteur Woerth. Et un infirmier se souvient parfaitement l’avoir conduite dans la petite salle d’attente attenante au bureau de Woerth. Il a pensé qu’il s’agissait d’une patiente, tout simplement. Tout cela concorde avec le témoignage que nous a fourni Mary-Jane qui dit avoir voulu faire une surprise à Woerth. C’est après que tout se complique. Elle affirme être repartie vers 7h15, mais personne ne peut le confirmer. Pas plus que quiconque ne peut nous dire si le docteur Woerth a reçu ou non une seconde visite après le départ de Mary-Jane…»
 «En gros, Mary-Jane reste notre seule suspecte. Et elle avait un sacré bon mobile. Sans compter les preuves circonstancielles déjà accumulées contre elle…» rappela Ziva.

 «Retour au point de départ.» marmonna Tony, découragé.

 «Et nous n’avons plus aucune piste à suivre…»

 «Détrompe-toi, Tony.» le contredit McGee.

 «Nous en avons au contraire plus que nous le voudrions…»

 «C’est-à-dire?» demanda Gibbs, sceptique.

McGee désigna un carton posé sur son bureau.

 «Helen est passée pendant que votre absence. Elle nous a laissé tous les dossiers que Woerth a traités ces deux dernières années. Plus…»

Il désigna un gros agenda à côté du carton.

 «…l’agenda personnel de Woerth, qui nous est généreusement offert par son associé. Des dizaines de noms à éplucher…»

Tony et Ziva soupirèrent. Ils en avaient pour des heures. Pour toute la nuit, sûrement. Gibbs saisit les regards de ses agents et eut un imperceptible sourire.

 «Je veux que vous lisiez toute cette passionnante littérature et que vous notiez la moindre chose qui vous paraît suspecte. Inutile de préciser que je veux un rapport pour demain matin.»

Avec mauvaise grâce, mais sans protester, les trois agents prirent chacun un dossier dans le carton et se dirigèrent vers leur bureau respectif. Ils tiraient tous les trois une mine si déconfite et résignée que Gibbs eut pitié d’eux.

 «Vous êtes autorisés à potasser tout ça chez vous. Mais je vous veux ici demain matin à huit heures tapantes, rapport en main.»

Il n’eut pas besoin de se répéter. Les agents le remercièrent et ramassèrent leurs affaires en vitesse, de crainte qu’il ne change d’avis. Tony récupéra le gros agenda, sous prétexte qu’il était ‘le mieux placé pour déceler quelque chose d’anormal’ parmi les mots doux et numéros de téléphone qui en couvrait les pages, ce qui fit lever les yeux au ciel à Ziva. Elle et McGee se partagèrent les dossiers médicaux, puis ils prirent congé les uns des autres, se souhaitant mutuellement bonne chance dans leurs recherches d’une éventuelle nouvelle piste.

 

    Ziva rejoignit sa jolie petite Mini Cooper et démarra en direction de son appartement, situé assez loin dans la partie basse de Norfolk. Elle avait hâte d’être chez elle afin de se préparer un dîner léger avant de se mettre aux dossiers qui lui avait échus. Elle espérait que leur examen ne serait pas trop long, car elle était fatiguée et aspirait à se coucher tôt. Absorbée dans ses pensées, son esprit n’enregistra pas immédiatement le problème. Ce ne fut que lorsqu’elle franchit le premier carrefour qu’elle réalisa que quelque chose n’allait pas avec sa voiture. Que quelque chose n’allait pas du tout. Une angoisse lui étreignit la gorge. Inquiète, elle appuya de toutes ses forces sur le frein. La voiture ne réagît pas à son ordre, ce qui confirma aussitôt ses pires craintes: sa Mini n’avait plus de freins. 

28 mai 2008

*Introduction Maux d'amour*

Me revoilà avec une nouvelle histoire originale :) : Maux d'amour.

Disclaimer : Donald P. Belisario ne m'ayant toujours pas cédé les droits de ses personnages, ils ne m'appartiennent (hélas ><) toujours pas. Et le personnage de Jeremy Hanlon est à David E. Kelley. (sigh). En ce qui concerne tous les personnages originaux, ils sont à moi, par contre. Et ne sont inspirés par aucun personnage réèl.

Spoilers ? Aucun concernant la saison 5.

Résumé : L'équipe est une nouvelle fois confrontée à un déséquilibré tandis qu'elle mène l'enquête sur le meurtre d'un médecin réserviste sur le point d'être remobilisé.

Feedbacks are appreciated ;) Enjoy !

28 mai 2008

*Conclusion Skye*

Voilà, fini :)
J'espère encore une fois que ça vous a plu de me lire ! Pour ceux qui se demande, oui, il y aura une suite, bien sûr, je ne vais pas vous laissez comme ça ;)

Sunny, Ryam, Melou et Teki : je vous adore, mes Topines ! Merci de me relire, me soutenir, me donner vos impressions à chaud et me corriger. Si ce que j'écris vous plaît, c'est aussi et surtout grâce à elles ! Un gros bisous à vous quatre :)

La suite devrait arriver très prochainement, elle est déjà en cours de rédaction donc, ce n'est qu'un au revoir :)
                                             ~Orlane~

27 mai 2008

"Skye" partie 2/2

    Dimanche, 14H46, Q.G. du NCIS,

    Gibbs raccrocha le téléphone. La fin de la journée s’annonçait sous les meilleurs auspices. Il se tourna vers Ziva qui le regardait avec des yeux interrogateurs.
« C’était Tony. Il semblerait que la veuve de Richard Carewell puisse nous aider à identifier ceux qui cherchaient à faire pression sur son mari. Et le nom de Barlow a été évoqué, elle peut le certifier ! Je crois que nous allons proposer à ce Nick Stravinsky d’accompagner son patron jusque dans une de nos salles d’interrogatoire… Alors, Ziva, vous avez pu découvrir où Barlow se trouvait cet après midi ? »
Elle lui tendit une feuille sur laquelle elle avait griffonné quelques mots.
« Apparemment, Barlow n’est pas le politicien, aujourd’hui, mais l’avocat. Si j’en crois sa secrétaire, maître Barlow sera toute cette après-midi au palais de justice de Washington. Et… Il a un dîner avec l’ambassadeur d’Arabie Saoudite ce soir, donc cette charmante jeune femme me conseille de ne pas retenir maître Barlow trop longtemps. »
« Je crains malheureusement qu’il ne doive renoncer à son dîner… Et à tous les prochains ! »


   Dimanche, 15h00, Garage du NCIS,

    Quand Tony et McGee arrivèrent au NCIS, accompagnés de Caroline Carewell, Gibbs et Ziva les attendaient déjà. Un jeune homme ouvrit la porte arrière de la voiture et demanda à Caroline de le suivre –‘‘notre médecin légiste vous attend, madame’’- pendant que Ziva et Gibbs s’engouffraient aussitôt à l’arrière de la voiture.
« Euh, on va où, patron ? » demanda Tony en rallumant le moteur.
« Palais de justice de Washington. »
« C’est comme si on y était, Gibbs ! » s’exclama Tony.
« A la vitesse où tu conduis d’habitude, Tony, rien n’est moins sûr ! » ironisa Ziva.
Ce dernier lui jeta un regard torve dans le rétroviseur.
« Ah oui ? Et bien, accroche toi bien, alors, Ziva… »
Et il démarra en trombe.
Ni Ziva ni Gibbs ne parurent perturbés outre mesure. McGee, en revanche…
« Non mais, ça va pas, Tony ? T’aurais pu me tuer ! » s’écria-t-il en attrapant rapidement sa ceinture.
« Mais t’es pas mort, le bleu, alors arrête de te plaindre et… »
Tony tourna rapidement la tête vers McGee et fronça les sourcils. McGee interrompit son geste et le regarda à son tour.
« Quoi ? Qu’est-ce-qu’il y a encore, Tony ? »
Tony se retourna, cette fois-ci complètement, pour jeter un œil à l’arrière de la voiture.
« La route, Tony ! Regarde la route ! Qu’est-ce-qui te prend ? »
« Rien, McGee, mais… Ça me perturbe de voir Gibbs à l’arrière et toi à côté de moi. »
McGee se retourna à son tour, l’air perplexe. Gibbs lui jeta un regard noir et McGee reprit aussitôt sa place, ce qui fit sourire Ziva.


    Dimanche, 15h45, Palais de justice de Washington,

    George Barlow ne les attendait pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Il était tranquillement dans son bureau, sa secrétaire assise sur ses genoux en train de glousser. Quand elle entendit la porte s’ouvrir, elle se leva brusquement, arrangea rapidement ses vêtements, ramassa quelques documents et quitta la pièce en baissant les yeux, n’osant croiser le regard des agents.
Tony était sur le point d’éclater de rire mais le coup de coude que Ziva lui envoya dans les côtes le dissuada sur le champ. Et vu la tête de monsieur le vice-sénateur, ce n’était effectivement pas le moment d’en rajouter.
« Pourrais-je savoir ce que vous faîtes dans mon bureau ?! Je ne reçois jamais le dimanche ! Qui vous a autorisé à entrer ? » tonna Barlow.
Gibbs était en face du personnage depuis à peine une minute et déjà, sa patience avait atteint ses limites.
« Nous n’avons pas besoin de l’autorisation de qui que ce soit, monsieur Barlow. Nous sommes des agents du NCIS et votre nom est apparu dans le dossier que nous traitons en ce moment. »
« Le NCIS ? » Barlow en resta sans voix quelques instants. « Le NCIS ? » répéta-t-il d’un air ahuri. « Mais que me veut le NCIS, grand Dieu ?! »
Ziva s’approcha.
« Le nom de Jenkins vous dit-il quelque chose ? »
« Jenkins ? JENKINS ? ENCORE ?! »
Gibbs remarqua le trouble qui avait gagné l’homme en entendant ce nom. Décidément, il était vraiment suspect.
« Je suppose que ça veut dire oui. » continua Ziva. « M. Barlow, nous avons quelques questions à vous poser, vous allez devoir nous accompagner au NCIS… »
« Vous accompagner au… ? Je ne vous accompagne nulle part ! Vous êtes complètement fous, ma parole ? Vous savez qui je suis ? »
Gibbs dut faire un effort pour ne pas attraper ce gros prétentieux et le secouer un bon coup. Il ne s’inquiétait même pas de savoir ce qu’on lui reprochait, non non, il n’en avait visiblement rien à faire, il considérait clairement qu’un homme dans sa position avait le droit de tout faire. Et Gibbs détestait particulièrement ce genre d’individu.
« Si nous ne savions pas qui vous êtes, nous ne serions pas dans votre bureau, pour commencer, monsieur Barlow… » répondit Gibbs sans paraître impressionné le moins du monde et même avec du mépris dans la voix.
Barlow en resta estomaqué. Ça faisait bien longtemps que personne n’avait osé lui répondre avec autant de désinvolture.
« Et bien, si vous savez qui je suis, vous devez savoir ce que vous risquez, agent … »
« Gibbs. »
«…agent Gibbs. J’ai le pouvoir de vous mettre en retraite forcée en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire ! » menaça-t-il.
Gibbs éclata de rire, aussitôt imité par son équipe.
Barlow resta un instant silencieux, absolument stupéfait de leur réaction. Puis, ses joues s’empourprèrent :
« Vous vous moquez de moi ? » hurla-t-il, au comble de la fureur. « Bon, si vous avez terminé votre petit numéro ridicule, vous pouvez disposer. J’ai du travail, moi… »
Tony dut se retenir pour ne pas exprimer tout haut ce qu’il pensait de ce commentaire.
« Je crois que vous ne nous avez pas bien compris, M. Barlow… » reprit Gibbs. « Nous allons effectivement retourner au NCIS, mais vous allez nous accompagner. »
« Et à quel titre, je vous prie ? » ricana le gros homme.
« Celui de suspect dans une affaire de meurtre. »
« Un meurtre ? Je rêve, ou vous venez de m’accuser, moi, de meurtre ? »
« Vous ne rêvez pas c’est exactement ce que je viens de faire. » lui rétorqua Gibbs calmement.
Barlow décrocha le téléphone.
« Cette fois, c’en est trop. J’appelle la sécurité et je vous fais mettre dehors ! »
« Faîtes, faîtes. Nous serons contraints de leur expliquer pourquoi nous sommes là, et dans moins de deux heures, toute la ville saura que vous avez refusé de répondre d’une accusation de meurtre, alors que si vous êtes innocent, répondre à nos questions ne sera qu’une simple formalité… A moins que vous n’ayez réellement quelque chose à vous reprocher, M. Barlow… »
Barlow laissa sa main avec le téléphone en suspend dans les airs et évalua Gibbs du regard. Il dut finalement réaliser que celui-ci ne plaisantait pas le moins du monde, car il raccrocha brutalement.
« Très bien ! Posez-moi les questions que vous voulez, étant donné que non, je n’ai rien à me reprocher, et surtout pas un meurtre ! Mais je peux vous assurez que toute cette histoire n’en restera pas là ! »
« Votre bureau n’est pas le lieu le plus approprié pour mener à bien un interrogatoire, M. Barlow… Les procédures à suivre, vous savez ce que c’est… »
Barlow se leva brusquement de son fauteuil. Un instant, il sembla sur le point de frapper Gibbs mais après un regard à Tony puis de nouveau à Gibbs, il dut décider qu’il n’aurait pas le dessus.
« Janine ! JANINE ! » beugla-t-il soudain.
La blonde secrétaire qui s’était enfui quelques instants plus tôt réapparut dans l’encadrement de la porte.
« Oui, M. Barlow ? »
« Je dois m’absenter un instant… Pas longtemps, rassurez-vous » dit-il, avec un regard mauvais pour Gibbs. « Appelez Miles immédiatement, dites-lui de me rejoindre au NCIS… Ne vous inquiétez pas, il sait très bien où c’est… »
« Bien, monsieur. » La secrétaire referma doucement la porte derrière elle.
Il se tourna de nouveau vers Gibbs. « Miles est mon avocat. Il m’aura fait quitter le NCIS avant même que vous n’ayez commencé à me demander quoi que ce soit, agent Gibbs, je peux vous l’assurer. Vous faîtes la plus grosse erreur de votre vie en vous en prenant à moi… » ajouta-t-il.
« La plus grosse erreur de ma vie, ça a été mon quatrième mariage et croyez-moi, je ne crois pas que l’on puisse faire pire que ça ! » lui assura Gibbs en lui montrant la porte pour l’inviter à y aller.
Barlow se retourna et désigna une seconde porte à l’arrière de son bureau.
« On va passer par derrière ! Vous ne croyez tout de même pas que je tienne à quitter le tribunal entouré par trois agents fédéraux, alors qu’il y a toujours des dizaines de journalistes qui trainent sur le parvis !? »
La porte s’ouvrit à nouveau, mais nettement plus violemment, cette fois. Un jeune homme angoissé fit irruption dans la pièce.
« Nick ! » s’exclama Barlow, visiblement mécontent de le voir. « Comme vous pouvez le constater, ce n’est pas le moment ! »
« Mais, M. Barlow, c’est… »
McGee apparut derrière Stravinsky.
« Nick Stravinsky, patron. » expliqua-t-il en désignant le jeune homme aux traits inquiets.
« Excellent, agent McGee ! Bon, puisque nous sommes au complet… »
« Au complet ? » Depuis l’arrivée de Nick, Barlow semblait nettement plus tendu. « Je peux savoir ce que Nick vient faire là dedans ? »
« Ça, ce sera à vous de me le dire, M. Barlow ! »
« Vous allez le payer très cher, tout ça, je vous le promets ! »
   

    Dimanche, 16h10, salle d’interrogatoire du NCIS,

    Barlow sourit en entendant la porte s’ouvrir. Quand il s’aperçut qu’il s’agissait de Gibbs, et non de Miles, son sourire disparut aussitôt.
« Où est mon avocat ? Il devrait déjà être là depuis longtemps ! Je vous préviens que si je découvre que vous l’empêchez de me voir… »
« …Vous me mettrez en retraite forcée, vous me l’avez déjà dit. Et je suis désolé, je n’ai aucune nouvelle de votre avocat pour le moment… Il faut supposer qu’il est occupé ailleurs, monsieur Barlow… »
« Je n’aime pas beaucoup la façon dont vous dites ça, agent Gibbs ! »
« Vraiment ? C’est la vérité, pourtant… »
Gibbs déposa une série de photo devant Barlow.
« Reconnaissez-vous une des personnes figurant sur ces documents ? »
Barlow y jeta à peine un coup d’œil.
« Non. De toutes manières, je ne dirais pas un mot de plus sans la présence de mon avocat. »
Sans tenir compte de la réflexion, Gibbs désigna la photo de ‘‘Dick’’.
« Cet homme s’appelait Richard Carewell… Ce nom vous est-il familier ? »
« Jamais entendu parler. »
« L’ennui, monsieur Barlow, c’est que cet homme est mort. Et que nous avons la preuve que votre secrétaire particulier, Nick Stravinsky, a exercé un chantage sur Carewell… »
« Une preuve ? Excusez mon scepticisme, mais j’attendrai de la voir pour y croire, à votre preuve ! Et quand bien même vous en auriez une, d’ailleurs ? Je ne suis malheureusement pas responsable des faits et gestes de mon secrétaire, que je sache, et si ce pauvre garçon a fait quelque chose de mal, je n’y suis pour rien ! Allons, réfléchissez un instant, agent Gibbs ! Ne croyez-vous pas que je sois suffisamment influent pour régler mes comptes autrement qu’en ayant recours à un chantage de bas étage ? »
« Je ne sais pas jusqu’où s’étend votre influence, mais certainement pas jusqu’à pouvoir atteindre l’amiral responsable de la surveillance maritime de toute la partie du golfe persique dévolue aux Etats-Unis, n’est-ce-pas ? »
« Je ne vois pas le rapport entre l’amiral Jenkins et le chantage que vous m’accusez -à tort- d’avoir exercé sur ce pauvre type qui s’est fait descendre. »
« Au contraire, je crois que vous voyez parfaitement le rapport. Le rapport s’appelle Skye Jenkins, la jeune fille que Richard Carewell protégeait et que vous vouliez enlever afin de faire pression sur son père pour obtenir les terrains de la base de Norfolk que vous convoitiez et qu’il vous a refusé ! »
« Mais vous délirez ! D’abord, je n’ai jamais vu cette gamine de ma vie, pas plus que le gars qui la protégeait d’ailleurs… »
« Un témoin a formellement reconnu votre secrétaire comme étant l’homme ayant menacé Carewell devant chez lui quelques jours avant son assassinat ! Et je crois que la première chose que votre petit secrétaire va faire, c’est s’empresser de vous dénoncer quand nous l’interrogerons…  Vous n’êtes pas d’accord avec moi ?»
Barlow resta silencieux un instant. Il avait perdu une bonne partie de sa superbe.
« Rendez-moi mon portable immédiatement ! » s’énerva-t-il brusquement. « Je ne vous dirais plus rien tant que mon avocat ne sera pas là ! »
Gibbs lui tendit l’appareil, qu’il avait gardé dans sa poche, comme s’il avait prévu cette situation. Barlow le regarda d’un air suspicieux avant de s’en emparer.

    Au même moment, de l’autre côté de la glace sans tain,

    Tony, Ziva et McGee avait assisté à tout l’échange. Tony était hilare.
« Ziva, le jour où j’aurais besoin d’un avocat, rappelle-moi de ne pas choisir ce type !»
« C’est vrai que Gibbs est en forme, aujourd’hui… » fit remarquer Ziva.
« En effet. Je crois qu’il n’aime pas beaucoup ce Barlow. » commenta McGee.
« Il n’en veut pas personnellement à Barlow, il en veut à tous les avocats en général… » expliqua Tony.
« Ah bon ? » s’étonna Ziva. « Pourquoi ? »
« Si j’avais divorcé trois fois, je ne les porterais pas non plus dans mon cœur, je pense. »
Un silence.
« Vous croyez que Barlow va craquer ? » reprit McGee, observant celui-ci essayer vainement de joindre son avocat.
« Oui. » répondirent Tony et Ziva en même temps.
Barlow reposa avec brutalité son téléphone sur la petite table qui meublait la salle d’interrogatoire, visiblement énervé.
« La directrice a bien fait son travail en tout cas ! »
« Oui. »
« Est-ce-que… » commença McGee.
« Chut, le bleu, Gibbs reprend ! » le coupa Tony.

    Dimanche, 16h30, MORGUE du NCIS,

    « Hé bien, très cher monsieur Carewell, il semblerait bien que j’en ai fini avec vous ! Je n’ai plus qu’à ranger mes affaires et puis à vous ranger, vous, dans un de nos frigos… Ne faîtes pas cette tête-là, ils sont très confortables ! Enfin, je ne les ai jamais essayé mais… »
Il s’interrompit. Il lui manquait un scalpel. Il regarda encore une fois autour du corps mais ne l’aperçut pas. Ces petits couteaux étaient tellement fins que celui-ci s’était sans doute glissé entre le corps et la table…
« Monsieur Palmer ? »
« Oui ? »
« Pourriez-vous venir un moment, je vous prie ? Je vais avoir besoin de votre aide ! »
Palmer s’approcha.
« Un de mes scalpels est porté manquant. »
« Mon Dieu, vous croyez que vous l’avez oublié dans le corps avant de refermer ? » s’alarma Palmer.
Ducky le regarda un instant avec un regard digne de Gibbs.
« Non, bien sûr que non, monsieur Palmer. Je n’ai jamais oublié quoique ce soit dans un corps et j’ose espérer que ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer. Quoi que cela me rappelle une anecdote fort amusante qu’un collègue m’avait raconté, il y a quelques années. Figurez-vous que ce collègue travaillait à côté d’un laboratoire qui utilisait des souris et… »
Palmer, pressentant encore une de ces histoires interminables qu’affectionnait tant le docteur Mallard décida de couper court.
« Oui… Mais votre scalpel, docteur ? »
Ducky s’interrompit.
« Ah oui, oui, c’est vrai. Je vais tourner le corps de ce monsieur et vous allez vérifier qu’il ne s’est pas glissé en dessous. »
« Très bien, allez-y, docteur. »
Ducky fit basculer le corps vers lui lentement.
« Ca y est, je le vois ! » s’exclama Palmer.
Joignant le geste à la parole, il se pencha pour récupérer le petit outil. Ce faisant, un détail retint son attention.
« Qu’est-ce-que c’est que ça, docteur ? »
Ducky retourna le corps entièrement pour examiner la petite tâche à peine bleutée qui avait suscité la question de son assistant.
« Intéressant… On dirait une marque de coup… »
« Impossible docteur, s’il avait été frappé avant sa mort, le bleu serait plus important et si le coup datait de plusieurs jours, il aurait changé de couleur… »
« A moins que… Palmer, apportez-moi le petit appareil pour voir sous la peau ! »
Palmer obéit.
« A quoi pensez-vous ? »
« Je pense qu’il a pu être frappé aussitôt après sa mort, ou bien quelques secondes avant… Ce qui explique que le bleu ne se soit pas formé, ou si peu, sur la peau… En dessous, par contre, on devrait pouvoir avoir une image très nette de la forme de l’objet qui l’a frappé, le sang n’ayant pas pu se répandre, puisque notre homme était mort. Vous comprenez, Palmer ? »
Palmer et Ducky se penchèrent sur l’écran du petit appareil. Ils semblèrent déconcertés un instant.
« Je crois, monsieur Palmer, que l’on peut affirmer qu’il s’agit de l’empreinte de la chaussure de notre assassin. »
Ils se redressèrent et se regardèrent.
« Et bien… » murmura Ducky. « Voila qui remet tout en question, mon cher Palmer… »
   

    Dimanche, 16h45, salle d’interrogatoire,

    Barlow se taisait depuis maintenant une bonne dizaine de minutes. Il était évident qu’il était très tendu. Il fixait son portable sans discontinuer, sentant le regard de Gibbs posé sur sa nuque, attendant qu’il se décide enfin à avouer.
Barlow finit par redresser brusquement la tête.
« Je n’ai rien fait de mal ! » s’exclama-t-il avec véhémence.
Derrière la vitre sans tain, Tony s’esclaffa. ‘‘C’est la défense la plus nulle que j’ai jamais entendu. Rappelez-moi ce qu’il fait dans la vie ce gars-là ? Avocat, c’est ça ?’’
« Si c’est vrai, Mr Barlow, qu’est-ce-que vous attendez pour nous donner votre version des faits ? Si vous n’avez rien à vous reprocher, ainsi que vous le prétendez, je ne vois pas pourquoi la présence de votre avocat vous est indispensable… »
Barlow eut un regard mauvais pour Gibbs mais ne trouva rien à répondre. Il regarda de nouveau son portable puis prit une grande inspiration.
« Très bien. Je connaissais effectivement Mr Carewell, mais je n’ai jamais été cherché ce type ! C’est lui qui est venu me voir, il y a de ça trois ou quatre semaines. Il venait d’être engagé par l’amiral Jenkins pour garder sa fille après qu’il ait reçu des menaces la concernant. Carewell avait entendu parler, par mon secrétaire, qui était un de ses amis d’enfance, des différents qui m’opposaient à Jenkins dans plusieurs affaires. Il avait besoin d’argent, de beaucoup d’argent alors il m’a fait un marché. Il m’a proposé de me fournir des renseignements sur les habitudes de Jenkins et sur celle de la gosse en échange de sommes importantes que je lui verserais par l’intermédiaire de Nick. Je sais que j’ai eu tort d’accepter mais un avocat doit toujours connaître les faiblesses de ses adversaires pour être sur de gagner, n’est-ce-pas ? »
Gibbs préféra ne pas répondre, lui faisant signe de continuer.
« Bref, grâce à Carewell, j’ai découvert que la seule faiblesse de Jenkins, c’était Skye, justement… »
« C’est là que vous avez décidé de programmer son enlèvement avec l’aide de Richard Carewell… Mais il n’a pas voulu aller jusque-là, il a menacé de mettre fin à votre petit marché et de vous dénoncer, alors vous l’avez fait tué… »
Barlow secoua la tête.
« Bien pensé, mais non. Premièrement, si cet abruti avait voulu faire ça, je n’aurais pas eu besoin de le tuer, ca aurait été sa parole contre la mienne, et soyons réaliste, personne ne l’aurait cru. Deuxièmement, je crois que vous ne cernez pas bien qui était Dick Carewell. C’était un homme cupide et très intelligent, prêt à tout pourvu que la récompense soit suffisante. C’est lui qui a eu l’idée de l’enlèvement et qui m’en a fait part dans un de ses e-mails –nous ne nous rencontrions jamais-. Et c’est moi qui ai voulu mettre fin à notre petit marché. Enlever une gosse juste pour faire pression sur Jenkins ? Jamais, agent Gibbs ! Vous me prenez pour qui ? Les problèmes que j’ai avec mes ennemis, même si je reconnais user de coups bas, je les règle avec eux, pas en m’en prenant à leur famille ! »
« C’est vrai que votre attitude était digne d’honneur dans cette affaire Mr Barlow… » ironisa Gibbs. Mais tout ça n’explique pas pourquoi un témoin a vu votre secrétaire menacer Mr Carewell peu de temps avant son assassinat. »
« Après avoir compris que Richard Carewell ne plaisantait absolument pas quand il annonçait qu’il voulait mettre en scène l’enlèvement de la gamine, j’ai envoyé Nick lui annoncer que notre petite affaire était terminée. Et ce n’est pas Nick qui a menacé Richard, mais bien le contraire. Il lui a dit qu’il se fichait que nous ne participions pas à l’enlèvement et qu’il s’était trouvé de meilleurs complices bien moins regardant. Des complices qui connaissaient nos noms, nos adresses, nos familles, au cas où il nous viendrait l’idée fantaisiste de parler de ça à qui que ce soit. Alors vous comprendrez que nous n’avons plus rien voulu avoir à faire avec cet homme depuis ce jour-là… Et cet incident remonte à quatre ou cinq jours. Je n’avais plus eu aucune nouvelle de lui jusqu’à ce que vous m’annonciez qu’il avait été assassiné, ce qui, je vous l’avoue, ne m’a pas surpris le moins du monde. Je suppose que ses ‘complices’ ont estimé ne plus avoir besoin de lui. »
Gibbs était sur le point de répondre lorsque des coups furent brièvement frappés à la porte.

   
De l’autre côté de la glace,


    « Qui ose interrompre l’interrogatoire de Gibbs ? » s’insurgea Ziva.
Tony regarda rapidement ses deux collègues.
« Je ne sais pas, Ziva, on est tous là ! »
« C’est sûrement l’avocat de Barlow. » proposa McGee.
« Ne dis donc pas de bêtises, McGee ! » rétorqua Ziva. « Si ça avait été ce Miles, il ne se serait pas donné la peine de frapper, il serait entré directement ! »
« En effet… Qui alors ? »

    Gibbs ouvrit la porte d’un geste brusque. Barlow tendit la tête afin de discerner celui ou celle qui venait de les interrompre, à son plus grand soulagement, mais il n’eut pas le temps d’apercevoir la personne en question avant que Gibbs n’ait refermé la porte derrière lui. Barlow ne fut pas le seul à être frustré. Tony, Ziva et McGee se précipitèrent dans le couloir avec un bel ensemble.
« …donc du coup ça remet tout en question ! » conclut Ducky.
« Qu’est-ce-qui se passe ? » demanda Tony en s’approchant de Gibbs et de Ducky, suivi par Ziva et McGee, tous trois l’air concerné.
« Il semblerait que ni Barlow, ni son secrétaire ne soit ceux qui aient attenté à la vie de Richard Carewell… »
« Pourquoi ? » s’étonna Tony, surpris de ce retournement brutal de situation.
« Et bien, en examinant le corps de ce pauvre homme avec Mr Palmer tout a l’heure, une tâche suspecte a attiré notre attention. Après examen minutieux, il s’est avéré que notre coupable portait indubitablement… Des chaussures à talons, de type escarpins ou même bottines… Mais des chaussures de femme, ça, c’est certain. »
Toute l’équipe resta un instant silencieuse jusqu’à ce que Gibbs reprenne la parole pour confirmer ce que chacun pensait tout bas. 
« Où est Caroline Carewell, Tony ? » demanda-t-il.
« Dans la salle de conférence, patron… Ducky n’avait pas fini l’autopsie, alors elle n’a pas pu voir son mari… Après qu’elle ait affirmé reconnaître Nick Stravinsky dans l’homme qui avait menacé son mari, elle a demandé à attendre afin de pouvoir voir le corps. Je ne voyais pas de raison de lui dire non… »
« Tu as fermé la porte ? Mis quelqu’un en faction devant ? »
« Heu… Non, je n’ai pas pensé qu’elle représentait un danger quelconque… »
« Hé bien, j’espère pour toi qu’elle est toujours dans cette salle de conférence, Tony ! » menaça-t-il en entrant à nouveau dans la salle d’interrogatoire où Barlow l’attendait, pendant que ses agents se précipitaient vers la salle de conférence où Tony avait laissé Caroline Carewell une bonne demi-heure plus tôt.

    Dimanche, 17h00, salle d’interrogatoire,

    En voyant le visage fermé de Gibbs, Barlow sut aussitôt que les nouvelles étaient bonnes. Pour lui.
« Alors, agent Gibbs ? Si j’en crois la tête que vous faîtes, vous savez que tout ce que je vous ai dit est vrai ! » jubila le gros bonhomme.
« Mr Barlow, Richard Carewell a-t-il déjà mentionné sa femme devant vous ? »
Barlow arrondit les yeux de stupéfaction. Visiblement, ce n’était pas le genre de question qu’il s’attendait à entendre.
« Je vous ai dit que je n’ai jamais rencontré Mr Carewell en personne ! Mais l’argent qu’il réclamait devait servir à lui payer une nouvelle vie en Amérique du Sud, alors… Sincèrement, j’ignorais qu’il fut marié ! J’aurais même pensé le contraire, parce que dans un de ses e-mails, sachant que j’avais effectué de nombreux voyages en Amérique du Sud, il m’a demandé où l’on trouvait les plus belles filles… »
Gibbs observa Barlow quelques instants mais celui-ci avait vraiment l’air sincèrement étonné. La porte de la pièce s’ouvrit une nouvelle fois brutalement, cette fois-ci sur un Miles Harrington l’air un peu affolé.
« George ? Qu’est-ce-que c’est que toute cette histoire ? Qu’est-ce-que tu fais là ? »
« Tu vois bien, je joue aux fléchettes ! Sérieusement, Miles, t’étais où ? Ça fait près d’une heure que je cherche à te joindre ! Je peux savoir ce qui t’as pris autant de temps pour me répondre ? » s’énerva Barlow.
Le pauvre Miles rougit brusquement et Gibbs eut un court instant de pitié pour lui. Très court, parce que Miles se reprit quasiment aussitôt.
« En tout cas, agent Gibbs, cet entretien avec mon client est terminé, à moins que vous ne l’inculpiez pour quelque chose, et quand bien même ce serait le cas, soyez sûr que je trouverais le moyen de faire sortir Mr Barlow de là dans l’heure qui vient ! »
« Bien sûr, vous négocierez avec notre charmante directrice, n’est-ce-pas ? » ironisa Gibbs.
L’avocat le regarda avec suspicion mais Gibbs se contenta de hausser les épaules.
« Je vous laisse réfléchir à la meilleure ligne de défense possible avec votre client, cher maître. Etant donné qu’il vient d’avouer avoir acheté des informations sur un amiral en charge de nombreuses missions classées Secret Défense, je vous conseille d’en prévoir une efficace… »
Les deux hommes se regardèrent et jetèrent un dernier regard furieux à Gibbs qui ne le vit même pas car il avait déjà quitté la pièce.

    Dimanche, 17h00, Salle de conférence,

    Tony ouvrit brutalement la porte et se précipita dans la pièce. Tout y était parfaitement normal mais elle était vide. Ziva arriva derrière Tony et s’appuya contre le chambranle de la porte, l’observant pendant qu’il regardait dans les endroits les plus improbables si Caroline Carewell ne s’y trouvait pas.
« Tu crois vraiment qu’elle pourrait se cacher sous la table, Tony ? »
L’interpellé se redressa brusquement, interrompant ses recherches aussi infructueuses que clairement inutiles.
« Il faut que je la retrouve avant que Gibbs ne revienne, Ziva ! Tu pourrais m’aider au lieu de te contenter de regarder ! »
« Je veux bien t’aider, Tony, mais je ne vois pas bien ce que je peux faire… »
« Elle se balade au beau milieu de dizaines d’agents fédéraux, il y en a bien un qui va lui demander ce qu’elle fait là ! »
Ziva fit la moue.
« Elle n’aura qu’à dire la vérité, Tony. Que les agents McGee et DiNozzo l’ont amenée ici pour reconnaître le corps de son époux… »
Tony passa devant elle et quitta la pièce. Elle le suivit d’un air amusé tandis qu’il ouvrait les portes et regardait dans les couloirs dans l’espoir de mettre la main sur Caroline Carewell.
« Si tu ne m’aides pas à chercher, aide-moi au moins à trouver une histoire plausible pour Gibbs qui justifie qu’on ne sache PAS où est la personne qui semble être la plus impliquée dans notre enquête ! » implora-t-il en continuant à s’agiter vainement.
« Autre que ‘‘Tony a perdu notre principal suspect’’, tu veux dire ? » se moqua-t-elle ouvertement.
« Je ne l’ai pas perdu ! » s’exclama-t-il  en se tournant vers elle. « C’est juste que je ne sais pas exactement où elle est à cet instant précis ! »
Ziva lui fit un grand sourire mais ne répondit pas.
« Tu peux me dire quelle est la différence, exactement, Tony ? » demanda une voix peu amène, derrière lui.
Tony inspira un grand coup avant de se retourner.
« Heu, et bien, c'est-à-dire que… » Il rentra la tête dans les épaules, attendant la claque qui n’allait pas manquer d’arriver. Mais rien ne se passa. Il rouvrit les yeux pour voir un Gibbs en colère qui le fixait.
« Qu’est-ce-que tu lui as dit, Tony ? »
« Rien ! Je l’ai amenée dans la salle et… » Il s’interrompit.
« Et ? » le relança Gibbs.
« Et… Et elle m’a demandé si on soupçonnait quelqu’un pour le meurtre de son mari. Je lui ai répondu que je ne pouvais rien lui dire mais qu’on supposait que ce n’était pas son mari qui était visé mais la jeune fille qu’il gardait… » Il s’interrompit à nouveau.
« ET ? »
« …et qui était présente dans la maison lors du meurtre. »
« Tu as dit à cette femme qu’il existait peut être un témoin de son meurtre. »
Gibbs se précipita dans les escaliers qui menaient au labo d’Abby et sortit son arme, aussitôt imité par Tony et Ziva.
« Mais Skye n’a rien vu ! »  se récria Tony.
« Mais ça, elle n’en sait rien ! »
« Elle ne va pas tuer Skye au milieu d’un bâtiment rempli d’agents fédéraux ! Si ? »
« Je ne sais pas, Tony ! Es-tu prêt à jouer la vie de Skye et d’Abby sur cette affirmation ? »
Tony fut sur le point de répondre mais Gibbs le fit taire d’un geste de la main. Ils étaient à l’entrée du labo.
« Vous ne remarquez rien de bizarre ? » murmura Ziva.
« Si. Il n’y a pas de musique. » lui répondit doucement Gibbs.
D’un signe de la tête, il l’invita à entrer discrètement dans la pièce.
Elle entrouvrit la porte et se glissa dans la pièce.
« Mais où aurait-elle trouvé une arme ? » chuchota Tony à l’intention de Gibbs. « Elle a été fouillée à son arrivée ici et elle n’en avait pas ! »
« Elle a pu en trouver une dans n’importe quel bureau, Tony ! Nous sommes au NCIS, tu as oublié ? »
Tony fit un signe de dénégation. L’angoisse lui serra la poitrine. S’il arrivait quoi que ce soit à Abby ou à Skye, il savait que ce serait de sa faute.

    Dimanche, laboratoire du NCIS, quelques minutes plus tôt,

    « Skye ? Skye ! Ne touche pas à ça voyons ! » s’exclama Abby alors que Skye s’apprêtait à soulever le couvercle du spectromètre de masse pour regarder à l’intérieur.
« Je ne l’aurais pas cassé, ce machin ! » protesta l’adolescente.
« Je sais… Là n’est pas le problème, enfin ! Tu vois bien qu’il est en train de fonctionner ! »
« Ben, évidemment que j’ai vu ! Je vois pas l’intérêt de regarder dans ce truc s’il n’est pas en train de marcher ! »
Abby respira un bon coup.
« Tu ne veux pas t’asseoir deux minutes ? Faire un jeu sur mon ordinateur ? »
« On peut pas changer de musique ? Ça craint trop ce que t’écoutes ! » critiqua Skye sans tenir compte le moins du monde de la proposition qu’Abby venait de faire. Elle éteignit brusquement la musique, juste à temps pour entendre la porte de l’ascenseur s’ouvrir.
Abby se précipita dans le couloir.
« Mon Dieu, Gibbs, je t’en supplie, dé… »
Elle s’interrompit.
« Vous n’êtes pas Gibbs… Qui êtes vous ? » demanda-t-elle à la jeune femme rousse qui s’avançait vers elle.
« Je m’appelle Caroline. Je suis assistante sociale et je viens pour prendre la petite Skye en charge en attendant le retour de son père. »
Malgré le sourire et l’air avenant de la jeune femme, Abby resta sur ses gardes.
« Déjà, cette partie du bâtiment n’est pas autorisée aux civils non accompagné Mme… ? »
« Terrence. »
« …Terrence. Ensuite, on ne m’a prévenue de rien. Je ne veux pas vous vexer mais si vous voulez pouvoir prendre Skye avec vous, revenez avec un mot de notre directrice. Ou mieux avec la directrice en personne. Ou même avec l’agent Gibbs, je ne suis pas difficile. »
Caroline Carewell eut l’air contrariée.
« Je me permets d’insister, mademoiselle. » dit-t-elle en sortant une arme et en la dirigeant sur une Abby stupéfaite.

    Dimanche, 17h10, laboratoire du NCIS,

    Ziva fit signe à Gibbs et à Tony pour leur confirmer que la voie était libre.  Elle continua de s’approcher précautionneusement du laboratoire, en prenant bien garde à ne pas faire de bruit. Des bruits de voix étouffées lui parvenaient de la pièce principale du labo. Alors qu’elle n’était plus qu’à quelques mètres, une voix plaintive s’éleva :
« Je vous en prie, laissez-moi partir. Je peux vous donner de l’argent, si vous voulez… »
Un léger rire répondit à cette proposition.
« Je ne suis pas intéressée, mais c’est gentil d’avoir proposé. Et maintenant, il est temps d’en finir… »
Ziva sentit ses muscles se crisper sur son arme. Ce qu’ils craignaient se confirmait. Après avoir quêté l’approbation de son patron, elle pénétra brusquement dans la pièce, prête à abattre Caroline Carewell. Mais ce qu’elle vit alors était tellement surprenant qu’elle en resta figée quelques secondes, incapable de prononcer un mot, tellement elle était stupéfaite.
Tony et Gibbs apparurent derrière elle et la même expression de stupeur se peignit sur leurs visages.      
Il faut dire que la vision qui s’offrait à eux était pour le moins… inattendue.
Assise sur l’un des comptoirs du labo se trouvait une Skye absolument détendue, un pistolet dans la main, tenant en respect une Caroline Carewell attachée par une grosse paire de menotte à un imposant appareil d’analyse dont Ziva ignorait complètement le nom et la fonction.
Abby, le téléphone à la main, interrompit brusquement sa conversation en voyant débarquer les trois agents.
« …C’est bon, Timothy, tu peux arrêter de paniquer, on a retrouvé Gibbs. Enfin, c’est plutôt lui qui nous a trouvé. Mais oui, Tim, je t’assure que tout va bien… »
Elle raccrocha brusquement. Le bruit que fit l’appareil en heurtant son socle sembla ramener tout le monde à la réalité. Skye abaissa tranquillement son arme et fit un grand sourire à l’équipe qui la dévisageait.
« Faîtes pas cette tête-là, les gars. Si vous vous inquiétez pour ça… » Elle eut un mouvement du poignet faisant rouler l’arme dans ma main avant de la poser sur le comptoir avant de sauter sur ses pieds. « Mon père m’apprends à me servir d’une arme depuis que j’ai cinq ans. » Elle désigna Caroline Carewell. « Visiblement pas elle. Beaucoup trop stressée. » conclut-t-elle avec désinvolture.
Tony et Ziva échangèrent un regard atterré. Cette gamine était vraiment incroyable. Gibbs, quant à lui, semblait trouver ça très normal. Tony se demandait parfois si quelque chose pourrait surprendre Gibbs, de toute façon.
« Qu’est-ce-qui s’est passé ? »
« Ben, cette folle a débarqué ici en voulant m’emmener de force je ne sais pas où et en nous menaçant, mais Abby et moi ne lui en avons pas laissé le temps… C’était trop cool ! »
« Mais comment… ? »
Avant d’avoir pu finir sa phrase, Tony fut interrompu par Abby qui se précipita dans les bras de Gibbs.
« J’ai eu tellement peur Gibbs. Enfin, je savais que tu arriverais à temps comme d’habitude mais… Je croyais que la sécurité du bâtiment avait été renforcée ? Qu’est-ce-qui s’est passé ? »
« Bonne question… » répondit-t-il en lançant un regard noir à Tony qui eut la bonne idée de paraître confus tandis que lui et Ziva emmenait Caroline Carewell.

     Dimanche, 17h35, Open Space du NCIS,

    Gibbs regarda s’éloigner Caroline Carewell entourée par deux officiers de police. Il aurait aimé pouvoir l’inculper lui-même, mais elle avait reconnu l’assassinat de son mari et n’avait au départ aucune intention de s’en prendre à Skye, ce qui fait que l’affaire ne concernait désormais plus la marine.
« Ne fais pas cette tête-là, le NCIS va quand même la poursuivre pour ce qu’elle a fait au NCIS aujourd’hui. »
Il se retourna pour faire face à Jenny.
« Barlow n’était pas coupable finalement… »
« Pas coupable de meurtre, non… Mais je pense que sa carrière politique vient de se terminer brutalement… »
Jenny lui sourit.
« Tu crois ? Ne sous estimes pas son avocat… »
« Il est si bon que ça, Jen ? » Ses yeux glissèrent des yeux verts jusqu’à ses lèvres avant de se déplacer vers un point derrière elle. « Quand on parle du loup… »
Elle se retourna pour voir apparaître Barlow, accompagné de son avocat. Ils s’approchèrent d’eux. Barlow avait retrouvé son sourire hypocrite.
« Agent Gibbs. Je suis content de vous voir avant de partir. Je tenais à vous féliciter. Si, si c’est vrai. Utiliser les faiblesses… coupables de Miles… » Il eut un regard appuyé pour Jenny. « …c’était une très bonne idée. Mais ne soyez pas dupe une seconde. Vous ne devez votre place qu’à la très grande… complaisance de votre directrice, agent Gibbs. Un conseil, oubliez-moi et je ferais peut-être pareil avec vous. Je dis ça pour votre bien… »
« Ce sont des menaces ? »
Barlow eut un rire gras.
« Non, je vous ai dit que c’était un conseil… »
Avec un dernier regard lascif pour Jenny, il s’éloigna, toujours suivi de Miles qui durant toute la durée de l’interaction avait bien pris soin d’éviter le regard de Jen et qui semblait soulagé que Barlow se décide enfin à quitter les lieux.
Gibbs les regarda s’éloigner.
« Sauver ma place t’a couté si cher que ça ? » finit-t-il par demander.
« Bien plus que je ne l’aurais voulu, oui. Mais pour voir ce sale type subir un interrogatoire mené par toi, ça valait le coup. »
Il la regarda d’un air étonné.
« Ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit agent Gibbs : je ne veux plus jamais que ça se reproduise. » Elle avait dit cela sévèrement mais la lueur amusée dans ses yeux démentait ses paroles. « Tu vas pouvoir faire grâce à tes agents et leur permettre de rentrer chez eux... »
« Que fait-on de Skye ? »
« Il n’y a plus de danger, maintenant, alors je suppose qu’elle peut rentrer chez elle. »
« Surement pas. J’ai promis à son père de la garder en sécurité jusqu’à son retour et il ne sera pas là avant demain matin… »
« Et bien, garde-la chez toi dans ce cas. »
Il eut un rire amusé.
« Non, j’ai une bien meilleure idée. »

    Tony, Ziva et McGee n’étaient pas mécontent d’en avoir terminé avec cette affaire. Ils aspiraient tous les trois à rentrer chez eux, même si c’était pour des raisons différentes.
« Je n’arrive pas à croire que cette femme ait pu nous jouer une telle comédie ! Je veux dire, elle semblait tellement… sincère dans sa détresse ! »
« Tony, ce n’est pas toi qui disait que c’est toujours celui qui a l’air le plus innocent qui est souvent le coupable ? »
« Si, mais là… Là… Elle était bluffante ! Tu ne trouves pas, McGee ? »
« Je ne sais pas, Tony. »
« Non, mais, sérieusement, tu te rends compte qu’elle ne s’est pas contenté de tuer son mari, elle l’a aussi piétiné ! » s’insurgea Tony.
« Moi aussi je l’aurais fait, si mon mari avait voulu m’abandonner aussi lâchement… » rétorqua Ziva.
« Tu l’aurais piétiné ? »
« Non, je l’aurais tué. » répondit-t-elle le plus sérieusement du monde.
Tony haussa les épaules et commença à enfiler sa veste lorsqu’il fut interrompu par la voix de son patron.
« Où est-ce-que vous comptez tous aller comme ça ? »
« Euh… » répondit Tony en suspendant son geste. « Chez nous ? »
« Excellente idée, en effet. »
Soulagé, Tony termina de mettre sa veste et commença à rassembler ses affaires.
« Et avant de partir, je suppose que vous vous êtes déjà mis d’accord pour savoir qui allait garder Skye cette nuit avant de la rendre à son père demain matin ? » continua Gibbs.
Il vit ses trois agents échanger un regard horrifié.
« Mais… Mais Abby ne peut pas la garder encore ? J’ai l’impression qu’elles s’entendent bien… Où la directrice ? Elle avait bien gardé le gamin l’autre fois… » tenta Tony sachant que sa tentative était vouée à l’échec.
Et en effet, le regard qui lui lança Gibbs ne laissait pas de place à la discussion.
Il se tourna de nouveau vers ses collègues.
Ziva eut un sourire ironique à l’intention de Tony et attrapa une paille qui trainait sur son bureau.
« Courte paille ? »


    Dimanche, 17h40, Open Space du NCIS,

    Tony sentit une pointe d’angoisse lui nouer l’estomac tandis qu’il hésitait. Tout se jouait maintenant entre Ziva et lui. McGee avait en effet tiré le premier –probie oblige- et la chance lui avait souri, au grand désespoir de Tony. Il se contentait maintenant de les observer, rappelant au passage que Tony n’avait jamais eu beaucoup de chance en ce qui concernait les jeux de hasard.
« La ferme, le bleu ! » maugréa Tony entre ses dents. « Tu ne vois pas que j’essaye de me concentrer ? »
« Te concentrer pour quoi faire, Tony ? Il suffit de tirer un bout de paille, c’est tout ! Ce n’est pas de les fixer intensément pendant dix minutes qui va te dire lequel des deux est le plus court ! » lui fit remarquer fort justement McGee.
Tony se redressa et le regarda.
« Ça te ferait plaisir de me voir perdre le bleu, hein ? »
McGee se contenta de hausser les épaules.
« Et bien prépare toi à être très déçu parce que… »
« Arrête de repousser le moment et tire, Tony ! » s’impatienta Ziva en lui tendant de nouveau sa main.
Tony attrapa un des deux morceaux de paille qu’elle tenait encore d’un coup sec et l’agita devant les yeux de McGee.
« Ah ah ! » s’exclama-t-il sans même regarder ce qu’il venait de tirer.
« Oui, Tony, je vois, tu as perdu. Pas la peine de me coller ce machin dans la figure pour autant. » déclara McGee avec nonchalance.
Tony baissa les yeux sur le bout de paille qu’il tenait et se tourna vers Ziva qui arborait un air triomphal tout en brandissant le plus long des deux fragments de paille. Il resta silencieux quelques secondes à les regarder tour à tour.
« Vous avez triché, j’en suis certain. »
« Pas du tout, Tony. C’est de la mauvaise foi. Comment veux-tu que l’on triche à la courte paille ? Tu n’as pas de chance, c’est tout. »
« Anthony DiNozzo, ne pas avoir de chance ? Allez, avouez. Comment vous avez fait. »
Ziva se contenta de sourire. Elle ramassa son sac et s’approcha de lui pour lui donner une accolade compatissante.
« Bonne soirée, Tony. Tu vas voir, je suis certaine que ce ne sera pas aussi terrible que ce que j’imagine… » dit-elle d’une voix faussement enjouée.
« C’est vrai, Tony, cette petite a surement des bons côtés, au fond. Tout au fond. » renchérit McGee.
« Tu crois vraiment ? » lui demanda Ziva.
« Non. » répondit McGee.
Ils se tournèrent vers Tony avec un air apitoyé très convaincant.
« On est de tout cœur avec toi, en tous cas. »
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur Gibbs accompagné de Skye, ses affaires à la main.
« Bon courage ! » l’encouragèrent une dernière fois Ziva et McGee en quittant rapidement les lieux. « A demain ! »

    Gibbs regarda les deux agents disparaître avec un regard amusé, tandis que celui de Skye était plutôt… énervé.
« J’en déduis que vous avez réussi à vous mettre d’accord sur qui allait garder Skye ce soir ? »
« Oui, patron. C’est moi. » répondit Tony d’une voix aussi peu enthousiaste que possible.
Skye semblait à peu près aussi ravie que lui à l’idée de devoir passer la nuit chez un agent du NCIS.
« C’est vrai, vous vous êtes battus pour savoir chez qui j’allais rester finalement ? » demanda-t-elle le plus sérieusement du monde. « Ben, il fallait pas. Moi, je veux rentrer chez moi ! Il n’y a plus de danger maintenant, et je ne suis plus une petite fille ! Je peux me défendre toute seule, vous avez bien vu cet après midi ! »
« Il existe des gens bien plus dangereux que Caroline Carewell et il n’est pas impossible qu’ils en aient après toi. » lui répondit Gibbs.
Skye ne parut pas décontenancée outre mesure par l’idée.   
« Et alors ? Ce ne serait pas la première fois. Et puis… » Elle leva vers lui un regard plein d’espérance et lui fit un magnifique sourire. « Si je suis obligée de rester avec un agent du NCIS,  j’aimerai mieux que ce soit avec vous. Vous avez l’air nettement plus… rassurant… que les trois autres agents que j’ai vu aujourd’hui. » Une pause. « S’il vous plaît. » ajouta-t-elle.
Gibbs eut un léger rire.
« Ne t’inquiète pas, Tony est un excellent agent. Tu ne risques rien avec lui. »
Aussitôt, Tony se rengorgea. Il ne regrettait plus d’avoir perdu à la courte paille maintenant qu’il avait entendu Gibbs dire qu’il était ‘un excellent agent’.
Skye fit une moue renfrognée, visiblement pas enchantée de la réponse. Elle jeta un regard noir à Tony. Et bien, celui-là paierait pour les autres. Elle se promit d’être le plus désagréable possible.

    Gibbs observa Tony et Skye s’engouffrer dans l’ascenseur. Avant qu’ils ne partent, il avait demandé à Tony d’être très vigilant. Celui-ci avait d’abord paru étonné, mais quand il avait réalisé que son patron craignait réellement que quelque chose n’arrive, il avait tout de suite repris son sérieux et promis de ne pas quitter Skye des yeux une seconde.
A vrai dire, Gibbs n’aurait su expliquer ce qu’il redoutait exactement, mais il sentait que quelque chose allait arriver. Il n’avait pas oublié ce que Barlow avait dit : ‘…il se fichait que nous ne participions pas à l’enlèvement et qu’il s’était trouvé de meilleurs complices bien moins regardant…’. Des complices qui se trouvaient toujours dans la nature. Et qui n’avaient peut être pas renoncé à leur projet d’enlever la fille de l’amiral Jenkins, pour quelque raison que ce soit.
Il décrocha son téléphone et composa rapidement un numéro.
« Allô, McGee ? Gibbs. Vous avez tracé les derniers appels reçus et émis par Richard Carewell avant sa mort ? »
« … »
« Pourquoi ? »
« … »
« Vous avez de quoi le faire de chez vous ? »
« …, … »
« Très bien, alors faîtes-le tout de suite. Rappelez-moi aussitôt que vous avez cette liste d’appels. »
Il raccrocha et s’assit à son bureau en attendant que son agent le rappelle.


    Dimanche, 18h05, appartement de Tony,

    Le trajet en voiture entre le NCIS et son appartement n’avait jamais paru aussi long à Tony. Skye n’avait pas cessé de s’agiter sur son siège et de toucher à tout. Elle avait allumé le chauffage des sièges, le lecteur de CD dernière génération, l’allume cigare… Bref, tout ce qui se trouvait à portée de sa main.
Il avait essayé –vainement- de lui arracher un mot, mais elle n’avait jamais daigné lui répondre. A peine se contentait-elle de lui jeter un regard ennuyé ou dédaigneux selon qu’elle trouvait sa conversation simplement inintéressante ou carrément stupide.
Quand ils entrèrent chez lui, elle posa aussitôt ses affaires sur le sol et se jeta sur le canapé. Elle attrapa la télécommande et alluma la tv, sans plus faire attention à lui.
Avec un soupir, il ramassa le sac que l’adolescente venait d’abandonner à ses pieds. ‘Ça promet’ pensa-t-il.
« T’aurais pas un truc à boire, par hasard ? » demanda soudain Skye, se tournant vers lui.
« Euh… » hésita Tony, pris de court par sa question. « De l’eau, du jus d’orange… Un coca ? »
Elle fit une grimace.
« Mouais, nan. T’aurais pas du lait, plutôt ? »
« Du lait ? » répéta Tony, abasourdi.
« Ben, ouais, tu sais, le liquide blanc qu’on met dans le café… »
Il lui lança un regard noir.
« Je sais ce qu’est du lait, Skye, je te remercie. Et non, je n’ai pas de lait. »
« Pff… » fut la seule réponse de Skye. Elle se tourna de nouveau vers la télé, l’air plus acrimonieux que jamais.
Tony était bien décidé à ne pas la laisser gagner.
« Très bien ! Tu ne bouges surtout pas ! » lui intima-t-il en ouvrant la porte.
« Où tu vas ? » demanda-t-elle avec espoir.
« Je reviens tout de suite. Je vais voir si mon voisin à du lait. » lui répondit-t-il d’une voix déterminée, déjà dans le couloir.
Il réapparut à peine une minute plus tard, tenant triomphalement une bouteille de lait à la main.
« Déjà ? » regretta Skye ouvertement.
Il ignora sa réflexion désagréable et referma doucement la porte sans sembler apercevoir la silhouette qui s’était tapie dans l’ombre en l’entendant ouvrir la porte un peu plus tôt.

    L’homme quitta le recoin dans lequel il s’était glissé précipitamment lorsqu’il avait entendu la porte s’ouvrir. Il savait maintenant où se trouvait la gosse. Et elle n’était protégée que par un seul agent du NCIS. Et pas le plus malin, apparemment. C’est son boss qui allait être content. Il sortit son téléphone portable et composa rapidement un numéro.
« … »
« Boss ? C’est Connor. »
« … ? »
« Ouais, elle est bien là. »
« … ? »
« Un seul. »
« … ? »
« Je ne bouge pas, je préviens les gars et je t’attends. »
Il raccrocha.

    Tony versa le lait dans un verre et le tendit à la jeune fille avec un sourire victorieux. Elle jeta un regard soupçonneux sur le verre et le liquide qu’il contenait.
« C’est du lait de quoi ? »
Tony eut un mouvement de recul tandis qu’un air de stupeur se dessinait sur son visage.
« Euh… De vache. De quoi d’autre ? »
« J’te signale qu’il y a plein d’animaux qui donnent du lait… Mais bon. » Elle se tourna de nouveau vers la télévision, ignorant délibérément le verre qu’il continuait de lui tendre. « De toutes façons, je suis allergique au lait animal, ça me rend malade, je ne peux boire que du lait végétal. »
Tony regarda successivement le verre et Skye, se demandant si cela valait le coup de tâcher son canapé en balançant le contenu du verre à la tête de la petite peste. Il décida que non et se résigna à boire le lait lui-même.


    Dimanche, 18h05, Open Space du NCIS,

    Gibbs fut brutalement tiré de ses pensées par la vibration de son portable, posé devant lui sur son bureau.
« Allô ? »
« … »
« Vous avez ce que je vous ai demandé, McGee ? »
« …, … »
Gibbs écouta en silence la réponse de son agent, ses traits se crispant légèrement.
« Je m’en doutais ! » s’exclama-t-il soudain.
« … ? »
« Oui, immédiatement ! Je veux que vous soyez là bas le plus vite possible. Prévenez Ziva. Je vous retrouve sur place. » Il s’interrompit. « Ne trainez pas, McGee ! » ajouta-t-il avant de raccrocher.
Avant même qu’il ne l’ait rangé dans sa poche, son portable vibrait de nouveau.
« Allô ? »
« …, … »
« Je sais. » répondit-t-il à son interlocuteur.
« … ? »
« Non. Continue de faire comme si de rien n’était. Il ne faut pas qu’ils se méfient. »
« … »

    Dimanche, 18h30, Appartement de Tony, extérieur,

    Les quatre hommes s’arrêtèrent devant la porte de l’appartement de Tony.
« Tu es certain qu’ils sont toujours à l’intérieur, Connor ? » demanda celui qui semblait être le chef des opérations.
« Je n’ai pas bougé de devant cette porte, comme tu me l’avais demandé, Boss. »
« Ouais ? Ben, t’as plutôt intérêt à ce que ce soit vrai ! »
Il fit signe à un second de ses complices qui s’attaqua à la serrure de la porte. Moins de cinq secondes plus tard, il l’avait déverrouillée, le tout quasiment silencieusement, seul le cliquetis du loquet qui cédait ayant trahi ce qu’il venait de faire.
« C’est bon, Boss. »
Ils entrèrent brusquement dans la pièce qui englobait le salon et la cuisine, armes aux poings, mais elle était vide. Alors qu’ils étaient sur le point de vérifier derrière le bar, un bruit attira leur attention. Silencieusement, ils se dirigèrent vers le couloir qui menait aux chambres et à la salle de bain, d’où semblait être venu le son.
Depuis la chambre du fond, ils pouvaient désormais entendre clairement une jeune fille chantonner. Alors qu’ils se dirigeaient vers la pièce, le bruit d’une chasse d’eau accompagné d’un sifflement recouvrit quelques secondes les vocalises. Ils s’immobilisèrent, attentifs. 
« Patrick, occupe-toi de la gosse avec Connor… Danny et moi, on s’occupe de l’abruti qui lui sert de nounou. » chuchota le chef avec une voix qui n’admettait pas de répliques.
Obéissant, les deux désignés se rendirent sans bruit dans la chambre où la jeune fille continuait de fredonner un refrain entrainant.
La jeune fille était assise sur une chaise, devant l’ordinateur et elle leur tournait le dos, comme inconsciente de ce qui était sur le point de lui arriver.
   

    Après avoir laissé passer encore quelques secondes, Tony ouvrit brutalement la porte de la salle de bain, surprenant les deux hommes qui l’attendaient derrière. Il pointa son arme vers le plus proche des deux intrus.
« Tiens, tiens, comme on se retrouve. Les rôles sont inversés, on dirait, Liam. Cette fois-ci, c’est moi qui te surprends… » ironisa Tony devant l’air abasourdi de Liam.
Mais celui-ci ne se laissa pas décontenancer pour si peu. Il éclata de rire.
« C’est vrai, je le reconnais, sur ce coup, tu m’as eu… Mais qu’est-ce-que tu comptes faire maintenant ? Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, nous sommes quatre et tu es tout seul, le flic… » rétorqua-t-il avec désinvolture en continuant à tenir Tony en joue.
« Combien êtes-vous prêt à parier sur cette affirmation, Liam ? » interrogea une voix derrière lui.
Liam et son complice se retournèrent brusquement pour voir apparaître McGee, qui avait été jusqu'à présent dissimulé par la porte de la chambre de Tony.
Tony profita de l’effet de surprise pour se jeter sur Liam, le désarmer et le maîtriser. Son complice sembla hésiter un instant sur la conduite à tenir mais le regard sévère de McGee ainsi que l’arme que celui-ci tenait pointée directement vers lui semblèrent le dissuader rapidement de faire quoi que ce soit et il n’opposa aucune résistance réelle lorsque McGee lui passa les menottes.
« Vous allez le regretter ! » rugit Liam en continuant à se débattre tandis que Tony le poussait vers le salon. « PATRICK ! CONNOR ! »
« Merci de nous épargner le besoin de chercher le nom de tes complices. » se moqua Tony. « Tu as raison de coopérer, peut-être que tu auras le droit à une cellule avec vue… »
Liam eut un sourire mauvais.
« Vous feriez mieux de me relâcher. Quand mes gars vont revenir avec la môme et qu’ils vont me voir comme ça, ils se pourraient que ça ne leur plaise pas beaucoup… Pas du tout, même. Et vous ne voudriez surtout pas qu’il arrive quelque chose à la gosse… »
« Qui c’est que tu traites de ‘gosse’ ? » s’indigna une voix outrée depuis la cuisine. Tous firent volte face en direction du bar. Skye s’y trouvait, nonchalamment assise dessus, sirotant tranquillement un coca.
Les yeux de Liam s’arrondirent de stupeur.
« Skye… » soupira Tony exaspéré, « je croyais qu’on t’avait demandé de ne pas bouger de ta cachette avant qu’on ne te le dise ?  »
« Je sais. Mais je m’ennuyais trop, alors… »

   Les deux hommes de main avaient compris que quelque chose clochait au moment où ils s’étaient rendus compte que la webcam de l’ordinateur était allumée et braquée droit sur eux, mais il était trop tard. La jeune fille assise sur le siège s’était déjà retournée d’un mouvement brusque.
« Salut les gars, contente de vous revoir. » railla Ziva, avec un sourire éclatant.
Les deux hommes voulurent crier pour avertir leurs complices mais une voix sèche leur en ôta toute possibilité.
« Je ne ferais pas ça, si j’étais vous… » les prévint Gibbs, surgissant de derrière la porte, une arme à la main. « Posez vos armes sur le sol. » ordonna-t-il, les tenant en respect.
Ils obtempèrent aussitôt, convaincus que l’agent au regard glacial était du genre à les abattre sans état d’âme.
Ziva ne mit que quelques secondes à les mettre définitivement hors d’états de nuire en leur passant des menottes autour des poignets, immobilisant ainsi leurs mains derrière leur dos.
Ils sortirent tous ensemble de la pièce et rejoignirent Tony et McGee dans la cuisine.
Ziva désigna à Tony les deux hommes qu’elle et Gibbs venaient d’appréhender :
« Regarde ce qu’on a trouvé dans ta chambre, Tony… Et moi qui croyais que tu les aimais blondes… »
« Ah, ah, Ziva, très drôle. » maugréa Tony. « Mais tu as raison, ils ne sont pas du tout mon genre. McGee, par contre… »
Ce dernier se contenta de lui jeter un regard noir tout en poussant deux des suspects hors de l’appartement. Ziva et Tony lui emboîtèrent le pas avec les deux autres individus peu scrupuleux.
Lorsque Liam passa devant Skye, celle-ci lui jeta un regard dédaigneux.
« Dire que j’ai cru que t’étais un mec bien. Mais en fait, t’es qu’un pauv’ type ! »
Sans lui accorder davantage d’attention, elle retourna s’asseoir dans le canapé, devant la télé, l’air visiblement irritée. Visiblement, elle n’était pas ravie de s’être laissé berner par Liam.
« Bonne soirée, Tony… » susurra Ziva non sans ironie en prenant soin de refermer la porte de l’appartement derrière elle, l’abandonnant de nouveau seul face à la perspective d’une soirée plus que pénible.
Comme pour confirmer les dires de l’Israélienne, Skye lui rappela sèchement :
« J’ai toujours pas eu mon lait, j’te signale ! »


    Lundi, 8h00 a.m., bureau du directeur du NCIS,

    « Papa ! »
La jeune fille interrompit la discussion entre Jenny, Gibbs et l’amiral pour se jeter dans les bras de son père aussitôt qu’elle le vit.
L’amiral Jenkins la serra dans ces bras un long moment avant de la reposer sur le sol pour se tourner vers Tony qui venait d’accompagner la jeune fille.
« Agent DiNozzo, je ne vous remercierai jamais assez d’avoir veillé sur Skye jusqu'à mon retour. »
« Mais de rien, Amiral, ce fut un plaisir. Votre fille est… absolument charmante. » mentit Tony en jetant un regard en coin à Skye.
« Vraiment ? » interrogea Jenkins d’un air sceptique. « Ce n’est pas l’avis de ses précédents gardes du corps. » Il marqua une pause, pensif. « D’ailleurs, la place est libre, si elle vous intéresse, Mr DiNozzo. »
Tony fut pris de court un instant, avant de bégayer une réponse.
« Euh, et bien, c’est… C’est une proposition très… Je veux dire… C’est très aimable à vous mais… Mais je travaille ici au NCIS et… »
Tony redressa la tête un instant pour croiser les regards amusés de Jenny, Gibbs et Jenkins et il comprit que l’Amiral s’était moqué de lui.
Il poussa un soupir de soulagement et sourit à son tour.
« Si vous n’avez plus besoin de moi… »
« Vous pouvez y aller, agent DiNozzo. » lui répondit la directrice.
Soulagé, Tony quitta rapidement la pièce.


    Lundi, 8h20 a.m., Open Space du NCIS,

    Tony, Ziva et McGee saluèrent l’Amiral et sa fille qui quittaient le NCIS.
« Et bien, je ne suis pas mécontente de voir cette affaire se terminer. » Ziva se tourna vers Tony. « Je t’admire, tu sais. Je ne sais pas comment tu as pu passer une soirée et une nuit entière avec cette gamine et réussir à y survivre… »
« Et bien, ça n’a pas été si difficile que ça, finalement. On a même fini par devenir très bons amis, elle et moi, si tu veux savoir ! »
« Ah ? Tu as fini par réussir à la faire tomber sous ton charme légendaire, Tony ? Vraiment ? »
Tony soupira.
« Non. En réalité, elle me hait. »
« Ne le prends pas comme une défaite personnelle, Tony. Je crois qu’elle déteste tout le monde. C’est une ado… » le consola McGee.
« Non, le bleu, elle ne déteste pas ‘tout le monde’… Tu aurais du voir comment elle regardait Gibbs, hier soir… Même Jenny ne le regarde pas comme ça. »
« Et alors ? Même les filles de quinze ans peuvent avoir bon goût, Tony… » lui fit remarquer Ziva.
Il haussa les sourcils.
« Enfin, Ziva ! Elle a quinze ans ! Il pourrait être son grand-père ! »
Elle ne répondit pas.
Tony soupira.
« Il est derrière moi, c’est ça ? »
Elle acquiesça avec un grand sourire.
« Pardon, boss, ce n’est pas ce que je… »
Une claque à l’arrière du crâne interrompit sa phrase.
« Vous n’avez vraiment rien d’autre à faire ? » demanda Gibbs sévèrement tandis que Tony se massait la tête.
Les trois agents se précipitèrent à leur bureau et se remirent à plancher sur les affaires courantes.
 

    Lundi, 8h30, bureau de Cynthia,

    La secrétaire ouvrit la boîte pour y déposer la nouvelle lettre de menace qu’elle venait de découvrir. Elle soupira. Non pas que le fait soit exceptionnel. En fait, il était même plutôt courant. Mais il y avait dans ce cas précis quelque chose qui inquiétait Cynthia davantage que d’habitude. La plupart des lettres de ce genre était souvent très floues, menaçantes certes, mais jamais précises. Celles-ci étaient différentes. Elles avaient débuté avec le court mot qui avait été planté dans le bureau trois semaines auparavant. Depuis, il ne se passait pas une journée sans qu’une de ces missives ne parviennent au NCIS. Pas par le courrier, non, non. Elles étaient directement déposées au NCIS tous les matins.

    Le premier réflexe de Cynthia avait été d’en parler à Gibbs. Mais la directrice le lui avait interdit. Pourquoi ? Peut-être ne jugeait-elle pas la menace réellement sérieuse ? Ou bien était ce parce que les missives avaient toutes plus ou moins le même contenu : ‘tenez vous éloignée de Jethro ou payez en les conséquences !’ ? Toujours est-il qu’elle avait été très claire, Gibbs ne devait rien savoir de ces lettres, si Cynthia tenait à sa place.


    Mais là, le problème avait atteint un niveau qu’elle ne pouvait plus ignorer, quels que soient les ordres qu’elle avait reçu. En effet, la dernière lettre était pour le moins explicite. Et la photo qui l’accompagnait –comme toujours- l’était tout autant. En fait, cette photo était très jolie, on y voyait Jenny et Jethro souriant l’un à l’autre –pour une fois. Mais la cible qui avait été soigneusement ajoutée sur le visage de Jenny brisait cette charmante image. Après une nouvelle minute à fixer cette photo, Cynthia se sentit parcourue d’un frisson. Elle reposa la photo dans la boîte et se leva. Elle avait pris sa décision.

    Jenny était en conférence avec la tête d’un grand organisme x ou y et elle en aurait encore pour un bon moment. Cynthia avait donc largement le temps de faire ce qu’elle avait à faire. La boîte sous le bras, elle descendit rapidement les escaliers et s’arrêta devant le bureau de l’agent Gibbs qui leva les yeux vers elle.
« Je peux faire quelque chose pour vous, Cynthia ? »
Celle-ci hésita un instant. Gibbs put se rendre compte qu’elle avait l’air soucieux.
« C’est la directrice qui vous envoie ? » lui demanda-t-il.
Elle rougit.
« Oh, non, agent Gibbs. En fait, elle ne voulait pas que je vienne vous voir mais… Mais j’ai pensé que vous devriez être au courant étant donné que tout cela vous concerne. »
Elle s’interrompit.
Gibbs fronça les sourcils, désormais attentif.
Ses agents, à l’écoute dès que Cynthia était arrivée se levèrent et s’approchèrent.
Cynthia leur jeta un regard avant de se tourner de nouveau vers Gibbs.
« J’aurais voulu vous parler à vous exclusivement, monsieur. »
« Cynthia, le simple fait que vous m’en parliez mettra surement déjà hors d’elle votre très chère directrice, alors que mes agents soient présents ou non ne va pas changer grand-chose à ce stade. »
Elle hésita encore un instant, puis déposa la boîte devant Gibbs.
« Cela fait trois semaines que nous recevons ce genre de messages… »
Gibbs ouvrit la boîte et scruta quelques uns des documents qu’elle contenait, son visage se fermant au fur et à mesure de sa lecture.
Tony et McGee se jetèrent un regard inquiet. Ziva, elle, avait pali imperceptiblement.
« Pourquoi les cinglés font-ils tous une fixation sur le directeur du NCIS ? Il y a un concours chez les psychopathes ou quoi ? » interrogea Tony à voix haute.
Ziva intervint d’une voix tendue.
« Je ne crois pas que cette personne, qui qu’elle soit, n’en veule exclusivement à notre directrice. »
Gibbs, Tony, McGee et Cynthia la regardèrent avec étonnement.
« Qu’est-ce-qui te fais dire ça, Ziva ? » lui demanda Gibbs.
« Parce-que… » Elle s’interrompit le temps d’aller chercher une liasse de document dans le tiroir de son bureau. « …Parce-que j’ai reçu exactement la même chose ces trois dernières semaines. » expliqua-t-elle en extrayant une photo de la pile qu’elle tenait dans les mains et la tendant à Gibbs.
Sur la photo, prise en extérieur, Ziva regardait Gibbs d’un air attentif, écoutant probablement ses instructions. Mais le détail qui retenait l’attention, c’est que son visage, à l’instar de celui de Jenny sur la photo qui avait inquiétée Cynthia, était également cerclé d’une cible rouge.

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27 mai 2008

"Skye" partie 1/2

    Dimanche, 7h45 a.m., Base militaire de Norfolk,

    La jeune fille fut réveillée brutalement par des éclats de voix provenant de l'étage inférieur. Un regard sur son réveil lui indiqua qu'il n'était pas encore huit heures, ce samedi matin. Avec un grondement indigné, elle se traina hors de son lit et ouvrit la porte de sa chambre. Elle n'avait pas fait trois pas dans le couloir qu'un bruit sec la stoppa net dans sa progression. Un second bruit, bien plus mat, suivi le premier. Un bruit qui ressemblait étrangement à celui d'un corps chutant sur le sol. Le silence qui s'abattit alors sur la maison acheva de la terroriser. Elle renonça à aller voir en bas de quoi il retournait et fit demi-tour pour se précipiter dans la chambre à côté de la sienne. Elle y entra et constata avec stupeur que celle-ci était vide. La peur la laissa prostrée quelques instants. Le silence fut soudain troublé par un pas rapide. Un pas qui montait les escaliers. Sans réfléchir, elle se précipita à la fenêtre, l'ouvrit, se suspendit doucement au rebord et se laissa tomber dans l'épais buisson de troène qui bordait les murs du pavillon. Sans prendre garde aux égratignures qu'elle venait de récolter et tout en remerciant le ciel pour les cours de gym que son père lui avait imposé et qu'elle avait jusqu'ici toujours détesté, elle se releva et se mit à courir vers la maison de ses voisins les plus proches et frappa de toutes ses forces sur leur porte d'entrée. En attendant qu'ils lui ouvrent, elle ne put s'empêcher de garder les yeux rivés sur sa maison, mais rien ne bougeait. Celui ou celle qui s'était introduit chez elle avait probablement du déguerpir par derrière pendant qu'elle-même s'échappait. Peu à peu, les battements de son cœur retrouvaient un rythme normal. Après tout, son père l'avait prévenu que ce genre de choses pourrait se produire un jour. Et il lui avait expliqué quoi faire si elles se produisaient.

    Dimanche, 8h00 a.m., Q.G du NCIS,

    Tony déposa son sac par terre sans ménagement avant de s'asseoir dans son fauteuil. Il se cala confortablement et regarda autour de lui. Il était le premier arrivé, ce matin là. Il se laissa bercer par le bruit de fond produit par les divers employés qui arrivaient. Le ronronnement des photocopieuses qui se mettaient en marche, le bla bla des secrétaires qui se racontaient leur soirée, le crissement des feuilles de papier qui se froissaient... Un rayon de soleil filtrait à travers la fenêtre toute neuve, en blindage à toute épreuve, qui avait été posée la veille. Il adressa un sourire charmeur à une jeune et jolie assistante qui passait non loin, sourire qu'elle lui rendit en rougissant.
Tony en soupira d'aise. Etonnant de constater à quel point il se sentait bien au NCIS.
Il était sur le point de s'endormir quand une voix le tira brusquement de sa torpeur. Il sursauta si fort qu'il manqua de tomber de sa chaise.
« C'est la nuit qu'il faut dormir, Tony, pas pendant les heures de travail ! »
L'incriminé ouvrit les yeux pour voir passer Gibbs répandant une bonne odeur de café derrière lui.
Ziva s'approcha du bureau et en déposa une tasse devant Tony.
Il leva les yeux vers elle.
« Pourquoi c'est toujours moi qui prend ? Il aurait pu me féliciter pour être le premier arrivé, mais naaaan... Est-ce que je lui demande ce qu'il fait de ses nuits, moi ? » maugréa Tony à voix basse à l'intention de sa coéquipière.
« Tu le ferais si tu pensais qu'il pouvait te répondre, Tony. » lui répondit Ziva.
Gibbs releva la tête vers eux.
« Mais justement il sait très bien que je ne répondrais pas, Ziva... Bien, maintenant que nous avons éclairci ce point essentiel, vous avez l'intention de vous mettre au travail ? »
Comme pour appuyer ses paroles, le téléphone se mit à sonner.
Ziva regagna son bureau tout en échangeant un regard éloquent avec Tony pendant que Gibbs décrochait.
Ils étaient toujours confondus par la capacité de Gibbs à entendre la moindre phrase qu'ils échangeaient, quand bien même ils avaient chuchoté et que leur patron se trouvait pourtant à une distance respectable.

    Dimanche, 17h25 p.m. heure locale, Golfe Persique,

    Tous ceux qui le connaissaient s'accordaient à dire que l'amiral Jenkins était un homme très calme et qui paraissait toujours maître de lui-même, même au plus fort de la guerre.
Aussi furent-ils tous passablement surpris de le voir sortir de son bureau visiblement bouleversé après avoir reçu un appel en urgence et criant des ordres sans la moindre explication.
Le pauvre sergent chargé des communications radios avec les Etats-Unis en tremblait encore. Il s'était vu sommé de contacter le directeur du NCIS dans les plus brefs délais, mais sans en connaître la raison.
Or, réussir à joindre le directeur d'une agence fédérale américaine sans le moindre motif... Et bien, autant dire qu'il s'agissait d'une mission impossible. Même avec une bonne raison, c'était déjà difficile...
Depuis une bonne demie heure qu'il essayait, il avait déjà parlé à une bonne centaine de secrétaires et intermédiaires en tout genre qui s'obstinaient à lui demander s'il était vraiment nécessaire de déranger le directeur, qui était fort occupée, et pourquoi c'était vraiment nécessaire. Il n'avait de réponses à aucune de ces deux questions, bien qu'il supposât que l'amiral ait une bonne raison de demander à parler au directeur du NCIS. C'est ce qu'il se tuait à répéter à tous ceux à qui il s'était adressé depuis le début de son appel.
Exaspéré, l'amiral Jenkins finit par remercier sans ménagement le marin et par prendre sa place. Il avait déjà bien trop attendu pour faire appel au NCIS pour se permettre de perdre encore ne serait-ce qu'un quart d'heure. Il avait eu tort de ne pas prendre les menaces qu'il avait reçu suffisamment au sérieux. S'il devait arriver quoi que ce soit à sa fille, il ne s'en remettrait jamais.

    Dimanche, 8h30 a.m., Base militaire de Norfolk,

    Ziva se gara non loin de l'adresse que Gibbs lui avait indiquée. Ils descendirent tous les quatre de la voiture et se dirigèrent vers la maison à laquelle correspondait l'adresse, un de ces petits pavillons réservés aux familles de marins qui sont souvent en mission.
Gibbs ne mit que quelques secondes à reconnaître la jeune fille qui lui avait téléphoné. Elle se tenait les bras croisés, un air buté sur le visage, appuyée contre la barrière des voisins et elle les regardait approcher sans sembler manifester la moindre émotion. A côté d'elle se tenait un homme relativement âgé dont la façon de se tenir dénotait sans ambigüité sa qualité d'ancien marin.
Voyant que la gamine ne bougeait toujours pas, le vieux marin s'approcha de l'équipe.
« Bonjour. Je m'appelle Terry Boot, je suis le voisin de Skye... Excusez la petite, elle est encore sous le choc... »
''La petite'' leva les yeux au ciel. 'Vieux débris' pensa-t-elle très fort.
Elle s'aperçut que Gibbs l'observait. Elle lui fit un sourire narquois et soutint son regard.
« Très bien, Skye. Tu vas rester avec l'agent McGee à qui tu vas raconter ce qui s'est passé ce matin, exactement. »
« Et vous, vous allez où ? » demanda-t-elle à Gibbs sans un regard pour McGee.
« Nous allons inspecter la maison, afin de nous assurer que ton agresseur est parti. »
« Je veux venir avec vous... Je veux savoir ce qui est arrivé à Dick... »
« Qui est Dick ? »
« C'est l'abruti qui me servait de garde du corps. Il n'était pas dans sa chambre, ce matin. J'crois que c'est lui qui est mort... »
Gibbs resta interloqué un moment. Elle n'avait jamais précisé que qui que ce soit soit mort, quand elle avait téléphoné, alors que c'était quand même un sacré détail.
« Comment sais-tu que qu'il y a un mort ? Je croyais que quelqu'un s'était simplement introduit chez toi, ce matin ? »
« Oui, mais j'ai entendu du bruit qui venait de la cuisine... Et j'ai reconnu la voix de Dick avant qu'il n'y ait ce coup de feu... »
« Il y a eu un tir ? »
Elle opina de la tête.
« Tony, Ziva, sortez vos armes. Il est possible que l'individu soit encore dans la maison et qu'il soit armé... Quant à toi, » continua-t-il à l'adresse de l'adolescente qui était sur le point de leur emboîter le pas. « Je veux que tu restes ici avec McGee et que tu n'oublies aucun détail ! »
« Mais... » protesta-t-elle.
« McGee, occupez vous d'elle ! » ordonna Gibbs en rejoignant ses agents.
« Euh, oui, patron. »
Mr Boot intervint.
« Bon, ben, si vous n'avez plus besoin de moi, je vais rentrer. Tu me tiens au courant, hein, Skye ?... »
« Bien suuuur, Mr Boot... » dit-t-elle à l'intention du vieil homme qui s'éloignait, avant de grommeler « Compte là-dessus, vieil hibou. »
Elle se retrouvait seul avec l'agent McGee, visiblement mal à l'aise.
« Heu, Skye, je vais te poser quelques questions sur les évènements de ce matin... Si... Si tu ne te sens pas capable de répondre... Ou quoique ce soit... Tu... Je... » bafouilla-t-il.
Skye le fixait intensément, histoire de renforcer le malaise de l'agent.
« Où sont tes parents, Skye ? » finit-il par demander.
Skye ne put s'empêcher de sourire. Elle s'était doutée qu'il allait commencer par ça. Et bien, il n'allait pas être déçu.
« Ma mère est morte quand j'étais encore bébé et mon père est en mission en Irak. »
« Oh... Je suis désolé... Tu vis seule, alors ? »
Et voilà, il la regardait avec cet air apitoyé qu'elle détestait tant. Que les gens étaient prévisibles. Lassants, même.
« Mais nan, j'vis pas seule, vous voyez bien que la maison déborde de mes amis imaginaires. »
Elle leva les yeux au ciel.
Le pauvre McGee était clairement décontenancé par la réponse mais décida qu'il devait s'agir d'ironie.
« Et le fameux ''Dick'', alors ? Il vit avec toi, non ? Qui-est-ce exactement ? »
« Dick, c'est... Dick. Mon père l'a engagé pour me protéger depuis qu'il a reçu des menaces me concernant... J'ai toujours été convaincu qu'il était complètement nul comme garde du corps et il semble bien que j'avais raison, finalement... » répondit-t-elle en désignant sa maison du menton.
« Est-ce-que ton père t'a dit qui était à l'origine des menaces qui pesaient sur lui ? »
« Agent McGee... Vous ne croyez pas sincèrement que celui qui est à l'origine des menaces à mon égard a eu la bêtise de dévoiler son identité à mon père ? Si ? » ironisa-t-elle.
« Non, bien sûr que non, mais... »
« Bah, pourquoi vous me posez la question, alors ? »
« Hum, oui, reprenons, s'il-te-plaît. Qu'as-tu fais quand tu t'es aperçue qu'il y avait quelqu'un dans la maison ? »
« Bah, vu que vous êtes là parce-que je vous ai téléphoné de chez mon voisin, qu'est-ce-que vous en déduisez ? »
« Je veux dire avant de téléphoner ! »
« Ben, j'ai couru chez mon voisin ! J'viens de vous le dire ! Vous avez du mal à percuter, on dirait... » se moqua-t-elle.
McGee jeta un coup d'œil vers la maison où son patron avait disparu quelques minutes plus tôt, le maudissant de lui avoir confié encore une fois la tâche la plus ingrate.

    Gibbs avait été surpris de constater qu'il y avait effectivement un homme mort dans la cuisine. Pour être franc, il s'était demandé un moment si toute cette histoire n'était pas une blague d'ado qui s'ennuie. Mais non. Inutile d'être un génie pour déterminer la cause du décès de l'homme étendu sur le sol de la cuisine étant donné qu'il avait un gros trou au milieu du dos. Vu la brûlure autour de l'orifice d'entrée de la balle, celle-ci avait probablement été tirée à bout portant. Mais ça, ce serait Ducky qui le confirmerait.
Ils avaient rapidement fait le tour de la demeure, qui était vide. Qui que puisse être l'assassin, il s'était évanoui dans la nature.
Tony et Ziva rangèrent leurs armes et retournèrent auprès du corps pour l'examiner plus en détail, pendant que Gibbs terminait d'inspecter l'étage.
« D'après le paquet de cartes qu'il avait dans son portefeuille, cet homme s'appelait Richard Carewell et il travaillait dans la ''protection des civils''. » lut Ziva, sortant de petits bouts de carton colorés d'un vieux portefeuille en cuir qu'elle venait de trouver dans la poche du pantalon de la victime.
« Police ? »
« Non, boîte privée, à en croire ce qui est écrit là-dessus. » 
Elle tendit une des cartes à Tony qui l'examina avant de se mettre à rire.
« Tu sais à quoi ce truc me fait penser, Ziva ? »
« Non, mais quelque chose me dit que je vais bientôt le savoir, Tony. »
« A ce film avec Vin Diesel. ''Le baby-sitter''. Tu sais, l'histoire de ce gars qu'on envoie protéger quatre mômes insupportables... »
« Ah bon ? Lui aussi se fait assassiner ? »
« Heu... Non. Il arrive à neutraliser les méchants avec l'aide des enfants... »
« Dans ce cas-là, je ne vois pas le rapport entre ce film et la situation présente, Tony. » le rabroua Ziva.
« Moi non plus, justement. » renchérit Gibbs, réapparaissant au bas des escaliers. « Au lieu de discuter, vous pourriez peut-être vous occuper de la scène de crime ? »
Tony brandit l'appareil photo qu'il avait apporté avec lui et commença à prendre divers clichés du corps qui gisait sur le sol.
« C'est ce que j'étais en train de faire, patron ! Mais Ziva n'arrête pas de m'interrompre ! »
Celle-ci n'eut pas le temps de protester que Tony s'était déjà pris une claque sur le crâne.
« Aaaaïeuh... » s'exclama Tony. « J'ai l'impression que tu tapes de plus en plus fort à chaque fois ! »
Gibbs ne releva pas la mauvaise foi de son agent et sortit de la maison en faisant signe à Ziva de le suivre.

    McGee n'avait jamais été davantage soulagé qu'en voyant son boss s'approcher de lui ce matin là. Depuis plus d'un quart d'heure qu'il interrogeait Skye, celle-ci n'avait pas cessé de le ridiculiser. Elle était la plus insupportable des ados qu'il n'ait jamais rencontré. Il était certain qu'à cet âge là, il était nettement moins désagréable.
« Tout s'est bien passé ? » demanda Gibbs à son agent, tout en sachant parfaitement que la réponse était non. Il suffisait de voir la tête de ce pauvre McGee.
« Euh... » commença ce dernier, qui ne savait pas trop comment avouer qu'il s'était laissé marcher dessus par une gamine de 15 ans.
« Tant mieux, agent McGee ! » le coupa Gibbs avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit. « Parce-que j'ai une nouvelle mission pour vous. L'homme qui a été assassiné possède deux ordinateurs portables que vous allez ramener au NCIS et étudier de près... »
« Bien, patron. » McGee était ravi. Non seulement il allait échapper à la petite teigne mais en plus il allait devoir pénétrer dans la base de données, non pas de un, mais de DEUX ordinateurs. Dieu l'avait entendu.
« Quand vous aurez récupéré ces ordinateurs, -et DiNozzo, au passage- rejoignez-moi à la voiture... »
McGee acquiesça d'un signe de tête avant de se dépêcher d'aller accomplir sa tâche.
Ziva avait déjà sorti les clefs de voiture et s'apprêtait à se diriger vers elle quand la voix de Gibbs la retint.
« Que faites-vous, agent David ? »
« Vous venez de dire à McGee de nous retrouver à la voiture, agent Gibbs, alors... »
« Non, j'ai dit à McGee de me retrouver à la voiture, Ziva...  Vous, je veux que vous restiez avec notre jeune témoin jusqu'à ce que Ducky ait fait évacuer le corps puis que vous l'accompagniez dans la maison afin qu'elle vous dise si quoi que ce soit a été dérangé ou volé. Alors, seulement, vous reviendrez au NCIS avec elle. »
Ziva et Skye se regardèrent d'un air horrifié, visiblement aussi ravie l'une que l'autre par la perspective de passer la prochaine heure ensemble.
« Mais, patron, » objecta Ziva, « nous n'avons qu'une seule voiture... »
« Et alors, Ziva ? Nous ne sommes pas loin du NCIS, vous pourrez revenir en bus. »
Elle écarquilla les yeux et essaya de le sonder afin de savoir s'il était sérieux. Il semblait que oui. Elle soupira. L'heure à venir s'annonçait encore plus longue que prévu.

    Dimanche, 9h15 a.m., Q.G. du NCIS,

    Gibbs n'avait pas fait un pas vers son bureau qu'il était interpellé par une Cynthia visiblement impatiente.
« Agent Gibbs ! Madame le directeur vous attend au MTAC. »
« Ça ne peut pas attendre que j'ai posé mes affaires, Cynthia ? »
Celle-ci haussa les épaules.
« Je n'en sais rien, agent Gibbs, je vous transmets le message, c'est tout. »
Gibbs monta rapidement les escaliers et se rendit au MTAC.
Jenny était en visioconférence avec un marin. Elle se retourna en entendant entrer son agent qui se saisit d'un casque que lui tendait une des secrétaires.
« Amiral Jenkins, je vous présente, l'agent Gibbs. »
« Je suppose que vous devez être le père de la jeune fille qui nous a téléphoné ce matin pour nous signaler que l'homme chargé de sa protection venait d'être assassiné... » commença Gibbs.
« Vous avez vu Skye ? Elle va bien ? »
Gibbs entendit dans la voix de l'amiral toute l'angoisse qu'un père pouvait ressentir à l'idée que sa fille unique était en danger.
« Elle va très bien, amiral. Nettement mieux, en tout cas, que celui qui était chargé de sa protection... »
« Où-est-elle ? Elle est en sécurité ? »
« Elle est sous la protection d'un de mes meilleurs agents. »
L'amiral Jenkins sembla soudain nettement soulagé, même si une ride d'angoisse barrait toujours son front.
« C'est à ma fille que le tueur en voulait. Il y a quelques temps, j'ai reçu des menaces la désignant clairement comme cible par celui qui cherche à m'atteindre... »
« Pourrais-je avoir une copie de ces menaces ? »
« Je viens de les faxer, agent Gibbs. »
En effet, un des jeunes agents de liaison arrivaient avec une liasse de quelques feuillets. Gibbs étaient sur le point de les prendre lorsqu'il réalisa que c'était à Jenny, et pas à lui, que le jeune agent les tendait. Remarquant sa réaction, elle sourit et lui tendit la moitié des lettres. Il les parcourut rapidement avant de relever la tête.
« Ce n'est pas la manière de faire des terroristes intégristes... »
« Oh, non, ces lettres sont beaucoup trop personnelles. D'ailleurs, j'avais écarté la piste du terrorisme dès le début. »
« Avez-vous la moindre idée de qui pourrait avoir écrit ces lettres ? »
« Vous pensez bien que j'y ai réfléchi nuits et jours depuis que je les ai reçues... Je ne vois que deux personnes capable de faire ce genre de choses... Malheureusement, de là où je suis, je n'ai rien pu faire pour vérifier mes théories... »
« Pourquoi ne pas avoir fait appel au NCIS avant, amiral ? »
« Parce-que, hormis ces lettres qui pouvaient tout à fait être une simple plaisanterie de mauvais goût, je n'avais aucune preuve contre les personnes que je soupçonne... »
« Je doute que Richard Carewell soit mort uniquement parce que quelqu'un cherchait à vous faire une plaisanterie de mauvais goût, amiral... »
L'amiral Jenkins soupira, les traits de nouveaux tendus.
« Je sais, agent Gibbs. C'est pour ça que j'ai appelé le NCIS aussitôt après que ma fille m'ait téléphoné. »
« Qui sont les gens que vous soupçonnez, amiral ? »
« Le premier s'appelle Liam O'connell, un petit caïd à la tête d'un gang d'irlandais qui sévit dans le nord de Norfolk. Son frère Danny était sous mes ordres et j'ai découvert que Liam se servait de lui pour de petits trafics. Je l'ai fait traduire en cours martial. Le jour du verdict, Liam a promis de me le faire payer. Le second s'appelle George Barlow. C'est un ex-marin, reconverti en politique. Il est avocat et adjoint au sénateur de Virginie. Avant que je ne devienne amiral, nous travaillions ensemble, mais déjà à l'époque, nous ne nous entendions guère. C'est un homme dévoré d'ambition et il n'a pas supporté que je sois nommé amiral à sa place. Il a préféré démissionner que de servir sous mes ordres. Je ne l'ai pas revu pendant plusieurs années, après ça, jusqu'à peu avant mon départ. Un cabinet d'avocats à commencer à racheter des terrains à l'armée... Des pots de vin avaient été touchés par des responsables et les terrains étaient sous évalués à plus de la moitié de leur valeur. J'ai été alerté et toutes les transactions ont été cessées. C'était George Barlow qui était à l'origine de ces transactions et il a peu apprécié mon intervention, ainsi que vous pouvez vous en douter, d'autant plus que cela a entaché en partie sa réputation politique. Il a juré que c'était la dernière fois que je me mêlais de ses affaires... »
« Nous allons vérifier tout cela le plus vite possible. » répondit Jen. « En attendant, je vous promets que votre fille sera placée sous la protection de mes agents vingt-quatre heures sur vingt-quatre, amiral Jenkins. »

    Après avoir promis à son tour de veiller sur Skye et avoir salué l'amiral, Gibbs quitta rapidement le MTAC et redescendit les escaliers. Il s'interrompit devant le spectacle qui s'offrait à ses yeux : Tony et McGee entouraient Ziva qui faisait une tête d'enterrement. Aucune trace de l'adolescente nulle part.
« Ziva... Où est Skye ? »

   
Dimanche, 9h45 a.m., Q.G. du NCIS,

     En ne voyant pas la gamine en bas des escaliers, Gibbs avait reçu un coup au cœur. Il
n’avait pas pu s’empêcher de crier lorsqu’il avait demandé où elle était et avait fait sursauter ses agents.
« Aux toilettes… » répondit Ziva avec un soupir. « Et pourvu qu’elle y reste un bon moment ! »
McGee acquiesça avec un imperceptible mouvement de tête. DiNozzo eut un rire moqueur.
« Ce n’est qu’une gamine de treize ans, Ziva ! Tu ne vas pas me dire qu’une gamine de treize peut effrayer l’agent du Mossad Ziva David ?! »
« Elle a quinze ans, Tony. » rétorqua McGee, avec véhémence.
Tony se tourna vers lui.
« Ouah, mon Dieu, mais alors, ça change tout ! » s’exclama Tony, avec une voix faussement paniquée. « Cache-toi vite, le bleu, je crois qu’elle arrive… »
Il se retourna pour désigner à McGee la porte des toilettes mais, ce faisant, il croisa des yeux bleus glaciers… -et glacés !- qui le fixaient.
Il fila aussitôt s’asseoir derrière son bureau suivi par le sourire satisfait de McGee.
« Euh… Alors, patron, que voulait Jenny ? » demanda Tony, d’un air qui se voulait détaché.
Gibbs continua à fixer son agent sans ciller.
« Euh, je veux dire ‘‘madame le directeur’’ » ajouta –t-il précipitamment.
Gibbs se décida enfin à détourner son regard pour le poser sur McGee.
« McGee, je veux que vous m’affichiez tout de suite toutes les informations que vous trouverez sur les dénommés Liam O’Connell et George Barlow. »
Habitué à obéir sans poser de question, Tim entra les deux noms dans l’immense base de données auquel il avait accès. Il savait que ça ne servait à rien de demander, les informations viendraient quand Gibbs estimerait qu’il était temps de les donner.
« Ziva… Je veux que vous conduisiez Skye auprès d’Abby aussitôt qu’elle reviendra… »
Ziva lui lança un regard furtif.
« Je suis autorisée à me contenter de la mettre dans l’ascenseur en appuyant sur le bon bouton, agent Gibbs ? »
Il ne répondit pas mais le regard qu’il lui fit ne laissait aucun doute quant à la réponse.
« Je vais prendre ça pour un non. » souffla Ziva.

    Skye avait fait exprès de passer le plus de temps possible dans les toilettes, histoire d’inquiéter la bande de ploucs qui avait décidé de lui coller aux basques. D’abord, il y avait celui qui s’appelait McGee, ‘‘plus-geek-tu-meurs’’, y’avait qu’à voir comment il avait sauté de joie en entendant parler d’ordinateurs. Après, il y avait la fille qui lui avait servi d’escorte jusqu’à ces locaux pourris, –ÇA, un bâtiment fédéral ?- Zara ou quelque chose comme ça. Quelle psycho rigide, celle-là ! Enfin, il y avait celui qu’elle avait juste vu de loin quand il était sorti de la maison. Il avait jeté un regard moqueur vers elle et Zara –non, Zora ?- avant de monter en voiture. Il aurait pu avoir ‘‘sombre crétin’’ tatoué en gros sur le front, y’avait aucun doute. Elle en était là de ses réflexions lorsque la porte des toilettes des femmes s’ouvrit brutalement, la faisant sursauter. Elle tourna brusquement la tête pour identifier l’intrus qui venait de lui causer une peur bleue. ‘Bah tiens ! Quand on parle du loup...’ ‘‘Sombre crétin’’ était appuyé contre l’embrasure de la porte avec le même petit sourire stupide que celui qu’il arborait un peu plus tôt dans la matinée.
« J’peux savoir ce que vous faites là, espèce de vieux pervers ? C’est les toilettes des femmes, j’vous signale ! »
Tony resta un instant abasourdi. L’insulte l’avait touché au cœur. Ce n’était pas ‘‘pervers’’ qui lui restait en travers de la gorge, nan, pas avec le nombre de fois où Kate lui avait dit la même chose. C’était le ‘‘vieux’’.
« Vieux ? » s’exclama-t-il, sans pouvoir s’en empêcher.
« J’vous dis que vous êtes un pervers et c’est tout ce qui vous inquiète ? » ironisa Skye. « Bon, c’est pas tout ça, mais quand est-ce-que je vais pouvoir y aller ? Je dois aller au ciné avec une copine et j’aimerai bien rentrer me préparer. »
« Je crains fort que tu ne doives annuler le cinéma, ma petite… Mais tu es sous la protection des meilleurs agents du NCIS maintenant. » lui expliqua Tony en se rengorgeant.
« Les meilleurs agents du NCIS ? Waouh ! Et ils viennent me chercher quand ? » s’exclama l’adolescente avec un enthousiasme suspect.
« Ah ah, très drôle, Skye. Tu sais parfaitement que je voulais parler des agents David, McGee et moi-même, bien sûr… Encore que je ne sois pas convaincu que l’agent McGee… » Il se reprit. « On va te confier à Abby, notre experte en… en plein de trucs en fait. »
« De quoi ? Y’a deux secondes, vous me disiez que je devais être sous votre protection permanente et maintenant vous me refilez à quelqu’un d’autre ? Ben, franchement, comme protection, j’ai vu plus efficace… »
« Attendez de voir le labo où travaille Abby, mademoiselle sceptique ! Depuis certains incidents… malheureux, il est plus difficile d’accès que le bureau du président ! »
Ziva apparut à son tour dans l’embrasure de la porte.
« Tony, on te demande d’aller voir si tout va bien pour Skye et de la ramener auprès de nous et tu organises une petite discussion entre filles dans les toilettes ! »
« C’était tout SAUF une discussion entre filles, Ziva. J’expliquais simplement à Skye que… »
« Tu n’as pas besoin de te justifier, tu sais, Tony… » le coupa Ziva.
« Je ne me justifie pas ! Je dis simplement que… »
« Mais oui, Tony. » puis, se tournant vers l’adolescente. « Tu as fini, Skye ? Je vais t’accompagner chez Abby… »
« T’aurais au moins pu me laisser finir ma phrase, Ziva. Tu sais que c’est très malpoli de couper la parole aux gens ? » demanda Tony d’un ton presque boudeur.
Ziva leva les yeux au ciel et eut un sourire.
« Typiquement féminin, comme réflexion. » murmura-t-elle suffisamment fort pour être certaine que Tony l’ai entendue, tout en s’éloignant en poussant une Skye visiblement rétissante dans le dos.
Tony sortit précipitamment des toilettes derrière elle. « Je n’ai rien de féminin ! » s’écria-t-il. « Je ne suis pas McGee ! »
Celui-ci qui était absorbé dans son ordinateur, releva la tête en entendant Tony.
« Oui, Tony ? »
Tony regarda Ziva lui jeter un dernier regard moqueur pendant que les portes de l’ascenseur se fermaient. Puis, il se tourna vers McGee qui le regardait toujours d’un air interrogateur.
« Rien, le bleu ! » maugréa-t-il en se rasseyant fasse à son propre ordinateur.

    « Ziva ! » s’exclama Abby. « Mais… Qu’est-ce-que tu fais déjà là ? Ducky ne m’a rien donné encore, il vient à peine de commencer l’autopsie… »
« L’autopsie ? Cooooool. » déclara Skye. « Où ça ? »
« Nulle part où tu sois autorisée à aller, en tous cas. » la rabroua Ziva.
Abby regarda Skye avec étonnement.
« Salut, toi. Que fais-tu dans mon labo ? » C’était à Ziva que la question s’adressait.
« Elle, elle vient visiter… Et toi, tu vas faire un peu de baby-sitting… »
« MOI ? Euh, tu dois confondre, Ziva. La dernière fois que j’ai fait ça je devais avoir 16 ans et le gosse a foutu le feu à son chien. Je ne peux pas m’occuper d’elle ! Tu ne peux pas me demander ça ! »
« Ce n’est pas moi qui demande, Abby, c’est Gibbs ! Elle est menacée par quelqu’un qui veut la tuer et qui a déjà assassiné son garde du corps… »
« C’est sensé être un argument convaincant, ça, Ziva ?! Pourquoi vous ne la gardez pas avec vous ?»
« Parce qu’on est à la recherche de celui qui veut s’en prendre à elle et que la garder avec nous ne semblait pas l’idée du siècle, Abby ! Je suis certaine que vous allez bien vous amuser, toutes les deux ! Tu verras, elle est charmante… »
« Elle est LA, surtout. Et elle ne veut pas rester non plus avec Halloween-girl ! Je veux chercher avec vous les sales types qui s’en sont pris à Dick ! C’est à moi qu’ils en veulent, après tout ! Je suis la première concernée ! »
« Bon, et bien, bon courage, Abby ! » l’encouragea Ziva en s’esquivant le plus vite possible, la laissant seule avec Skye.
« Bon, et bien je crois que nous sommes contraintes de rester toutes les deux on dirait… » tenta Abby. « Tu veux que je te montre comment fonctionne tous mes soldats ? »
« Tes soldats ? »
« Oui… Mes appareils scientifiques si tu veux… »
Skye recula d’un pas. « Je vois… Euh, c’est gentil mais… »
« Tu préfère que je te prête Bert ? »
« C’est qui, Bert ? »
« Mon hippo péteur, Bert ! »
« Je sais pas, j’ai l’air d’avoir trois ans ? »
« Euh, non. Mais quel rapport avec Bert ? »
« Enfin, c’est pour les mômes, ce truc ! »
« Très bien, dans ce cas, amuse-toi toute seule, j’ai du travail ! » lui rétorqua Abby, vexée.

    « T’as trouvé ce que Gibbs t’a demandé, le bleu ? » s’enquit Tony, qui n’avait pas décoléré contre Ziva et avait décidé de passer sa mauvaise humeur sur quelqu’un. « Parce que si c’est pas fait quand il va revenir avec son café…  Ça va chauffer pour toi ! »
« Et pas seulement pour lui, Tony, tu peux me faire confiance ! »
Gibbs s’approcha de ses deux agents.
« Alors, McGee, qu’est-ce-que vous avez ? »
Tim fit apparaître ce qu’il avait trouvé sur le grand écran qui trônait au milieu de la pièce.
« Liam O’connell. Petit caïd notoire, arrêté pour vols de voiture, détention de petites quantités de drogue, trafics et recels en tout genre. Il fait des allers-retours entre la rue et la prison depuis ses onze ans. »
« Il a une bonne tête de vainqueur. » commenta Tony en examinant le profil patibulaire de leur suspect numéro un.
« Il a toujours été arrêté en compagnie d’au moins un membre de sa famille, frères, cousins… Ils ont un gang très organisé dont le quartier général se trouvait, aux dernières nouvelles, près d’Olid East Road, à Norfolk. »
Tony fit une grimace.
« Ouille ! Définitivement pas un coin pour toi, le bleu ! »
« Et pourquoi ça Tony ? »
« Enfin, McGee, y’a qu’à te regarder ! Tu ne survivrais pas deux secondes dans un quartier comme Olid East ! » s’esclaffa Tony.
Une claque sonore coupa net son hilarité.
« Et l’autre ? »
« Quel autre, patron ? » s’étonna McGee, qui était déjà prêt à aller arrêter ce fameux Liam.
Gibbs regarda McGee une seconde.
« Ah, oui, bien sûr. George H. Barlow. »
Une seconde image apparut sur l’écran. Celle d’un homme d’une cinquantaine d’années environ, arborant un sourire plein de dents. Il y eut un silence pendant que tous fixaient cette image digne d’une affiche électorale.
« Qu’est-ce-que vous attendez, McGee ? » le rappela à l’ordre Gibbs.
« Euh, oui, alors… George Barlow. C’est le premier adjoint du sénateur de Virginie, mais depuis que celui-ci est souffrant, autant dire que Barlow est devenu sénateur à sa place. Il est avocat d’origine –l’armée a servi à payer ses études- et il dirige toujours l’un des plus prestigieux cabinets de Virginie… »
« Pas le genre de type à avoir besoin de kidnapper ou tuer une gamine pour faire valoir ses droits, quoi. » fit remarquer Tony.
« Tu crois, Tony ? » Gibbs ressentait clairement une profonde antipathie pour ce Barlow. Plus il voyait sa tête de faux jeton afficher ce sourire de campagne et plus il était convaincu que ce type était suspect.
Tony se contenta de fixer l’écran quelques instants sans répondre. Il n’aurait jamais commis la bêtise de contredire Gibbs –en tout cas, pas devant lui, il n’était pas fou non plus !- mais entre l’irlandais au regard sournois et l’autre, il n’y avait aucun doute sur celui qu’il préférerait croiser une nuit au coin de la rue.

    Depuis cinq bonnes minutes, Abby était plongée dans… ‘Dans quoi, d’ailleurs ?’ songea Skye en tendant la tête afin d’apercevoir ce qui semblait tant passionner la brune laborantine. Celle-ci était en train d’examiner des vêtements que le vieux, qui s’était occupé du corps de Dick, avait fait déposer pour elle une minute plus tôt. Des vêtements qui ressemblaient étrangement à ceux de Dick, d’ailleurs. ‘Erk !’ C’ETAIT ceux de Dick. Franchement, qui d’autre que lui porterait des chemises hawaïennes -style McGiver- aussi moches ? Et puis ces horribles pompes… ‘Re-erk !’ Le caleçon de Dick. Ce qui signifiait qu’il était allongé quelque part, tout nu. Définitivement pas l’image qu’elle souhaitait avoir dans la tête. Elle reporta son attention sur Abby qui examinait maintenant une sous-chemise couverte de sang avec une expression extatique. Skye se retourna discrètement. L’ascenseur était tout près. Parfait.

    Elle sortit de l’ascenseur pour se retrouver de nouveau dans la salle pleine de bureaux par laquelle elle était arrivée un peu plus tôt dans la matinée. Personne n’avait fait attention à elle, tous concentrés qu’ils étaient sur l’écran en face d’eux. Elle s’approcha doucement afin de discerner ce qui semblait tous tellement les intéresser.
« Bon, patron, on commence par quoi ? Enfin, par qui ? »
« On commence par demander aux voisins s’ils n’ont pas aperçu l’un ou l’autre de nos deux hommes rodant autour de la maison des Jenkins, Tony. »
« Ça m’étonnerait fort que Barlow soit du genre à se déplacer en personne. C’est plutôt le genre à envoyer quelqu’un faire le sale boulot… » argumenta Tony, qui avait horreur de faire du porte à porte. Les gens tenaient toujours à leur raconter leurs vies et leurs problèmes. Franchement, est-ce qu’il avait une tête de flic de quartier ?
« Tu préfères rester ici et te charger de téléphoner à la veuve du type que Ducky est en train d’autopsier, Tony ? Parce-que, crois-moi, ça peut s’arranger… »
« Hein ? Non ! Je veux dire, euh, que j’adore interroger des témoins, Gibbs, tu le sais bien ! » assura Tony avec véhémence et un sourire convaincant.
« Même si tu n’aimais pas ça, ça reviendrait au même pour moi, Tony… McGee, imprimez plusieurs exemplaires des photos de ces individus, que nous puissions nous séparer une fois sur place… »
Skye décida qu’il était temps d’intervenir.
« Votre gars, là… Celui de droite… J’le connais. Il s’appelle Liam…. »

    Gibbs n’aurait jamais admis devant qui que ce soit que la jeune fille venait de lui faire une peur bleue en se glissant de cette façon dans son dos. N’empêche que c’était vrai.
« Cet homme… Ce Liam, il est venu t’importuner ou bien te menacer ? »
« Pas du tout… En revenant de l’école avec une copine, l’autre jour, on l’a croisé. Il venait rendre visite à son frère qui habite dans la résidence et il nous a raccompagnées jusque chez moi. »
« Un type suspect qui aborde deux jeunes filles de quinze ans quittant le lycée, ça ne vous a pas paru louche du tout ? » ironisa Tony.
« Si ça avait été quelqu’un dans votre genre, je dis pas… » lui rétorqua-t-elle en haussant les yeux au ciel. « Il avait un passe d’autorisation pour entrer dans le quartier résidentiel de la base et puis j’avais déjà entendu mon père parler de son frère. Un gars pas très malin, d’après ce que j’ai compris, d’ailleurs. »
Gibbs fit un signe de tête à Tony qui avait récupéré son arme posée sur son bureau. Liam paraissait effectivement être le suspect idéal. Malgré tout, Gibbs n’arrivait pas à se débarrasser du sentiment que quelque chose ne collait pas dans tout ça… Sauf qu’il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

    Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent de nouveau mais cette fois, cela n’échappa à personne. Abby apparut, l’air complètement paniqué.
« Gibbs, mon Dieu, Gibbs. C’est horrible ! » Elle était au bord des larmes. « Je t’en prie, ne me hurle pas dessus, je m’en veux déjà tellement ! Je te jure, j’ai dû la quitter des yeux une seconde… Même pas… »
« Abby… »
« Et de toutes façons, c’est la faute de Ziva, je lui avais dit que je n’étais pas capable de faire ça ! »
« Abby ! »
« Je l’ai cherchée partout mais elle n’est nulle part… »
« ABBY ! » Il lui désigna Skye, qui semblait très contente d’elle-même.
« Oh… » Elle se tourna de nouveau vers Gibbs avec un sourire contrit. « Ça n’arrivera plus ? »
« J’y compte bien, Abby… »
« Non, je veux dire, tu ne me confieras plus personne à garder –hormis Timothy, bien sûr- ? »
Gibbs la regarda d’un air sévère.
« Ramène là en bas avec toi, Abby… »
« Tu plaisantes, c’est ça ? »
« Pas du tout… Tony, McGee et Ziva, préparez-vous, on va rendre une petite visite à ce Liam et à sa famille. »
« Mais Gibbs, comment peux-tu me la confier à nouveau alors que j’ai lamentablement échoué à la surveiller une première fois ? » insista Abby.
Gibbs lui sourit.
« Justement, il ne faut jamais rester sur un échec, tu le sais bien, Abby ! Tu vas très bien t’en sortir, Abby ! »
« Et si je ne m’en sortais pas ? »
Il avait rejoint son équipe dans l’ascenseur.
« Quand je dis que tu vas très bien t’en sortir, ce n’est pas une supposition, Abby, c’est un ordre… »
 

    Olid East Road, Dimanche, 11h05 a.m., banlieue nord de Norfolk,

    Ce qui était certain, c’était que leur suspect savait qu’ils arrivaient. Tout au long de la route qui menait à l’adresse indiquée, ils avaient croisé une bonne dizaine de jeunes hommes qui avait dû s’empresser de prévenir Liam de leur arrivée imminente. Il faut dire qu’une voiture noire blindée dans ce quartier ? Autant prendre un haut parleur, ouvrir la fenêtre et crier ‘‘aaaaagents fédéraaaaaux’’. Ils finirent par arriver devant un bâtiment à la limite de la salubrité, où une vieille inscription au-dessus de la porte indiquait ‘‘Au vieux korrigan’’. Manifestement, il s’agissait d’une enseigne de bar, ce qui n’était pas flagrant au premier abord, tant les fenêtres disparaissaient sous la crasse.
« ‘‘Au vieux korrigan’’ » répéta Tony à voix haute. Il se tourna vers McGee. « C’est un endroit pour toi, ça, Seigneur des Elfes… »
« Les korrigans n’ont rien à voir avec les elfes, Tony. Les korrigans sont des êtres légendaires spécifiquement irlandais qui… » Il s’interrompit devant l’air goguenard de Tony. « Ce que tu peux être gamin, parfois, Tony ! »
« Moi, gamin ? Qui joue à des jeux en ligne avec un pseudo sorti tout droit d’un roman d’Heroic Fantasy, le bleu… »
Deux claques simultanées derrière la nuque les ramenèrent brutalement à la réalité du terrain.
« C’est bon, vous avez fini ? » leur demanda Gibbs avec aménité.
« Oui, patron… » répondit Tony en se massant la nuque.
Ils s’avancèrent ensemble vers l’entrée.         
Gibbs fit signe à Ziva et Tony de contourner le vieux bar peu engageant qui servait de résidence secondaire à Liam et ses acolytes et d’entrer discrètement par derrière. L’arme au poing, McGee et lui se dirigèrent vers l’entrée principale du bar et poussèrent doucement la lourde porte d’entrée. Ainsi que Gibbs s’y était attendu, la salle où se trouvait le bar, sale et mal éclairée, était déserte à cette heure-ci. Seul un gros chat noir les fixait du haut du bar avec un évident mépris pour ces intrus. Sans ranger son arme, Gibbs désigna à McGee d’un signe de tête une porte qui menait vers l’arrière de la bâtisse.
« Allez-y, McGee, je vous couvre. »
McGee fit un signe d’assentiment et s’approcha lentement de la porte. Doucement, il posa sa main sur la poignée de la porte. Au moment où il allait tirer la porte vers lui, un coup de feu retentit, les glaçant tous les deux.

    Tony et Ziva avait trouvé à l’arrière du bar une petite porte à la moustiquaire rouillée. Elle était tellement usée qu’elle ne fermait plus. Elle s’ouvrit dans un grincement qui devait s’entendre jusqu'à la côte Ouest sans aucun problème. Tony grimaça et marmonna un ‘‘chuuuuuuut’’ à l’adresse de Ziva qui se contenta de hausser les épaules pour lui signifier qu’elle n’y était pour rien.
Ils se glissèrent dans un couloir sombre et malodorant. Ils s’arrêtèrent devant une porte un peu plus loin sur la gauche et Tony tendit la main pour l’ouvrir. Mais avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, la porte s’ouvrit d’elle-même et Tony se retrouva nez à nez avec le canon d’une arme. Arme tenue par Liam en personne.
« Salut, le flic. Tu cherchais quelque chose ? »

   Quand il avait ouvert brusquement la porte pour savoir qui était à l’origine du coup de feu tiré, Gibbs c’était attendu à beaucoup de choses. A beaucoup de choses, mais certainement pas à ça. Devant lui se trouvait un Tony hébété et un Liam hilare, un vieux Colt à la main. Gibbs pointa son arme sur ce dernier.
« Jetez tout de suite cette arme à terre ! » ordonna-t-il sèchement.
Le rire de Liam se calma mais il conserva son sourire goguenard. Il désigna son arme d’un signe de tête.
« Celle-ci, vous voulez dire ? » Son rire reprit devant la tête de Gibbs. « Si vous y tenez. » Il écarta le pan de sa veste et rangea l’arme dans sa ceinture.
Gibbs n’abaissa pas son arme pour autant.
« Je vous ai demandé de la jeter, Liam… »
« Wow ! Liam ? Vraiment ? Je ne savais pas qu’on était devenu si proche, tout à coup ! A qui ai-je l’honneur ? Non, non, ne me dites pas, je vais deviner… FBI, je parie ! »
Un éclat de rire secoua les gars qui attendaient derrière lui. Son gang, probablement.
« Votre arme ! » répéta Gibbs, visiblement agacé.
« Je n’ai aucune raison de vous obéir, vous savez… Vous êtes entrés ici sans même un avertissement –ce qui est illégal, je vous signale- et vous me réclamez une arme déclarée –vous pourrez vérifier- qui n’est même pas chargée avec de vraies balles… Mais comme je suis un mec sympa qui a un immense respect pour la fonction que vous exercez… » Il sortit son arme de nouveau et la tendit à Tony. « Tenez. Et sans rancune, hein ? » Nouvel éclat de rire.
Il s’appuya contre le chambranle de la porte avec désinvolture.
« Bon, c’est pas qu’on s’amuse pas avec vous, mais j’ai des trucs à faire alors on va faire court. De quoi on m’accuse ce coup-ci ? »
« Meurtre avec préméditation et tentative d’enlèvement sur mineure… » le renseigna Ziva, encore très énervée d’avoir vraiment eu peur pour Tony, tout en s’approchant de lui pour le menotter.
« Fiou… » siffla Liam. « Rien que ça ? Vous êtes sûre de n’avoir rien oublié ? »
« Oui, mais on peut en inventer, si vous voulez… » lui souffla Tony.
« Oh, ça, je sais. C’est ce que vous faîtes à chaque fois… Mais vous vous trompez de gars. J’ai jamais enlevé personne, moi… »
« On le sait bien, c’est pour ça qu’on a dit tentative d’enlèvement. »
« Ça confirme ce que je disais : si j’avais voulu enlever quelqu’un, -je dis bien ‘‘si’’- je n’aurais pas raté mon coup. Donc, ce n’est pas moi. Voilà. Fin de l’histoire. Je suis navré de ne pas pouvoir vous aider davantage. »
Il avait toujours un air ironique ce qui acheva d’impatienter Gibbs. Il attrapa les menottes des mains de Ziva, les passa prestement à Liam et l’attrapa par le haut du col pour le pousser dehors.
Ce dernier ne se rebella pas vraiment, se contentant de protester avec désinvolture.
« Hé, ho, doucement papy ! Tu vas te faire du mal, tu sais… A ton âge, il f…»
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase : il entra en collision violente avec le mur.
« Désolé, je n’avais pas vu le mur… La vue qui baisse, vous savez ce que c’est… » s’excusa Gibbs avec un ton dépourvu du moindre remord.
Tony et Ziva ressortirent soudain leurs armes. Les membres du gang de Liam s’étaient rapprochés, l’air menaçant mais un signe de tête de leur leader les dissuada de faire quoi que ce soit.
« Au lieu de faire un truc complètement idiot, les gars, appelez plutôt Patrick… Sam, je te confie le bar… Et toi, Connor, tu sais ce qu’il te reste à faire, hum ? »

    Dimanche, 12h20, Salle d’interrogatoire du NCIS,

    Tony frappa violemment les photos qui se trouvaient devant Liam. Celui-ci se contenta de les regarder vaguement.
Depuis près d’une demi-heure que Liam se moquait ouvertement de lui, il commençait à être sincèrement à bout de patience.
« Je répète une dernière fois : pourquoi assassiner Dick, Liam ? Un meurtre, ça va chercher dans les vingt ans. Avec ton casier, ce sera la perpétuité. Et si le juge retient la préméditation alors là… La peine de mort, c’est certain. Alors que si tu avoues… Tu ne voulais pas le tuer, n’est-ce-pas ? Tu voulais juste embarquer la fille pour faire peur au papa… Qu’il laisse ton frère sortir du trou à rat dans lequel l’amiral Jenkins l’a enfermé… Vouloir aider son frère, c’est un truc que je peux comprendre … »
« Ah ouais ? Pourquoi, ton frère est en taule ? »
« Euh, non, mais… » Liam eut un sourire ironique qui poussa l’exaspération de Tony à son comble. « Là n’est pas la question ! »
« C’était quoi la question, déjà ? »
« Pourquoi as-tu tué Dick ! »
« Dick ! » s’esclaffa Liam. « Quel surnom à la con ! »
« Ce n’est quand même pas pour ça que tu l’as tué, si ? »
« Ah, non, je ne savais même pas que votre gars s’appelait Dick… »
« AH AH ! » rugit Tony. « Tu reconnais donc l’avoir tué, même si le surnom n’était pas le mobile ? »
« Je reconnais rien du tout, je constate un fait, c’est tout. »
« Très bien. Alors si ce n’est pas toi qui as tué notre homme, tu vas sans doute pouvoir me fournir un alibi en béton en m’indiquant ce que tu faisais ce matin un peu avant huit heures. Et je te préviens : ‘‘j’étais seul dans mon lit en train de dormir’’ n’est PAS un alibi valable. » 
« Ah ? Être seul dans son lit n’est pas un alibi ? Arf, c’est dommage ça ! T’es suspect, toi aussi, du coup… » Nouvel éclat de rire.
La patience de Tony avait atteint ses limites.
« Il vient cet alibi, ou tu préfères que je t’inculpe pour meurtre directement ? »
Liam se renversa sur sa chaise le plus nonchalamment du monde et prit son temps avant de répondre. Enfin, alors que Tony, exaspéré, s’apprêtait à quitter la pièce, il daigna répondre avec une voix goguenarde :
« Bah, c’est simple, ce matin, j’étais à la messe de sept heures comme tout les dimanches. Et j’y suis resté pendant tout l’office, toute l’église pourra vous le confirmer. »

    Au même moment, de l’autre côté de la vitre sans tain,

    « A la messe ? C’est le mensonge le moins crédible que j’ai jamais entendu de ma vie ! » s’exclama Ziva.
Gibbs resta un instant silencieux, plongé dans ses pensées. Décidément, il y avait quelque chose qui clochait dans toute cette affaire.
« Je ne pense pas qu’il mente, Ziva. » finit-il par dire.
« Vous pensez vraiment que ce type là va à la messe ?! » s’écria Ziva, incrédule. « A la MESSE ?!! »
« Oui, Ziva, c’est ce que je pense. Les irlandais sont réputés pour cela. Et puis, ce n’est pas la seule chose qui ne colle pas avec ce Liam. C’est un gars intelligent, il a préparé son enlèvement, il a mis Skye en confiance, il a repéré les lieux… »
« Mais il n’avait peut être pas prévu le garde du corps. Ils se sont battus… »
« D’après les premières conclusions de Ducky, il n’y a aucune trace de lutte. Richard Carewell ne s’est pas défendu. Il a tourné le dos à son agresseur, volontairement, Ziva. D’après ce que vous avez vous-même constaté, il préparait un petit déjeuner quand on l’a assassiné. Vous croyez qu’il aurait tranquillement continué son omelette si Liam O’Connel était entré dans la cuisine avec une arme à la main ? »
« Ils étaient peut être de mèche et Liam a décidé de mettre fin à leur collaboration… un peu prématurément ? »
« Non, je ne crois pas. Les irlandais ne font leur coup qu’en famille. Je suis de plus en plus convaincu que ce O’Connel n’a rien à voir là-dedans… »
« C’est le seul suspect… » objecta Ziva.
« Non, il nous reste Barlow… »
« Je n’aurais jamais cru que je dirais ça un jour mais, pour une fois, je suis plutôt d’accord avec Tony… Barlow n’a aucune raison de s’abaisser à de telles extrémités pour obtenir ce qu’il veut. »
« Ce qu’il veut Ziva, c’est se venger. Vous n’allez pas me dire que vous ne savez pas jusqu’où peut aller un homme qui veut se venger. Que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons… »
Il la regardait droit dans les yeux, ce qui la mit horriblement mal à l’aise. Elle détourna le regard pour le reporter de nouveau sur Tony et Liam toujours en salle d’interrogatoire.
« Admettons. » reprit-elle, « Admettons qu’il veuille se venger de Jenkins. Pourquoi assassiner le garde du corps ? Et puis, nous n’avons rien qui relie Barlow à Skye, contrairement à Liam.»
Gibbs ne répondit pas.
Ils restèrent silencieux un instant, à écouter Tony répéter pour la dixième fois à Liam que c’était l’alibi le plus nul qu’il ait jamais entendu de sa vie.
Soudain, la porte de la petite pièce s’ouvrit brusquement, laissant apparaître un McGee essoufflé, mais affichant un air ravi.
« Patron, j’ai réussi à entrer dans l’ordinateur de Richard Carewell ! »
Ziva et Gibbs se tournèrent vers lui. McGee s’aperçut de l’air fermé de Gibbs.
« …Mais vous êtes occupé, peut-être. Euh, je repasserai. » ajouta-t-il avec déception. Il s’apprêtait à refermer la porte sur lui quand Gibbs le retint.
« Si ce que vous avez trouvé est important, McGee, je vous conseille de me le dire maintenant ! »
« C’est important ! » s’exclama-t-il. « Enfin, je crois… Richard Carewell a reçu plusieurs emails d’un certain Nick Stravinsky, qui, après recherche, s’avère être un des conseillers du sénateur… Autrement dit, un des conseillers de notre ami Barlow… Et ce n’est pas tout… Si j’en crois son portable, ce cher ‘‘Dick’’ a appelé cinq fois rien qu’au cours des deux jours précédents un numéro correspondant à celui d’une cabine situé en face des locaux sénatoriaux… Ça fait beaucoup de coïncidence, non ? »
« Et je ne crois pas aux coïncidences ! Ziva, allez me chercher Tony et laissez partir cet abruti… »
« Que je laisse Tony partir où ? » s’étonna Ziva qui n’avait pas compris.
« Pas Tony, LIAM ! »
McGee eut un léger rire qui s’arrêta aussitôt devant le regard sévère de Gibbs.

    Tony quitta la pièce juste au moment où Ziva allait y entrer.
« Ziva ! Non, mais tu as entendu l’alibi que ce gugusse vient de me sortir ? »
« Oui, Tony mais Gibbs pense qu’il dit la vérité… »
Le rire de Tony s’arrêta net. Il regarda Ziva d’un air suspicieux.
« Je sais que tu me fais marcher, là, Ziva… Hein, tu me fais marcher ? »
« Pas le moins du monde, Tony. En fait, McGee a trouvé des emails et des appels reliant le garde du corps au sénateur. Vice-sénateur. A Barlow, quoi… »
« Hein ? Ca fait longtemps que vous le savez, ça ? »
« Euh, cinq bonnes minutes ? »
« Ça fait CINQ MINUTES que tu me laisses m’enfoncer tout seul avec ce gars ?!!! »
« Oui, Tony… Mais c’était tellement marrant… »

    « Alors, qu’est ce qu’on fait patron ? »
« Comment ça qu’est ce qu’on fait, McGee ? On va chercher Barlow pour l’interroger. »
« Mais, patron, c’est quand même un sénateur… »
« Et alors, agent McGee ? »
« Ben, c'est-à-dire qu’il est possible qu’il ne soit pas tellement d’accord… Comme je vous l’ai déjà fait remarquer un peu plus tôt, c’est le genre de personne qui sait s’entourer… Et il est défendu par son propre associé, Miles Harrington. Probablement l’avocat le plus en vue du moment. Autrement dit, on n’aura même pas le temps d’amener Barlow jusqu’à la salle d’interrogatoire que Harrington aura déjà sa remise en liberté pour un motif ou un autre… »
« Emmenons-le et ‘‘oublions’’ de prévenir son avocat dans ce cas… »
« Lui n’oubliera pas… Miles et lui sont quasiment inséparables. Quand ils ne sont pas ensemble, c’est qu’ils sont au téléphone l’un avec l’autre.»
McGee fit apparaître une nouvelle photo de Barlow sur l’écran. Avec son avocat.
Gibbs sourit en découvrant le Miles en question. Dès qu’il l’avait vu, la semaine précédente, dans le bureau de Jenny, il avait su que ce type était louche.
«…Il appellera, mais on peut se débrouiller pour rendre Miles… Injoignable… Disons, pour un certain temps… »
« Mais comment ? »
« Et bien, je vais faire appel aux talents de notre directrice, Tony. »
Gibbs monta rapidement les escaliers laissant là une équipe abasourdie.
« C’est moi, où bien vous aussi vous trouvez la façon dont il a dit ça inquiétante ? »
« Inquiétante comment, Tony ? » demanda McGee, circonspect.
« Inquiétante comme : ‘‘Hey, si on envoyait Jenny divertir cet avocat pendant qu’on essaye de faire avouer notre suspect’’… »
McGee eut l’air soulagé. « Tu me rassures, Tony, je ne suis pas le seul à avoir compris ça, alors ! »

    Dimanche, 13h00 a.m., bureau du directeur du NCIS,

    « Agent Gibbs, le dir… » tenta vainement Cynthia.
« Le directeur est occupé et il ne peut pas me recevoir maintenant, je sais. » la coupa Gibbs en ouvrant la porte du bureau sans un regard pour la secrétaire.
Jenny ne releva même pas les yeux du document qu’elle était en train de parcourir.
« Oui, Jethro ? »
« Tu vois encore ce Miles, Jenny ? »
La question était tellement incongrue qu’il fallut dix bonnes secondes à Jen pour l’enregistrer parfaitement.
« Pardon ? »
« Ce Miles que j’avais croisé dans ton bureau l’autre jour. L’avocat. Tu le vois toujours ? »
« Tu es venu dans mon bureau me questionner sur mes fréquentations ? »
Jenny était abasourdie.
« Pas sur tes fréquentations. Sur cette fréquentation. »
« Je vois. Et en quoi cette fréquentation te concernerait-elle d’avantage que les autres ? »
« ‘‘Miles’’ est l’avocat de notre suspect numéro un : Barlow. Et il va probablement nous empêcher purement et simplement de l’interroger. »
« Pourquoi Miles vous empêcherait de faire votre travail, Jethro ? Tu ne crois pas que ce soit un avocat intègre ? »
La réponse sincère était ‘‘non’’, mais ce n’était pas le moment d’en rajouter.
« Barlow n’est pas un client comme les autres pour Miles, c’est aussi son associé, son meilleur ami… Si on en croit McGee, ces deux hommes pourraient être des frères siamois étant donné le temps qu’il passe l’un avec l’autre. »
« Tu veux dire que ton suspect, c’est George ? »
‘‘
George’’ ???
Gibbs jeta à Jen un regard qui en disait long sur ce qu’il pensait. Il fut tellement expressif que Jen éprouva le besoin de se justifier.
« Je ne l’ai jamais rencontré mais Miles m’a beaucoup parlé de lui ! Je crains en effet que tu n’aies du mal à parler à Barlow seul à seul… Il faudra que tu supportes la présence de son avocat…»
« A moins que… »
« Je n’aime pas beaucoup la façon que tu as de dire ‘‘à moins que’’, Jethro… »
« Il faudrait que tu occupes suffisamment Miles pour qu’il oublie son associé, disons, une heure ou deux… »
« ‘‘Occuper’’ ? »
Jen semblait outrée par la demande.
« Tu crois vraiment que je te demanderais ça, Jen ? »
Cette fois, c’était Gibbs qui avait l’air outré.
« Par ‘‘occuper’’ je voulais dire ‘‘faire diversion’’ au moment où Barlow essayera de le joindre ! Pour autant que je me souvienne, tu étais très douée pour faire diversion… »
« Peut-être… Mais là, tu parles de quelque chose d’impossible, Jethro. Miles a quitté un dîner en présence du secrétaire d’Etat à la défense pour pouvoir répondre à un appel de George… »
« Dans ce cas, essaye quelque chose de moins ennuyeux qu’un dîner avec le secrétaire d’état… Je suis certain que tu vas trouver quelque chose… »
« Et je suppose que tu veux ce miracle pour demain, bien sûr ? »
« En fait, Jen, ce serait plutôt pour aujourd’hui. Et étant donné que l’on a déjà de quoi interroger Barlow, pour maintenant serait l’idéal. » précisa-t-il.
Devant le regard qu’elle lui lança, il ajouta :
« S’il-te-plaît ? »
« Pour que tu dises ‘‘s’il-te-plaît’’, tu dois vraiment tenir à interroger Barlow… »
Elle le suivit jusqu’à la porte de son bureau.
« Très bien, laisse-moi une heure et tu pourras interroger ton suspect… Mais fais le avouer vite, Jethro, parce que je ne te garantie rien… »
« Vite, Jen ? Vraiment ? Décidément, ce Miles me déçoit beaucoup… »
Cynthia leva les yeux au ciel. Et dire qu’on leur confiait la sécurité de la moitié du pays… Effrayant.

    Gibbs redescendit les escaliers et trouva ses agents installés derrière leur bureau. A en juger par l’air peu naturel que prirent ses agents en l’apercevant, ainsi que le silence brutal qui l’accompagna, il était clair que ceux-ci étaient en train de parler de lui.
« Un problème ? » leur demanda-t-il nonchalamment.
« Euh, non, patron… » risqua prudemment Tony. « On se demandait juste comment Jenny allait faire pour éloigner Miles de notre suspect… »
C’était donc ça.
« Ça, c’est un problème réglé, Tony… On passe au suivant… Vous avez vérifié l’alibi de Liam O’Connel ? »
« Oui, patron ! » répondit McGee. « Au moins cinquante personnes nous ont juré sur la sainte Bible que Liam était bel et bien à la messe ce matin… »
« Parfait ! » Gibbs jeta un bref coup d’œil à l’heure qui s’affichait sur son écran d’ordinateur. « Vous avez une heure devant vous avant que nous ne puissions aller arrêter Barlow… Je vous conseille de la mettre à profit en faisant quelque chose d’utile… »
« Vraiment, patron, on est autorisés à faire un vrai déjeuner pour une fois ? » s’enthousiasma Tony.
Gibbs ne lui prêta pas la moindre attention et termina sa phrase :
«…en vous rendant chez Mme Carewell lui annoncer le décès de son époux dans l’exercice de ses fonctions. »
« Pourquoi c’est toujours nous qui devons faire ça ? » protesta Tony. « Y’a pas un service de la mairie ou quelque chose comme ça qui pourrait s’en occuper ? »
Une nouvelle claque derrière le crâne lui donne la réponse à sa question.
« Ouaaaïe ! J’ai l’impression que tu fais ça de plus en plus souvent, ces derniers temps… »
« Peut être parce que tu dis de plus en plus de trucs stupides, ces derniers temps, DiNozzo ! Comment se fait-il que vous ne soyez pas déjà en route pour rendre visite à cette veuve ? »
« Ben… C'est-à-dire qu’on ne sait pas où elle habite… »
Gibbs leva la main.
«…mais on va trouver très vite, n’est-ce-pas, McGee ! » termina précipitamment Tony en reculant pour éviter une seconde estocade.
McGee tapa à toute vitesse sur son ordinateur avant de se relever triomphalement et de se précipiter sur son manteau.
« Ça y est, j’ai son adresse, on peut y aller. »
Tony emboîta aussitôt le pas à McGee, désireux de mettre une distance suffisante entre lui et la main de Gibbs.
Ziva s’apprêtait à les suivre quand Gibbs la retint.
« Je ne crois pas qu’il soit indispensable que vous soyez trois pour remplir cette mission, si ? Tant mieux, parce que j’ai autre chose à vous demander… »

    Dimanche,  13h50, 52 Milwaukee Avenue,

    « Vas-y, le bleu, à toi l’honneur… »
« Et moi qui croyait que tu adorais consoler les jolies femmes… »
« Les jolies femmes, oui. Mais les veuves éplorées et gémissantes se mouchant sur ton épaule, très peu pour moi. J’ai déjà donné. A ton tour de payer de ta personne, le bleu. » rétorqua Tony.
McGee haussa les épaules et sonna. La porte s’ouvrit sur une magnifique jeune femme d’une trentaine d’années, une belle rousse aux yeux bleus, le visage piqueté de tâches de rousseur.
« Que puis-je pour vous, messieurs ? »
Tony se précipita entre McGee et la jeune femme et prit un air de circonstance. McGee ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Tony était vraiment incroyable.
« Madame Carewell ? »
« Oui ? »
« Nous sommes des agents du NCIS… C'est-à-dire que nous enquêtons sur les affaires criminelles concernant la marine… Madame Carewell, j’ai le regret de vous annoncer…»
« Il est arrivé quelque chose à Richard ? » s’écria-t-elle, brusquement inquiète.
« Il a été assassiné ce matin, probablement en défendant courageusement la vie de la fillette qu’il protégeait… »
Caroline Carewell dut se retenir à la porte sous le coup de l’émotion.
« Mon Dieu… »
Et elle s’évanouit dans les bras de Tony.

    Tony se rendit dans le salon, Caroline toujours dans les bras, et la déposa sans ménagement sur le divan, pendant que McGee remplissait rapidement un verre d’eau dans la cuisine.
« Ouvre-lui un peu son chemisier, le Bleu, qu’elle puisse respirer un peu mieux ! »
« Non, mais ça va pas, Tony !? » s’indigna McGee. « Elle porte un T-shirt, en plus, je te signale ! »
Tony se redressa avec un sourire railleur aux lèvres.
« Je sais, le Bleu, je voulais juste voir la tête que t’allais faire si je te demandais ça ! »
McGee se contenta de lever les yeux au ciel.
Caroline revint peu à peu à elle. Un instant, elle sembla désorientée, puis elle aperçut McGee qui lui tendait le verre et sembla prendre pleinement conscience de ce que la présence des deux agents qui la fixaient d’un air inquiet signifiait. Son mari était mort. Elle fixa le verre avec intensité quelques secondes et deux larmes roulèrent sur ses joues.
« Comment ? » demanda-t-elle d’une voix blanche.
Tony et McGee se regardèrent en fronçant les sourcils, sans comprendre le sens de sa question.
« Comment Richard est-il… est-il mort ? » répéta-t-elle.
« Il… Hum. Il semblerait qu’il se soit pris une balle dans le dos, ce matin. » expliqua Tony avec douceur. « Je suis désolé, madame Carewell. »
« C’est impossible ! Dick… Ça ne peut pas être lui ! Vous vous êtes trompés ! » sanglota-t-elle, le désespoir se reflétant dans ses yeux bleus.
McGee avait prévu ce genre de déni et avait emmené une photo de Dick allongé sur la table d’autopsie.
« Cet homme est votre mari, n’est-ce-pas ? »
Caroline prit la photo et retomba assise dans le canapé qu’elle venait à peine de quitter. Elle rendit brutalement la photo à McGee, tellement la vue du corps sans vie de son mari lui était insupportable.
« Mon Dieu, Dick… » Elle se tut un moment. Tony et McGee la laissèrent se reprendre en silence. « Je savais que ça finirait mal, toute cette histoire avec cette petite ! »
« Vous voulez parler de Skye Jenkins ? » réagit aussitôt Tony.
La jeune femme acquiesça en sortant un mouchoir de sa poche.
« C’était une mauvaise idée de s’embarquer là-dedans, je l’avais dit à Dick dès le départ… Au début, ça se passait bien… Et puis, un jour, je suis tombée sur ces e-mails bizarres… Soit disant des pubs, d’après lui. Mais je me suis étonnée qu’il les ait conservées aussi longtemps dans sa boîte de réception alors, j’ai regardé de plus près… Je sais que je n’aurais pas dû… C’était le genre de pubs, vous savez, qui vous annonce que vous avez gagné telle ou telle somme d’argent si vous répondez sous dix jours… »
Tony et McGee acquiescèrent en silence.
« Et puis, ça m’était sorti de la tête. Jusqu'à ce que, en consultant notre livret de compte, je m’aperçoive que des sommes correspondantes étaient venues s’ajouter à notre épargne. Quand j’ai demandé des explications à Dick, il m’a répondu qu’il avait gagné cet argent. Je lui ai demandé si c’était bien légalement, qu’il l’avait gagné, il s’est mis dans une fureur noire et il est parti chercher la gamine au lycée. Je… C’est la dernière fois que je l’ai vu… »
Un nouveau sanglot la secoua.
« Vous n’avez pas la moindre idée de l’expéditeur de ces e-mails ? » s’enquit Tony.
« N..non… Je…Je crois que cela provenait de diverses agences de publicité… »
« J’ai tracé ses e-mails dans le portable de votre mari, madame Carewell et ils provenaient d’un ordinateur appartenant à Nick Stravinsky, adjoint du vice-sénateur de Virginie… Ce nom vous dit quelque chose ? Votre mari vous en a-t-il déjà parlé ? »
Caroline secoua négativement la tête.
« Non, non, je n’ai jamais entendu ce nom… »
« Et celui de George Barlow… »
La jeune femme resta pensive un instant.
« Barlow… Oui, ce nom me dit quelque chose… »
« Vous avez pu l’entendre à la télévision, c’est un homme politique assez influent… »
« Non, c’est autre chose… » Elle se tut quelques instants avant de redresser la tête. « C’était il y a trois ou quatre jours… Je rentrais de faire quelques courses. Quand je suis arrivée, Dick était sur le perron, il discutait avec un homme… J’ai même eu la nette impression qu’ils se disputaient… Je n’ai pas tout saisi de leur conversation mais j’ai quand même compris quelques bribes… L’homme disait à mon mari ‘‘Barlow ne va pas être content, il n’aime pas beaucoup les gens qui se moquent de lui…’’ Là-dessus, il m’a vu, m’a fait un signe de la main et est reparti aussitôt. J’ai interrogé Dick sur cet incident, mais il n’a rien voulu entendre et m’a demandé de ne plus jamais reparler de ça à qui que ce soit… Oh, mon Dieu, peut être que si j’avais dit tout ça à quelqu’un, Dick serait… Il ne serait pas… »
« Ça n’aurait sans doute rien changé… Ces gens-là ne tolèrent aucun obstacle entre eux et ce qu’ils veulent, madame Carewell… »
Elle ne semblait même pas avoir entendu Tony.
« Je peux voir mon mari, s’il-vous-plaît » demanda-t-elle.
« Euh… Je vais demander à mon patron mais ça ne devrait pas poser de problème. Je vous laisse avec l’agent McGee si vous avez encore des questions. Je reviens tout de suite. »
Tony quitta la pièce tout en composant le numéro de son patron. Non seulement la piste Barlow se précisait, mais en plus, il disposait désormais d’un témoin oculaire. Que demander de plus ? C’était la meilleure nouvelle de la journée et il n’aurait laissé à personne d’autre le soin de l’annoncer à Gibbs.

27 mai 2008

*Introduction Skye*

Voilà la suite (tant attendue ?) de mes fanfictions : Skye !
Je vous souhaite de prendre autant de plaisir à me lire que j'en ai eu à écrire cette histoire :)

Disclaimer : Encore une fois, les personnages ne m'appartiennent pas, hormis les méchants et Skye, qui sortent tout droits de mon imagination et ne sont inspirés par aucun personnage réèl. 

Spoilers ? Aucun concernant la saison 5. Disons que c'est la saison 5 vue par moi ^^.

Résumé : Une jeune fille appelle le NCIS après avoir échapper à une tentative meurtre. Elle est confiée à la protection de l'équipe qui part sur les traces de ceux qui lui en veulent.

N'oubliez pas les comm's, ça fait toujours plaisir :) Enjoy !

6 mai 2008

*Conclusion Le Jeu*

Voilà, fin de ma première fic :).
J'espère qu'elle a plu au plus grand nombre d'entre vous, si c'est le cas, n'hésitez pas à me laisser un comm', ici ou sur la Team-NCIS.com.

N.B. ==> Ce fut un plaisir d'écrire cet fiction et je pense revenir très vite avec une autre que j'espère vous apprécierez autant que celle-ci.
Merci à vous tous de m'avoir lu jusqu'ici !
Et MERCI surtout à Sunny, ma muse, Melou, ma manager, Teki, ma supportrice et Ryam ma relectrice. Les filles, je vous adore :)

6 mai 2008

"Le Jeu " partie 2/2

   Mardi, 9h30 p.m.,

 

    Gibbs avait roulé un moment pour essayer de se calmer. Ça ne faisait qu’une dizaine de minutes qu’il était parti de chez elle lorsque son portable avait vibré. Il avait jeté un rapide coup d’œil sur l’identifiant. ‘‘Directeur’’. Il était encore bien trop furieux pour décrocher. Une petite musique caractéristique lui annonça qu’il avait un message. Il leva les yeux au ciel. L’engueuler par téléphone, voilà qui était tout à fait son style. Toutes leurs conversations s’étaient toujours plus ou moins terminées de cette manière de toutes façons. Sauf qu’il l’avait oublié.
Après deux bonnes heures à tenter de faire baisser sa pression artérielle –tenté seulement- il se décida à rentrer chez lui, après un coup de téléphone de McGee, un peu inquiet de ne pas le voir rentrer. Hollis se précipita dehors en voyant sa voiture.
« Jethro ! Tu vas bien ! Tu te rends compte de l’heure qu’il est ? J’étais morte d’inquiétude ! Il s’est passé quelque chose de grave ? »
« Non… Mais si tu t’inquiétais tellement, pourquoi ne m’as-tu pas tout simplement appelé, comme McGee ? »
« Je ne voulais pas te déranger au beau milieu de quelque chose ! Je sais à quel point tu prends cette histoire à cœur… Et puis, je me disais que si quoi que ce soit de grave était arrivé, Tim me l’aurait dit… »
Elle le fixait comme pour le sonder. Sans qu’il comprenne pourquoi, ce regard insistant le mit mal à l’aise.
« On ne va pas rester dehors à en discuter, si ? »
Il se dirigea vers la maison.
« Je suis soulagée de savoir qu’aucun d’entre vous n’a eu de problème, tu sais… »
« En parlant de Tim, où est-il ? » s’enquit-il sans même relever sa phrase.
« Tony est venu le chercher tout à l’heure, puisqu’il n’avait pas de voiture. Ils sont restés un moment et puis, comme tu avais dit que tu n’allais pas tarder, je leur ai dit de partir. Et toi, où étais-tu, tout ce temps ? »
Il ne répondit pas. L’agent Gibbs ne partageait que très rarement ses pensées et, de toutes façons, il n’allait pas partager avec sa nouvelle maîtresse ses états d’âme concernant l’ancienne, ce qui serait pour le moins stupide.
Hollis n’insista pas.

    Gibbs tournait en rond dans la cuisine avec un verre de bourbon à la main. Hollis était dans le salon, avec un livre et il savourait ce moment de tranquillité. Maintenant qu’il avait eu bien le temps de réfléchir, il regrettait les paroles qu’il avait eues envers Jen. Il savait très bien qu’elle n’était pas du genre à envoyer Ziva se faire tuer sans arrières pensées. Il savait également que Ziva avait du se montrer très… insistante. Mais bon sang, pourquoi avait-il fallu qu’elle éprouve le besoin de le mettre encore davantage en colère, au lieu de s’expliquer ? Il fallait toujours qu’elle fasse ça, qu’elle le pousse dans ses retranchements jusqu’à le faire sortir de ses gonds. Bon, d’accord, elle était le chef, quoiqu’il en pense, ce qui légitimait le fait qu’elle n’ait pas à se justifier… Mais quand même ! Ça ne l’aurait pas tuée de le mettre au moins au courant. Même si lui ne le faisait jamais !
Il retint un rire tellement tout ça était ridicule.
Il prit son portable qui continuait de clignoter pour lui rappeler qu’il avait un message. Il hésita encore quelques secondes avant de se décider à l’écouter. Mais à la place de la voix à laquelle il s’attendait, ce fut une voix d’homme qui résonna dans le combiné.
« Et alors, agent Gibbs ? On ne prend plus les appels de son supérieur, maintenant ? Voilà qui n’est pas digne d’un marin, même retiré de l’armée, il me semble. Enfin, ce n’est pas grave. Pour moi, en tout cas, parce que pour votre directrice… » L’homme eut un petit rire crispant. «… Mon Dieu, j’ignorais que vous souhaitiez tellement qu’elle participe aussi à notre petit bras de fer, agent Gibbs ! Il faut dire que j’ignorais également à quel point vous étiez proches… Mon erreur, je le reconnais volontiers. Mais, comme vous pouvez le constatez, cette erreur est réparée. J’espère au moins que cela vous fait quelque chose, après que vous ayez insisté pour que sa vie soit mise en danger au même titre que celles des autres membres de votre équipe ! J’ai du prendre des risques pour cela, vous savez, et cela m’a demandé encore un peu plus de temps et de stratégie. Mais maintenant que j’ai l’occasion de voir votre Jenny d’aussi près, je ne le regrette pas… J’espère que vous non plus, vous ne regrettez rien, agent Gibbs… Ce serait vraiment dommage que ce soit le cas, parce que j’ai la nette impression qu’il est trop tard pour les regrets, désormais… »
Un bip caractéristique signala qu’il s’agissait de la fin du message. 
Gibbs resta un instant interdit, prenant lentement conscience de ce que ce message impliquait. Il impliquait que Jenny était en danger. Peut-être même déjà… Il écarta violemment cette pensée de son esprit, récupéra ses clefs qui trainaient sur le comptoir de la cuisine s’apprêtait à se précipiter dehors quand il croisa le regard d’Hollis qui le regardait d’un air médusé.
« Mais ? Où tu vas, encore ? »
«Chez Jenny… » lui répondit-il carrément, sans réfléchir, au vu de l’urgence de la situation.
« PARDON ?! »
Hollis bondit littéralement hors du fauteuil où elle bouquinait.
« Tu te moques de moi, là, Jethro, rassure-moi ? » adjura-t-elle.
« Le tueur que nous recherchons vient de menacer de s’en prendre à elle ! »
« Très bien, dans ce cas-là, je viens avec toi ! »
« C’est absolument hors de question, Hollis ! »
« Et pourquoi, je te prie ? »
Il avait déjà atteint sa voiture. « Je veux que tu restes ici, c’est bien compris ? Il se sert de tout ce qu’il trouve pour m’atteindre, il n’est pas question que je lui fournisse davantage de munitions ! »
Quand les feux arrières de sa voiture eurent disparus dans la nuit, Hollis eut un frisson. Pourvu qu’il ne lui arrive rien. Elle, par contre… Bon débarras.


    Une fois devant chez Jen, Gibbs nota immédiatement trois choses. Un, le sac de Jenny était renversé sur le sol, deux, sa voiture avait disparu et trois, son portable était en un certain nombre de morceaux, ce qui laissait supposer qu’il était passé sous les roues de ladite voiture.  Voilà au moins qui expliquait pourquoi il était tombé sur la messagerie lorsqu’il avait essayé de la rappeler. Et bien sûr, aucune trace de Jenny. Ni du tueur, par la même occasion. Des traces de lutte, par contre. Il sortit son portable et appela Tony.
Celui-ci décrocha quasiment aussitôt.
« Oui, patron ? »
« Tony, nous avons un énorme problème. Je veux que tu passes chercher Ziva… Et Abby, aussi, on va avoir besoin d’elle. Je veux que vous vous rendiez le plus vite possible au NCIS. Je vous y rejoins immédiatement. »
« Mais, Gibbs, qu’est-ce qu’il se passe ? » s’alarma Tony.
La voix de Gibbs était aussi froide et tranchante qu’un morceau de glace quand il répondit. Aussi froide et glacée que le serait sa vengeance si jamais… 
«… Il semblerait que notre ami amateur d’échecs ait décidé d’enlever le directeur du NCIS. »


 Mardi, 22h15 p.m., laboratoire du NCIS,


    Abby, Ziva, Tony et McGee tournaient en rond dans le labo en attendant l’arrivée de Gibbs avec des informations supplémentaires. Aucun d’entre eux n’avait prononcé un mot au cours des cinq dernières minutes et le silence était vraiment pesant, chacun envisageant bien sûr le pire sans oser le dire tout haut.
Un bruit les fit tous tressaillir violemment. McGee avait fait tomber la petite plaque d’acier à son nom en voulant l’examiner. Tony et Ziva lui lancèrent un regard exaspéré.
« Ben quoi ? Je ne l’ai pas fait exprès ! » murmura-t-il vexé.
« Arrêtez de chuchoter comme ça, c’est insupportable ! » s’exclama Abby. « On dirait que notre directrice est déjà morte ou pire… »
« Ou pire ? Tu devrais revoir le sens de tes priorités, Abby ! » fit remarquer Tony.
« Et puis, comme elle a été enlevée par un tueur en série sérieusement dérangé, il n’est pas inenvisageable de penser qu’elle peut être morte… » ajouta Ziva.
Abby se boucha les oreilles des deux mains et se mit à répéter « pensées positives, pensées positives… » comme un mantra.
« Abby n’a pas tort, là, Ziva. Tu pourrais faire preuve, je ne sais pas, d’un tantinet d’optimisme, peut-être ? »
« D’optimisme, Tony ? Je SUIS optimiste. Sinon, je t’aurais dit qu’il allait la torturer, la viol… »
« STOP ! Ne dis plus un mot. Respecte au moins l’angoisse des autres même si tout ça t’est indifférent ! »
Abby était furieuse de l’attitude de Ziva.
« M’est INDIFFERENT ? Tu crois que ça m’indiffère, alors que tout ça est surement de ma faute ? » s’emporta Ziva.
Tony remarqua qu’elle semblait bouleversée.
« De ta faute ? » s’étonna Abby. « Comment le fait que ce timbré s’en soit pris à notre directrice pourrait être de ta faute ? »
« Peut être qu’il sait que je lui ai demandé de servir d’appât et qu’elle a accepté. Peut-être que ça ne lui a pas plu ? »
« Tu as fait QUOI ? Gibbs est au courant, au moins ? » s’inquiéta Tony.
Sa réflexion fut accueillie par un regard noir.
« Evidemment. Sauf que je lui ai dit qu’après. Bref, depuis que Tony nous a appris ce qui se passait, je n’arrête pas d’avoir ces images dans ma tête et cette petite voix qui répète que c’est de ma faute… » Elle s’interrompit.
Elle avait l’air complètement désemparée.
Abby s’approcha et la serra dans ses bras.
« Excuse-moi, Ziva. Je n’avais pas compris qu’en fait, tu te sentais coupable, que tu avais besoin d’en parler… »
« Mais ne te sens pas obligée non plus d’extérioriser tout ce qui te passe par la tête… » ajouta Tony. Vu la situation, il décida de changer de sujet dans l’espoir de la détourner de ses pensées noires.
« J’arrive pas à croire que tu aies pu faire ça à Gibbs, n’empêche… »
Son stratagème fonctionna parfaitement.
« Tu as fait la même chose, je te signale ! » s’insurgea-t-elle.
« Moi ? Pas du tout ! » rétorqua-t-il d’un air innocent.
« Ah non ? Et tu peux m’expliquer la différence ? »
« Gibbs était parti et c’est Jenny qui m’a demandé : voilà la différence ! »
« Ça revient au même, Tony ! »
« Non, pas du tout. »
« Si ! »
« Non ! »
« Il est hors de question que je rentre dans ton petit jeu ridicule, Tony ! »
« Mon petit jeu, Ziva ? C’est toi qui as commencé ! »
« C’est faux ! »
« Mais si ! »
« Mais non ! »
« Mais si ! »
Ziva leva les yeux au ciel.
McGee et Abby sourirent. Seul Tony était capable de détendre l’atmosphère dans un moment pareil.


    Quand Gibbs arriva dans le labo, ils étaient tous assis par terre dos contre le mur. Ils se levèrent dans un bel ensemble en l’apercevant. Ils ne dirent rien mais leurs yeux posaient tous la même question. Une question à laquelle il ne pouvait pas répondre, pour le moment.
« Abby, je veux que tu m’analyses ça… » Il lui tendit un sac contenant les débris du téléphone.
« Heu… Je vais faire tout ce que je peux. »
« Vous trois… » continua-t-il en se tournant vers ses agents, « …vous venez avec moi. »


    Ils passèrent plus de deux heures à écouter encore et encore le message laissé par l’homme, à la recherche du moindre indice, de la moindre information qu’il puisse utiliser.
A la première écoute, tout le monde tiqua en entendant le tueur accuser Gibbs d’avoir insister pour qu’il s’en prenne à Jenny.
« Non, mais où est-ce que ce cinglé a-t-il bien pu aller pêcher une idée aussi tordue ? Comme si tu avais pu réellement souhaiter un truc pareil ! » s’insurgea Tony, accompagné par les mouvements de tête approbateurs de McGee.
Leur réaction renforça encore le malaise de ce dernier. Curieusement, Ziva semblait comprendre ce qu’il ressentait. En tout cas, c’était ce que son attitude semblait montrer, car elle demanda à Tony de ne pas insister sur les problèmes mentaux de l’agresseur mais plutôt sur le moyen de lui mettre la main dessus. Gibbs lui fut reconnaissant d’avoir détourné la conversation vers un terrain moins… embarrassant. 
Vers minuit, Abby monta les informer qu’elle n’avait rien trouvé, le tueur portait des gants. En cuir comme le prouvait quelques fibres présentes dans les débris. Mais rien d’exploitable.
Aux alentours d’une heure du matin, McGee s’endormit sur son bureau, malgré tous ses efforts pour ne pas laisser voir sa fatigue. Il faut dire que la voix suave du tueur répétant cent fois sa tirade agissait comme une berceuse.
A deux heures, Ziva aurait pu réciter le message par cœur, sans que cela ne change quoi que ce soit. Tony était assis devant son ordinateur la tête dans les mains ressassant les phrases dans sa tête. Gibbs avait les traits tirés qui se crispaient encore davantage à chaque fois que la bande repassait sur la partie des regrets. Tony aurait bien eu envie de demander des précisions sur le sens de ces paroles sibyllines mais il savait pertinemment que ce n’était pas le moment. D’ailleurs, vu la question qui lui venait à l’esprit, ce ne serait JAMAIS le moment.
Enfin, à deux heures trente, Tony se proposa pour rester au cas où il se passerait quelque chose (ce qui était fort peu probable), Ziva et McGee pourraient ainsi rentrer se reposer. Gibbs aussi. Celui-ci commença par refuser. Mais Tony lui promit de l’appeler à la seconde où il apprendrait quoi que ce soit et argua également que le tueur pouvait décider de s’en prendre à Hollis ainsi qu’il l’avait menacé, ou bien décider d’appeler chez lui pour transmettre des infos. Ce dernier argument l’emporta. Ils se séparèrent sur la même pensée informulée : qu’avait-il pu arriver à Jenny au cours des dernières (très longues) heures qui venaient de s’écouler ?


 Mardi, Quelques heures plus tôt …


    « …Bonsoir, madame le directeur. »
La voix était douce mais menaçante. Jen se débattit violemment, mais l’homme était bien plus fort qu’elle.
« Ne me forcez pas à vous faire du mal, Jenny… parce que je n’hésiterais pas une seconde. »
Elle se calma.
« Voilà qui est bien mieux… Nous allons faire une petite balade, vous et moi… Mais avant, et croyez bien que j’en suis le premier désolé, il va falloir que je vous endorme un moment… »
Il lui appuya quelques secondes suffisamment fort sur les carotides pour qu’elle perde connaissance. Puis il lui lia les mains et les jambes avant de la bâillonner et de la déposer sur la banquette arrière de la voiture.
Le tout avait à peine pris quelques minutes, tellement l’homme était précis et efficace. Il retourna le sac pour récupérer rapidement le téléphone. Il fit défiler les numéros jusqu’à celui qui l’intéressait : celui de l’agent Gibbs. Il laissa le message tout en surveillant du coin de l’œil Jenny, toujours inconsciente. Puis il posa le téléphone derrière la roue arrière de la voiture, attrapa les clefs de la voiture et enclencha la marche arrière. S’il ne se trompait pas sur l’agent Gibbs –et, sans se vanter, il était quasiment certain de ne pas se tromper-, il avait au moins deux bonnes heures devant lui avant qu’un avis de recherche sur la voiture et la personne de Jenny ne soit lancé. Il n’en avait besoin que d’une.


    Quand Jenny reprit conscience, elle se rendit compte immédiatement qu’elle était à l’arrière de sa propre voiture. Attachée par quelqu’un qui maîtrisait excessivement bien l’art du nœud marin, si elle en jugeait par la brûlure qu’elle ressentait à l’endroit où les liens frottaient contre ses poignets. Elle leva les yeux dans le rétroviseur et croisa le regard du tueur. Il avait les yeux marron clair, avec une pupille aussi fine qu’un trou d’épingle. Quand il s’aperçut qu’elle était de nouveau consciente, il parut on ne peut plus heureux.
« Je commençais à m’inquiéter de vous avoir vraiment plongé dans le coma, vous savez… »
S’il s’inquiétait vraiment, il le cachait parfaitement bien.
Il la dévisagea quelques secondes avant de reporter son regard sur la route.
« Je suis content de voir de nouveau vos jolis yeux… Vous êtes encore très belle, vous savez… »
On a beau être prise en otage par un fou dangereux, il y a des choses qui sont dures à entendre pour une femme.
‘Encore ?’
Il leva de nouveau les yeux dans le rétroviseur et aperçut son expression.
« Je vous ai vexée. Excusez-moi, ce n’était pas ce que je voulais dire. Au contraire. Etre à la tête d’une agence fédérale quand on est une femme et à votre âge… Cela force le respect… » Il marqua une pause et sourit. « Est-ce indiscret de vous demander avec combien de vos supérieurs vous avez dû coucher pour en arriver là ? »
Il vit la colère qui illumina les yeux verts. Il eut son petit rire.
« Oh, mon ange, ne faîtes pas ces yeux furieux, je vous en prie. Ce ne serait pas la première fois que ça arriverait, n’est-ce pas… ? » railla-t-il.
La colère fit place à l’étonnement.
« Vous vous demandez sans doute comment je le sais… »
Il rit de nouveau.
« Eh bien, peut être que je sais tout. Peut être que je suis Dieu… Après tout, je suis celui qui dispose de droit de vie ou de mort sur vous, désormais… »
Jenny ne savait pas s’il était Dieu, mais il venait au moins de confirmer qu’il était fou.
Il sortit un CD de sa poche de blouson et le glissa dans le lecteur CD.
« Je suis certain que ça va vous plaire. »
Jenny reconnut du français et la mélodie lui était familière. Elle réfléchit quelques instants pour essayer de se souvenir où elle l’avait déjà entendue. En France. Avec Jethro. Oui, cette chanson était en permanence sur toutes les radios françaises à l’époque de leur mission à Paris.
L’homme se rendit compte qu’elle l’avait reconnue.
« Vous voyez que je suis quelqu’un d’attentionné, mon cœur. Et ce n’est que le début… »
Il quitta la route pour s’engager dans un parking désert à l’exception d’une camionnette blanche. Il se gara à côté du véhicule utilitaire et regarda sa montre.
« Nous sommes parfaitement à l’heure… Je suis tout à fait de l’avis du roi de France Louis XVIII, vous savez. L’exactitude est la vertu des rois. Nous verrons si l’agent Gibbs possède lui aussi cette vertu. »
Les minutes s’égrenèrent lentement. Il ne la quittait pas des yeux, ce qui commençait sérieusement à agacer Jen. Que pouvait-il bien attendre ? Il était recherché pour quatre meurtres, il venait d’enlever le directeur d’une des agences fédérales du pays le plus puissant du monde et il ATTENDAIT. Pas planqué quelque part, non non. Au beau milieu d’un parking ouvert à tous, sans même surveiller les alentours, comme si toute la situation était on ne peut plus normale. Il ne semblait pas inquiet le moins du monde. Il semblait plutôt… impatient.
Enfin, après près d’une heure de silence oppressant, Jenny sut enfin ce qu’il attendait. Il alluma la radio et brancha un petit appareil avec un cadran servant à régler une fréquence précise. Il chercha pendant quelques minutes au cours desquelles il fut impossible d’entendre la moindre phrase compréhensible avant de trouver enfin ce qu’il cherchait.
‘… ouilles. Recherche véhicule Mercedes Classe A noire année 2006 immatriculée Juliet, Tango, Alpha, 4, 2, 7 ,4. Le véhicule est conduit par un homme de description inconnue, origine caucasienne probable, 1m80 environ. Il est supposé armé et dangereux. Soupçonné d’avoir enlevé Jennyfer Shepard, directeur du Naval Criminal Investigative Service. Ordre est donné à toutes les unités d’installer des barrages sur tous les axes de la région et d’arrêter tous les véhicules suspects. Je répète : Avis à toutes les patrouilles. Recherche véhicule Mercedes Classe A noire an... ’
L’homme débrancha sa radio.
« Parfait, tout cela est parfait. » Il se tourna à nouveau vers Jenny. « Nous allons enfin pouvoir nous amuser un petit peu. Parce que je dois reconnaître que je commençais à m’ennuyer sérieusement, vous savez. Pas vous ? »
Il sortit du véhicule et Jenny l’entendit ouvrir les portes arrières de la camionnette stationnée à côté d’eux. Il passa quelques minutes à déplacer quelque chose qu’elle ne pouvait pas voir de là ou elle se trouvait, mais c’était sans doute quelque chose de relativement volumineux. Mieux valait ne pas trop conjecturer sur ce que le ‘‘quelque chose’’ pouvait être, la situation était suffisamment stressante comme ça.
Elle sursauta quand il ouvrit brutalement la porte, son Smith&Wesson à la main.
Il suivit son regard et sourit.
« Je suis désolé de vous imposer ce petit instrument, mon ange, mais j’ai découvert que c’était un formidable outil de persuasion et j’aime tellement mieux quand tout se passe comme je le désire… » Il détacha rapidement les liens qu’elle avait autour des jambes. « Le mieux serait quand même que vous développiez un syndrome de Stockholm rapidement, ainsi je n’aurais plus besoin de vous menacer à tout bout de champs… » Il termina son travail et releva la tête vers elle. « Et cessez de me regarder comme si vous pensiez que j’étais fou, cela pourrait bien finir par me vexer, très chère. »
Arrêter de le regarder comme s’il était fou ? Voilà qui allait être relativement difficile comme exercice.
Il la poussa sans ménagement jusqu’à l’arrière de la camionnette et la força à grimper dedans.
« La suite du voyage risque de ne pas être aussi agréable que jusqu’à présent, mais le trajet ne sera pas long, je vous le promets. » A l’aide de menottes, il l’attacha à une barre en acier qui avait été placé là exprès. « Et, ainsi que je vous l’ait dit, la balade sera amusante. Surtout pour moi. Vous allez pouvoir constater l’inefficacité de la police locale… Je vous demande encore quelques minutes, je dois mettre la dernière touche à mon cadeau pour l’agent Gibbs. Je suis certain qu’il l’appréciera. » Sur ce, il referma la porte, la plongeant dans le noir le plus complet.


    En fait, l’endroit n’était pas aussi inconfortable que ce que l’on pourrait imaginer au premier abord. L’homme avait recouvert l’ensemble de l’habitacle arrière de matelas, ainsi que c’était le cas dans les salles d’isolement des hôpitaux psychiatriques. Mais pourquoi se donner le mal de tapisser ainsi toute la camionnette ? Pour améliorer le confort de son otage ? Un simple matelas sur le sol aurait suffi. Recouvrir le plafond, par exemple, était absolument inutile. Pour augmenter l’impression de séquestration ? Si c’était le cas, il s’était donné beaucoup de mal pour rien, elle ne pouvait pas se sentir davantage prisonnière que dans un espace clos et noir, matelas ou pas.
Mais ce n’était pas pour ça que l’homme avait passé une grosse partie de son après midi à ce fastidieux travail. C’était bien plus tordu –et pourtant intelligent- que ça.
La question qui l’avait ennuyé un bon moment était la suivante : comment se débarrasser de la voiture après avoir ramené Jenny sans être obligé de repartir et donc de la laisser seule ? Le seul moyen était de se débarrasser de la voiture AVANT et d’en prendre une autre, tout ça avant que l’avis de recherche ne soit lancé. Et puis, il avait eu l’idée de se lancer un défi supplémentaire : celui de se moquer ouvertement de la police, et à travers elle, de l’agent Gibbs. D’où les matelas. CQFD.
Il ralentit à l’approche du barrage et s’arrêta sur un signe d’un policier qui s’approcha de lui. Il descendit sa vitre.
« Que se passe t’il, m’sieur l’agent ? Je peux vous aider ? »
«Je ne crois pas, non. A moins que vous n’ayez croisé une Mercedes noire… »
« Heu… » Il fit semblant de réfléchir quelques instants « …peut-être bien… Oui, il me semble que j’en ai croisé une. Je m’en souviens parce que je terminais ma livraison chez une cliente pas loin d’ici, à Chestnut Grove, et que cette bagnole a déboulé comme une dingue. Elle a failli me renverser. J’crois bien que c’était une Mercedes. Elle était noire, en tout cas… »
« Chestnut Grove ? Ce n’est pas loin du centre commercial, ça, nan ? »
« Tout juste. Mais ce sera désert à c’t’heure, y’aura personne… »
Le policier fit un signe à l’un de ses collègues avant de se tourner de nouveau vers celui qui venait de si bien le renseigner…
« Merci, monsieur... Pourriez-vous me donner votre nom ? »
« Mais tout à fait, je m’appelle Mr. Caitlin. Todd Caitlin. »
« Merci de votre coopération, Mr. Caitlin. »
« De rien, c’est normal, il me semble. Je suis ravi d’avoir pu vous aider un peu, même si je crains de ne pas avoir été très précis. Maintenant, je suis assez pressé… Ma femme m’attend, vous voyez… .»
« Mais, bien sûr, allez-y, je vous en prie… »
« Merci. Bonne chance pour attraper celui ou celle que vous cherchez. »
« Ouais, on en aura besoin. » le remercia le policier en s’éloignant.
« Et c’est peu de le dire… » murmura l’homme en redémarrant. Pour un peu, il en aurait éclaté de rire. Mon Dieu, quelle bande de bras cassés. Encore heureux qu’il les aidait un peu parce que sinon…
Jenny était dépitée. Elle avait compris à quoi les matelas devaient servir : à l’empêcher de révéler à la police sa présence à l’arrière du véhicule. Elle avait eu beau frapper de toutes ses forces, il n’y avait aucun moyen de faire le moindre bruit avec l’épaisseur de mousse qui l’entourait. Et la conversation ! Si elle sortait d’ici vivante, elle aurait deux mots à dire aux membres de la police routière du comté.


    Ça ne faisait pas vingt minutes que Tony somnolait sur sa chaise que le téléphone sonnait. Il regarda vite fait l’identifiant de ses correspondants et décrocha aussitôt qu’il lut ‘‘VPD’’ pour ‘‘Virginia Police District’’.
« Allô. »
« Poste principal du NCIS ? »
« Oui ? »
« J’ai le regret de vous annoncer… »

   Mercredi, 3 a.m., Cuisine de Gibbs,


    Gibbs tournait en rond dans la cuisine. Cela faisait longtemps que Hollis était montée se coucher, après l’avoir attendu toute la soirée. Mais, pour lui, il était hors de question de dormir. Comme si c’était possible, de toute façon, avec tout ça.
Quand son portable sonna, révélant un appel de Tony, il décrocha aussitôt.
« Gibbs ! »
« Patron… »
Il comprit à la voix de Tony que quelque chose n’allait pas.
« Que se passe-t-il, Tony ? »
« Ils ont retrouvé la voiture de Jenny avec une femme correspondant à sa description à l’intérieur… » Il y eut un silence, comme si Tony avait du mal à prononcer le reste de la phrase. « Selon les premières constatations, elle aurait été étranglée… »
Un silence s’en suivit.
« Gibbs ? Patron ? »


    Au bout d’une dizaine de minutes de silence stressant, Tony avait commencé à s’inquiéter.
« Euh, patron ? »
Gibbs reprit le téléphone.
« Je suis là, Tony. »
« J’ai demandé… J’ai demandé qu’ils nous amènent le corps et j’ai prévenu Ducky. Il a dit que… Qu’il ne savait pas s’il serait capable de… faire l’autopsie. C’est à dire… Après Kate… Il… »
« Je comprends. Dis à Ducky que j’arrive… »
« Tu es sûr ? Je veux dire… Tu veux vraiment… ? »
« Evidemment, Tony ! »
« Oui, désolé patron, je… A tout de suite. »
Gibbs raccrocha et se leva.
Hollis s’était rapprochée en l’entendant parler et se tenait dans l’embrasure de la porte. Elle avait tiqué lorsqu’elle avait entendu qu’il allait retourner au NCIS. Et la laisser seule à la merci du cinglé. Pour Elle, encore. Même morte, elle lui gâchait la vie. Incroyable.
« Tu retournes là-bas ? »
« La question ne se pose même pas, Hollis ! »
« Mais pourquoi ? Elle est morte, Jethro ! Qu’est-ce-que ça change que tu ailles là-bas ou pas ? »
Il ne se donna même pas la peine de répondre à une question aussi bête.
« Je suis en vie, moi ! C’est moi qui vis avec toi ! Tu ne t’inquiètes pas de savoir ce que le cinglé pourrait me faire, à moi ? »
« Bien sûr que si, Hollis ! Je m’inquiète de ce que ce type pourrait faire à chacun d’entre vous sans arrêt depuis trois jours ! C’est pour ça que je veux que tu viennes avec moi. »
« Non. C’est toi qui reste. Elle sera toujours morte demain matin. On est au beau milieu de la nuit et il me semble qu’il n’y a pas d’urgence… »
Si elle répétait encore une fois le mot ‘morte’ avec cette désinvolture, il allait vraiment se mettre en colère.
« Très bien ! Si tu veux rester ici, c’est ton problème. Mais ne me demande pas de choisir entre mon équipe et toi ! »
Il ouvrit la porte.
« Si tu pars encore pour Elle, je ne serais plus là quand tu reviendras, je te préviens ! » le menaça-t-elle
Il se retint de hausser les épaules.
A peu de choses près, il avait l’impression de revivre une conversation qu’il avait déjà eue. Avec Diane dans le rôle d’Hollis. Et ça menaçait de se finir exactement de la même manière. Sauf que Diane avait raison d’être jalouse, elle. Pas Hollis. D’ailleurs, pourquoi Hollis était-elle jalouse ? Elle ne pouvait pas savoir pour lui et Jen. Ce n’était quand même pas si évident que ça, qu’ils avaient eu une liaison ! Si ?! Quoique, non, ça ne devait pas être si évident, puisque leur  assassin ne l’avait pas découvert en deux ans d’espionnage. Comment l’avait-il su lui, d’ailleurs ? Quand il les avait entendus se disputer, la veille au soir ? Non, ce n’était pas possible, puisqu'à ce moment là, il le savait déjà. Alors, comment ?
Toutes ces questions tournèrent dans sa tête pendant le trajet jusqu’au NCIS. Garder l’esprit occupé était le meilleur moyen qu’il avait trouvé au fil des années pour continuer à avancer, pour ne pas rester focalisé sur une pensée insupportable. Mais là, ça ne fonctionnait pas. Il n’arrivait pas à repousser l’image de Jen qui ne cessait de s’imposer à lui et l’empêcher de raisonner aussi froidement qu’il le voulait.

 Mercredi, 3h30 a.m., Garage du NCIS,


    Tony attendait la police de Virginie. N’ayant pas l’expérience de Gibbs, il ne parvenait pas à chasser de sa tête les idées noires. Les visages de Jen et de Kate ne cessaient de lui passer devant les yeux. Il avait toujours adoré l’ambiance au sein de leur équipe, cette impression d’être chez lui au NCIS. La mort de Kate avait été un premier bémol. Pour la première fois, il avait découvert le revers de la médaille. Non pas qu’il n’aie jamais perdu un coéquipier avant elle. Mais ce n’était pas la même chose. Là, c’était comme perdre un membre de sa famille. Et ça recommençait. Le vivre une troisième fois ? Il ne pourrait pas. Plutôt changer de métier.
Il se retint de se frapper lui-même derrière la tête. Il n’en revenait pas d’avoir pensé ça. Et pourtant…
Un bruit, derrière lui, le fit se retourner brusquement.
« Ziva ! Tu m’as fait peur ! Qu’est-ce-que tu fais là ? »
« Ça faisait des heures que j’essayais de te joindre ! Je me suis inquiétée ! Et toi, qu’est-ce-que tu fais la ? »
« Désolé, j’avais mis mon portable sur vibreur. »
« Tu ne m’as pas répondu, Tony. Qu’est-ce-que tu fais là ? »
« J’attends. »
Ziva comprit qu’il se passait quelque chose de grave.
« Tu attends quoi, Tony ? »
« Ziva… »
Elle put s’apercevoir qu’il était bouleversé.
« Ils ont retrouvé la voiture de Jenny… »
Pas besoin qu’il ne s’explique davantage pour qu’elle comprenne.
« NON ! »
Elle n’eut pas le loisir de le questionner davantage car le van de la police arrivait.


    Ziva entra brutalement dans la morgue. Visiblement, elle avait couru. Ducky se leva et la regarda, partagé entre l’étonnement et l’angoisse.
« Désolée, Ducky, l’ascenseur était trop long alors j’ai pris les escaliers. Ce n’est pas Jenny, Ducky ! »
Le vieux docteur retomba sur son siège de soulagement.
« Mon Dieu, merci. Je n’aurais pas pu faire une deuxième autopsie comme celle de Kate, de toutes façons. » Puis, se reprenant, « Mais, qui est-ce, alors ? »
« Nous n’en avons pas la moindre idée… »
Les portes s’ouvrirent de nouveau, mais sur Tony et le chariot mortuaire, cette fois. Tony était toujours aussi sombre. La joie de savoir que ce n’était pas Jenny avait été rapidement éclipsée par deux choses. Un, le fait qu’on ne savait toujours pas où elle était et si elle allait bien et deux, le rapport succinct que lui avait fourni le coroner de la police était loin d’être réjouissant. Il ne s’était pas contenté de l’étrangler, il l’avait violée, avant. Et ça, ça n’était pas bon signe. Pas bon signe DU TOUT.
« Euh, Tony ? »
« Hum ? » Il revint à la réalité en entendant Ducky s’adresser à lui. « Oui, Ducky ? »
« Je disais : où sont ses vêtements ? »
La jeune femme portait une tenue militaire de la marine, beaucoup trop grande pour elle. Pas ce qu’une femme mettrait le matin pour sortir. Pas ce qu’une femme mettrait tout court, d’ailleurs, même en servant dans la marine.
« Tout est là… »
« Je vois… Notre homme voue décidément une passion malsaine à la marine… »
« A la marine… ou à Gibbs… »
« Pourquoi tu dis ça, Ziva ? »
Elle désigna les mains de la jeune femme. Au dessus des marques des liens, sur les deux poignets, étaient lisibles les mots ‘‘Property of L.J.Gibbs’’, tatoués au feutre indélébile avec beaucoup d’application.
Ducky y jeta rapidement un œil.
« Ces… mots ont été ajoutés post-mortem, après que les liens qui entravaient notre inconnue n’aient été ôtés, comme le prouve le fait que le marqueur recouvre les traces de brûlures causées par ces même liens. »
Il retourna le corps de manière experte et commença à le dévêtir. Il examina quelques secondes la veste militaire d’un air dubitatif.
« Il semblerait que la théorie de Ziva soit la bonne, en effet… »
Il leur montra le haut de la veste. A l’endroit où certains marins cousent habituellement leur nom, un feutre noir avait servi à écrire ‘‘Hollis Mann’’, qui avait ensuite été raturé, puis, en dessous, ‘‘Jennyfer Shepard’, parfaitement lisible.
« Ça prouve surtout qu’il a eu l’intention de s’en prendre à Hollis et qu’il a changé d’avis pour s’en prendre à Jenny… » fit remarquer Tony. « La question est : pourquoi ? »
« Parce qu’il est fou ? » proposa Ziva.
« Les fous ne font rien sans raison, Ziva, c’est connu. Surtout les fous assassins. » lui répondit doctement Tony.
« Les fous, faire les choses avec raison ? C’est la chose la plus stupide que je n’ai jamais entendu ! »
« J’ai pas dit ‘‘avec raison’’, j’ai dit ‘‘pas sans raison’’… »
« C’est la même chose, Tony. »
« Non, Ziva, Tony a raison. Ce n’est pas parce que nous ne voyons pas de logique à son comportement qu’il n’y en a pas. La plupart des personnes… disons, mentalement dérangées et socialement inadaptées, suivent au contraire une logique très stricte et c’est ce qui nous donne l’impression qu’elles sont folles, pour reprendre votre terme. D’ailleurs la plupart des désordres comportementaux décrits par Freud et Charcot, qui furent les premiers à s’y intéresser au début du XXe siècle, sont des désordres de type maniaque… »
« Je suis sûr qu’il y a une excellente raison pour que tu sois en train de discuter au lieu de pratiquer l’autopsie au plus vite, Ducky, mais pour l’instant, cette raison m’échappe. »
Gibbs venait d’entrer dans la morgue.


    Quand Tony l’avait appelé pour lui dire qu’il ne s’agissait pas de Jen, il avait eu l’impression de recommencer à respirer. Un peu comme s’il s’était arrêté jusque-là et qu’il ne s’en était pas aperçu. Mais comme pour Tony, le soulagement avait été de courte durée.
« Heu, oui, c’est ce que j’étais sur le point de faire, Jethro. »
Tony lui tendit le rapport du coroner. Ducky le parcourut rapidement et se rembrunit.
« Très bien, je vais m’occuper de ça… »
« Que se passe-t-il, Ducky ? »
« Oh, d’après mon honorable collègue, il semblerait que notre inconnue ait été… abusée avant d’être étranglée. »
Tony et Ziva virent Gibbs serrer les poings, afin de maîtriser sa colère.
Ducky lui montra ensuite les détails que Ziva et lui venaient de découvrir.
Tony posa la question qui le tourmentait depuis qu’il avait lui-même lu le rapport du coroner.
« Pourquoi l’a-t-il violée ? Je veux dire pourquoi prendre un tel risque ? Son but semble être de nous prouver qu’il est capable de nous atteindre, ce qu’il a fait en s’en prenant à Jenny. Mais pourquoi violer cette fille ? Ça ne suit pas la logique qu’il s’était imposée jusque-là ! »
Ducky sembla sur le point de dire quelque chose, mais se tut devant le regard de Gibbs.
Tony insista.
« Et pourquoi a-t-il changé d’avis et s’en est-il pris à Jenny plutôt qu’à Hollis ? »
Ducky se tourna vers Gibbs et désigna le corps de la jeune femme.
« Celui qui a fait ça est au courant pour toi et… ? »
Gibbs acquiesça. Ziva hocha la tête en signe de compréhension.
« Comment ? » demanda encore Ducky.
Gibbs haussa les épaules.
« Parmi ceux qui savent vraiment, personne n’aurait pu en parler à un inconnu ! » intervint Ziva.
« Reste à savoir qui sait vraiment. Sans compter tous ceux qui ont pu entendre des conversations et deviner… »
« Ah, oui, là, ça fait tout de suite beaucoup plus de monde… »
« Mais LUI ne l’a appris qu’hier ou avant-hier, c’est pour ça qu’il a changé ses plans. »
« On en revient à notre première interrogation : ‘‘comment’’ ? »
« Sauf que c’est plutôt ‘‘qui’’ que nous recherchons maintenant. »
Ziva, Gibbs et Ducky redevinrent silencieux.
Tony avait suivi l’échange sans en comprendre le sens. Il se demandait si c’était parce qu’il était fatigué ou parce qu’on lui cachait réellement quelque chose. 
Gibbs réfléchissait. Il avait l’impression que la réponse se trouvait sous ses yeux. Qu’ils avaient toutes les pièces du puzzle sans réussir à les assembler. Ses yeux portèrent sur la veste de marin. C’était une coupe féminine. Une vraie veste de la marine. Il l’attrapa brusquement et passa doucement la main sur les galons surmontés d’une feuille de chêne argentée. Grade de lieutenant colonel dans l’US Marine Corps (*). Il examina les noms calligraphiés. Celui d’Hollis était grossièrement barré, mais encore lisible. Tout s’éclaira soudain.
« Ce n’est pas la même écriture… » murmura-t-il soudain.
« Comment ? »
« Les noms, ce n’est pas la même écriture ! »
Il tendit la veste à Ziva qui remarqua en effet que l’écriture différait même si on voyait que celui qui avait écrit le nom de Jenny s’était appliqué à recopier la première écriture.
« Mais… Mais qui a écrit le nom d’Hollis, alors ? »
Gibbs lui montra les galons.
« Elle-même… Il s’agit d’une veste lui appartenant, Ziva. Appelez Abby et dites lui de venir analyser ce que Ducky trouvera. »
Puis, il se tourna vers Ducky.
« Quand est-ce-que tu as parlé de moi et Jen à Hollis ? »
« Euh, et bien, c'est-à-dire… »
« Quand, Ducky !? » s’impatienta Gibbs.
« Je ne sais plus… Il y a deux semaines, peut être trois, elle est descendue et a demandé à assister à une autopsie. Je n’avais pas de raison de lui dire non, tu vois, d’autant plus qu’elle avait l’air… »
« La version courte, s’il te plaît, Ducky ! »
« Oui, donc, on a discuté. Elle m’a demandé comment je t’avais rencontré et où… Et de fil en aiguille, on a fini par discuter des missions que tu as faites en Europe en général et de la mission française en particulier. Et euh, c’est à ce moment là que l’histoire de ta liaison avec Jenny a du m’échapper… »
Tony ouvrit de grands yeux en se retenant de crier ‘‘je le savais !!’’. Il se tourna vers Ziva pour échanger sa réaction avec elle, mais elle n’avait pas l’air surpris ni étonné le moins du monde.
« Abby va arriver. » déclara-t-elle en raccrochant son portable sans daigner réagir aux signes de Tony.
« Très bien. Vous lui remettrez les vêtements et tout ce que tu pourras trouver, Ducky. Qu’elle s’en occupe au plus vite ! »
L’ascenseur se referma sur lui. Tony et Ziva n’avait pas besoin de demander où il allait : tirer les choses au clair avec Hollis.


    Quand Tony fut certain que l’ascenseur était bien parti, il se tourna vers Ziva.
« Tu le savais ! Avoue ! »
« Quoi donc, Tony ? » demanda innocemment Ziva.
« Que Jenny et Gibbs avait eu une liaison ! »
« Evidemment, Tony ! J’ai profilé Gibbs, tu te rappelles ? Tu crois que j’aurais découvert pour sa première femme et pas pour ça ? »
« Et tu ne m’as rien dit ! » s’offusqua Tony.
« Non. Je ne vois pas en quoi ça te concernait, Tony ! »
« On travaille ensemble, Ziva ! On devrait pouvoir tout se dire ! »
« Alors ça, c’est l’hospice qui se moque de la charité, Tony… ‘‘Jeanne’’ et ‘‘la Grenouille’’, ça te dit quelque chose ? »
Il ne releva même pas l’erreur qu’elle venait de commettre.
« Ce n’était pas la même chose, ça, Ziva ! J’avais ordre de ne pas vous en parler ! Sinon, je t’aurais tout dit ! »
Elle le regarda en haussant les sourcils.
« Bon, d’accord, peut être pas tout mais beaucoup, en tout cas ! »
McGee arriva sur ces entrefaites, avec une expression courroucée.
« Ziva ! Ca va faire une heure que je t’attends là haut à me demander ce qui se passe, je te signale ! »
« Ah, oui. Désolée, McGee, je t’avais oublié… mais… » s’excusa-t-elle.
« Merci, ça fait plaisir ! » bougonna-t-il, la coupant.
« Bon, tu veux savoir ce qui se passe, ou pas ? » rétorqua Ziva.
« Bien sûr que oui ! »
« On a retrouvé la voiture du directeur… avec le corps d’une femme à l’intérieur… » commença-t-elle.
Devant la tête qu’il faisait, elle s’empressa d’ajouter :
« Ce n’était pas le directeur, McGee… Elle a été violée et habillée avec une tenue militaire qui s’est avérée être celle d’Hollis Mann. C’est probablement Hollis qui a du décider notre assassin à s’en prendre à Jenny après qu’elle ait révélé que Jenny et Gibbs ont eu une liaison.»
McGee était abasourdi.
« Vous avez découvert tout ça en si peu de temps ? Et comment Hollis a-t-elle su pour leur liaison ? C’est quand même pas toi qui lui as dit, Ziva ? »
« Une minute, le bleu. T’étais au courant ? »
« Bah, oui, Tony… Pas toi ? »
« Je m’en doutais mais personne ne s’est donnée la peine de me le confirmer officiellement…» Il secoua la tête et se reprit. « Là n’est pas la question ! Comment tu l’as su, toi ? »
« Euh, par Ziva… »
Tony se tourna vers l’accusée et plissa les yeux.
« Tu l’as dit à McGee et pas à moi ?! A McGee ! »
« Non, je ne l’ai pas dit à McGee. Il m’a posé la question et je n’ai pas démenti, nuance…. »
Elle lui fit un grand sourire faussement ingénu qui agaça Tony encore davantage.
« Tu te moques de moi, là ? » Se tournant vers Ducky. « Elle se moque de moi, là, Ducky, n’est ce pas ? »
Ducky continuait tranquillement son autopsie sans sembler tenir compte de la discussion.
« Oh, ne me mêle pas à ça, Tony, je t’en prie. J’ai passé l’âge d’être pris à parti comme ça. La dernière fois que c’est arrivé, il a fallu six mois à Gibbs pour me pardonner ! »
« Te pardonner quoi ? »
« D’avoir donné raison à Jenny sur une broutille. C’est incroyable comme vous leur ressemblez. Ils passaient leur temps à se chamailler, comme vous. »
Tony et Ziva se regardèrent et eurent une expression proche du dégoût.
Ducky sourit. « Si, si, je vous assure, vous leur ressemblez beaucoup. C’est à peu de choses près l’expression qu’ils ont eu quand ils ont appris qu’ils allaient devoir travailler ensemble. Je m’en souviens très bien, on avait découvert le corps d’un marin pas loin d’ici, il avait été cloué… »
« On ne peut avoir une relation avec quelqu’un avec qui on se dispute tout le temps, enfin, Ducky ! » le coupa Tony, l’esprit encore focalisé sur Jenny et Gibbs et revoyant leurs désaccords permanents sur… Sur tout, en gros.
« Tu crois, Tony ? Ça, c’est parce que tu oublies l’avantage de se disputer… »
Ziva et Tony se regardèrent à nouveau.
« Qui est ? »
« …De pouvoir se réconcilier, bien sûr. »
McGee sourit devant l’air horrifié que fît Ziva à cette seule pensée.
« Moi et Tony ? Sérieusement, Ducky ? Ça n’arrivera jamais !»
« L’expérience m’a appris qu’il ne faut jamais dire jamais, Ziva. » lui dit Ducky en lui tendant un petit plateau sur lequel étaient posés divers flacons. « Pour Abby, quelques échantillons. Je suis confiant, cette fois-ci. Je pense que nous allons pouvoir retrouver notre homme… »

 Mercredi, 3h55 a.m., Laboratoire d'Abby,

    Abby débarqua cinq minutes plus tard dans son laboratoire où l’attendait la fine équipe. Elle était encore en pyjama (un affreux truc informe, selon la pensée, informulée bien sûr, de Tony) et avait l’air de très mauvaise humeur.
« Quelque chose ne va pas, Abby ? » demanda prudemment McGee.
« Mais non, Tim, tout va très bien, voyons ! Je suis chez moi en train de me ronger les sangs depuis des heures et Ziva m’appelle pour m’annoncer des analyses à réaliser de toute urgence sur les prélèvements que Ducky est en train de réaliser sur le corps, et puis elle raccroche, comme ça ! »
« T’as pas fait ça, Ziva ? »
« Excuse-moi, Abby ! Je n’ai pas pensé que ça allait t’inquiéter sur le moment. »
« Ah non ? Et bien, tu aurais du ! Heureusement que j’ai eu Gibbs, sinon, tu aurais sans doute eu ma mort sur la conscience ! Je pleurais tellement que je ne voyais plus la route ! »
Ziva s’excusa une nouvelle fois.
« Bon, où sont ces fameux prélèvements ? » Elle regarda rapidement ce que Ducky avait préparé pour elle et attrapa un petit flacon à bouchon rose. « Je crois bien qu’on va avoir ce sale type, cette fois-ci… »


    Hollis avait rassemblé toutes ses affaires (qui n’étaient pas nombreuses) et avait pris sa voiture en direction de chez elle. Mais avant d’y arriver, elle avait changé d’avis. Ce n’était plus qu’une question d’heures (peut être moins) avant que Jethro ne découvre à quel point elle était impliquée dans l’enlèvement de sa chère Jenny. Elle savait qu’il faudrait qu’elle paye pour ça. Mais pas maintenant. Non, il était hors de question qu’elle ne se rende avant d’avoir assister à l’enterrement de sa rivale, elle s’en faisait le serment. Elle fit brusquement demi-tour. Elle savait exactement où aller pour ne pas être retrouvée. Du moins, pas tant qu’elle ne l’aurait pas décidée.


    Gibbs avait continué d’espérer qu’il s’agissait d’un malentendu. Qu’il existait une autre explication, dans laquelle Hollis était innocente. D’abord parce qu’il l’aimait... bien, disons. Et ensuite, parce qu’il avait toujours eu la capacité de juger du caractère des gens au premier coup d’œil et que l’idée qu’il ait pu se tromper à ce point sur elle était difficile à admettre pour son amour propre. Mais il n’y avait aucune trace d’elle où que ce soit, ni chez lui ni chez elle. Son portable était éteint et sa voiture n’était plus là. Il fallait se rendre à l’évidence, elle était impliquée de manière certaine dans tout ça. Jusqu’à quel point, Gibbs l’ignorait. Mais retrouver Hollis n’était pas une priorité pour le moment, loin de là. La priorité, c’était Jen et pas Hollis. Si la situation n’était pas aussi dramatique, elle en serait presque cocasse. Encore une fois, pathétique.   

    Gibbs entra dans le labo avec sa tête des (très) mauvais jours.
« Gibbs ! »  s’étonna Abby. « Déjà ? »
Seul un regard noir lui répondit.
« Quelque chose ne va pas, patron ? » se risqua à demander McGee, ce qui lui valut une grimace de Tony.
« J’espère pour vous tous que Abby a trouvé quelque chose… » fut la seule réponse qu’il obtint.
« Euh, oui et non… » Devant la tête de son patron, elle se reprit. « Je veux dire, plutôt oui que non, mais… »
Haussement de sourcils de Gibbs.
« D’accord, alors voilà. Quand il a violé la jeune femme, notre inconnu n’a pas pris la peine d’utiliser un préservatif…  Donc, Ducky a trouvé du sperme, des poils pubiens… Bref, un vrai cadeau à une fille comme moi… » Elle remarqua la drôle de tête que fit Tony à ces mots. «  Je veux dire une scientifique, Tony ! Qu’est ce que tu as l’esprit mal placé, quand même ! »
« Abby ! » la rappela à l’ordre Gibbs.
« Euh, oui, désolée. Donc, j’ai obtenu un magnifique séquençage ADN de notre gars… »
« Je ne comprends pas. » intervient Ziva. « Il a pris des milliers de précautions avec tous les premiers meurtres et là, il nous livre son identité sur un plateau… »
« Pas exactement, Ziva. C’est là que le bât blesse, justement. L’ADN ne nous donne pas de nom, pas même un visage… Du moins, tant que la personne n’est pas fichée génétiquement dans le cas d’un délit. Et c’est le cas ici… »
« Donc, tout cela ne nous sert à rien, Abby. C’est ça que tu essaies de me dire. »
« Ben, plus ou moins… »
« Alors, pourquoi ne pas me dire directement que tu n’as rien et qu’on peut tous remonter dans nos bureau en attendant que ce cinglé nous appelle pour nous dire qu’il a tué Jenny, hum ? »
L’équipe n’avait jamais vu Gibbs aussi en colère.
« Nnnon, mais j’ai découvert aussi autre chose. Les analyses toxicologiques que j’ai effectuées  sur les échantillons organiques ont révélé des traces infimes de BL1020. Il s’agit apparemment d’un médicament utilisé dans le traitement de la schizophrénie. Mais les quantités détectées laissent supposer qu’il y a un moment que notre homme n’est plus sous traitement… »
Tony jeta un œil sur Gibbs avant de s’exprimer :
« En gros, Abby, tu nous annonce que ce cinglé est schizophrène et qu’en plus, il ne suit pas son traitement ? C’est censé être une bonne nouvelle, ça ? T’aurais mieux fait de nous le cacher ! »
Une claque derrière la tête lui arracha un ‘aïe’ retentissant.
« Je vais me chercher un café. Vous avez cinq minutes pour me trouver quelque chose. N’importe quoi. »
« Oh, Gibbs, ramène moi un soda, s’il te plaît. »
Regard noir.
« Oui, tu as raison, je peux m’en passer, finalement. »


    McGee se précipita sur l’ordinateur et remit son casque pour réécouter le message téléphonique du tueur.
Ziva regardait autour d’elle, consciente qu’il n’y avait rien qu’elle puisse faire. Et elle détestait ne rien pouvoir faire. C’était contraire à sa nature. 
Abby regardait le résultat de ces analyses avec minutie, désolée qu’elle n’apporte rien de concret à leur recherche. Tony se massait encore l’arrière du crâne.
« Aïe. Gibbs devrait suivre un traitement expérimental sur la gestion du stress. Se défouler sur ses subalternes n’est pas… »
« MAIS OUI ! C’EST CA ! » s’exclama brusquement Abby faisant sursauter McGee concentré sur le message téléphonique. « Tony, tu es un génie. »
« Je sais, merci. » se rengorgea l’intéressé. « Mais pourquoi ? »
« Parce que... » Elle hésita. « Hum, je n’en suis pas sûre encore, mais je viens d’avoir une idée. »
« Excellent, Abby ! J’espère pour toi qu’elle est bonne… »
Elle se retourna pour voir Gibbs s’approcher avec un grand verre de son soda favori.
« Ne me fais pas regretter de te l’avoir apporté, s’il te plaît. » Se tournant vers ses trois agents. « Laissez Abby travailler. Vous avez sûrement encore des détails à vérifier ?»
Ziva savait que ce n’était pas le moment de protester mais elle se retint à grand peine.
« Euh, Gibbs, je vais avoir besoin de McGee… » indiqua Abby.
« Accordé ! McGee, aidez Abby. Obéissez à ses moindres caprices. »
Abby regarda McGee avec un grand sourire qu’il lui rendit.

    Mercredi, 4h55 a.m., QG du NCIS,


    Ziva remuait sur sa chaise, énervée de ne rien faire et de ne pouvoir faire que ce rien.
« Ziva ! Arrête avec cette chaise ! Ce bruit va me rendre dingue ! »
Ziva fit bouger sa chaise de plus bel.
Tony soupira. Ils étaient tous à cran. Les nerfs tellement à fleur de peau que la simple sonnerie de son téléphone manqua de le faire tomber de sa chaise.
« Agent DiNozzo, NCIS. »
« … »
Le cœur de Tony rata un battement.
« Difficile de vous oubliez, officier. Vous avez découvert un autre corps ? »
Ziva et Gibbs relevèrent la tête et le fixèrent avec appréhension.
« … »
« Ah, Dieu merci. »
Il fit un signe de dénégation en direction de Gibbs et Ziva qui poussèrent un soupir de soulagement.
« Alors quel est le problème ? »
« … »
La réponse dura un moment.
« Il s’appelait COMMENT ?! » 
« … »
«  Et vous n’avez pas eu la présence d’esprit élémentaire de lui demander ses papiers ? »
« … »
« Ah, évidemment, puisqu’il ne conduisait pas une Mercedes noire, il n’était pas suspect… » ironisa Tony. « Mais dans la mesure où il vous a fourni des renseignements relativement précis, ça aurait pu vous alerter ! »
« … »
« Il était pressé ? Vous m’étonnez ! Quand on est recherché pour cinq meurtres et l’enlèvement du directeur d’une agence fédérale, on ne doit pas avoir beaucoup de temps pour discuter avec la police du coin… »
« … !!! »
« Il s’est présenté de lui-même et n’avait pas un comportement suspect… Si vous n’arrêtez que les gens au comportement suspect, vous ne devez pas arrêter grand monde, officier Lewis. »
Gibbs fit signe à Tony d’abréger la conversation. Si elle durait ne serait ce qu’encore une minute, il ne répondait plus de ses actes.
« Nous vous attendons dans 10 minutes au NCIS pour la réalisation d’un portrait robot, officier ! »
« … »
« 10 minutes ! »
Et il raccrocha.
« C’était l’officier qui a découvert le corps de la jeune femme et la voiture de Jenny. »
Gibbs fronça les sourcils.
« Oui, vous vous en doutiez. Ils ont pu retrouver la voiture grâce à témoin qui leur a dit avoir vu une Mercedes noire se diriger à vive allure vers le centre commercial du coin à une heure tardive. Sur le coup, ils ont laissé partir ce témoin en se contentant de lui demander son nom… » Il marqua une pause. « Mr Todd Caitlin. »
Gibbs frappa du poing sur la table.
« Il se moque de nous, en plus ! »
« L’officier avec qui il a discuté va venir pour nous donner un portrait robot… »
« Comment se fait il qu’il ait fallu autant de temps à cet officier pour s’inquiéter de ce témoin tombé du ciel ? »
« Si j’ai bien compris, quand son chef a vu son rapport, il a demandé qu’on convoque sur le champ notre fameux témoin pour prendre sa déposition en bonne et due forme…  C’est là qu’ils ont découvert qu’il n’existait aucun Todd Caitlin, nulle part dans cette partie des Etats Unis. »
Gibbs soupira. S’il en avait le pouvoir, il dirait deux mots à ceux qui géraient les agents de la police de Virginie.


    Jenny se redressa tant bien que mal. L’homme l’avait menottée aux barreaux en fer d’un grand lit à baldaquin avant de fermer la porte à clef et de redescendre en lui promettant de revenir bientôt. Du point de vue de Jenny, le plus tard serait le mieux. Elle fit le tour de la pièce du regard. A première vue, c’était une chambre, ainsi que le lit le laissait supposer. Une chambre surchargée de rideaux, de dorures, de bibelots en tout genre, de gros fauteuils débordants de coussins et agrémentés de poufs, de fleurs dégageant une odeur douceâtre et entêtante… 
Le sol était recouvert de tapis d’inspiration orientale et les murs étaient tendus de brocard rouge aux motifs dorés. Le lit  possédait des draps probablement en satin que recouvraient  partiellement un lourd damassé richement orné. On se serait cru sous la tente d’un sultan perse du VIIe siècle, sauf qu’elle ne tenait pas DU TOUT à jouer le rôle de la courtisane.
Il y avait eu quatre fenêtres, mais trois d’entre elles avaient été murées et les nombreux rideaux qui les encadraient ouvraient sur des murs aveugles. Le dernière fenêtre, la plus éloignée du lit auquel elle était enchaînée, n’était certes pas murée mais fermée définitivement par de gros rivets dorés desquels pendaient des fanfreluches colorées. En levant les yeux vers le plafond, elle se rendit compte –avec horreur- qu’il était couvert de miroirs. Les lumières de la pièce, tamisées et dans les teintes rouges, rendaient l’atmosphère encore plus étouffante.
Elle tira de toutes ses forces sur les menottes dans l’espoir de les faire céder, elles ou le barreau du mit, mais il s’agissait de matériel solide et ils ne bougèrent pas.
Elle entendit un vague bruit de moteur décroître. Elle poussa un soupir de soulagement.  L’homme était sorti, ce qui lui laissait un moment de répit.


    Si l’homme était sorti, c’est parce qu’il avait enfin décidé, après moult hésitations, qui serait sa première victime. Ce serait l’agent David. Après tout, cette dernière avait quand même beaucoup insisté pour être la première. Et puis, comme disent les français, ‘les dames d’abord’, n’est ce pas ?
Son regard glissa sur le siège passager sur lequel était posée une arme de poing de gros calibre. Sa fierté. Il avait eu beaucoup de mal à l’avoir. C’était du matériel militaire, par conséquent réservé à l’armée et extrêmement difficile à se procurer pour un civil. Mais, à force de persévérance –et de... persuasion-, il l’avait obtenue. Il avait rêvé d’en posséder une depuis le jour où il avait appris le surnom qui était attribuée à cette arme : ‘‘the cops killer’’, autrement dit ‘‘la tueuse de flics’’. Elle était surnommée comme ça pour la simple et bonne raison qu’elle était suffisamment puissante pour transpercer le kevlar des gilets par balle comme une motte de beurre. Elle pouvait même transpercer une vitre blindée pour peu qu’elle fît moins de cinq centimètres d’épaisseur. Hélas pour ses… Proies ? Cibles ? -Non, non, trop rabaissant, pour lui comme pour elles. Ses adversaires, voilà.- Hélas pour ses adversaires, les vitres du NCIS n’atteignaient pas cette épaisseur. Dommage.

   

 Mercredi, 5h15 a.m., Laboratoire d'Abby,

 

    Abby était surexcitée. Enfin, elle l’avait trouvé. Cet (ex) inconnu qui s’était tant moqué d’elle et de sa science, elle le tenait enfin.
« Gibbs ! Tu arrive pile au bon moment, j’allais t’appeler ! Je crois que j’’ai trouvé… »
« Hum, hum » toussota McGee, signalant sa présence.
« Oui, qu’on a trouvé le nom de notre inconnu ! »
Tony surgit derrière Gibbs, accompagné de Ziva.
« Et nous, patron, on a enfin un visage ! »
« Hey, j’étais la première sur ce coup, Tony ! » s’indigna la jeune gothique. « Donc, Gibbs, tu te souviens du médicament dont je t’ai parlé ? Le BL1020 ? Et bien, grâce à Tony, qui a dit que tu devrais prendre un traitement expérimental pour lutter contre le stress, je me suis souvenue que ce médicament en est encore à sa phase de test ! Ce qui signifie qu’il n’est que très peu prescrit et que les patients qui le prennent sont forcément suivis par un institut psychiatrique… J’ai donc recherché quels établissements ont été autorisés à le prescrire dans la région… Et il n’y en a qu’un seul : le Memorial Psychiatric Hospital de Washington. C’est là que McGee entre en jeu… »
McGee prit le relais de l’explication :
« J’ai craqué les codes d’accès du département de recherche clinique de cet hôpital –ce qui est tout à fait illégal, soit dit en passant- pour accéder à la liste des personnes incluses dans l’essai. Il y en a plus de 1500, répartis dans 5 états, mais j’ai ciblé les patients ‘perdus de vue’ puisque Abby nous a dit que l’homme ne suivait plus son traitement. La liste se réduit considérablement… A sept personnes, exactement. Quatre ont déménagé sur la côte Ouest, un a cessé le traitement pour effets secondaires indésirables –il est hospitalisé en ce moment à la clinique- un sixième est en voyage pour un an au Japon … Il ne nous reste qu’un seul candidat : Mark Hamilton, né le 18/10/1968. Il ne s’est pas présenté à ses quatre derniers rendez vous. C’est un homme blanc de 1m81 souffrant de schizophrénie de stade II. Considéré comme non dangereux pour lui ou pour les autres jusqu’à présent, à condition qu’il soit sous traitement bien sur. Il est précisé dans son dossier qu’il a voulu renoncer au traitement expérimental pour revenir à son ancien traitement. » 
« Pas de photos ? Pas d’adresse ? »
« Non, désolé, patron, mais ce sont des enquêtes anonymes, seul le nom, la date de naissance et le suivi sont notés dans les dossiers. »
« Et toi, Tony ? »
« J’ai un visage, mais pas de nom. En tout cas, l’officier Lewis s’en est bien sorti avec le portrait robot. Il a formellement reconnu notre ‘témoin’ sur ce dessin. » répondit Tony en lui tendant le dessin réalisé selon les indications de l’officier Lewis. « Il s’agit d’un homme de type caucasien, brun… Il faisait nuit, mais l’officier pense qu’il avait les yeux marrons. Il conduisait un véhicule utilitaire blanc de la marque Ford, du type camionnette. La plaque était immatriculée ANN…  quelque chose, une plaque de l’état de Virginie. Il s’en souvient parce qu’Ann est le nom de sa fille. »
Ziva eut soudain une idée.
« Son permis de conduire ! S’il a été délivré dans cet état, on devrait obtenir sa photo et son adresse ! »
McGee se précipita sur l’ordinateur et rentra dans la base de données de la police routière de Virginie. Il tapa à toute vitesse ‘Mark Hamilton’  et ‘ANN XXXX’.
L’ordinateur fit défiler des centaines de permis à toute vitesse. Dix paires d’yeux fixaient l’écran avec anxiété, attendant une réponse de sa part. Enfin, après un temps qui leur parut une éternité, mais qui avait duré au plus quinze secondes, une image apparut sur l’écran. Le permis de conduire de Mark Hamilton. L’homme les fixait de son regard torve aux pupilles étrangement fines. Tony plaça le dessin à côté de l’image. Il n’y avait plus aucun doute à avoir quant à l’identité de leur kidnappeur : il s’agissait bel et bien de Mark Hamilton.
« L’adresse indiquée sur ce permis est elle toujours valable ? »
« Une seconde, patron, je vérifie… »
McGee pianota sur le clavier quelques secondes supplémentaires avant de répondre par l’affirmative.
« Oui, aux dernières nouvelles, il habite toujours au 4387, Avenue Abraham Lincoln, Norfolk. »
« C’est à à peine à quelques minutes d’ici… »
« Ce qui explique la facilité avec laquelle il a pu recueillir toutes ses informations sur nous… »
« Tony, Ziva, McGee, allez chercher vos affaires immédiatement. Je veux que vous mettiez un gilet par balles… C’est un ordre, Ziva ! » ajouta t’il en la voyant prête à protester.
Les trois agents se précipitèrent dans l’ascenseur.


    L’homme se posta sur le petit promontoire qu’il avait repéré au cours de ses nombreuses visites. De là, il avait une vue imprenable sur le bureau de Ziva. Et il était quasiment invisible aux yeux d’éventuels passants, encore que, à cette heure ci, il n’y ait pas grand-chose à craindre.
Il regarda rapidement autour de lui. Personne. Pas même un minable gardien de nuit pour surveiller les abords de l’agence fédérale. Il y avait les caméras, bien sûr, mais un gosse de cinq ans trouverait le moyen de les éviter.
Il se concentra de nouveau sur l’intérieur du bâtiment et ajusta sa visée. Il faisait encore trop sombre pour que celle-ci soit parfaite, mais largement suffisante cependant pour ne pas la manquer quand elle entrerait dans sa ligne de mire.


    Tony sortit de l’ascenseur et se dirigea vivement vers son bureau. Perdu dans ses pensées, il dépassa machinalement la jolie brune et se baissa pour ouvrir son tiroir afin de récupérer au plus vite ses affaires. Enfin, ils allaient pouvoir mettre fin aux agissements de leur agresseur et retrouver Jenny. Saine et sauve, cela va de soi.


    L’homme vit la silhouette gracile s’encadrer parfaitement dans son viseur. Il tira une seule fois et vit la jeune femme s’effondrer, mortellement touchée. Sans attendre davantage, il ramassa l’arme et rejoint sa voiture qu’il avait laissé tourner dans une ruelle adjacente. Moins d’une minute plus tard, il avait déjà disparu dans les premières brumes matinales.


    Tony avait sursauté en entendant l’impact de la balle traversant la vitre. Il avait relevé les yeux et son regard avait croisé celui de Ziva. Un regard aussi surpris que devait l’être le sien. Pendant quelques dixièmes de secondes, le temps sembla figé. Puis la jeune femme touchée par le projectile s’effondra. Un silence de mort s’abattit sur la pièce. Jusqu’à ce que la vitre cède, dans un bruit de fin du monde.


    Ziva n’arrivait pas à comprendre ce qui venait de se passer. Ou plutôt, elle n’y arrivait que trop bien. C’était elle qui aurait du se trouver étendue là, sans vie, pas cette fille. C’était elle que le tueur visait. Il eut suffit que la jeune femme fût blonde, ou qu’elle ne se soit pas trouvée là à ce moment précis et c’est elle que la balle aurait atteinte de plein fouet. Elle eut un vertige et dut s’appuyer sur le bureau. On a beau être un ex-agent du Mossad surentraîné et clamer haut et fort que l’on méprise la mort, savoir que l’on vient d’y échapper d’un cheveu fait quand même un choc.


    Tony fut le premier à sortir de sa stupeur. Il se précipita sur la jeune femme étendue sur le sol. Il la retourna délicatement et la reconnut. Elle s’appelait Yasmina Benali et travaillait au NCIS. Elle était chargée d’apporter le courrier une fois qu’il avait été vérifié, entre autres. La balle lui avait traversé la nuque. Son visage exprimait un profond étonnement et ses yeux ouverts semblaient demander à Tony pour quelle raison elle se trouvait étendue là. Il se redressa brusquement lorsqu’un McGee essoufflé réapparut.


    Lorsque le coup de feu était survenu, McGee venait à peine de sortir de l’ascenseur. Il avait suivi des yeux la trajectoire de la balle en sens inverse et avait vu une silhouette s’enfuir à toutes jambes dans la nuit. Sortant son arme de service, il s’était aussitôt précipité à sa poursuite, mais le temps qu’il sorte du bâtiment, il ne put voir que les feux arrières d’un véhicule qu’il estimait être une camionnette blanche s’éloigner à toute allure.
« Alors ? » demanda Tony.
« Je n’ai rien pu faire, il avait son véhicule garé tout près d’ici. Une camionnette blanche, d’après le peu que j’ai pu en voir. »
« Encore et toujours lui ! Il va payer pour ça… » murmura Ziva d’un air menaçant. Ce meurtre était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Maintenant, quoi qu’il arrive, elle allait trouver un prétexte suffisant pour justifier sa mort.
Un bruit derrière eux les fit tous se retourner brutalement et ils virent arriver Gibbs, son arme à la main.
« Tony ? Ziva ? Qu’est-ce qui s’est passé, ici ? »


    Gibbs s’apprêtait à descendre au garage pour y attendre ses agents lorsqu’un bruit épouvantable de verre brisé avait retenti. Craignant le pire, il s’était précipité dans les escaliers pour voler au secours de ses agents. Quel ne fut pas son soulagement, en arrivant à l’étage, de les voir tous sains et saufs. Encore un coup de ce genre et leur agresseur pourrait se vanter d’avoir réussi à le tuer, au bout du compte. D’une crise cardiaque.
« Notre cher ami Mark est venu nous rendre une petite visite, mais ce n’était pas de courtoisie. » Tony désigna la pauvre Yasmina. « Il en avait visiblement après Ziva. Il a vu une femme brune poser un document sur le bureau et il a cru que c’était sa cible. »
« Comment pouvez-vous être sur que ce n’était pas effectivement cette fille qui était visée ? »
« J’ai examiné l’endroit d’où il a tiré, patron. Il était possible de distinguer facilement des silhouettes mais pas d’identifier clairement un visage. » intervint McGee. « En plus, j’ai tout juste eu le temps de voir le véhicule du tireur s’éloigner et il s’agissait d’une camionnette blanche… »
Gibbs sentit de nouveau la colère monter en lui à l’idée que cette espèce d’ordure venait une nouvelle fois de s’en prendre à son équipe. Et qu’il avait encore une fois bien failli réussir. La chance ne serait pas toujours de leur côté. Il fallait mettre un terme… définitif… à cette histoire.
« Nous avons perdu assez de temps comme ça ! » s’exclama-t-il soudain. Il ne précisa pas que ce temps était précieux s’ils voulaient retrouver Jenny vivante, mais tous saisirent le sous-entendu. « Il croit avoir tué Ziva… Tant mieux, nous allons nous servir de son erreur… »

 4387, Avenue Abraham Lincoln, Norfolk,


    Avant de la ranger, l’homme contempla encore une fois l’arme qu’il tenait dans les mains. Il venait de passer dix minutes à la nettoyer, y mettant tout son amour.
« Ne t’inquiète pas, » lui murmura-t-il « Papa te promet que tu vas resservir bientôt. Très bientôt même. » Un bruit à l’étage lui fit tourner la tête. Il déposa délicatement l’arme dans la boîte prévue à cet effet. « Mais pour le moment, papa a des choses à faire. Des choses pas tout à fait aussi amusantes que de jouer avec toi, mais presque… »

Il remit la boîte à son emplacement initial et se rendit à l’étage. Arrivé devant la porte la plus éloignée des escaliers, il retira la chaîne qu’il portait autour du cou sur laquelle pendait une petite clef de cuivre. Cette idée lui avait été soufflée par son conte de fée favori depuis qu’il était petit : Barbe Bleue.

    Jenny s’était raidie en entendant la clef tourner dans la serrure. Elle savait que son agresseur était revenu, elle l’avait entendu se garer, mais elle espérait qu’il resterait le plus longtemps possible... N’importe où du moment que c’était ailleurs.
« Alors, mon ange, je ne vous ai pas trop manqué, j’espère. Ainsi que je vous l’avais promis, je ne vous ai pas privé de ma présence trop longtemps, n’est-ce-pas ? »
Elle ne daigna pas lui répondre, se contentant de le regarder d’un air méprisant, ce qui ne parut pas l’affecter, bien au contraire. Il semblait plus que jamais de bonne humeur. Il s’approcha et tendit la main pour lui caresser le visage mais elle détourna violemment la tête. Nullement impressionné, l’homme se mit à rire.
« Dieu que vous êtes farouche, mon cœur ! Croyez-moi, tout ceci serait bien plus agréable pour vous si vous acceptiez de vous laissez faire… »
« Plutôt mourir ! »
Malgré la promesse qu’elle s’était faite de ne pas lui adresser la parole, elle n’avait pas pu s’empêcher de lui jeter cette réponse au visage.
Pour toute réaction, il eut un sourire froid.
« Allons, ne soyez pas si impatiente… Je ne tiens pas à vous tuer trop vite, cela gâcherait mon plaisir… Alors, je vous en prie, soyez coopérative… »
Il s’approcha de nouveau et encore une fois elle se débattit pour lui échapper, le forçant à reculer.
« Très bien. » Il paraissait en colère, cette fois-ci. « Décidément, je ne vous comprendrais jamais, vous les femmes. Je vous demande poliment d’être un tant soit peu gentille et malgré tout, vous continuez à être de sales garces froides et hautaines. Je suis obligé de me mettre en colère et d’employer la force pour vous soumettre ! »
La colère quitta ses traits aussi vite qu’elle y était apparue et il eut de nouveau un sourire aimable. Sourire démenti par la lueur de folie qui dansait dans ses yeux.
« Je suis obligé, mais j’adore ça…. »
Sans avertissement, il lui attrapa la gorge et serra. Pas suffisamment fort pour lui faire perdre connaissance, mais suffisamment pour que sa vision se trouble et qu’elle ait du mal à respirer.
« Pas très agréable, comme sensation, n’est-ce-pas ? »
Il s’était agenouillé sur le lit à côté d’elle. Jenny sentit la main libre de l’homme remonter lentement le long de sa cuisse et se glisser sous sa jupe, mais malgré toute sa volonté, elle ne parvenait pas à se débattre. Ni même à crier. Elle ne pouvait rien faire qui puisse empêcher l’homme de…
Mais celui-ci relâcha brusquement son étreinte et se redressa, aux aguets. Il se précipita soudain à la fenêtre et se retint de pousser un juron. Une voiture venait de piler devant chez lui et il vit les agents Gibbs, DiNozzo et McGee en descendre, l’arme à la main et le visage fermé. Pas d’agent David. Un point pour lui.
Il se tourna vers Jenny qui reprenait tant bien que mal sa respiration.
« Je suis désolée de vous abandonner à un moment aussi… mal choisi, très chère, mais il va falloir que j’aille régler un petit problème. Il semblerait que vos agents n’aient finalement retrouvé ma trace. Ce n’est pas très grave, bien que ça n’arrive plus tôt que je ne l’avais supposé au départ. Je crains fort qu’une fois débarrassé de votre équipe, il ne nous faille abréger les préliminaires, mon ange. J’en suis le premier ennuyé, croyez moi, mais l’agent Gibbs ne m’en laisse pas le choix… » murmura-t-il en refermant rapidement la porte derrière lui.
Il descendit les escaliers quatre à quatre et se précipita dans la cuisine pour récupérer l’arme qu’il avait rangé à peine un quart d’heure plus tôt. S’il avait prêté ne serait-ce qu’une seconde d’attention à ce qui se passait par la fenêtre de sa porte de cuisine, il aurait certainement vu la silhouette qui s’accroupit brusquement en apercevant sa présence. Mais ce ne fut pas le cas et il ressortit de la cuisine, son arme à la main, pour attendre l’agent Gibbs de pied ferme dans le salon.
 
 

  Mercredi, 5h35 a.m. Q.G. du NCIS,

 

    « Ziva, puisqu’il croit vous avoir tué, il ne s’attend pas à vous voir… »
« Il est hors de question que je ne participe pas à l’opération, agent Gibbs ! » le coupa-t-elle aussitôt avec véhémence.
« Je le sais, agent David. Et vous le sauriez aussi, si vous me laissiez finir ma phrase. » reprit-il sèchement. « Je connais le genre de maisons qui compose cette zone résidentielle. Ce sont de petits pavillons qui sont tous conçus sur le même modèle, avec un salon devant et une cuisine derrière. Par conséquent, il doit y avoir deux entrées. Tony, McGee et moi, nous allons entrer par devant en faisant le maximum de bruit afin d’attirer son attention et nous nous occuperons de lui. Pendant ce temps, Ziva, vous entrerez par derrière…. »

« Et je le prends à revers ? » le coupa-t-elle de nouveau.
«Je ne sais pas comment ça se passe en Israël mais l’état de Virginie n’aime pas beaucoup les policiers qui tirent dans le dos des suspects, agent David. Surtout quand il n’existe aucune preuve de la culpabilité desdits suspects! »
« On a quand même les analyses d’Abby ! »
« Irrecevable, puisque nous avons obtenu le nom de cet homme illégalement, Ziva. » lui rappela McGee.
« Très bien ! » finit par reconnaître Ziva, à contrecœur. « Qu’est ce que je dois faire, alors. »
« Trouver des preuves de sa culpabilité, justement, agent David… »
« Sans mandat, c’est impossible ! » s’exclama-t-elle « C’est tout aussi illégal que ce qu’à fait l’agent McGee… Et aucun juge ne nous fournira un mandat à cette heure-ci ! »
« C’est vrai… A une exception près, cependant : que la personne soit suspectée de terrorisme. Dans ce cas, le Patriot Act autorise une fouille de ses biens même en l’absence de mandat. »
« Mais notre homme n’est pas suspecté de terrorisme, si ? » intervint Tony.
« Il est soupçonné d’avoir enlevé le directeur d’une agence fédérale, directeur qui détient des informations concernant la sécurité du territoire et le déploiement des troupes de la marine américaine dans le monde. Sans parler des missions classées secrets défense qu’effectue cette même marine en ce moment même. »
« Ce qui est considéré comme un acte terroriste… » se souvient Tony.
« Exactement Tony. » conclut Gibbs. « Vous avez l’adresse, agent McGee ? »
« Heu, oui, patron, » répondit celui-ci en montrant un bout de papier sur lequel quelques mots étaient griffonnés.
« Très bien, alors, on y va ! »

 4387, Avenue Abraham Lincoln, Norfolk,

    Ziva avait suivi la voiture conduite par Tony de loin. Puis, quand celle-ci avait bruyamment pilé devant le 4387 de l’avenue Lincoln, elle avait doucement continué sa route pour se garer une centaine de mètres plus loin. Elle était ensuite revenue en courant sur ces pas et s’était faufilée au dessus de la barrière relativement basse qui entourait le jardin de la maisonnette. Ainsi que Gibbs l’avait prévu, il existait effectivement une porte qui donnait sur la cuisine. Elle était sur le point de commencer à la forcer lorsqu’un mouvement dans son champ de vision périphérique lui fit relever brusquement la tête. Un homme venait d’entrer précipitamment dans la cuisine. Elle se baissa juste à temps pour qu’il ne la voie pas. Elle pria que l’homme en question ne tente pas de s’enfuir par la petite porte par laquelle elle devait entrer, car cela ruinerait tout leur plan. Mais il n’en fit rien. A peine quelques secondes plus tard, elle l’entendit quitter la pièce. Elle se releva prudemment et jeta un œil dans la pièce. Celle-ci était désormais déserte. Elle en profita pour crocheter rapidement la serrure et se glisser discrètement dans la pièce. Elle en fit rapidement le tour mais elle s’aperçut très vite qu’il n’y avait rien d’intéressant ici. Pas le moindre grain de poussière, ni la moindre tâche. Elle ouvrit avec délicatesse quelques tiroirs. Chaque ustensile qu’ils contenaient était rangé avec précision et minutie, classé dans un ordre impeccable. Effrayant.
Elle entrouvrit la porte de la cuisine. Des éclats de voix lui parvinrent depuis la pièce située un peu plus loin sur la gauche. Elle reconnut la voix de Gibbs. Elle réprima son envie de se précipiter dans ladite pièce arme à la main et de maîtriser le propriétaire d’une manière ou d’une autre et s’engagea dans les escaliers qui lui faisaient face. Elle se déplaçait prudemment en priant pour qu’ils ne craquent pas. D’autant plus qu’elle n’entendait plus un bruit en provenance du salon, ce qui n’était pas pour la rassurer.
Les escaliers débouchaient sur un couloir identique à celui du rez-de-chaussée, percé de quatre portes. Deux sur sa gauche, une sur sa droite et une en face. Toutes fermées. Elle soupira. Evidemment, s’il n’y avait eu qu’une pièce, de préférence remplie de preuves prouvant la culpabilité de leur suspect, ça aurait été trop beau.
Elle s’approcha de la porte la plus proche d’elle et l’entrouvrit doucement, tout en restant sur la défensive. Il s’agissait d’une salle de bain, aussi propre et impersonnelle que ne l’était la cuisine. S’il n’y avait pas eu les serviettes étendues sur le porte-serviette et le dentifrice sur le lavabo, elle aurait pensé qu’il s’agissait d’une de ces maisons témoins que les agents immobiliers faisaient visiter.
Elle ressortit doucement sans prendre la peine de refermer la porte.
La pièce suivante était en fait un placard. Au début, elle avait été contente parce qu’on trouvait souvent des choses intéressantes cachés au fond des placards. Mais celui-ci se révélait à peu près aussi décevant que les pièces qu’elle avait déjà visitées. ‘‘A peu près’’, car il y avait quand même quelque chose qui avait attiré son attention. Une boîte à chaussure cachée tout au fond, derrière un tas de housse à vêtements vides. Cette boîte contenait  plusieurs casquettes siglées ‘NCIS’. Elle sourit. Pas suffisant mais c’était un début. Elle retrouva la confiance qui s’était émoussée au fil de son exploration dans les pièces précédentes. Elle fit encore un tour rapide du contenu du placard, mais il semblait évident que celui-ci avait livré tout ses secrets. Elle retourna dans le couloir, non sans avoir vérifié d’abord que la voie était libre.
Elle s’approcha de la porte directement à la gauche du placard, qui était aussi la plus éloignée de l’escalier. Elle tourna la poignée mais la porte résista. Fermée à clef. Voilà qui était intéressant. Très intéressant. Elle ressortit son petit matériel qui lui avait déjà servi à forcer la porte de la cuisine. Etant donné la fragilité du dispositif utilisé, il ne lui fallut pas longtemps pour faire céder le verrou. La porte s’ouvrit sur une scène qui la laissa stupéfaite. Elle se trouvait devant une pièce plongée dans la semi pénombre, surchauffée et encombrée d’objets absolument hideux. Le décor lui rappelait étrangement celui des images de contes de fées qu’on lui avait lu –à son corps défendant !- quand elle était petite.
Une voix la tira de sa contemplation.
« Vous comptez passer votre journée plantée là ou vous avez l’intention de me libérer, agent David ? »


    Tony s’était débrouillé pour que son freinage fasse un maximum de bruit lorsqu’il s’était arrêté devant la maison du supposé coupable. Il avait suivi des yeux la voiture de Ziva puis Ziva elle-même alors que celle-ci se dirigeait vers l’arrière de la maison.
Il s’empressa de quitter la voiture, de sortir son arme de service et de rejoindre Gibbs et McGee qui se dirigeaient déjà vers le perron.
« NCIS ! Ouvrez la porte, s’il vous plaît… »
Seul le silence lui répondit.
Il fit signe à Tony de le couvrir tandis qu’il appuyait délicatement sur la poignée de la porte.
Ils entrèrent dans le salon avec prudence en faisant le moins de bruit possible.
Ils n’avaient même pas fait dix pas dans la pièce qu’une silhouette pénétrait dans la pièce. Ils braquèrent aussitôt leur arme sur l’homme, qui lui, … en tenait deux.
« Agent Gibbs. Je vous attendais avec beaucoup d’impatience -bien que je reconnaisse que je ne vous attendais pas si tôt-. Je suis tellement heureux de vous parlez enfin en tête à tête ! »
Il fit un signe de dénégation en direction de Tony qui cherchait discrètement à passer derrière lui.
« Agent DiNozzo, je vous en prie, pas de ça ! »
« Baissez vos armes, Mark, vous n’avez aucune chance de nous maîtriser tous les trois. »
« Êtes-vous prêts à parier la vie des chers agents qu’il vous reste sur cette certitude agent Gibbs ? » demanda l’homme en pointant les canons de ses armes en direction de la tête de Tony et McGee, tout en abaissant le chien. « Avant de prendre une décision définitive, laissez-moi vous donner quand même une petite information qui devrait vous aider : je suis d’une remarquable ambidextrie. C’est la seule chose de bien que mon père m’ait légué, d’ailleurs… »
D’un regard, Gibbs demanda à ses agents de s’immobiliser.
L’homme perdit brusquement son ton éthéré, semblant revenir brusquement à la réalité.
« Très, bien. Maintenant, agent Gibbs, je veux que vous demandiez à vos agents de poser leurs armes. »
Gibbs fit signe à Tony et à McGee de jeter leurs armes. Ils obéirent lentement, non sans s’être auparavant consulté du regard.
« La votre, aussi. »
Gibbs jeta son arme, non sans avoir hésité un instant.
« Voilà qui est une sage décision, agent Gibbs. Surtout pour vos agents. Vous allez trouver dans le tiroir de la table à côté de vous deux paires de menottes. Je veux que vous les passiez à vos agents. »
Gibbs obéit malgré la colère qu’il ressentait à être menacé. Menacé et impuissant.
« En silence, car je n’hésiterais pas à tirer. »
L’opération prit quelques minutes, car l’homme tenait à ce que Gibbs aille lentement afin de pouvoir suivre ses moindres faits et gestes.
Quand ce fut fait, l’homme ordonna à Tony et McGee de s’allonger face contre terre sur le sol.
Alors seulement, l’homme retrouva son inquiétant sourire.
« Voilà qui est mieux, agent Gibbs, non ? J’ai toujours pensé que les premiers rendez-vous, ça devait être quelque chose d’intime, pas vous ? Quelque chose de… »
« Qu’avez-vous fait de notre directeur, espèce de… »
« Oh, je vous en prie, pas de formalités entre nous, agent Gibbs. Appelez-moi Mark, voyons. Quand à votre directeur, -directeur ? Vraiment, agent Gibbs ? J’aurais pensé que vous seriez plus familier, étant donné ce qui s’est passé entre vous, mais bon- elle allait très bien, la dernière fois que je l’ai vu. Pas très… consentante mais ce n’est qu’un détail, n’est-ce-pas ? »
Une lueur dangereuse passa dans les yeux de Gibbs.
« Si vous avez osé la toucher… »
« Et bien ? Que feriez-vous, agent Gibbs, hum ? Vous n’êtes pas vraiment en assez bonne position à l’heure actuelle pour me menacer, je trouve. En plus, vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même, c’est vous qui avez voulu ça. Et de toute façon, il me semble que ça ne vous regarde pas. Plus, en tout cas… »
Ils se mesurèrent du regard un instant.
«  …Bref, nous nous égarons, il me semble. Où en étions-nous ? Ah oui, au premier rendez vous… Je l’ai longuement préparée, cette première rencontre entre nous, vous savez… Je… regrette d’avoir du sacrifier l’agent David avant d’avoir l’occasion de faire sa connaissance, mais il était évident que je ne pouvais aucunement réussir à maintenir en respect quatre personnes. J’ai donc du faire un choix… Choix difficile qui a occupé mes pensées un bon moment… Et puis je me suis dit : pourquoi pas elle ? Après tout, elle semblait le vouloir davantage que ce cher petit Timothy… » Baissant les yeux sur le susnommé, « -ça ne vous ennuie pas que je vous appelle Timothy ? McGee c’est tellement… -» Puis, reportant son regard sur Gibbs. « Je sais que je ne vous ai pas laissé le choix, agent Gibbs, mais si vous l’aviez eu, qui auriez-vous choisi ? »
Son intonation lente, douce, moqueuse rappela brusquement à Gibbs celle d’Ari.
« Je ne sais pas, ce que je sais par contre, c’est que vous avez choisi la facilité… »
L’homme fronça les sourcils.
« La facilité ? En tuant votre agent à l’intérieur même d’un bâtiment fédéral ? »
« Oui, la facilité, Mark. »
La colère déforma les traits de l’homme.
« Allez-y, agent Gibbs. Développez votre argument jusqu’au bout. Ne me laissez pas mourir idiot. Ou, en tout cas, ne mourrez pas en me laissant idiot… »
« Vous saviez que l’agent McGee serait bien plus facile à maîtriser que l’agent David… Raisonnement intelligent, bien qu’un peu lâche, à mon avis… »
McGee jeta un regard inquiet à Tony. Il se demandait si c’était vraiment le moment de pousser leur ennemi à bout. Tony lui fit un sourire qui se voulait rassurant, bien que lui-même ne fut pas très à l’aise. ‘Pourvu que Ziva trouve ce qu’elle cherche et vienne nous tirer de là vite fait’.
« Lâche ?!! » s’emporta l’homme. « Ne m’insultez pas encore une fois, agent Gibbs, ou l’un de vos agent pourrait avoir à le regretter amèrement. »
« Et vous prouveriez une fois encore votre lâcheté en vous en prenant à deux hommes désarmés, à terre, au lieu de vous en prendre directement à moi. Dire que je pensais que vous étiez juste fou…»
« Ça suffit, taisez-vous ! Ne dites plus un mot ! Et cessez de me regarder avec pitié ! Je déteste ça !»
« Je ne vous regarde pas avec pitié, je vous regarde avec dégoût. C’est tout ce que vous m’inspirez. »

La réponse mit l’homme hors de lui. Il parut un instant sur le point de diriger ses armes vers Gibbs, mais il se reprit soudain. Il éclata de rire.
« Vous avez bien failli me faire perdre mon sang froid, agent Gibbs. Mais failli seulement. Et je ne vois pas ce que ça aurait changé, vos agents sont toujours attachés et à ma merci… »
Il jeta un regard rapide à la pendule derrière Gibbs et son rire s’arrêta aussi brutalement qu’il avait démarré.
« Il faut passer aux choses sérieuses, maintenant. Je m’en voudrais de faire languir votre adorable directrice trop longtemps… »
‘Elle est encore en vie…’
Certes, il fallait reconnaître que ça n’améliorait en rien leur situation, mais Gibbs se sentit quand même nettement soulagé.
L’homme continua sa tirade comme si de rien n’était.
« Vous avez été un remarquable adversaire, agent Gibbs. Un peu lent, au début, il faut bien l’avouer. Mais finalement, vous m’avez retrouvé plus vite que je ne le pensais. Je vous demanderais bien comment vous avez réussi aussi vite, d’ailleurs, mais je pense que vous ne répondriez pas. Et ce serait de bonne guerre, après tout. Si j’ai commis une erreur, à moi de l’assumer. Bref, tout ça pour dire que j’ai eu plaisir à me battre contre vous et que vous ne m’avez pas déçu… Je vais donc vous accordez une dernière faveur. Je vais vous tuer avant vos agents ainsi vous n’assisterez pas à leur mort. Ne suis-je pas d’une incroyable mansuétude… »
Il déplaça lentement le canon de l’arme qu’il tenait dans la main droite vers Gibbs.
« Echec et mat… » murmura-t-il, prêt à faire feu.


    Ziva mit moins de vingt secondes à venir à bout des menottes.
« Merci, Ziva. »
« De rien, Jenny. Je suis ravie d’avoir pu vous sauver la vie encore une fois. »
« Je préfère ne pas vous dire que je vous revaudrais ça, cette fois-ci, agent David… Qu’avez-vous fait de ce cinglé ? »
« Je l’ignore, en fait. Gibbs, Tony et McGee devaient s’en occuper pendant que je fouillais la maison, mais j’ai l’impression que quelque chose ne va pas… Il faut que je redescende voir ce qui se passe… Ca va aller ? »
« Je vous remercie de votre sollicitude, Ziva, mais je crois que je survivrais… Donnez-moi votre arme… »
« Heu, pardon ? »
« Vous ne croyez tout de même pas que je vais attendre ici que vous reveniez alors que toute mon équipe est en bas, peut être en danger, agent David ? »
« Heu, non, mais vous êtes sûre que… »
« Agent David, c’est un ordre ! »
Ziva lui remit l’arme à contrecœur et sortit le couteau qui ne la quittait jamais. Elle jeta un regard songeur sur la lame. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’en était pas servie. Trop longtemps. Peut être était-il temps qu’il reprenne du service…
En descendant les escaliers, elles purent distinguer des bribes de phrases.
Arrivée devant la porte du salon, Ziva jeta subrepticement un œil à l’intérieur. L’homme lui tournait le dos. Excellent. Tony était allongé par terre, mais il était vivant. Aucune trace de McGee, mais il devait être à côté de Tony. Quant à Gibbs, il était debout, face à leur agresseur. Elle nota mentalement la présence des deux armes. Elle se retourna pour expliquer silencieusement la situation à jenny. Puis, le plus furtivement possible, elle traversa l’espace laissé par la porte ouverte et évalua de nouveau la situation.
Si Gibbs l’avait vu, il n’en avait rien laissé paraître.
Elle se concentra sur le discours monotone de l’homme.
Quand elle l’entendit dire clairement qu’il était sur le point de tuer Gibbs, elle estima qu’il était temps de passer à l’acte. Elle chercha le regard de Jenny qui lui fit un petit signe de tête affirmatif.
Ziva évalua d’un coup d’œil la taille de l’homme et la distance à laquelle il se trouvait. Parfait, elle ne pourrait pas le manquer. Elle prépara son lancer.


    L’homme était sur le point de tirer lorsqu’il entendit le déclic d’un chien que l’on armait derrière lui. Il fut tellement surpris qu’il se retourna brusquement. Son regard croisa des yeux noirs puis des yeux verts, qui exprimaient la même chose : vengeance et colère.
Ce fut la dernière chose qu’il eut l’occasion de voir.


 Mercredi, 8h15 a.m. morgue du NCIS,

    Ducky examinait le corps de Mark Hamilton avec beaucoup d’intérêt. Il releva la tête en entendant la porte coulisser, pour voir entrer Gibbs, Jenny, Ziva, Tony et McGee.
« Mon Dieu, Jethro. Je crois qu’il n’y a jamais eu autant de gens de l’équipe en même temps dans mon humble espace de travail. »
« Te plains pas, Ducky. Pour une fois qu’il y a plus de vivants que de morts ici… »
« Oh, très spirituel, Tony, vraiment… Ça me rappelle mes études de médecine… Quelques étudiants et moi avions voulu faire une blague à notre professeur d’anatomie qui était aussi un médecin légiste. Un soir, nous nous sommes introduits dans la morgue où il travaillait… »
« De quoi est-il mort, alors, Ducky ? » le coupa Jethro.
« Qui ça ? Mon professeur d’anatomie ? » s’étonna Ducky, lancé dans ses souvenirs.
Gibbs se contenta de hausser les sourcils.
« Ah, oui, tu veux parler de notre homme, bien sûr. Difficile à dire.  La précision du lancer de Ziva a été impressionnante. Son couteau s’est fiché au beau milieu de la gorge de ce pauvre homme… Enfin, de cet homme. Quand à votre tir, directeur, il a atteint notre homme en plein cœur… Remarquable de précision, là encore. Je ne sais pas ce qu’il vous avait fait, mais… »

Jenny sourit.
« Il a voulu écourter les préliminaires… »
Gibbs releva la tête et leurs regards se croisèrent.
« Mauvaise idée… »

« Heu, oui, et bien, en tout cas, c’était un joli tir. » continua Ducky. « Tu trouveras le rapport d’autopsie sur ton bureau dans une heure, Jethro. »
« Parfait, Ducky. »
« Et, par pitié, Jethro, la prochaine fois qu’un tueur en série potentiel s’en prend à vous, rappelle-toi que ma retraite n’est pas loin et que mon cœur n’est plus ce qu’il était… »
Gibbs sourit sans répondre.
« Ca veut dire oui, j’espère ? »
« Ca veut dire que tu es aussi solide qu’un roc, Ducky. Je ne m’inquiète pas pour ton cœur… » lui rétorqua Gibbs en rejoignant son équipe qui s’éloignait.
Ducky hocha la tête avec un sourire. Jethro avait raison. Il se sentait trop bien au sein du NCIS pour ne serait-ce qu’envisager de prendre sa retraite.

    « Si, j’aurais pu le maîtriser, mais je ne voulais pas prendre de risques, c’est tout… »
« Ah oui, Tony ? Et t’aurais fait comment avec les mains attachées derrière le dos ? » lui demanda McGee d’un ton ironique.
« J’avais un plan, le bleu, j’te signale… »
« Quel plan, Tony ? »
« Tu ne crois pas que je vais te le dire, le bleu non ? »
Et il s’assit tranquillement à son bureau sans lui prêter plus d’attention.
McGee se contenta de hausser les épaules.
Au fond, Tony serait toujours Tony. Et tant mieux.

    Cynthia était catastrophée. Elle s’était absentée moins de cinq minutes mais ça avait suffi pour qu’un gougnafier de la pire espèce force la porte du bureau de la directrice. Elle allait se faire virer, c’est sûr.
« Que se passe-t-il, Cynthia ? »
« Je… Je ne me suis absentée que cinq minutes, madame, je vous le jure. Et quand je suis revenue, j’ai trouvé votre porte dans cet état. »
Elle désigna la poignée savamment fracturée.
Jenny entra prudemment dans son bureau mais il était vide. Rien ne semblait avoir été dérangé. Cynthia continuait d’avoir l’air dévasté.
« Ne vous mettez pas dans des états pareils, Cynthia, voyons. Ce n’est pas le fait que ma porte doive rester ouverte un moment qui va changer quoi que ce soit. »
« Ce n’est pas ça, madame, c’est… Votre bureau… »
Jenny s’approcha de son bureau et vit ce qui avait angoissé sa secrétaire.
Planté verticalement dans le bois se dressait un couteau. Il avait servi à clouer une photo et une courte note sur le bureau.
C’était une photo prise lors de leur retour au NCIS, une heure plus tôt.
En sortant du véhicule, elle s’était brusquement sentie mal, à cause de tous le stress et la fatigue accumulés ces dernières heures. Jethro l’avait rattrapé avant qu’elle ne s’écroule sur le trottoir. C’était ce moment précis qui avait été immortalisé par celui (ou celle) qui s’était introduit dans son bureau.
Quant au mot, il était on ne peut plus succinct. 
‘Jethro est à moi !’

6 mai 2008

"Le Jeu " partie 1/2

            MERCREDI, 3 a.m, CUISINE DE GIBBS,

 

 Gibbs ne pouvait détacher ses yeux du téléphone, mais il ne le voyait pas. Les pensées se bousculaient à toute vitesse dans sa tête, essayant d’enregistrer les derniers évènements qui venaient de se dérouler.

 «Ce n’est pas possible, pas elle.»

Il la revit quand il l’avait quitté, à peine quelques heures auparavant.

 «Elle ne peut pas être morte… IL ne peut pas l’avoir tué ! Ce n’est pas possible ! Pas maintenant, pas comme ça…»

Une sorte de rage s’empara de lui et le sortit de sa torpeur. Il attrapa le verre qui trainait sur le plan de travail et le jeta de toutes ses forces sur le mur.

 «A cause de moi ! Il l’a tué A CAUSE DE MOI !»

Ses yeux se posèrent sur les morceaux de verre qui gisaient par terre. Il se laissa glisser sur le sol, en proie à une douleur qu’il n’avait plus ressenti depuis le meurtre de l’agent Todd. Une douleur qu’il s’était juré de ne plus jamais ressentir. Et voilà que par sa faute, oui, SA faute… Hollis avait sursauté en entendant le verre se briser. Elle avait été réveillée par la sonnerie du téléphone quelques minutes auparavant et était descendue sans bruit. Elle s’approcha doucement et s’accroupit à côté de Gibbs.

 « Tu n’y es pour rien, Jethro, tu n’y es pour rien, tu le sais. »

Elle s’interrompit un instant, cherchant des mots de réconfort.

 « Cet homme est un fou, et rien de ce que tu aurais pu faire n’y aurait changé quoi que ce soit ! »

Elle posa sa main sur son épaule.

 « Je sais… à quel point tu tenais à elle… mais… »

 « Non, Hollis, tu ne sais pas. » Dit il brutalement.

La présence d’Hollis l’avait tout de suite agacé. Quitte à avoir un moment de faiblesse, il voulait l’avoir seul. Et ses paroles ne firent que l’énerver davantage. Il se dégagea brusquement et se releva. Il put voir dans ses yeux qu’elle était blessée, même si elle avait fait un effort pour garder un visage impassible, mais à ce moment précis, c’était vraiment le dernier de ses soucis. Elle quitta la pièce, après lui avoir jeté un dernier regard vexé. Il était de nouveau seul dans la pièce. Il se sentit brusquement fatigué, comme si le poids de ses pensées devenait brutalement lourd à porter.

 «Comment ? Comment avait il pu en arriver la ? Comment tout avait il pu dégénérer à ce point sans qu’il puisse rien faire pour l’en empêcher ? Dire que tout avait commencé si … banalement …»

 

  Le lundi précédent, 8 a.m., QG du NCIS

 

 Gibbs appela l’ascenseur une deuxième fois, mais celui-ci ne semblait pas pressé d’arriver. Il était d’une humeur exécrable, ce matin là. Tout ce qui l’entourait semblait s’être donné le mot pour le contrarier. Cela avait commencé avec Hollis. Il avait fallu qu’elle lui fasse une scène sous prétexte qu’elle n’apparaissait même pas dans son répertoire de téléphone alors que ‘Jenny’, si. Il avait bien essayé de lui dire que c’était logique puisqu’il s’agissait de son répertoire professionnel et que ‘Jenny’ était son directeur, et que d’ailleurs il n’avait pas écrit ‘Jenny’ mais ‘Directeur’ mais elle n’avait rien voulu entendre. Il leva les yeux au ciel. Trois mariages et il essayait encore de raisonner une femme en colère. Affligeant. D’ailleurs, en y réfléchissant, tout n’avait pas commencé ce matin là, mais la veille, quand le directeur l’avait appelé en plein milieu du dîner pour savoir pourquoi elle n’avait pas encore son rapport sur l’affaire délicate qu’ils venaient de boucler. La réponse exacte était ‘parce que je n’avais pas envie de l’écrire’ mais il n’allait tout de même pas répondre ça. Il avait donc brodé sur le thème ‘j’avais des choses plus importantes à faire’, ce qui était vrai aussi. Le coup de fil avait duré moins de cinq minutes, mais il avait mis Hollis dans une inexplicable (et toujours inexpliquée, à l’heure actuelle) colère.

Ce n’était pas la seule raison à son humeur maussade, ce matin là. Loin de là. Non, la véritable raison était ce fameux pressentiment qu’il ressentait lorsqu’une catastrophe se préparait, et qui ne le quittait plus depuis la veille. Ce pressentiment était apparu peu après la découverte du corps d’un marine. A priori, l’affaire s’annonçait pourtant on ne peut plus banale. Le corps du capitaine de corvette à la retraite James Wright avait été découvert par sa fille Clare, une balle dans la tête, tirée à une distance de plus ou moins deux mètres selon les estimations d’Abby. Le capitaine avait bien deux ex femmes, mais il était resté en bon terme avec. Pas d’ennemi connu, aimable avec les commerçants, serviable avec ses voisins. Il s’était distingué en Irak, avait été décoré, avant de prendre sa retraite anticipée pour des raisons de santé. En bref : bon père, bon (ex) mari, bon citoyen, bon soldat. Il vivait de sa retraite de marins, n’avait aucun autre bien personnel que sa maison, et rien n’avait été volé.

Le tueur n’avait laissé aucune trace de son passage, sauf deux choses. Il avait pris le temps de mettre une casquette frappé du sigle NCIS au mort, ainsi que des lentilles. Bleues. A part ça, rien. Comme si le capitaine Wright avait été choisi au hasard. La seule chose que Ducky avait pu apprendre du corps, c’était l’heure de la mort et l’arme du crime. Arme qui s’était avérée être un 38 Smith&Wesson semi automatique, probablement l’arme la plus courante aux Etats-Unis. Il avait pu également déterminer que la casquette et les lentilles avaient été ajoutées post mortem, avec beaucoup de précaution : celui qui avait fait ça n’avait laissé aucune marque de son passage.

Abby avait été très déçue qu’il n’ait absolument rien pour elle. Elle avait bien analysé minutieusement la casquette et les lentilles mais n’avait rien trouvé qui n’appartiennent pas à la victime. Après près de sept heures d’enquête, ils en étaient toujours au même constat déprimant : pas de preuves, pas de mobile et pas de suspect.

Ce fut quand Tony se fut pris sa cinquième baffe de la journée, pour avoir dit qu’ils avaient peut être à faire au crime parfait, qu’ils décidèrent de rentrer chez eux, de profiter de leur dimanche (ou de ce qu’il en restait) pour aborder toute cette affaire avec un nouvel angle le lundi matin.

 

 « J’espère que vous avez quelque chose pour moi, ce matin. »

Ce n’était pas une question et l’équipe le savait très bien. Tony s’enfonça davantage dans son fauteuil tandis que McGee faisait mine d’être absorbé dans sa tâche (qui consistait à relire pour la millième fois le rapport d’autopsie, des fois que …) Ziva se leva et s’approcha de Gibbs avec un café et un grand sourire.

 « Bonjour, agent Gibbs ! »

Elle lui tendit le café.

 « La directrice a demandé à vous voir ...»

Il haussa les sourcils.

 « Si c’est encore pour ce foutu rapport … »

 « Je ne sais pas, elle ne m’a pas mis dans la confidence … »

 « Très bien. Quand je reviens, je veux que vous me disiez quelque chose que je ne sais pas encore sur l’agent Wright, compris ? »

Les avertit il en se dirigeant vers les escaliers. Après avoir vérifié qu’il était bien hors de portée de voix, Tony soupira :

 «T’as intérêt à trouver quelque chose, le bleu, je n’ai pas envie de me faire enguirlander dès le lundi matin, 8 heures ! »

 « Pourquoi moi ? » Protesta McGee.

 « T’as qu’à trouver, toi, puisque t’as l’air de penser que c’est si facile ! »

Ziva leva les yeux au ciel. Ils restèrent quelques secondes silencieux, à la recherche de n’importe quelle idée qui puisse contenter leur irascible patron. C’est alors que le téléphone sonna.

 

 Gibbs passa devant la secrétaire sans même daigner l’apercevoir.

 « Agent Gibbs ! Vous ne pouvez pas entrer ! Madame le directeur est … »

Il était déjà entré.

 « … Au téléphone. » Termina t-elle pour elle-même. A se demander pourquoi elle continuait bêtement à lui faire des réflexions, puisque de toute façon, il n’en tenait jamais compte. Jen lui jeta un regard noir quand il entra sans se donner la peine de frapper, qu’il ignora totalement.

 « … Oui, mais … Non, je vous promets que des mesures vont être prises … »

Elle leva les yeux au ciel. Visiblement, son interlocuteur l’agaçait au plus haut point. Gibbs sourit. Chacun ses problèmes. Elle raccrocha et reporta son attention sur son agent qui put se rendre compte qu’elle était vraiment en colère.

 « Ravie de constater que les efforts que je fais pour rattraper tes débordements –dont tu ne m’informes même pas, soit dit en passant- te font sourire. »

Haussement de sourcils Gibbsien.

 « Oh, je t’en prie, épargne-moi cet air innocent. Avais-tu réellement besoin de traumatiser ce fils d’ambassadeur ? »

 «Ah, oui, ça ! Je ne l’ai pas traumatisé, je me suis contenté de le prévenir de ce qu’il risquait si il continuait son petit jeu stupide … »

 « Pour son père, ce n’était pas un ‘avertissement’, mais bien une menace ! Enfin, Jethro, tu ne peux pas faire ce genre de chose sinon … »

 « Sinon, quoi ? Tu vas ‘prendre des mesures’ ? » Son sourire s’élargit devant la tête que faisait Jen.

 « Bon, pourquoi voulais tu me voir ? »

 « Pour ça, justement ! Retrouver le marins qui a tenté de l’abattre est une priorité Jethro ! »

Gibbs fronça les sourcils.

 « Pas pour moi. »

Le marins en question avait tiré alors que le ‘fiston’ en question essayait de violer sa petite amie. Maintenant il était recherché pour tentative de meurtre sur personne affiliée à un diplomate, mais il était hors de question que Gibbs mette un zèle … excessif à lui remettre la main dessus.

 « Jethro ! Je suis harcelée en permanence depuis deux jours par l’ensemble du corps diplomatique américain ! »

 « Et alors ? Les faire patienter, c’est ton travail, non ? » Railla t-il.

 « Et le votre, agent Gibbs, c’est de retrouver ce marins. Alors, au travail. »

 « Très bien, directeur. Je vous promets d’y penser. »

 « Pas seulement d’y penser ! »

Il n’écoutait même plus, l’esprit déjà repartit sur l’affaire Wright, qui, à ses yeux, était infiniment plus importante. L’avenir ne tarderait pas à lui prouver qu’une fois encore, son pressentiment ne l’avait pas trompé. Il n’eut pas besoin de quelque forme de pressentiment que ce soit pour s’apercevoir qu’il se passait quelque chose. Ces trois agents l’attendaient au bas des escaliers, arme et badge fin prêts, Mc Gee portant en plus un sac plein à craquer de gants et autres objets indispensables à toute investigation sur une scène de crime. Ils se mirent à parler tous en même temps lorsqu’ils l’aperçurent.

 « Patron … »

 « Agent Gibbs … »

 « Heu … »

Après un bref échange de regards assassins, Ziva et McGee laissèrent la parole à Tony.
 « Patron, on a reçu un appel signalant le meurtre d’un marins, un certain Mike Adams et il semblerait que le modus operandi soit identique à celui du meurtre du capitaine Wright ! »

 « Et que faîtes vous encore là tous les trois dans ce cas ? Deux d’entre vous ne devraient ils pas être déjà sur les lieux à l’heure qu’il est, en train de recueillir des indices ? »

Ziva et Mc Gee se précipitèrent aussitôt vers les escaliers.

 « Mais, patron, … »

 « Encore là, Tony ? »

 « Heu … » Il jeta un coup d’œil derrière lui et aperçut Ziva et McGee s’engouffrant dans l’ascenseur. «… non patron ! »

Gibbs passa rapidement derrière son bureau pour attraper son arme, son badge et son café. Puis il descendit à son tour vers le parking du NCiS. Il y retrouva McGee, d’ores et déjà installé à l’arrière du véhicule, l’air résigné, ainsi que Tony et Ziva qui se disputaient quant à savoir qui prendrait le volant. Gibbs se plaça un instant entre eux.

 « Décidez vous très vite, sinon, c’est moi qui conduit…»

Tony lâcha aussitôt les clefs dans les mains de Ziva et s’engouffra à l’arrière à côté de McGee qui l’accueillit d’un grand sourire.

 « Bah, Tony, je croyais qu’il n’y avait que les bleus qui montaient à l’arrière ? »

 

 LUNDI, 8h45 a.m. Sud de Quantico,

 

 Les lieux du crime étant un coin de banlieue calme où tous les voisins se connaissaient et où les nouvelles se répandaient par le bouche à oreille à la vitesse de la lumière, l’équipe s’attendait à un imposant comité d’accueil, mais elle n’était pas préparée à ce qui l’attendait. Une masse compacte de gens agglutinés. Des voisins, bien entendu, mais aussi des livreurs de toute sorte, des employés de la supérette du coin, quelques policiers tentant tant bien que mal de maintenir ce monde à distance et quelques journalistes, pour la forme.
Gibbs se tourna vers Tony :

 « Y aurait-il quelque chose que tu aurais oublié de me dire à propos de ce meurtre, Tony ? »

 « Je n’ai pas oublié, tu ne m’as pas laissé finir ! » Protesta l’incriminé.

Gibbs haussa les sourcils.

 « Et bien, vas-y, je t’écoute. »

 « Il est possible que ce matelot soit un peu une sorte de … célébrité locale. Il aurait écrit un roman basé sur sa vie de marin –il a eu des problèmes avec son administration, lui, d’ailleurs (il lança un rapide coup d’œil à McGee qui se contenta d’ignorer la pique)- qui aurait fait fureur en librairie. »

 « Célébrité ou pas, je veux que tout ce monde ait dégagé dans les minutes qui viennent. »

Il sortit de la voiture, ignora royalement les journalistes et franchit le cordon de sécurité après avoir montré sa plaque à des policiers visiblement soulagé de voir enfin arriver des renforts. Il s’approcha de ce qui semblait être le chef de cette police locale.

 « Qui a découvert le corps ? »

 « C’est la petite amie du gars, une certaine Linda … Mayers. Elle était effondrée et on n’a pas réussi à lui parler… »

 « Où est-elle ? » Le coupa Gibbs.

 « On l’a emmené un peu à l’écart, loin de toute cette agitation en attendant qu’elle se calme… »

 « Je voudrais lui parler. »

 « Très bien, agent Gibbs, si vous pensez pouvoir en tirer quelque chose. Mais je vous préviens, elle est vraiment au bord de la crise de nerf ! »

Pendant que leur chef s’occupait du témoin, Ziva, Tony et McGee investissait la scène de crime, à savoir, le salon du malheureux matelot Adams. A première vue, et comme c’était déjà le cas dans l’affaire Wright, rien n’avait été dérangé. La porte d’entrée n’était pas fracturée, ce qui pouvait laisser supposer que le matelot avait ouvert sans méfiance. Le corps était étendu sur le dos, une casquette NCIS sur la tête, les yeux ouverts, mais sans lentilles bleues, et les bras repliés sur un livre. McGee avait commencé à photographier le corps sous tous les angles et Ziva furetait dans la pièce à la recherche d’indice, pendant que Tony s’agenouillait à côté du corps. Il extirpa le livre et le retourna pour en examiner la couverture. Il la fixa dix bonnes secondes avant de la tendre à l’objectif de Mc Gee qui, sous le choc, s’arrêta de mitrailler. Ziva s’approcha et jeta un coup d’œil au dessus de l’épaule de McGee. Elle résuma tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.
 « Gibbs ne va pas être content … »

 

 La petite amie était une jolie blonde aux yeux bleus. Enfin, Gibbs supposait qu’elle était jolie, parce que dans l’état actuel des choses, ce n’était pas évident de s’en rendre compte. Son visage était noyé de larmes et elle était secouée de sanglots. Il s’approcha et s’assit à côté d’elle sur le muret qui séparait la maison du marin de celle de ses voisins.

 « Bonjour, mademoiselle. » Commença-t-il doucement.

 « Je m’appelle Gibbs, je suis un agent du NCIS … »

A ces mots, la jeune fille redressa la tête.

 « Comme … Comme les lettres sur … »

 « Oui. Nous sommes les agents fédéraux chargés de l’investigation dans le cas d’affaires criminelles touchant la marine. J’aimerais vous posez quelques questions. »

La jeune femme respira profondément.

 « Allez-y, agent Gibbs » acquiesça t-elle.

 « Quand avez-vous découvert le corps ? »

 « Ce matin, vers 8h. Mmmike et moi avions normalement rendez vous à 7h30 au Starbucks Coffee pour prendre un café ensemble avant que je ne me rends à la fac, mais il n’était pas là. Au début, j’étais furieuse, j’ai cru qu’il m’avait tout simplement oublié. Alors, j’ai téléphoné chez lui, puis sur son portable. Plusieurs fois. Mais personne ne répondait. C’est là que j’ai commencé à m’inquiéter, parce que ça ne lui ressemblait pas de ne pas répondre à un appel, il mettait un point d’honneur à être toujours joignable. J’ai décidé de faire un rapide tour chez lui, afin de m’assurer que tout allait bien. Sa porte était entrouverte et il … »

Un nouveau sanglot la força à s’arrêter.

 «… Il était là, étendu sur le sol … »

Gibbs attendit quelques instants qu’elle retrouve son sang froid avant de continuer à l’interroger.

 « Je sais que c’est difficile, mademoiselle, mais avez-vous remarqué si quelque chose avait disparu, ou avait été déplacé ? »

 « Je ne sais pas trop. Je n’y ai pas prêté beaucoup d’attention parce que … Mais je n’ai pas eu l’impression. Mike était quelqu’un de très rangé, il aimait que chaque objet soit à sa place, alors si il y avait eu quelque chose d’anormal, je l’aurais remarqué, je crois. »

 « Avant ce matin, vous aviez déjà vu votre ami porter une casquette frappé du sigle NCIS ? »

 « Non, jamais. Mike était un grand fan des Knicks et je ne l’ai jamais vu qu’avec une vieille casquette signée par l’un d’entre eux. »

 « Lui connaissiez vous des ennemis ? »

 « A Mike ? »

La jeune femme eut un fugace sourire qu’elle ne put réprimer tant la question lui avait paru incongrue.

 « Non ! C’était le plus gentil garçon du monde. Il a bien eu quelques soucis il y quelques temps avec d’autres marins jaloux du succès de son roman, ainsi qu’avec son chef qui a peu apprécié l’initiative, mais toute cette histoire s’est tassée après qu’il ait utilisé l’argent récolté par la vente de son livre pour créer un centre pour les jeunes paumés du coin, où des marins volontaires venaient quelques heures par semaine leurs enseigner des valeurs fondamentales à travers des jeux et du sport. »

L’humeur de Gibbs se dégradait encore de minutes en minutes. Non seulement il n’avait pas pu empêcher le tueur de récidiver, mais en plus, il semblait qu’il avait de nouveau tué un marin exemplaire. Et rien ne pouvait exaspérer Gibbs davantage.
 « Et il n’a jamais eu de problèmes avec un des jeunes qu’il prenait ainsi en charge ? »

 « Ça m’étonnerait, agent Gibbs. Ces jeunes étaient peut être perdus, mais ce n’étaient ni des délinquants ni des marginaux. Juste une bande de gamins qui avaient besoin de repères et d’autorité pour les pousser à faire quelque chose de leurs vies. »

Gibbs s’apprêtait à lui demander si le sergent Adams avait reçu des menaces récemment lorsqu’il aperçut un McGee blanc comme un cachet d’aspirine s’approcher de lui d’un air contrit.

 

 Il y avait deux raisons à la lividité de McGee. La première, c’est qu’il était encore sous le choc que l’on ait retrouvé son livre –SON LIVRE, BON SANG !- coincé dans les bras d’un mort et visiblement mis là par l’assassin dudit mort et la seconde, c’est que c’était lui qui devait l’annoncer à son patron, déjà très clairement dans un état de nerf à ne pas avoir envie de lui chercher des noises. Il ne savait même pas par quel bout aborder le sujet. Le dire très vite comme un pansement qu’on arrache ? Ou au contraire ménager Gibbs en lui annonçant la nouvelle en douceur ? Quand il sortit de ses pensées, il se rendit compte qu’un Gibbs à l’air pas ravi se trouvait à moins d’un mètre de lui et le regardait.

 « Heu … On a problème, patron … »

 « J’espère bien que vous ne m’avez pas dérangé pour rien, agent McGee … »

 «Agent Mc Gee ? » Oh là, ça s’annonçait mal.

 « Heu, non, patron. C'est-à-dire que … On a retrouvé mon livre sur la scène de crime. »

Gibbs s’attendait à beaucoup de chose, mais certainement pas à ça. Mc Gee remarqua l’air étonné de son patron et développa un peu.

 « Je veux dire qu’on l’a retrouvé dans les bras du … du sergent Adams. Mis là exprès. Par l’assassin. Enfin, on suppose. Parce que le mort n’a évidemment pas pu aller le chercher tout seul. Puisqu’il était mort. Vous comprenez patron ? »

 « Je ne sais pas, Mc Gee. J’ai l’air d’un idiot ? »

 « Bien sûr que non, patron ! »

Gibbs se tourna de nouveau vers la jeune fille qui suivait l’échange d’un air dubitatif.

 «Lorsque vous avez découvert le corps, avait il déjà un livre dans les bras ? »

 «Oui, mais ça ne m’a pas choquée, il avait très souvent un livre à la main. »

 « Très bien, vous allez suivre l’agent McGee pour lui dire si vous avez déjà vu ce livre en particulier chez votre ami. »

 

 Ducky fit piler la camionnette mortuaire du NCIS quelques centimètres à peine derrière la voiture de l’équipe. Palmer se précipita aussitôt pour récupérer le matériel à l’arrière et ils se dirigèrent vers la scène de crime.

 « Je trouve cet endroit charmant, mon cher Palmer. Cela me rappelle mon enfance. »

 «Ah bon ? Vous habitiez dans un pavillon comme celui là, docteur ? »

 «Du tout. Pourquoi ?»

Palmer, qui avait l’habitude des réponses bizarres de Ducky, ne s’en formalisa pas. Il se contenta de déposer tout son fatras à proximité du corps du marin tandis que Ducky s’était déjà pencher pour l’examiner. Gibbs s’approcha d’eux.  

 «Alors, Ducky, que peux tu m’apprendre ? »

 «Du calme, Jethro, je viens à peine d’arriver. Tout ce que je peux te dire pour l’instant, c’est qu’il n’est pas mort de mort naturelle. »
Gibbs sourit.

Ducky mania le thermomètre hépatique d’un mouvement expert.

 « D’après la température de son foie, et la température ambiante … »

Il fit un rapide calcul mental.

 « … Je pense que ta victime a du décéder entre 6h et 7h ce matin. »

Il se pencha et étudia rapidement la blessure unique que le marin avait au thorax.

 « Je pense même pouvoir te dire la cause du décès : un tir en plein cœur. Pour le reste, arme du crime et traces de lutte, tu devras attendre mon rapport d’autopsie, Jethro. »

 «Qui arrivera très vite, j’en suis sûr ! » Lui rétorqua Gibbs en s’éloignant.

Palmer fit embarquer le corps du marin sur le brancard. Direction : la morgue du NCIS.

 

 Linda n’avait pas pu affirmer catégoriquement que le livre n’appartenait pas au sergent Adams, mais elle ne se rappelait pas l’avoir jamais vu dans la maison, ni que Mike ne lui en ait jamais parlé. Le retour au NCIS fut très silencieux, chacun ressassant dans son coin les deux affaires sur lesquelles ils étaient en train de travailler et à quel point elles étaient troublantes. Surtout à la lumière des derniers évènements. D’abord, il y avait la casquette. Elle prouvait que le NCIS était forcément impliqué d’une manière ou d’une autre dans l’œuvre de ce psychopathe. Et puis, il y avait les mises en scènes. La même idée commençait à germer dans leur tête à tous, bien qu’aucun n’osât encore l’exprimer tout haut : un cinglé semblait prendre pour cible des gens qui ressemblait étrangement à eux. Pire : un cinglé semblait prendre pour cible des gens qui ressemblaient étrangement à eux ET il rajoutait des détails supplémentaires. Bon certes, ce n’était pas des détails flagrants, mais quand même. Gibbs sentit un frisson lui parcourir l’échine. Tout ça était mauvais signe. Très mauvais signe.

 

 LUNDI, 11h45 a.m. QG du NCIS,

 

 Deux heures. C’était le temps que Ziva venait de passer au téléphone avec une foultitude de gens afin de vérifier (deux fois, cela va de soi !) les affirmations de la petite amie du sergent Adams. Elle raccrocha brutalement le téléphone et regarda Tony, assis lui aussi à son bureau, en train d’étudier le portable du marin.

 «Si j’entends encore une seule personne me dire à quel point ce Mike était génial, je crois que je vais venir chèvre. »

Tony leva à son tour les yeux vers elle.

 « Devenir chèvre, Ziva, on dit ‘devenir chèvre’ ! Et dis toi que ça pourrait être pire : tu pourrais être en train de faire du porte à porte avec un Gibbs pas à prendre avec des pincettes, comme ce pauvre Mc Gee. »

Ziva sourit.

 «Et toi, Tony, tu as trouvé quelque chose d’intéressant ? »

 « Rien. Nada. Nothing. Ce type était tellement banal que c’en est déprimant. Des emails de boulot et de quelques amis, une ébauche de roman, quelques téléchargements illégaux, des recherches sur les chiens labrador, pour l’anniversaire de sa copine, et sur les derniers résultats des Knicks … Plus américain lambda, tu meurs ! »

 «Qu’est ce qu’on fait maintenant ? »

 «Tu as vérifié que Wright et Adams ne se connaissaient pas ? »

 « Oui, Tony ! Et je n’ai rien trouvé non plus. Ni coup de téléphone, ni amis en commun, ils habitaient à plus de cinquante kilomètres l’un de l’autre, Adams s’est engagé à une époque où Wright était en Irak et Wright a pris sa retraite alors qu’Adams était en mission sur un porte avion. Linda, la petite amie, n’a jamais entendu parler de Wright et Clare, la fille de Wright n’a jamais entendu parler d’Adams. »

Tony se leva et vint s’appuyer sur le bureau à côté de sa coéquipière.

 «Tu sais que si on dit ça à Gibbs, on ne quittera pas le NCIS. »

 «Tu crois vraiment qu’il nous tuerait, Tony ? » Demanda-t-elle d’un air sceptique.

 «Qui te parle de nous tuer ? Il va simplement nous garder enchaînés à notre bureau jusqu'à ce qu’on trouve ce qui nous échappe dans cette affaire … »

 «Je suis sûre qu’il se montrera compréhensif si nous … »

Elle fut interrompue par l’ascenseur qui tinta en arrivant à l’étage. Tony et Ziva se précipitèrent aussitôt derrière leurs bureaux respectifs, Tony attrapa le téléphone et Ziva le répertoire du capitaine Wright et tout deux firent mine d’être plongés dans un travail intense et fastidieux. Mais Gibbs traversa la pièce sans leur accorder le moindre regard, s’engouffra dans le second ascenseur, celui qui descendait vers le labo et la morgue, et disparut. Tony et Ziva en restèrent ébahis. Ils mirent quelques secondes à reprendre leurs esprits et se tournèrent fébrilement vers McGee qui venait de s’asseoir à son bureau.

 «Qu’est ce qu’il a ? » demandèrent-ils en même temps.

 «Le problème n’est pas ce qu’il a, mais plutôt ce que nous n’avons pas, en fait. » Répondit McGee.

 «Votre enquête n’a rien donné ? »

 « Rien du tout. Je veux dire, il y a bien des gens qui ne l’aimaient pas, comme tout le monde, mais aucun n’avait un mobile suffisant pour le tuer et tous ont un alibi. Et de votre côté ? » S’enquit il avec espoir.

 «Le gars de base qui payait ses factures à l’heure et dont le seul écart est deux contraventions pour stationnement gênant. »

 « Peut être que quelqu’un a été suffisamment agacé par ces stationnements pour se venger ? »

Ziva et Tony se contentèrent de le regarder.

 «Je sais, c’est pathétique. Mais si vous avez une autre idée … »

Tony soupira.

 «On n’avait pas d’autre idée, justement, alors on s’est renseigné. C’était des stationnements devant une bouche d’incendie. Et je vois mal une bouche d’incendie avoir des velléités de vengeance, donc … »

 «Retour à la case départ. »

 « Je continue de penser qu’à l’heure actuelle, c’est quand même ma théorie qui reste la plus crédible ! » Affirma Tony.

 «Et c’est quoi ? »

 « Qu’on a à faire au meurtrier parfait. »

 

 Ducky se pencha sur le corps du marin une dernière fois.

 «Et voilà, sergent, je vous ai redonné votre apparence initiale. Avouez que vous êtes mieux comme ça, n’est ce pas ? »

Il s’apprêtait à remettre le corps dans le réfrigérateur prévu à cet effet quand les portes coulissantes s’ouvrirent sur Gibbs.

 «Jethro ! Tu arrives au bon moment, comme toujours ! »

 «Tu as terminé l’autopsie, Ducky ? »

 « A l’instant. Je dois t’avouer qu’elle ne m’a pas appris grand-chose de plus que celle du capitaine, mais il y a quand même quelques détails intéressants … Viens voir. »

Gibbs le suivit tandis qu’il s’approchait de la plaque lumineuse murale. Il y plaça une radio du thorax du marin.

 « Comme tu le sais sans doute, Jethro, le cœur occupe une place assez précise dans le thorax : il se situe plutôt en bas, à gauche. En regard des vertèbres T6 à T8 pour être plus précis. Or la balle qui a causé le décès de ce pauvre sergent est entrée en plein cœur, mais n’est pas ressortie, comme le montrait l’absence d’orifice de sortie dans le dos. J’ai donc pensé la retrouver logée dans l’une des trois vertèbres situées derrière le cœur … »

Il changea de radio, montrant une autre radio de thorax, prise cette fois de profil.

 « … Quelle ne fut pas ma surprise de la découvrir beaucoup plus haut, fichée à l’intérieur la vertèbre T4 ce qui … »

 « Et alors ?» l’interrompit Gibbs, peu désireux de subir l’un des longs monologues de Ducky.

 «Tu le sauras si tu cesses de m’interrompre, Jethro ! Je disais donc que cette localisation pour le moins insolite m’a intriguée au plus haut point. C’est en pratiquant l’autopsie que j’ai découvert comment cette balle est arrivée là. Figure toi qu’elle est entrée dans le cœur, ainsi que je le supposais, au niveau du ventricule droit, qui a été littéralement déchiqueté sous l’impact, qu’elle a continué sa course dans le ventricule gauche puis elle a traversé la partie ascendante de l’aorte, puis sa crosse, pour venir finir sa course dans la quatrième vertèbre thoracique. »

 «Et alors ? » Répéta Gibbs sur le même ton impatient.

 « Et alors, cela nous apprend deux choses. Premièrement, que le tueur était très proche de sa victime, deux ou trois mètres, pour qu’une balle de ce calibre fasse autant de dégâts. Deuxièmement, que le tueur était soit un nain, soit assis, pour que cette balle suive une trajectoire montante dans le thorax, et non descendante, comme c’est le cas normalement dans ce genre de blessure. »

 «Et tu penches pour quelle hypothèse ? »

 « Pour celle d’un homme de taille normale, assis. En effet, si tu considères que nous avons à faire au même assassin que celui du capitaine Wright, touché en plein front par une balle qui a suivi une trajectoire droite, il s’agit forcément d’un homme qui mesure au minimum 1m80. »

 «C’est ce que je pense aussi, Ducky. »

Ducky remarqua l’air soucieux de Gibbs.

 « Je suis aussi inquiet que toi, Jethro. Cet homme … »

Il désigna le corps du sergent Adams,

 « … a été tué de sang froid par quelqu’un qui l’attendait dans son salon, probablement calé dans un fauteuil. C’était une cible qui n’a pas été choisie au hasard, Jethro. L’assassin savait exactement pourquoi il voulait que ce soit lui et pas quelqu’un d’autre. Il a tiré avec une précision absolue, sans la moindre hésitation. Oui, il n’y a aucun doute. En tuant ce marin, en tuant ces marins, pour être exact, il avait un but précis en tête. »

 

 Abby était … agacée. C’était bien la première fois qu’elle se retrouvait avec si peu de résultats pour tellement d’indices. L’examen (minutieux !) de chacun des vêtements des deux soldats n’avaient pas donné grand-chose, pas plus que celui des balles tirées. Seules les casquettes avaient fini par lui révéler un secret. Même si en y réfléchissant bien, elle aurait préféré ne PAS le découvrir. Parce que ça lui avait foutue une sacrée trouille, et Dieu seul savait que pour effrayer Abby Sciuto, il fallait au moins être un tueur en série complètement fou ET être sur le point de s’attaquer à ceux qu’elle aimait. Ce qui semblait être exactement le cas ici. Elle sursauta en entendant la voix de Gibbs.

 «Abby ? Tu as trouvé quelque chose. »

Elle se précipita dans ses bras.

 «Gibbs! Je suis contente de te voir! J’étais tellement inquiète pour toi! »

 «Heu, Abby, j’étais simplement avec Ducky … »

 «Oui, mais quand tu sauras ce que j’ai découvert, tu comprendras les raisons de mon inquiétude! »

 «Je t’écoute, Abby … »

Elle lui montra les casquettes découpées, posées l’une à côté de l’autre sur la table.

 «J’étais passée complètement à côté la première fois que je les aie examinées. Parce que j’étais focalisée sur la recherche de marques que l’assassin aurait pu laisser, tu vois. Mais je n’ai rien trouvé. Ca m’a tellement agacé que j’en ai jeté une par terre … »

Gibbs la regarda sévèrement.

 «Je sais, on ne balance pas les indices par terre. Mais j’étais énervée, et si je ne l’avais pas fait, je n’aurais sûrement jamais découvert ce qu’elles contenaient … Bref, je la jette, et j’entends comme un bruit métallique … Je la ramasse et je sens un truc dur dans la doublure. Je l’ai ouvert, avec beaucoup de précaution, je te prie de me croire, et là … J’ai trouvé ça … »

Elle lui désigna la table sur laquelle reposait une petite plaque de métal de 1 centimètre sur 5 environ, en acier, très semblable aux plaques d’immatriculation des soldats. Gibbs s’approcha et lut l’inscription qui recouvrait la petite plaque : ‘Agent T. McGee NCIS’

Gibbs se retint de donner un coup de poing sur la table d’Abby. Ce qu’il craignait se confirmait.

 «Je suppose que tu as trouvé la même dans l’autre casquette, mais à mon nom ? »

 «Bah ? Comment tu le sais ? »

 «Est-ce que tu t’es renseignée sur l’endroit où cet homme a pu obtenir de telle plaque ?»

 « Bien sur ! J’ai appelé un ami qui fabrique ce genre de bijoux et je lui ai scanné celle-ci. Il pense que vu la mauvaise qualité du gravement, le tueur les a probablement fabriquées lui-même avec de l’acier que l’on trouve dans n’importe quelle quincaillerie. »

 «Et les balles ? »

 « Identiques dans les deux affaires, elles proviennent de la même arme. Un trente huit. Mais je suppose que ça aussi tu le savais déjà ? »

Gibbs soupira. Tout ça prenait une très mauvaise tournure. Il jeta un coup d’œil à sa montre. 12h05. Jenny, Le directeur ne devait pas encore être partie déjeuner.

 «Tony et Ziva vont t’amener un fauteuil, tout à l’heure, je veux que tu l’examines comme si la vie de McGee en dépendait ! »

 «Pourquoi ? » Demanda t’elle alors que les portes de l’ascenseur se refermaient déjà sur lui.

 «Parce que sa vie en dépend peut être vraiment ! »

Les portes se refermèrent sur lui, laissant une Abby abasourdie.

 

 «Tony, Ziva, je veux que vous vous rendiez chez le sergent Adams et que vous me rameniez le fauteuil qui était le plus proche du corps. » Demanda Gibbs en passant devant eux.

Devant leurs yeux étonnés, il se sentit obligé de leur fournir au moins une petite explication.

 «Ducky pense que le meurtrier était assis lorsqu’il a tiré. »

Tony, Ziva et Mc Gee attrapèrent aussitôt leurs armes.

 «Ok, patron, on se dépêche. »

Ils commencèrent à se diriger vers l’ascenseur. Mais la voix de Gibbs les arrêta.

 «Où allez-vous, Mc Gee ? »

 «Eh bien, aider Tony et Ziva avec le fauteuil, patron … »

 «Surement pas! Allez plutôt aider Abby! »

 «Heu, à quoi faire, patron ? »

 «Allez y et c’est tout, agent McGee! »

 «Bien, patron … »

Gibbs reprit son ascension de l’escalier qui menait au MTAC. Tony se tourna vers McGee.

 «Allez, avoue. Qu’est ce que t’as fait pour le mettre dans une colère pareille ? »

 «Mais, rien, Tony, je te le jure ! » Lui répondit Mc Gee en s’éloignant.

Gibbs traversa le bureau de la secrétaire en lui jetant un rapide coup d’œil (pour une fois …)

 «Mme le directeur est encore là ? »

 «Heu, oui, agent Gibbs. Mais vous ne pouvez pas entrer, elle est en réunion! »

Gibbs accorda autant d’importance à l’avertissement que d’habitude : il entra dans la pièce d’un geste désinvolte. « S’croit tout permis, çui là, depuis qu’on a changé de directeur ! Et madame qui ne lui dit rien ! Si ça tenais qu’à moi, j’te l’mettrais hors du bureau vite fait … » marmonna t’elle. Elle avait horreur qu’on ne tienne aucun compte de ses remarques.

La directrice était effectivement en ‘réunion’. Elle était appuyée sur son bureau en train de rire ( !) avec un grand type assis dans un fauteuil. Grand type qui devait forcément porter une perruque pour avoir autant de cheveux à son âge. Le type en question se leva brusquement à l’irruption de Gibbs tandis que Jen prenait un air courroucé.

 «Agent Gibbs! Combien de fois devrais-je vous demander de frapper avant d’entrer dans mon bureau ? »

 «Surement une fois encore, madame le directeur ! » Lui rétorqua-t-il en jetant un regard de mépris sur le costume Armani et les chaussures à 5000 dollars de l’inconnu.

 «Ce n’est pas grave, Jenny. Je devais partir de toute façon. »

 «Jenny ?!?»

Il attrapa sa main et y déposa un baiser.

Gibbs se retint de l’attraper par le col de sa chemise trop blanche, histoire de le mettre dehors un peu plus vite. Ce gars ne lui inspirait PAS DU TOUT confiance.

 «A ce soir, Miles. »

 «A ce soir ?!!!!?»

 «A ce soir, Jenny. Au revoir, agent … ? »

 «Gibbs. Au revoir ‘Miles’! »

Le fameux Miles quitta la pièce rapidement, un peu aidé en cela par le regard visiblement peu chaleureux de Gibbs, qui claqua la porte derrière lui. Jenny avait ramassé ses affaires en vue de partir déjeuner.

 «Que me vaut l’honneur de ta visite –de ton intrusion, devrais je dire- de ton plein gré et à cette heure ci ? »

Gibbs écarta de son esprit la question qu’il aurait voulu poser –Qui c’est, ce type louche ?- pour en revenir à son souci principal.

 «On a un problème. »

 «Aïe. Ce doit être grave pour que tu décides de venir m’en parler avant que je ne le découvre moi-même … »

Gibbs ignora le sarcasme.

 «Suffisamment pour que tu viennes t’en rendre compte par toi-même. »

 «Ça ne peut pas attendre jusqu’après le déjeuner, Jethro ? »

 «Non, ça ne peut pas. Suis-moi, je vais te montrer le problème en question. » Ordonna-t-il en franchisant déjà la porte.

 « Et on ira déjeuner après, si tu veux … »

Jen le regarda s’éloigner un instant en soupirant puis lui emboîta le pas. Elle n’avait rien de mieux à faire de toute façon. Elle le rattrapa en haut des escaliers.

 «Et où va-t-on ? »

 «A la morgue. »

Il ne semblait pas souhaiter en dire davantage pour le moment.

 «Je vois … »

 «Ducky, peux tu montrer le capitaine Wright à la directrice, s’il te plaît ? »

 «Heu, oui, bien sur, Jethro … »

Il sortit la planche sur lequel reposait le corps du marin.

 «Il ne te rappelle personne, comme ça, je suppose? » Demanda-t-il à Jenny.

Celle-ci, qui ne voyait absolument pas où il voulait en venir, lui répondit que non, effectivement, il ne lui rappelait personne.

 «Très bien. Et si je te précise que c’est un ancien marin, qu’il a participé à une guerre en Irak, qu’il a divorcé plusieurs fois et que l’assassin tenait à ce qu’il ait les yeux bleus ? »

Jenny fronça les sourcils sans oser dire ce qui venait de lui traverser l’esprit, mais Gibbs avait remarqué son trouble.

 «Mais si, c’est bien ce que tu crois. Tu rajoutes à ça le meurtre d’un autre marin, un jeune homme ayant écrit un roman tiré de son travail, et tu comprends pourquoi nous avons un sérieux problème. »

Ducky ‘rangea’ le sergent.

 «Comment se fait il que tu ais attendu deux meurtres pour m’en parler ? »

Gibbs ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel.

 «Parce qu’avant que Abby ne découvre nos noms dans les casquettes de ces deux marins, nous ignorions que c’était nous qui étions visés! »

Elle ouvrit la bouche pour lui poser une autre question, mais il l’interrompit aussitôt.

 «Tu auras tout le loisir de te plaindre de mon comportement pendant le déjeuner, mais là, je meurs de faim! »

 

 LUNDI, 13h45 p.m. QG DU NCIS,

 

 Hollis était furieuse. Non seulement elle était encore en colère pour la dispute qu’ils avaient eu le matin même, mais en plus, il se moquait d’elle ! Elle l’avait attendu UNE DEMI-HEURE avant qu’il ne daigne l’appeler pour lui expliquer qu’en raison d’un problème majeur, il ne pourrait pas déjeuner avec elle.

 'Un problème majeur, tu parles, oui !’

Dire qu’elle s’était bêtement inquiétée en l’entendant parler d’un problème majeur! Tellement inquiétée, même, que malgré que Gibbs lui ait demandé de rester en dehors de cette histoire ‘qui ne la concernait pas et qui serait sans doute bientôt réglée’, pour reprendre ses propres termes, elle s’était rendue au NCIS. Là, elle avait d’abord croisé Tony et Ziva, transportant tant bien que mal un gros fauteuil qui ne voulait visiblement pas entrer dans l’ascenseur. Elle leur demanda ce qu’était le ‘problème majeur’ mais ils n’avaient pas l’air très au courant. Puis, elle avait croisé la secrétaire de la directrice qui partait elle aussi déjeuner, après avoir fini de classer le courrier de la matinée.

 «Vous ne savez pas où est l’agent Gibbs, par hasard ? » Lui demanda Hollis.

La secrétaire la regarda avec un air de suspicion, comme se demandant si elle se moquait d’elle ou pas.

 «Il est parti déjeuner avec le directeur, lieutenant colonelle. Mais ça fait un moment maintenant, je pense qu’il ne devrait plus tarder à revenir. »

La colère pâlît brutalement Hollis.

 «Ça ne va pas, lieutenant ? » S’inquiéta la secrétaire devant son silence et sa mine crispée.
 «Ça va très bien, je vous remercie. » Lui répondit-elle sèchement.

La secrétaire n’insista pas et s’éloigna rapidement.

 ‘C’était CA, son problème majeur ? Déjeuner avec Elle ? Il se moquait d’elle, ce n’était pas possible autrement !’

Non pas qu’elle n’ait pas confiance en Gibbs. Encore que, avec ce que lui avait raconté Ducky … Non, c’était en Elle qu’elle n’avait pas confiance, cette espèce de garce de directrice. Mon Dieu, comme elle la haïssait. Elle s’étonnait même d’être capable d’abhorrer quelqu’un à ce point. Ce n’était pourtant pas dans sa nature, mais c’était plus fort qu’elle. Elle avait … pressenti en cette femme une ennemie quasiment le jour même où elles s’étaient rencontrées. Maintenant, elle avait des envies de meurtres aussitôt qu’elle entendait sa voix.

 «Lieutenant colonelle Mann! Que nous vaut l’honneur de votre visite parmi nous encore une fois ? »

Jenny avait été (désagréablement) surprise de trouver Hollis Mann au NCIS, après avoir clairement entendu Gibbs lui demander de rester là où elle était, c'est-à-dire chez elle. Et, du point de vue de Jen, c’était effectivement là qu’elle était le mieux, même si la directrice ne l’avouerait jamais. Hollis se força à sourire.

 ‘De quoi je me mêle ?’

 «Bonjour à vous aussi, Madame le Directeur. Il faut que je parle à Jethro, c’est tout. Où était-il, d’ailleurs ? »

 «S’il n’a pas jugé utile de vous le dire, c’est probablement qu’il a ses raisons, n’est-ce pas ? » Lui répondit Jenny avec son plus charmant sourire.

Jenny 1, Hollis 0. La haine luisit dans les yeux normalement avenants d’Hollis.

 «Excusez-moi, mais je dois retourner travailler. J’ai été ravie de vous revoir, lieutenant. »

Jenny monta rapidement les escaliers sans un regard en arrière.

 «Surement pas à moitié autant que moi, Directrice. » murmura Hollis en la regardant disparaître.

 «Mais vous ne vous l’emporterez pas au paradis, croyez moi. »

Non, Hollis Mann n’était vraiment pas du genre à se venger. Mais elle était tout à fait capable de faire une exception, pour s’assurer que rien ni personne ne se mette jamais entre elle et Gibbs.

 

 A cent lieux de s’imaginer ce qu’il se passait à l’étage juste au-dessus, Gibbs écoutait Abby lui relater ce qu’elle avait découvert à propos de ce fameux fauteuil. Il y avait bien des résidus de poudre dessus, mais rien de plus. Ah si, ce qui ressemblait à un cheveu brun. Sur le coup, elle et McGee avaient été surexcités… jusqu’à ce qu’ils découvrent qu’il s’agissait d’un bête poil de chat. En gros, ils n’étaient pas plus avancés avant l’étude du fauteuil qu’après. Le tueur semblait savoir exactement quoi faire pour ne laisser aucune trace. Il était précis et méthodique. Comme la plupart des tueurs en série, quoi. Abby vit la tête que faisait Gibbs et essaya tant bien que mal de lui remonter le moral.

 «T’inquiète, Gibbs ! Tous les tueurs en série finissent par commettre une erreur! Bon, d’accord, ça n’arrive parfois qu’au seizième meurtre, mais ils n’ont pas tous l’agent Leroy Jethro Gibbs à leur poursuite! »

 «Non, mais tous ne visent pas des membres de mon équipe, Abby! »

 «Bof, ce n’est pas non plus comme si c’était la première fois, tu sais, Gibbs. C’est même presque devenu une vieille routine : les méchants nous menacent, bla bla bla, en attendant, ce sont eux qui sont soit morts, soit derrière les barreaux pour un loooooong moment, et nous qui sommes toujours là! » constata Tony.

 «Peut être, mais j’aimerais bien que tu ne le prennes pas à la légère, Tony, s’il te plaît. L’homme dont nous parlons ne s’est pas contenté de simples menaces. Il a tué deux personnes de sang froid et il n’hésitera pas une seconde quand ce sera sur l’un d’entre vous qu’il fera feu. »

 «Sauf si c’est nous qui tirons les premiers… Personnellement, ça ne me pose aucun problème. » certifia Ziva.

L’assurance affichée par ses agents ne rendit pas Gibbs moins soucieux.

 «En attendant, je veux que vous soyez en permanence sur vos gardes. Et que vous soyez joignables à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. »

 «De la nuit ? » protesta Tony.

 «C’est ça ou toi, Ziva et Mc Gee allez passer beaucoup plus de temps ensemble ces jours prochains… »

 «Portable allumé en permanence, c’est noté! »

Ils remontèrent vers le bureau pour aller explorer encore quelques pistes. Après tout, l’espoir fait vivre, comme le fit remarquer Tony. L’ascenseur étant fort étroit, il ne put échapper à la claque que Gibbs lui asséna derrière la tête.

 

 LUNDI, 18h30 p.m., une rue devant le QG du NCIS,

 

 L’homme était là depuis une bonne heure lorsqu’il fut enfin récompensé de sa patience. Il s’installa plus confortablement encore et sortit sa petite caméra. Tony et Ziva quittaient le NCIS. Ils s’arrêtèrent un moment dans la rue pour discuter. Bien sûr, l’homme était beaucoup trop loin pour entendre le moindre mot de leur conversation mais ça n’était pas nécessaire. Il n’y avait qu’à observer leur attitude crispée, leur air tendu, pour savoir qu’ils parlaient de lui. Enfin, Tony et Ziva se séparèrent. Ziva partit vers la droite et Tony resta quelques instants à l’observer avant de se diriger vers sa voiture garée non loin.

Ensuite, ce fut Mc Gee qui sortit, accompagné de la fille gothique, Abby. Ils ne s’arrêtèrent pas et continuèrent tout droit. Ils passèrent à quelques mètres de Lui. Indifférents à sa présence, ils étaient plongés dans leur discussion. L’homme retint un sourire. Décidément, c’était trop facile. Il le regrettait presque, mais il aimait à penser que c’était parce qu’il avait tout planifié consciencieusement et méticuleusement que tout ce passait si bien.
Il dut attendre à nouveau un moment avant de voir (enfin !) celui qui l’intéressait le plus : l’agent Leroy Jethro Gibbs. Ou : ‘‘celui qui n’avait jamais été mis en échec par quelque criminel que ce soit’’. En tout cas, jusqu’à aujourd’hui. Gibbs était accompagné de la blonde qui vivait avec lui. Une sacrée emmerdeuse, à son avis. Il était là quand elle avait piqué sa colère, la veille au soir. Il n’en avait pas davantage compris les raisons que l’agent Gibbs.
Le jour déclinait lentement et la température descendait doucement. Mais l’homme restait assis, songeur. Par qui commencerait-il ? La petite du Mossad, douloureux rappel pour Gibbs de la mort de l’agent Todd, qu’il n’avait pas pu non plus empêcher ? Ou bien, par Mc Gee, probablement la cible la plus facile ? Il frissonna en revenant à la réalité et jeta un œil sur sa montre. 19h15. Il était temps de rentrer. Demain serait une dure journée. Pour eux.

 

 MARDI, 5h47 a.m., chambre de Gibbs,

 

 Le téléphone portable vibra sur la table de nuit, provoquant un bruit épouvantable. Gibbs se réveilla brutalement en réalisant que c’était SON portable qui vibrait. Il regarda l’heure affiché par son réveil et décrocha. Il s’attendait au pire, en recevant un appel à cette heure ci.

 «Gibbs ! »

 «Agent Gibbs ! » Lui répondit une voix masculine qui lui était inconnue.

 «Je suis tellement content de vous parlez enfin. »

 «Qui êtes vous ? »

 «Mon nom ne vous apporterait rien, agent Gibbs, je vous assure que vous ne me connaissez pas. Moi, en revanche, je vous connais. Bien, même… »

 «Vous êtes le cinglé qui avez assassiné ces deux marins ? »

La voix se durcit imperceptiblement.

 «Agent Gibbs, s’il vous plaît ! Il ne s’agissait pas de vulgaires assassinats ! Ces deux hommes avaient été choisis ! N’est-ce pas follement excitant de savoir qu’ils étaient des pions sur un grand échiquier et qu’ils ont du être sacrifiés pour atteindre le roi adverse ? »

 «Et vous, dans cette histoire, vous êtes le fou, j’imagine ? »

L’homme eut un léger rire.

 «Vous avez de l’humour, agent Gibbs… Reste à savoir combien de vos pions vont devoir être sacrifiés pour m’atteindre, moi… »

 «Pourquoi vous en prendre au NCIS ? »

 «Mais pourquoi pas, agent Gibbs ? Il y a un moment maintenant, j’ai vu le départ de votre précédent directeur à la télévision… Il disait que personne n’avait jamais réussi à vous battre, que personne n’y arriverait jamais, quelque soit le directeur à la tête de l’agence. Je suis très joueur, vous savez, alors j’ai décidé de relever le défi qui m’était implicitement lancé. J’ai passé plus de deux ans à mettre ça au point, à vous étudier, vous et votre équipe -je n’ai pas cru une seconde que vous alliez réellement partir en retraite, soit dit en passant- et il y a deux jours, j’ai décidé que j’étais prêt… »

 «Prêt à quoi, exactement ? »

L’homme rit doucement de nouveau.

 «Ça, agent Gibbs, vous le saurez, en temps voulu… Mais rassurez vous, ce temps va arriver très vite. Dans la matinée, si je ne m’abuse… Amitiés à Tony et Ziva, je suis certain qu’ils vont apprécier le petit… clin d’œil… que je leur ai préparé… Etrange comme parfois la vie vous offre exactement ce que vous cherchez au moment où vous en avez besoin… »

Sur ce, il raccrocha.

 

 Tony n’arrivait pas à y croire. Il faisait encore nuit, il faisait froid, il était à peine passé six heures du matin et il était déjà devant le bâtiment du NCIS. Qu’est ce qu’il avait fait au ciel pour que les serials killers appellent TOUJOURS au beau milieu de la nuit ? Ils ne dormaient jamais ? Et comment se débrouillaient-ils tous pour réussir à obtenir le numéro de Gibbs ? Franchement, y’avait des failles dans le système! Ziva ne partageait pas du tout l’avis de Tony. Elle était tout à fait en forme à cette heure-ci, prête à dégommer du serial killer. Plusieurs, même, s’il le fallait. C’est ce qu’elle essaya de faire comprendre à un Tony visiblement peu enthousiaste lorsqu’ils arrivèrent devant Gibbs. McGee était déjà là, étudiant le téléphone.

 «Il s’agit du numéro d’une cabine publique située quelque part au sud de la base de Columbia. Mais je ne sais pas si ça nous avance beaucoup… »

 «Si, Mc Gee. S’il y a bien une chose que ce cinglé voulait me faire comprendre, c’est bien qu’il ne laissait absolument rien au hasard. Il comparait ses meurtres à un sacrifice de pion dans une partie d’échecs. S’il a appelé de là-bas, c’est pour une raison précise… Il a aussi parlé d’un clin d’œil pour Tony et Ziva. A mon avis, nous retrouverons ce dont il voulait parler quelque part pas loin de cette cabine… »

 «Tu penses à un meurtre, patron ? »

Le visage de Gibbs était fermé.

 «Oui, Tony. Représentant probablement toi ou Ziva dans la tête de ce malade… »

 

 Trois heures plus tard, rien de nouveau ne s’était produit. Tony somnolait sur sa chaise, McGee jouait discrètement sur son ordinateur et Ziva tournait en rond, totalement désœuvrée. Gibbs était descendu depuis un moment se chercher un café, et elle avait le sentiment que le temps devait s’être arrêté, tellement les secondes s’écoulaient avec une lenteur désespérée. Quand Gibbs réapparut, tout le monde fit profil bas, à l’exception de Ziva, qui s’approcha de Gibbs avec l’intention évidente de lui dire quelque chose.

 «Agent Gibbs… »

 «Si c’est encore de la part de la directrice, je ne veux pas le savoir. » La coupa-t-il brutalement.

Elle se tut, mais resta à le regarder. Il l’ignora.

 «Pourquoi n’êtes vous pas au travail ? »

Tony et McGee s’empressèrent de faire semblant de débuter quelque chose, mais Ziva leva les yeux au ciel.

 «Nous ne sommes pas au travail parce que nous n’avons RIEN ! Nous avons tout vérifié trois fois ! » s’exclama-t-elle.

 «Ah oui ? Et bien recommencez jusqu’à ce que vous ayez quelque chose, agent David ! »

 «Mais… »

Elle s’interrompit devant le regard qu’il lui lançait et retourna rageusement s’asseoir à son bureau. Dire qu’elle avait pensé que la journée serait excitante, avec une traque et un interrogatoire jouissif de potentiel tueur en série, et qu’ils étaient là, à relire des pages de carnet comme si il eût fallu qu’elle les sache par cœur. Elle soupira. ‘Faîtes qu’il se passe n’importe quoi, pourvu que la journée prenne une tournure inattendue …’

 

 Quand elle avait demandé de l’inattendu, elle n’aurait jamais pensé que le destin la prendrait à ce point au pied de la lettre. Elle s’était retenue de crier de joie quand le téléphone avait sonné parce qu’elle savait qu’il ne pouvait annoncer qu’une mauvaise nouvelle. Mais quand même, la perspective de bouger un peu l’avait soulagée. Ainsi que Gibbs l’avait supposé, le meurtrier avait bel et bien frappé près de la cabine téléphonique de laquelle il avait appelé. Il s’agissait d’un double meurtre, cette fois ci. Au 2118, California Street, Columbia. Les victimes étaient un jeune couple. De marines, bien entendu. Mais la plus grande surprise les attendait sur place.

 

 MARDI, 9h15 a.m., 2118, CALIFORNIA STREET, COLUMBIA

 

 Ce fut uniquement quand ils purent voir les corps que la phrase prononcée par le tueur pris tout son sens.

 «Alors là… Alors là… » fut tout ce que McGee réussi à prononcer.

Tony était stupéfait et Ziva consternée. Le jeune homme, Dean Corelli, était d’origine italienne. Sa femme, Elsa, était juive.

 «Non, mais, franchement, qu’elle était la probabilité qu’une telle situation se produise ? Je veux dire qu’il soit italien et elle juive, qu’ils soient mariés et qu’ils soient des marines ?» énuméra Tony.

 «La vraie question c’est : pourquoi notre inconnu a-t-il pensé que nous allions nous reconnaître dans ce couple, Tony ? »

 «Sincèrement, Ziva, je n’en ai aucune idée. Toi, encore, ça va, tu as de la chance, tu serais mariée avec moi. Moi, par contre… »

Une claque à l’arrière du crâne le ramena brusquement à la réalité du terrain.

 «Je ne crois pas qu’il y ait matière à plaisanter pour le moment, Tony, alors… Au boulot. »

 «Oui, chef ! »

On avait placé une large étoile de David en carton autour du cou de la jeune femme et un fil de coton noir relié à un CD à celui du jeune homme, ce qui lui donnait un singulier aspect.

 «J’ose espérer qu’il ne croit pas que ma religion est représentée par un CD ! Parce que je ne suis pas McGee… »

 «Très drôle, Tony… Non, je crois plutôt qu’il nous a laissé un indice supplémentaire, cette fois-ci… »

 «Parce qu’il trouve qu’on a été nuls jusqu’à présent et qu’il faut qu’il nous aide ? »

 «Ce en quoi il n’a pas complètement tort, pour le moment! »

 «Bah, on en saura sans doute plus, quand on aura regardé ce qu’il y a là dessus. » dit McGee en détachant délicatement le CD de son fil.

 «De toutes façons, il n’y a rien de plus à voir ici que sur les deux autres meurtres… »

Ils remballèrent leurs affaires et laissèrent la scène de crime à Ducky et son assistant.

 

 Les théories concernant ce qui pouvait se trouver sur le fameux CD allaient bon train dans la voiture, au retour. Mais elles étaient toutes plus farfelues les unes que les autres et aucune ne semblait être du domaine du possible malgré les efforts qu’ils faisaient pour se creuser la tête. Aussi étaient-ils tous impatients de découvrir ce que contenait le CD. Enfin.... Au début, en tout cas. Et puis… D’abord, la vidéo avait montré un peu les victimes, puis le bâtiment du NCIS. C’était là que ça avait commencé à dégénérer. Les images avaient commencé à les montrer eux, dans leur vie quotidienne. Tony et Ziva quittant le NCIS. Puis, chez eux. Seuls ou accompagnés. McGee embrassant rapidement Abby devant chez elle. Le pauvre en rougit devant les regards amusés de Tony et Ziva.

 «Euh, c’est pas ce que vous croyez… » balbutia t’il.

 «Ah non, le bleu ? Et c’est quoi, alors ? » ironisa Tony.

Un regard noir de Gibbs les fit taire immédiatement.

 «Vous croyez vraiment que c’est le moment ? »

 «Heu, non, patron… » s’excusèrent Tony et McGee d’un air penaud.

La vidéo continuait de défiler sans le moindre son. McGee avec sa sœur. Gibbs poursuivant Jen hors du NCIS visiblement pas content, et Jen s’engouffrant dans le véhicule de fonction qui lui était alloué sans daigner répondre à ses invectives laissant un Gibbs visiblement frustré.

Gibbs quittant le NCIS avec Hollis. Des images datées de plus d’un an et d’autres de la veille.

Puis, brusquement, l’écran devint noir. Et le son se mit en route.

 «Agents de la Gibbs Team, bonjour! »

La voix était joviale, presque joyeuse.

 «Vous ne me connaissez pas et pourtant je sais que j’occupe vos pensées sans arrêt depuis plus de deux jours. Si ça peut vous consoler, sachez que vous, vous occupez les miennes depuis plus de deux ans. En tout cas, bienvenue dans le jeu. Mon jeu. Le plus grand jeu d’échec jamais joué au monde. Alors ? Heureux d’en faire partie ? Excités ? Stressés ? Moi, j’avoue être un peu tout ça à la fois. Mais c’est tellement exaltant, n’est-ce pas ? Je suppose que vous savez tous jouer aux échecs, mais je vais quand même vous rappeler les règles. Tous les coups sont permis pour toucher l’adversaire. Jusqu’à ce que l’un des deux rois soit mis en échec et mat, bien sûr. Dans notre cas, il s’agira d’un duel à mort. Mais vous avez un avantage : vous, au moins, avez encore tous vos pions … Pour l’instant, en tout cas. Sur ce, je vous laisse, j’ai des choses à faire. Prendre la reine adverse, par exemple, ce qui reste le meilleur moyen de déstabiliser un roi, non ? »

Le CD se terminait là. Un silence pesant s’abattit sur la pièce.

 «Euh… » finit par murmurer Tony.

 «Quand tu nous as dit qu’il était cinglé, t’étais loin de la vérité en fait. C’est plutôt ‘fou à lier’, le terme que t’aurais du employer… »

Gibbs sentit une angoisse familière lui étreindre l’estomac. L’énigmatique dernière phrase lui tournait dans la tête. Il n’était pas le seul d’ailleurs, parce que Ziva la répéta doucement à voix haute…

 «Prendre la reine adverse ? La reine… »

 «Hollis ! » s’exclamèrent ils tous les deux d’une seule voix.

 

 MARDI, 10h45 a.m., CHEZ GIBBS,

 

 A midi, par temps clair et sans circulation, il fallait vingt bonnes minutes à Gibbs pour rentrer chez lui depuis le Q.G. du NCIS. Ce jour là, malgré la circulation dense et un crachin brumeux persistant, il ne mit qu’une dizaine de minutes. Tony avait vu sa dernière heure arriver au moins dix fois au cours de ce bref, mais intense, trajet et McGee arborait une jolie teinte verdâtre qui lui seyait particulièrement. Seule Ziva ne semblait pas perturbée outre mesure. Ils bondirent dans un bel ensemble hors de la voiture et se précipitèrent dans la maison.

 «HOLLIS ! » appela Gibbs.

Celle-ci apparut sur le pas de la porte du salon.

 «Mais ? Qu’est-ce qui vous prend ? »

Ils la mirent au courant en deux mots.

 «Est-ce que tu as vu quelqu’un de suspect roder autour de la maison ? Ou quelqu’un t’a-t-il abordé dernièrement ? »

Elle prit un air froid.

 «Premièrement, si je voyais ‘‘quelqu’un’’ de suspect roder autour de moi, je serais on ne peut plus capable de me défendre seule, ensuite, tu peux constater que celui que vous cherchez ne m’a fait aucun mal… »

Ce n’était pas une réponse à la question posée, mais Gibbs ne le releva pas, soulagé de voir qu’elle allait bien.

 «McGee va rester avec toi jusqu’à ce que je rentre ce soir… et ensuite, McGee, je veux que vous alliez directement chez Tony ! »

On sentait qu’il avait autant à cœur de protéger Hollis que de protéger McGee en lui demandant de rester là.

 «Hein ?! » s’écria Tony.

 «Mais, patron … » protesta McGee.

 «Ne discutez pas, McGee, c’est un ordre. »

Ils restèrent encore une dizaine de minutes, puis regagnèrent la voiture, à l’exception de McGee. Hollis regarda Gibbs s’éloigner. Un bref instant, elle parut sur le point de lui dire quelque chose, puis se ravisa. Une ombre passa sur son visage, puis elle haussa les épaules. Ce qui était fait, était fait, désormais et si elle n’avait pas la foultitude de principes de Gibbs, elle avait au moins une règle à laquelle elle n’avait jamais dérogé : dans la vie, il vaut mieux avoir des remords que des regrets. De toute façon, ce n’était pas comme s’il lui avait laissé le choix, n’est-ce pas ? Si elle n’avait pas fait ce qu’elle avait fait, Il l’aurait sans doute tué… Bien sûr, elle aurait pu le dire à Gibbs, lorsqu’elle en avait eu l’occasion. Et puis, elle avait revu le sourire de cette… Rien qu’à cette pensée, une bouffée de rage la prit à la gorge. Elle referma la porte derrière elle et entendit la voiture s’éloigner. Non, décidément, elle ne regrettait rien. Elle estimait que, dans la vie, on n’obtient jamais que ce que l’on mérite.

 

 MARDI, DEBUT D’APRES-MIDI, SALLE D’AUTOPSIE DU NCIS,

 

 Ziva contemplait la jeune femme étendue sur la table d’autopsie. Elle avait tout juste une trentaine d’années. Elle venait tout juste de se marier. Elle était enceinte. Elle avait la vie devant elle. Et il l’avait tuée d’une balle dans la tête. Pour la seule et unique raison qu’elle lui ressemblait. Ziva se jura qu’elle le lui ferait payer. Oui, il paierait pour ça et aussi pour celui qu’elle n’avait pas pu attraper, il y a déjà longtemps, en Israël.
‘Pourvu que cet espèce d’enfoiré se défende quand on viendra pour l’arrêter… Ou, encore mieux, pourvu qu’il nous attaque, ce sera encore plus facile…’Oui, décidément, le mieux était encore qu’il attaque directement afin qu’elle puisse le tuer sans états d’âme… Mais voilà, encore fallait-il qu’il attaque… Et s’il y avait une vertu que Ziva n’avait pas, c’était bien la patience.

 ‘Comment le décider à sortir à découvert ?’

A cette question, Ziva n’avait qu’une seule réponse.

 ‘L’appâter…’
Il faudrait qu’elle en parle à Gibbs, mais elle avait peur qu’il refuse… Ou qu’il veule le faire à sa place, ce qu’elle ne voulait pas davantage… Il y avait bien une autre solution, mais elle répugnait un peu à trahir Gibbs de cette façon. Bon, d’accord, Tony l’avait fait avant elle, mais ce n’était pas une raison… Oh, et puis, zut, après tout. L’essentiel était que ce dingue ne fasse pas d’autres victimes, et surtout pas au sein de leur petite équipe. Sa décision prise, elle se dirigea d’un pas décidé vers l’ascenseur. Direction : le bureau de Jenny.

 

 Ziva fit un vague signe de la main à Cynthia avant de rentrer dans le bureau. Jen ne se donna même pas la peine de faire remarquer à Ziva qu’elle aurait pu frapper, de toute façon, c’était peine perdue. Personne dans l’équipe ne semblait s’inquiéter de savoir si elle voulait les recevoir ou non. Sauf McGee, peut être…

 «Madame le directeur, j’ai quelque chose à vous demander… »

 «Oui, Ziva ? »

 «J’aimerai servir d’appât dans une opération destinée à mettre la main sur le tueur en série qui nous menace… avant qu’il ne s’en prenne à quelqu’un d’autre.»

 «Pourquoi ? Il s’en est pris directement à quelqu’un de l’équipe ? » s’alarma Jen.

 «Non… Enfin, pas vraiment. Mais il a menacé de s’en prendre au colonel Mann ! »

Jen faillit répondre ‘et alors ?’, tellement ça lui était indifférent, mais elle savait que malgré l’antipathie qu’elle éprouvait pour Hollis, celle-ci était un être humain. Que Gibbs aimait beaucoup.

 «Vous l’avez fait protéger ? »

 «Gibbs a demandé à McGee de rester avec elle. »

 «Ah, Gibbs a fait protéger McGee, alors… Il doit vraiment être inquiet… »

Elle fronça les sourcils.

 «Comment se fait-il que vous veniez me demander la permission de servir d’appât, Ziva ? Gibbs ne s’embarrasse pas de ma bénédiction, en général. »

 ‘Plutôt demander pardon que de demander la permission…’ Une des règles de Gibbs…

 «Oui, c'est-à-dire… Peut être qu’il n’est pas tout à fait au courant de mon initiative… »

 «Et vous voulez que je vous donne mon accord dans son dos ? Pourquoi ne lui demandez-vous pas ? »

 «Parce qu’il ne voudra pas… Il a fait protéger McGee et il veut que nous ne bougions plus du NCIS jusqu’à nouvel ordre. Il a demandé à Tony de me raccompagner chez moi ce soir. »

Visiblement, cette dernière partie l’énervait particulièrement.

 «Me raccompagner chez moi ! Je sais mieux me défendre que Tony ! »

 «Ce n’est pas une raison pour venir ici me demander de vous permettre de transgresser ses ordres si ouvertement. Je ne peux pas, Ziva ! »

Ziva savait que Jenny ne voudrait pas encore une fois se mettre en porte à faux vis-à-vis de son agent. Elle soupira. Elle allait devoir utiliser un moyen qu’elle aurait nettement préféré ne pas avoir à employer. Quand elle travaillait encore au Mossad, ce genre de moyen ne l’aurait pourtant pas gênée, mais ici… Elle revit la jeune femme étendue en bas dans la morgue glaciale.

 «Si je peux me permettre, madame, c’est encore vous le directeur, pas l’agent Gibbs. Si vous donnez un ordre, il sera bien obligé de le respecter… »

 «Ce serait vrai s’il était nécessaire que je le donne, Ziva, ce qui n’est pas le cas… »

 «Je suis désolée d’en arriver là, madame le directeur, mais… Quand je vous ai sauvé la vie en Europe, vous avez dit que vous me revaudriez ça. Et bien, c’est l’occasion ou jamais. Je veux pouvoir attirer ce dingue jusqu’à moi et venger moi-même la jeune israélienne qu’il a crut nécessaire de tuer uniquement pour m’atteindre. »

Jenny resta quelques secondes abasourdie.

 «C’est du chantage, Agent David ? »

 «Presque, madame, mais c’est pour la bonne cause… »

 «Pourquoi prenez-vous tout ça tellement à cœur, Ziva ? »

 «Je n’aime pas particulièrement être menacée de mort, vous savez… » éluda Ziva.

 «Je veux dire, vraiment ? »

 «Peu de temps après mon entrée au Mossad, un tueur en série a violé et tué ma meilleure amie. Il nous a nargués pendant des mois. Et puis, il a disparu. On ne l’a jamais retrouvé, ni mort, ni vivant. J’ai failli à la promesse que je m’étais faite de venger Sara. Aujourd’hui, j’ai un peu l’impression de pouvoir me rattraper en retrouvant celui qui a fait ça à Elsa. »

 

 Ziva n’était pas très fière d’avoir forcé la main de sa directrice, surtout de cette façon là, d’autant plus que c’était des méthodes qu’elle s’était juré de ne plus employer. Sauf en cas de force majeure, bien sûr. Il ne restait plus qu’à mettre Gibbs au courant (qu’elle servirait d’appât, pas qu’elle avait fait du chantage, elle n’était pas folle, non plus !). Elle qui se vantait de n’avoir peur de rien frissonnait quand même à cette idée.
Elle passa le reste de sa journée à se demander quel était le meilleur moment pour le lui annoncer. Elle avait fini par opter pour le moment où ils quitteraient tous le NCIS, en début de soirée. Comme ça, il pourrait se calmer tranquillement chez lui en ponçant son bateau (où quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs) avec une bonne bouteille de bourbon et il serait calmé le lendemain matin. Du moins l’espérait-elle. Si le matin, elle avait regretté que le temps ne passe pas assez vite, cette fois-ci, elle trouva que l’après midi s’enfuit à une vitesse fulgurante.
 «Tony, Ziva, vous allez pouvoir y aller… Je veux vous voir ici à 8 heures tapantes demain matin. S’il se passe quoi que ce soit cette nuit, je veux que vous m’appeliez immédiatement, c’est clair ?»

 «Très clair, patron. » répondit Tony en attrapant ses affaires. Il s’aperçut que Ziva ne le suivait pas.

 «Tu viens, Ziva ? »

 «Heu… Oui, Tony, j’arrive. Descends, je te rejoins tout de suite… »

Tony n’insista pas et s’éloigna.

 «Agent Gibbs, je souhaite pouvoir servir d’appât pour le criminel que nous traquons. » débita-t-elle d’une traite.

Gibbs sentit qu’il y avait anguille sous roche.

 «Et pourquoi attendre cette heure-ci pour me le dire, agent David ? »

 «Parce que j’ai pensé que vous refuseriez ? »

 «Et vous aviez raison. Il est hors de question que vous vous exposiez aux balles de cet homme alors que nous ne savons même pas à quoi il ressemble, c'est-à-dire que nous n’aurions aucune chance de le repérer avant qu’il ne tire. Vous êtes consciente de ça, agent David, je suppose ? »

 «Oui, mais je crois qu’il voudrait… jouer avec moi avant de me tuer et que vous auriez tout le temps d’intervenir. De toute façon, au moindre geste suspect, je le tuerais. »

 «Bien sûr. Et vous risqueriez de tuer un innocent qui voulait simplement demander l’heure, puisque, encore une fois, nous ne savons pas qui il est. Je vous répète qu’il est hors de question que nous prenions ce risque, ni pour vous, ni pour les habitants de ce district, agent David ! »

 «Mais… »

 «Fin de la discussion. A demain, Ziva. »

 «Agent Gibbs, je suis désolée, mais la directrice m’a autorisée à effectuer cette opération… »

Pour le coup, Gibbs resta sans voix comme s’il n’arrivait pas à enregistrer la nouvelle. Ziva s’attendait à une explosion de colère d’une minute à l’autre. Mais la réaction de Gibbs l’effraya encore davantage.

 «Très bien, agent David, je ne vois pas pourquoi vous perdez votre temps à me demander une autorisation que vous avez déjà, alors. » dit-il calmement.

 «Je vais finir par me demander à quoi je sers, ici, si tous mes agents outrepassent mes ordres en ayant recours à une plus haute autorité aussitôt que ceux-ci leurs déplaisent.» ajouta-t-il comme pour lui-même.

 «Ma position n’a pas changé pour autant, agent David, quel que soit ce que la directrice a pu vous dire. Je veux vous voir ici, à 8h, demain, comme prévu. Bonsoir.»

Il tourna les talons, laissant une Ziva totalement décontenancée.

 

 En réalité, Gibbs était en colère. Très en colère. Furieux même. Depuis quand Jenny se permettait-elle de contredire un de ses ordres directs ? Bon, s’il était honnête, elle l’avait plus ou moins toujours fait et depuis qu’elle était directrice de l’agence, elle avait même le droit de le faire sans qu’il puisse y redire. Mais c’était plus fort que lui. Il avait beau se forcer depuis plus de deux ans maintenant, il avait encore du mal avec la Jenny directrice. Surtout quand il était en colère après elle. Il voyait toujours la Jenny élève qui n’en faisait qu’à sa tête. Celle qui lui avait un jour arraché son café des mains et l’avait jeté à la poubelle avec le sourire. Difficile de croire que ça pouvait encore renforcer sa colère tant d’années après. Surtout pour un insignifiant café. Mais ce n’était pas le café en lui-même, le problème, c’était son autorité qu’elle avait remis directement en cause ce jour-là. Et bien, il allait lui montrer que lui aussi pouvait remettre en cause l’autorité. Ce ne serait pas la première fois.

 

 Vu la tête qu’il faisait en entrant dans le secrétariat, Cynthia estima plus sage de faire profil bas, au moins pour une fois.

 «Heu, agent Gibbs… » bégaya-t-elle

 «Madame le directeur vient de partir… »

 «Déjà ? »

 «Heu, oui, agent Gibbs. Mais je pourrais lui dire demain que vous vouliez la voir. »

 «Inutile. Je sais où elle habite. »

Cynthia resta choquée. Voilà qu’il allait même la harceler chez elle, maintenant. Alors là, c’était le pompon.

 

 Un instant, Gibbs avait songé à l’appeler, mais il savait qu’elle aurait raccroché aussitôt. Et il était suffisamment en colère pour vouloir qu’elle entende jusqu’au bout ce qu’il avait à lui dire. Quand il arriva devant chez elle, Jenny n’était même pas encore rentrée. Elle venait tout juste de se garer et parut réellement surprise de le voir.

 «Jethro ? Qu’est ce qu… »

 «Tu le sais parfaitement, Jenny ! Je peux savoir pourquoi tu te permets de donner à mes agents des ordres contraires aux miens sans même en discuter avec moi ? Et je t’en prie, ne me ressors pas le couplet sur le fait que tu es la directrice parce que ça commence à devenir lassant !»

Jenny resta interdite quelques instants, mais elle n’était pas du genre à se laisser faire. Surtout pas par Gibbs.

 «Ziva est venue me demander la permission d’éviter d’autres victimes en forçant cet homme à se découvrir et j’ai accepté, point. »

 «Tu as eu tort. Je refuse que Ziva risque sa vie tant qu’on n’en sait pas un peu plus sur celui qu’on cherche! »
 «Je t’en prie ! Ce n’est pas comme si c’était la première fois qu’on allait traquer un ennemi sans visage… »

D’accord, si elle voulait jouer à ce jeu là, il pouvait aussi…

 «Non, c’est vrai… Mais, pour autant que je me souvienne, la dernière fois qu’ON a fait ça, ça s’est plutôt mal terminé…»

Touchée.

 «Mon Dieu, je t’ai connu plus téméraire, Jethro. »

 «Il est toujours plus facile de risquer la vie des gens quand on n’est pas menacé directement, n’est-ce pas, Jenny ? »

Il put voir à son visage qu’il avait visé juste.

 «Je sais, c’est exactement ce que tu as dit à notre directeur de l’époque quand il nous a envoyé faire cette stupide mission. »

 «Et tu l’as soutenu, Jethro. C’est toi qui as insisté pour réaliser cette mission en Europe… »

 «Exact! On dirait bien que les rôles sont inversés désormais, comme tu t’es acharnée pendant deux ans à bien me le faire comprendre ! »

 «Te faire comprendre quoi, exactement ? »

Il ne répondit pas. Ils se mesurèrent du regard quelques secondes.

 «Dis-moi, Jethro, on parle toujours de l’affaire en cours, là ? Ou est-ce qu’il s’agit d’autre chose ? » demanda-t-elle avec son sourire insolent, celui qui le mettait déjà hors de lui quand elle n’était que la jeune recrue fraîchement débarquée au NCIS.
Gibbs ouvrait la bouche pour répondre quand il se troubla soudain. Il fit un effort sur lui-même afin de ne pas se mettre à hurler dans la rue.

 «Mais, on ne parle que de travail, Madame le Directeur, bien sûr. » finit-il par dire avec ironie.

 «Je refuse que Ziva serve d’appât à ce cinglé et si vous tenez vraiment à ce que l’opération ait lieu, souvenez-vous que c’est elle qui est menacé de mort, pas vous. Que ça rentre en compte dans votre réflexion ne serait pas inutile! »

Il monta dans sa voiture et démarra en trombe.

 

 Au début, l’homme avait ressenti une immense frustration. Deux ans de travail acharné et il avait loupé ÇA ! C’était à se donner une claque. Plusieurs même. Et puis, il avait réfléchi. Après tout, l’imprévu avait du charme aussi, même s’il lui faudrait être doublement prudent. Ce qui fait qu’au bout du compte, il avait été plutôt content de la nouvelle tournure des événements. D’abord parce qu’enlever la blonde, ça ne l’enthousiasmait pas plus que ça. Il s’était alors résolu à la tuer, même si, il fallait l’avouer, ça manquait de panache. C’est alors qu’elle lui avait appris pour Gibbs et la jolie rousse qui dirigeait maintenant le NCIS. Voilà qui était nettement plus intéressant : d’abord, il devait reconnaître qu’il avait un faible pour elle, ensuite, enlever le directeur d’une agence fédérale, c’est quand même la classe. Il aurait pu quand même tuer la blonde, mais il aimait mieux voir la tête de Gibbs quand il apprendrait qu’elle l’avait trahie. Trahie par sa propre reine. Voilà qui ne manquait pas de piquant. Enfin, il y avait la cerise sur le gâteau : Gibbs déclarant lui-même qu’il regrettait que son directeur ne fasse pas partie des cibles désignées. Enfin, il ne l’avait pas dit dans ces termes exacts, mais il était bien libre d’interpréter ses paroles comme bon lui semblait… Ainsi qu’il le disait, tous les coups étaient permis. Il s’approcha doucement de la jeune femme qui regardait s’éloigner la voiture à toute vitesse.

«Bonsoir, madame le directeur… » murmura-t-il à son oreille en lui plaquant sa main gantée sur la bouche pour l’empêcher de crier.

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