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Le jeu
20 novembre 2009

Maux d'Amour 1

   LUNDI, 8h45 a.m., Open space du NCIS,

 

 Gibbs était resté silencieux cinq bonnes minutes, observant les photos que Ziva avait ajouté sur le bureau, à côté de celle concernant Jen. Ce fut le chuchotement de Tony qui le tira de ses pensées.

 «Pourquoi tu ne nous en as pas parlé avant, Ziva?» demandait-t-il à l’agent du Mossad debout a côté de lui. Elle haussa les épaules.

  «Tu crois vraiment que c’est le moment, Tony?»

 «Oui, c’est le moment, agent David!» intervint Gibbs avec colère.

 «Vous trouvez que c’est normal que je découvre par hasard que l’un de mes agents est harcelé par un individu potentiellement dangereux?»

Ziva ne se laisse pas démonter par l’irritation de son supérieur.

 «Je ne vous ai rien dit parce que je ne pensais pas l’individu en question dangereux. Et je croyais être la seule à être ‘harcelée’, agent Gibbs. Je ne pouvais pas savoir que la directrice aussi recevait ce genre de messages…»

 «Bien sûr que non, vous ne pouviez pas le savoir, puisque vous êtes toutes les deux assez idiotes pour croire que vous pouvez toujours tout régler toutes seules.» cria Gibbs en se levant brusquement. Il referma la boîte que Cynthia avait apportée d’un coup sec et s’approcha de Ziva, qui préféra faire un pas en arrière.

 «On est une équipe Ziva! Vous comprenez ce que ça veut dire?»

Elle acquiesça.

 «Parfait. Alors, vous allez dire à Tony et McGee quand et comment ces lettres vous sont parvenues, ainsi que tous les détails dont vous pourrez vous souvenir. Et sans rien omettre. Je me suis bien fait comprendre, Ziva?»

Sans attendre de réponse, il abandonna ses agents pour monter quatre à quatre les marches de l’escalier menant au bureau du directeur. Quelques secondes plus tard, ils entendirent une porte claquer. Tony eut une grimace.

 «Je vous conseille de rester ici un moment, Cynthia. C’est surement préférable pour votre santé. »

 

 LUNDI, 8h50 a.m., bureau de la directrice du NCIS,

 

 Gibbs entra sans ménagement dans le bureau puis claqua la porte d’un coup sec, faisant sursauter Jenny. Celle-ci était au téléphone et lui lança un regard courroucé. D’un geste de la main, elle lui désigna la porte pour lui faire comprendre qu’elle n’avait absolument pas le temps d’avoir une discussion avec lui pour le moment. Sans tenir aucun compte de son avis, Gibbs s’approcha du bureau et renversa le contenu de la boîte qu’il portait dessus, causant l’éparpillement dans un artistique désordre des lettres et des photos qu’elle abritait.
Jen resta sans voix un instant, jusqu’à ce que son interlocuteur s’inquiète de son silence et lui demande si tout allait bien.

  «Oui, oui. Un petit problème… interne.» expliqua-t-elle en jetant un regard explicite à Gibbs.

 «Je vous rappelle aussi vite que possible, colonel.»

Elle raccrocha et se tourna vers son agent.

  «Je peux savoir ce qui te prends?»

 «Regarde par toi-même.»

Elle ne baissa même pas les yeux vers les documents, elle les connaissait déjà par cœur.

 «J’avais interdis à Cynthia de te parler de ça. Ça ne te concerne pas!»

 «Non, bien sûr, Jenny, mon nom est écrit sur les trois quarts de ces lettres, mais ça ne me regarde pas, en effet! Une idée de qui a pu t’envoyer ces charmants billets?»

 «A part une de tes anciennes maîtresses, tu veux dire?» ironisa-t-elle.

 «Je ne sais pas, Jen. Tu penses à une en particulier, où il faut que je les rappelle toutes?» lui répondit-t-il sur le même ton.

 «Hollis, peut être?»

Il sourit.

 «Crois moi, ce n’est pas Hollis.»

Elle fronça les sourcils.

 «Je te trouve bien catégorique. Ce ne serait pas la première fois qu’elle essaierait de me nuire.» lui rappela-t-elle.

 «Ce n’est pas Hollis.» affirma-t-il.

 «Hollis ne te laisserait pas de mots pour te prévenir de ses intentions. Elle te tuerait, point final.En plus, je ne vois pas pourquoi Hollis ressentirait le besoin de s’en prendre à Ziva.»

 «A Ziva?»

 «Oui, à Ziva. Et tu le saurais aussi, si tu n’avais pas tendance à vouloir régler tes problèmes… seule.»

Ils échangèrent un regard lourd de sens.

 «Donc, si je comprends bien, Ziva aussi a reçu ce genre de missives.»

Il acquiesça.

 «Tu es sûr qu’il s’agit du même auteur?»

Il haussa les épaules.

 «Le fond et la forme sont relativement identiques, oui. Mais je vais demander à Abby de confirmer.»

Il attrapa une des lettres et une des photos qui trainaient sur le bureau et se dirigea vers la porte.  

 «Tu ne vas pas partir en laissant tout ça sur mon bureau, si?»

Il lui fit un sourire et s’apprêtait s’en aller lorsqu’il s’arrêta pour ajouter:

 «Inutile que je précise que tu ne vas nulle part sans être accompagné de Tony et Ziva jusqu’à ce qu’on ait éclairé tout ça, n’est ce pas?»

Et il quitta la pièce avant qu’elle puisse protester.

 

  LUNDI, 9h00 a.m., Open Space du NCIS,

 

 Tony raccrocha le téléphone juste quand Gibbs redescendait les escaliers. D’un regard son patron lui demanda de le mettre au courant.

 «Un meurtre. Colin Woerth, un médecin du Washington Hope Military Hospital.»
Gibbs haussa les sourcils.

 «Quel rapport avec la marine, Tony?»

 «Réserviste. Remobilisé il y a trois semaines. Il devait repartir en Irak demain.»
Il y eut un bref instant de silence durant lesquels les trois agents restèrent dans l’expectative.

 «Et alors? Qu’est ce que vous attendez pour vous préparer?»

Les trois agents commencèrent aussitôt à rassembler leurs affaires.
Gibbs se dirigea vers l’ascenseur.

 «Tu ne viens pas, patron?» s’étonna Tony.

 «Je vous rejoins au garage, Tony. J’ai un petit travail à confier à Abby avant.»

 

 Abby était allongée sur le sol, sa musique à fond.

 «Abby. Abby! ABBY!»

 Celle-ci ouvrit brutalement les yeux et sourit à Gibbs.

 «Salut!»

Elle se releva rapidement.

 «Excuse-moi, je dormais.»

Sur un signe de Gibbs, elle baissa le son de sa chaîne.

 «Tu dormais? Dans ce bruit?»

 «Ce bruit? Quel bruit?» s’étonna la jeune scientifique.

 «Tu as quelque chose pour moi?»

Il déposa les lettres et les photos devant elle. Elle les examina une seconde avant de relever la tête.

 «Dis-moi qu’un cinglé ne s’en prend pas ENCORE à nous? Mais je croyais que personne ne connaissait le NCIS? En dehors de la marine, je veux dire?»

Il ignora ses questions.

 «Je veux que tu compares ces deux lettres pour me dire si elles proviennent bien de la même personne. Et que tu cherches des empreintes, traces, origine du papier, lieu de développement des photos…»

Elle eut un sourire malicieux.

 «Et tu veux aussi ce que la personne a mangé avant d’écrire ces lettres, peut-être?»

 «Si tu peux le faire, alors, oui.»

Elle se mit au garde-à-vous.

 «J’ai compris, monsieur! Je vous promets de tout mettre en œuvre pour faire avouer à ces lettres!»

 «J’y compte bien, Abbs.»

Elle commença aussitôt à s’activer.

 «Je suppose que tu veux des résultats le plus vite possible. Hum… Je pense que d’ici une heure ou deux je pourrais déjà te dire si elles proviennent du même auteur. Et peut être même la marque du papier. Mais en ce qui concerne les photos, ce sera surement un peu plus l…»

Elle s’interrompit et se retourna. Ainsi qu’elle s’y attendait, Gibbs était déjà reparti.

 

    LUNDI, 10h05 a.m., Washington Hope Military Hospital,

 

 Le corps était étendu sur le sol du bureau. Il avait visiblement été déplacé, à en juger par les traces de sang étalées qui l’entourait.

 «Qui a découvert le corps?» s’enquit Gibbs en s’adressant aux curieux qui s’étaient attroupés devant la porte de la pièce.

 «C’est moi.» lui répondit une voix féminine.

 «Parfait. Restez ici. Les autres, à moins que vous n’ayez vu quoi que ce soit, vous pouvez retournez vaquer à vos occupations habituelles.»

Sa voix autoritaire eut l’effet escompté et les gens se dispersèrent rapidement.

 «C’est vous qui avez déplacé le corps ?» fut la première question de Gibbs.

«Docteur Jeremy Hanlon, enchantée de vous connaître également. Et oui, c’est moi. Quand je suis entrée dans le bureau et que j’ai vu Colin étendu sur le sol dans tout ce sang, mon premier réflexe a été de vérifier s’il était possible de le sauver. Je l’ai donc retourné et…»

 «Et ce faisant, vous avez détérioré une scène de crime.» compléta-t-il en la coupant.

 «Je me fiche de votre scène de crime! Quand je trouve un homme par terre gisant dans son sang, mon premier réflexe est d’essayer de lui venir en aide, pas de ne pas abimer de possibles indices. Je suis médecin, chacun son travail.»

Sans tenir compte de l’irritation de son témoin, Gibbs continua à la questionner sur ce qu’elle avait vu et sur les habitudes du soldat Woerth.

 

 McGee et Ziva s’occupaient de la scène de crime. McGee notait consciencieusement les preuves avant de les prendre en photos, tandis que Ziva passait derrière lui pour les mettre sous scellé. McGee ramassa une longue épée effilée couverte de sang qui gisait abandonnée non loin du corps.

 «Je crois qu’on a notre arme du crime, Ziva.» fit-t-il remarqué en la lui tendant.

 «Tu crois?» lui répondit-t-elle en la faisant glisser dans un grand sac.

 «Probablement, mais Ducky nous le confirmera.»

Elle se tourna vers Tony, qui était censé prendre des photos du corps, mais qui était figé, appareil photo à la main, fasciné par l’échange entre Gibbs et le docteur Hanlon.

 «Ca va, Tony, tu ne te fatigues pas trop?»

Il ne tourna même pas la tête vers elle.

 «Je crois que Gibbs a rencontré sa future cinquième femme, Ziva.» expliqua-t-il avec un sourire.

Elle observa à son tour quelques secondes la femme avec qui Gibbs s’entretenait de manière tendue. Elle ressemblait incroyablement à Jen, sauf qu’elle était plus blonde. Ziva haussa les épaules.

 «Occupe-toi du corps, au lieu de raconter n’importe quoi, Tony…»

 «Qu’est ce que tu crois que je suis en train de faire?» lui répondit-t-il sans détacher les yeux du docteur Hanlon.

Ziva soupira.

 «Tu es vraiment irrécupérable!»

Il daigna enfin se tourner vers elle et prit un cliché d’elle dont le flash l’éblouit.

 «Non, Ziva. Je suis italien.»

 

 Ducky débarqua dans la pièce, suivi de Palmer qui courbait le dos sous le poids des instruments dont le docteur Mallard l’avait chargé en descendant du van. Il s’approcha aussitôt du corps et commença son inspection de routine. Il nota immédiatement que le corps avait été déplacé.

 «Jethro…» commença-t-il en se tournant vers Gibbs.

Celui, occupé avec McGee, ne répondit même pas, se contentant de désigner d’un bref geste de la main le docteur Hanlon. Ducky se redressa pour la saluer.

 «Enchanté, chère collègue, je suis le Docteur Mallard, médecin légiste au NCIS.»

 «Docteur Hanlon.» répondit-t-elle.

 «Je suppose que c’est vous qui avez déplacé le corps?»

 «Vous aussi, vous avez l’intention de me le reprocher?»

 «Oh, non.» sourit Ducky.

 «Loin de moi l’idée de reprocher quoique ce soit à une aussi charmante personne…»

 «Merci, Docteur Mallard. Vous êtes nettement plus agréable que l’agent Gibbs, si je peux me permettre… Il est comme ça avec tout le monde, ou j’ai eu le droit à un traitement de faveur?»

 « Non, il est comme ça avec toute femme présentant un risque de devenir la sienne.»

Il se pencha de nouveau sur le corps, la laissant perplexe. Il examina rapidement les blessures qui couvraient le corps. Elles étaient au nombre de trois, très fines. L’une d’entre elles se trouvait très près du cœur et il l’examina avec un peu plus d’attention.

 «Ces blessures ont probablement été faites à l’aide d’un outil très effilé…Peut être avec un fleuret ou une rapière…»

 «Heu, oui, on a effectivement trouvé une épée par terre non loin du corps…» intervint McGee.

 «Une épée? Ça m’étonnerait mon petit Timothy. L’épée est un accessoire très lourd et volumineux, qui ne pourrait en aucun cas avoir causé ce genre de blessures. Le fleuret, en revanche, a une lame…»

Pressentant un long discours sur l’évolution de l’épée et de ses apparentés au cours de l’Histoire, McGee prit sur lui d’inventer un subterfuge pour s’esquiver:

 «Excusez-moi, Ducky, mais je pense que Ziva a encore besoin de moi…»

 «Ah? Et bien, allez y, Timothy, ne faite jamais patienter une femme…»

Soulagé, McGee s’éloigna.

 «Je vais devoir vous laisser également, Docteur Mallard, si vous n’avez plus besoin de moi. Mes patients m’attendent.»

 « Je comprends, oui. Ce fut un plaisir de vous rencontrer, Docteur Hanlon. Si jamais j’avais une question…»

 «L’agent Gibbs sait où me joindre. Mais, vous savez, je n’étais pas très proche de Colin et à part constater son décès…» expliqua-t-elle en quittant la pièce.

Ducky sortit le thermomètre hépatique et le mit en place d’un geste machinal.

 «Alors, Ducky, ton estimation de l’heure du décès?»

Le docteur Mallard examina le thermomètre quelques secondes avant de tourner la tête vers Gibbs.

 «Le décès a eu lieu il y a une heure et demi ou deux heures…»

 «Entre 8h et 8h30 ce matin, donc…»

 «Oui. Mais vu la quantité de sang que ce pauvre avant, j’aurais tendance à te dire qu’il n’est probablement pas mort sur le coup… Il a pu rester un moment dans cet état avant qu’il ne soit découvert…J’espère pouvoir être plus précis après l’autopsie.»
Il fit signe à Palmer qu’il pouvait emmener le corps.

 

 LUNDI, 11h35 a.m., Open Space du NCIS,

 

 Aussitôt leur retour à la base, les trois agents s’étaient aussitôt mis au travail. Tous les aspects de la vie de Colin Woerth furent passés au peigne fin, aussi bien sa vie professionnelle que personnelle.Ainsi, ils découvrirent que, du côté de sa vie personnelle, Colin Woerth était marié depuis 18 ans à Margaret Amy Watson, dont il avait eu trois enfants. Il habitait dans l’upper-side de Washington, au sein d’un des quartiers les plus cotés de la capitale.
 «Étonnant pour un marin, non?’ avait remarqué Tony.

La réponse à son interrogation avait été éclaircie par l’étude approfondie de la vie professionnelle de leur marin. Son travail à l’hôpital militaire s’avéra n’être qu’un à-côté volontaire et bénévole à son véritable métier. Au civil, Colin Woerth était chirurgien esthétique. Et à en croire les échos que Tony, McGee et Ziva avaient recueillis à son sujet, il semblait avoir été sacrément bon dans son domaine. Il officiait dans une clinique privée dont il possédait cinquante pour cent des parts. Un certain Philip Anders, avec qui il était associé depuis sept ans, possédait les cinquante autres pour cent. La mort de Colin lui profitait en cela qu’il récupérait la totalité de la valeur de la clinique, hormis une somme qui, bien que conséquente, était dérisoire en regard de la valeur actuelle de l’établissement et qui devait revenir à la veuve. Le second fait intéressant qui attira leur attention fut que Colin était membre amateur d’un grand club d’escrime.

 «Voilà qui explique l’épée!» s’était exclamée Ziva.

 «Le fleuret…» l’avait repris machinalement McGee. 

Ils découvrirent que Phillip Anders était également membre du même club. 

 «Et nous avons un gagnant!» avait alors exulté Tony.

 «Mobile, accès à l’arme et au lieu du crime…Tout y est!»

 «Sauf les preuves, DiNozzo…» lui rappela sèchement Gibbs.

 «C’est le boulot d’Abby, ça, patron, de nous fournir les preuves, non? Alors, on va arrêter cet Anders ?»

 «Contentez-vous d’aller faire un tour à la clinique avec Ziva, d’abord… McGee, approfondissez les recherches sur cet Anders… Et sur sa femme, aussi!» avait répliqué Gibbs.

Les trois agents n’avaient pas réagi sur le champ.

 «Vous attendez un signe du ciel?»

Tony et Ziva s’étaient empressés de quitter les lieux tandis que McGee commençait à taper à toute vitesse sur son clavier. Satisfait, Gibbs avait tourné les talons en direction de l’ascenseur.

 

 LUNDI, 11h40 a.m., Morgue du NCIS,

 

 «Jethro, si tu viens pour les conclusions de l’autopsie, c’est beaucoup trop tôt… Par contre, j’ai déjà quelques petites choses qui pourront t’intéresser.»

Il se pencha sur le corps pour désigner les blessures à Gibbs.

 «Ainsi que je le supposais, aucun des trois coups portés à notre homme ne lui a été fatal. Combien de temps a-t-il fallu pour que ces coups entrainent la mort…? Je l’ignore pour l’instant. Il faut que je voie plus en détail les dégâts internes, mais je pense que tu peux déjà reculer l’heure présumée de la mort d’une bonne demi-heure.»

 «Autre chose, Ducky?»

 «Evidement, Jethro, pour qui me prends tu?»

Il tourna autour de la table pour faire face à Gibbs.

 «Notre homme a eu un rapport sexuel peu de temps avant sa mort. J’ai déjà envoyé à Abby tous les prélèvements nécessaires à une identification ADN. Elle va faire la même recherche pour l’ADN que j’ai relevé sous les ongles.»

 «Tu penses que la femme avec qui il se trouvait l’a assassiné, Duck?»
 «Je n’en sais rien, Jethro, je ne suis pas agent spécial… Mais disons que ces deux événements, la relation et le meurtre, ont eu lieu à très peu de temps d’intervalle, ça, je peux te l’affirmer!»

 

 LUNDI, 11h50 a.m., Laboratoire d’Abby,

 

 Malgré sa musique à fond et le fait qu’elle lui tournait le dos, Abby sut immédiatement que Gibbs était là. Elle se retourna et lui fit un magnifique sourire, qui s’agrandit encore lorsqu’elle vit qu’il portait un verre de Caf-Pow à la main.

 «Gibbs!» s’exclama-t-elle.

 «Si tu viens pour les résultats des analyses, tu es là dix heures trop tôt!»

Il fit demi-tour et fit mine de repartir, remportant la précieuse boisson avec lui.

 «Pour les résultats des analyses, c’est trop tôt, par contre, pour ce que tu m’a demandé ce matin…»

Il fit aussitôt demi tour et lui tendit le gobelet. D’une traite, elle le vida de moitié, avant de reprendre son souffle.

 «Alors… Ces lettres.»

Elle fit apparaître sur l’écran de son ordinateur une copie des deux lettres et fit se superposer certaines des lettres. La concordance était parfaite.

 «C’est la même écriture, il n’y a aucun doute. Il s’agit également du même papier, un papier que tu peux trouver dans n’importe quelle papeterie à peu près n’importe où dans le monde. Pas de filigrane, pas de marque ou de signe particuliers… Je dirais qu’il s’agit d’une écriture féminine, mais je ne peux pas te l’affirmer…»

 «Et les photos…»

 «Pas grand-chose à en tirer. Prises à une distance d’une trentaine de mètres. Avec un appareil jetable de qualité médiocre. La personne qui a pris ces clichés est loin d’être une professionnelle de la photo, si tu veux mon avis. Ce n’est même pas cadré correctement!»

 «Est-ce qu’il y a quoique ce soit d’exploitable dans ces lettres ou ces photos, Abbs?»

 «Pour les lettres, rien. Pas d’empreintes ni de tissus. Pour les photos, je continue d’essayer de rechercher un détail qui pourrait nous aider, mais je n’ai rien trouvé de très probant pour le moment…»

Abby eut une moue désolée.

 «Je continue de chercher, Gibbs! Peut-être que sur toutes les autres lettres que tu m’as fait porter, je trouverais quelque chose… Vu la prolificité de notre inconnu ces dernières semaines en terme de prose, il y a des chances pour que je finisse par trouver quelque chose…» s’enflamma-t-elle.

Comme pour confirmer ses dires, son ordinateur se mit à sonner.

 «Bravo, Abby, je crois que tu as trouvé quelque chose…» lui demanda Gibbs en se rapprochant d’elle pendant qu’elle tapait à toute vitesse sur son ordinateur.

 «Oui, il semblerait, mais ça n’a rien à voir avec les lettres ou les photos.» expliqua-t-elle sans quitter son écran des yeux.

  «J’avais lancé une recherche pour les empreintes que j’ai relevé sur l’épée que McGee m’a rapporté de votre scène de crime de ce matin, et il semblerait que j’ai trouvé une concordance…»

Une image apparut enfin sur l’écran, tandis que dessous clignotait le sigle ‘positive match’.

Les yeux d’Abby s’agrandirent de stupeur tandis qu’elle détaillait la photo. Elle attrapa Gibbs par le bras et se serra contre lui.

 «Gibbs…Dis-moi que… Je t’en prie, dis-moi que tu ne vois pas la même chose que moi…» murmura-t-elle, la voix blanche.

 

 LUNDI, 13h10 p.m., 1264 Widal Avenue, Washington,

 

 La clinique où officiait Colin Woerth était un grand bâtiment moderne, entouré de plusieurs petites bâtisses. La secrétaire à l’entrée parut très étonnée de voir débarquer le NCIS (‘le NCIS?’) dans la clinique de messieurs Anders et Woerth.

 «Nous souhaiterions nous entretenir avec monsieur Anders, mademoiselle, s’il vous plaît.» demanda McGee.

Elle jeta un regard sur la pendule derrière elle et décrocha le téléphone.

 «Il est surement parti déjeuner, à cette heure-ci.» commenta-t-elle avec un sourire désolé.

 «Mais je vais voir ce que je peux faire. Un instant s’il vous plaît.»

Elle composa un numéro et attendit quelques instants.

 «Samia? C’est Helen. Tu sais où le docteur Anders peut être joint à cette heure-ci?»
 «…?»
 «Je sais qu’il ne veut pas être dérangé pendant l’heure du déjeuner, mais ce n’est pas un patient qui le réclame, c’est le NCIS.» répondit-t-elle en faisant un grand sourire à McGee.
 «?»
 «Je sais pas trop. Des fédéraux qui s’occupent des affaires criminelles de la marine…»

 «…»
 «Ok. Merci Samia. Je te revaudrais ça.»

Elle raccrocha.

 «Le docteur Anders est parti déjeuner au restaurant qui se trouve en face de la clinique. Vous devriez le trouver là-bas.»

 «Merci beaucoup, mademoiselle.» la remercia McGee.

 «Mais, de rien. Ce fut un plaisir, agent McGee.»
Elle hésita avant d’ajouter :

 «Je suppose que vous ne pouvez pas me dire pourquoi vous recherchez le docteur Anders? »

 «Son associé le docteur Woerth a été assassiné ce matin.»
La stupeur puis la consternation se dessinèrent sur le joli visage.

 «Colin? Assassiné? Mon Dieu… Mais… Ce n’est pas possible. Assassiné? »

McGee acquiesça. Elle retomba assise sur sa chaise.

 «Mais c’est horrible! Qui a pu faire une chose pareille?»

 «C’est ce que nous cherchons à découvrir, mademoiselle…»

 « Vous ne soupçonnez pas le docteur Anders, si?»

 «Quels étaient les rapports entre les deux hommes?»

 «Mais… Ils sont… Etaient excellents. Colin et Philip étaient comme deux frères. Cela implique des disputes parfois, mais rien de très grave.»

 «Des disputes à quel sujet? La clinique?»

 «Oh, non. C’étaient plutôt sur des broutilles. Ils avaient deux caractères opposés, Colin était aussi extraverti que Philip est taciturne et cela créait parfois des tensions. Mais ils étaient toujours d’accord sur l’essentiel. D’ailleurs, je ne les ai jamais entendus se quereller à propos de la clinique. Jamais. Colin était certes un excellent chirurgien, sans doute meilleur que Philip, mais il n’avait aucun sens de la gestion. Sans Philip, la clinique aurait coulé depuis longtemps. Du point de vue professionnel, ils étaient parfaitement complémentaires.»

 «Et d’un point de vue personnel? »

 «Je vous l’ai dit, ils leur arrivaient parfois d’être en désaccord. Surtout en ce qui concerne certains… aspects de la vie de Colin.»

 «C'est-à-dire?» intervint Tony, qui sentait la conversation devenir intéressante.

La petite secrétaire baisse les yeux.

 «Je ne veux pas dire du mal des morts… Mais… Colin était un invétéré coureur de jupons et Philip lui reprochait souvent la façon dont il traitait sa femme, qui est une femme merveilleuse. Mais ces disputes n’allaient jamais très loin. Philip se contentait de lui faire comprendre qu’il désapprouvait par une réflexion acide et Colin se contentait la plupart du temps d’un simple haussement d’épaule.»

 «Ca n’a jamais été plus loin?»

 «Et bien…»

Elle hésita et Tony l’encouragea à continuer de son plus beau sourire.

 «Il y a bien eu une fois… Mais ça remonte à plus de six mois maintenant… Ce jour-là, j’ai bien cru qu’ils allaient en venir aux mains…»

 «Que s’est il passé?» demanda McGee.

 «Sincèrement, je l’ignore. Tout ce que je sais c’est que Philip est sorti du bureau de Colin en hurlant que ça dépassait les bornes et qu’il allait démissionner sur le champ si Colin ne mettait pas un terme à cette situation. Colin a déboulé derrière lui, l’air aussi furieux. Il a dit que tout ça ne regardait Philip en aucun cas, et que lui –Colin- était libre de faire ce qu’il voulait. Philip lui a répondu que tout ça finirait très mal s’il continuait comme ça et qu’il avait de la chance qu’il soit son ami sinon il en référerait au conseil de l’ordre. Colin a semblé sur le point de frapper Philip et j’étais vraiment inquiète. Et puis, il a semblé se calmer et il a promis à Philip de remédier au problème le plus vite possible. J’ignore de quel problème pouvait parler Colin et s’il a réellement obéi à la demande de Philip, toujours est-il qu’ils n’ont plus jamais reparlé de cet incident, en tout cas devant moi.»

 «Merci pour tous ces précieux renseignements, mademoiselle…» conclut McGee.

 «Ils nous seront surement très utile.»

 « C’est normal. Il faut que vous retrouviez celui qui a fait ça à Colin, il avait peut-être des défauts, mais c’était un homme bien et très généreux. Et je vous en prie, appelez-moi Helen…» répondit-elle en lui faisant son plus charmant sourire.

 «Heu, d’accord, Helen. Si nous avions encore des questions…»

 «Je suis à votre entière disposition, bien sûr, agent McGee.»
 «Timothy.»
 «Timothy.» reprit-elle.

 «Ce sera un plaisir de vous revoir…»

Tony se retint de ne pas faire de réflexion tout haut mais il ne se gêna pas pour le faire aussitôt qu’ils eurent quitté la clinique en direction du restaurant qui leur avaient été indiqué.

 « Tu dois être ému, le Bleu. C’est surement la première fois que tu te fais draguer par quelqu’un…»

 «N’importe quoi, Tony. Elle ne me draguait pas. Elle cherchait simplement à nous aider, c’est tout…»

 «Hou, mais c’est que le petit McGeek est amoureux, on dirait…»

 «La ferme, Tony. Réfléchis plutôt à ce qu’on va dire à Anders, au lieu de dire des bêtises.»
 «Susceptible, en plus… Cette fois, c’est sûr, elle te plaît. Je le savais! Pourquoi tu ne l’as pas invité à sortir, le bleu?»

McGee haussa les épaules et décida d’ignorer les commentaires de Tony. De toute façon, il savait qu’il n’aurait jamais le dernier mot avec lui.

 

 LUNDI, 13h15 p.m., Open Space du NCIS,

 

 Abby faisait les cent pas entre les bureaux des membres de l’équipe depuis près de vingt minutes. Elle ne parvenait toujours pas à assimiler ce que ses propres recherches avaient révélées un peu plus d’une heure plus tôt.

Ziva suivait des yeux cet incessant va-et-vient qui commençait à l’agacer, mais vu la situation, elle préféra s’abstenir de toute remarque.

 «Ce n’est pas possible, Gibbs! Ce n’est pas possible! » répéta-t-elle pour la centième fois.

 «Il y a forcément eu une erreur quelque part.»

 «Tu as refait les tests deux fois, Abby….Il n’y a pas d’erreur et tu le sais très bien.»

 «Je refuse de penser qu’elle puisse être impliquée là-dedans! Tu entends? Je refuse! » s’écria-t-elle en s’adressant à Gibbs.

 «Peut-être que ce n’est qu’un malentendu? » se décida à intervenir Ziva.

 «Elle aura sûrement une explication rationnelle à nous fournir, Abby.»

Abby se tourna brusquement vers Ziva.

 «‘Peut-être’ que ce n’est qu’un malentendu? C’est un malentendu! » s’exclama Abby.

 «Ziva, elle n’a tué personne, tu m’entends! Je t’interdis d’en douter! »

 

 LUNDI, 13h20 p.m., restaurant ‘L’Oranger’,

 

 Tony jeta un regard pathétique sur les assiettes garnies qui passèrent devant lui tandis que lui et McGee entraient dans le restaurant. Il demanda la table du Dr Anders qu’une serveuse leur indiqua de bonne grâce. Philip Anders était un homme d’une quarantaine plutôt petit, le crâne relativement dégarni mais dont l’air avenant et le sourire aimable n’était pas dépourvu de charme.Il invita gracieusement les agents à s’assoir en face de lui après que ceux-ci se furent présentés.

 «Et que me veut donc le NCIS? On me soupçonne de détournement de sous marin? » demanda-t-il jovialement en s’adressant à Tony et McGee.

 «Je crains que nous ne soyons pas porteur de très bonnes nouvelles, malheureusement, Mr Anders. Votre associé Colin Woerth a été retrouvé mort ce matin dans son bureau de l’hôpital militaire de Washington.»

Philip Anders cessa de sourire et ses traits se crispèrent tandis que son regard passait de Tony à McGee rapidement, cherchant à évaluer si il s’agissait d’une blague.

 «Colin? Mort? Assassiné? » Il se passa une main sur le visage pour se redonner constance.

 «Mon Dieu, ce n’est pas possible. Comment?»

 «Ce sera l’autopsie qui le déterminera mais il semblerait qu’on ait retourné sa propre passion contre lui : on a retrouvé son fleuret ensanglanté à côté de lui.»

Anders resta silencieux quelques secondes, le temps de digérer la nouvelle.

 «Une idée du coupable? Du mobile? »

 «Nous comptons justement sur vous pour nous aider à y voir plus clair. Connaissiez-vous d’éventuels ennemis à votre associé.»

Anders tomba des nues.

 «Mais non, aucun… Colin avait un don pour se faire apprécier des gens les plus divers.»

 «Même de maris jaloux? » ajouta Tony.

 «De maris jaloux? » s’étonna Anders sans sembler comprendre.

 «Selon votre secrétaire, Colin Woerth était quelqu’un de plutôt volage. Je suppose que certains maris n’ont pas forcément apprécié de porter des cornes. »

 «Colin aimait les femmes, oui, mais il ne les aimait pas mariées. C’était une règle, chez lui. Il était coureur, pas idiot. »

 «Et il n’a jamais franchi cette règle? »

 «Pour autant que je sache –et je savais toujours- non.»

 «Ce n’est donc pas la raison pour laquelle vous vous êtes disputés il y a six mois?» s’enquit nonchalamment Tony.

Un instant, Anders parut déconcerté puis il sembla brusquement se souvenir de l’événement en question.
 «Non, mais ça n’en ait pas éloigné, en effet. Mon Dieu, j’avais presque oublié cet incident… Comme ça semble dérisoire à présent… Voila, j’ai su que Colin avait eu une aventure avec une patiente à lui. J’ai trouvé ce manque à l’éthique intolérable et je le lui ai dit. La conversation a un peu dégénéré, je le reconnais. Je lui ai fait valoir que depuis le temps que nous étions associés, je n’avais jamais rien dit et j’avais tout accepté mais que là, c’était trop et que s’il ne cessait pas de la voir aussitôt, je le dénoncerai au conseil. Il est finalement revenu à la raison et a mis un terme à cette liaison.»

 «Je suppose que la jeune femme n’a pas du être ravie… Vous vous rappelez de son nom? »

Anders hésita un instant.

 «Miss Shales, je crois. Mais nous ne l’avons jamais revu après que Colin ait rompu. Et Colin a eu plusieurs nouvelles maîtresses depuis…»

 «Vous savez qui il fréquentait en ce moment? »

Anders eut un sourire triste.

 «Oh oui. Enfin, je ne l’ai jamais vu, je n’ai fait que l’entrevoir, un soir en quittant la clinique, une rousse aux allures de gamine. Mais Colin me parlait d’elle à longueur de journée en ce moment. Sa nouvelle toquade, on va dire. Il avait l’air d’y tenir à celle-ci. »

 «Que pouvez-vous nous dire sur elle? »

 «Pas grand-chose, je le crains. Elle s’appelle Mary-Jane et elle est cartomancienne, c’est à peu près tout ce que je sais de concret.»

 «Pas de nom de famille ni d’adresse? »

 «Si, agent DiNozzo, elle en a surement, seulement je ne les connais pas. »

 «Très bien, résumons nous : nous avons son ex-maîtresse, sa maîtresse actuelle… Et sa femme, dans tout ça?»

 «Amy? Vous plaisantez, j’espère. Amy peut être rayée d’office de votre liste de suspect. C’est la femme la plus douce que je n’ai jamais rencontré de ma vie. Et la plus croyante, aussi, sûrement. »

 «Elle savait pour les liaisons de son mari? »

 «Je ne lui ai jamais posé la question directement si c’est ce que vous voulez savoir. Cependant, oui, je pense qu’elle savait. »

 «Et qu’est ce qui vous fait penser ça? »

 «Rien, des allusions. Elle m’a dit plusieurs fois qu’elle priait pour lui. Qu’elle était certaine de pouvoir en faire un honnête homme, que Dieu l’avait placée sur le chemin de son époux dans ce but là. Elle considérait cela comme sa mission sur terre, je crois.»

McGee et Tony échangèrent un regard éloquent. ‘Folle.’ Elle devenait la principale suspecte à leurs yeux. Anders surprit leurs regards entendus.

 «Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles, messieurs. Amy Woerth n’a rien d’une folle mystique, loin de là. Seulement la seule défense qu’elle connaît, c’est la prière. Jamais elle n’aurait pu faire de mal à Colin. Jamais. Au contraire, si vous osiez critiquer son mari, elle le défendait envers et contre tout. Elle adorait son mari.»

 «Il faut croire que Colin aimait également sa femme, car il ne l’a jamais quitté malgré tout. » fit remarquer McGee, fort à-propos.

Anders eut une moue dubitative.

 «Quand Colin a rencontré Amy, elle était riche, jeune, jolie et soumise. Je crois qu’il était difficile pour un homme de ne pas l’aimer… Je crois qu’elle était l’épouse idéale pour Colin, et qu’il l’aimait pour ça. Et elle était heureuse comme ça. »

McGee était clairement peu convaincu.

 «Que va devenir la clinique maintenant que Colin est mort? »

 «Et bien, la clinique était bien entendue assurée contre ce genre de… De problèmes. La somme que débloquera l’assurance sera reversée à Amy. Les parts que Colin possédaient me reviennent, mais j’en céderai un quart à Amy afin qu’elle continue de profiter du travail de son mari. Cette clinique doit tout à Colin. Je dois tout à Colin. Il est normal que je n’abandonne pas sa femme et ses enfants. »

 «Vous vous retrouvez actionnaire majoritaire d’une clinique extrêmement rentable du coup….» avança Tony.

 «Et alors? Vous croyez que j’aurais pu tuer Colin pour un motif aussi futile que l’argent, agent DiNozzo? » s’emporta le docteur Anders devant l’accusation implicite.

 «Tout d’abord, Colin était mon meilleur ami et cela vaut tout l’or du monde. Ensuite, je n’ai nullement besoin d’argent, j’en ai déjà bien trop pour savoir comment l’utiliser. Enfin, c’était Colin, le chirurgien reconnu et renommé, pas moi. La clinique va énormément souffrir de sa disparition. Vous comprenez donc que je suis bien le dernier à avoir une raison de tuer Colin! » cria-t-il avant de se calmer aussitôt.

Il arborait désormais un air abattu.

 «Excusez mon emportement messieurs. Je n’arrive pas à croire que l’on ait pu assassiner Colin, c’est tout. Personne, personne n’aurait pu lui en vouloir à ce point…»

 «Il semble pourtant que si, malheureusement. » répliqua Tony.

Philip Anders hocha la tête.

 «Je ferais tout ce que je pourrais pour vous aider à retrouver celui qui a fait ça à Colin. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pourrez me joindre à la clinique, ou chez moi. Je vous ferais parvenir par ma secrétaire tous les documents dont vous pourriez avoir besoin…. »

 «Il nous faudrait l’emploi du temps de votre associé pour ce matin là et le nom de la patiente avec qui il a eu une liaison… »

 «Je vais m’en occuper immédiatement. Il me faudra peut-être un moment pour mettre la main sur le dossier de la patiente, car Colin était quelqu’un d’assez peu ordonné, mais je pense pouvoir vous faire parvenir tout cela avant la fin de la journée. Si vous aviez besoin d’autre chose…»

Tony et McGee prirent congé d’Anders en le remerciant de sa coopération et quittèrent le restaurant pour rejoindre leur voiture.

 «Qu’est ce que tu en pense, McGee? » demanda Tony.

 «Je ne sais pas. Il avait l’air vraiment bouleversé mais…»

 «Mais…? » insista Tony.

 «Je ne sais pas, j’ai eu l’impression qu’il cachait quelque chose…»

 «Tu crois qu’il cherchait à protéger quelqu’un? »

 «C’est possible.» 

 «Et tu penses à quelqu’un en particulier? »

 « Madame Woerth, peut-être…» hasarda McGee.

Tony boucla sa ceinture et eut un regard ironique pour McGee avant de démarrer la voiture.
 «J’ai vraiment cru que tu allais tourner autour du pot pendant encore un quart d’heure.» se moqua-t-il gentiment.

Puis redevenant sérieux.

 « Tu as l’adresse des Woerth? »

McGee fit un signe affirmatif de la tête.

 «Tu veux lui rendre visite maintenant? » demanda-t-il.

Tony jeta un regard sur l’heure affichée sur le tableau de bord. 13h45. Encore tôt.

 «On a le temps de passer prendre Ziva, non? Je suis certain qu’elle doit mourir d’ennui derrière son bureau.»

 

            Lundi, 14h00, morgue du NCIS,

 

 Ducky remit son rapport d’autopsie final dans les mains de Gibbs avec le sentiment du travail accompli comme toujours. Tandis que Gibbs le parcourait succinctement, il entreprit de lui en résumer lui-même les points essentiels.

 «L’agresseur devait être plus petit que le capitaine Woerth, à en juger par l’angle de pénétration des coups. Je dirais entre qu’il devait faire entre 1m65 et 1m75 environ. Etant donné la qualité et l’excellent entretien du fleuret de ce pauvre homme, il n’était pas nécessaire d’être d’une exceptionnelle force physique pour porter les coups qui lui ont été fatals, cependant vu le nombre et la puissance de ces coups, la personne qui a fait ça devait être sacrément en colère contre Colin…»

Il se tourna vers le corps étendu sur la table d’autopsie.

 «Je ne sais pas ce que vous aviez fait à cette personne, mon cher, mais vous l’avez payé le prix fort. Quelle fin affreuse vous avez eu.»

De nouveau, il regarda Gibbs.

 «Je pense qu’il a du mettre plus d’une demi-heure à mourir. Ce qui situerait l’agression aux alentours de 7h ou 7h30 ce matin. Plutôt vers 7h que vers 7h30, d’ailleurs, les blessures n’ayant touchées aucun organe vital, c’est bien d’exsanguination qu’est morte notre victime.»

Gibbs referma le dossier d’un coup sec.

 «C’est cohérent avec le témoignage du gardien du parking de l’hôpital qui dit avoir vu arriver le docteur Woerth vers 6h45, seul.»

 «Soit son bourreau est arrivé après, soit il l’attendait déjà. Dans tous les cas, l’intention de tuer n’était pas forcément présente au début : il a utilisé une arme se trouvant sur place et, comme je le disais, les coups portés sont davantage dus à la rage qu’à une froide exécution.»
Gibbs hocha la tête en signe d’assentiment puis quitta la morgue avec le dossier. Ducky le regarda s’éloigner avant de murmurer à l’intention du corps :

 «Ne vous en faites pas, il retrouvera celui qui vous a fait ça, capitaine, ça ne fait aucun doute.»

 

            Lundi, 14h07, Open Space du NCIS,

 

 En entendant l’ascenseur s’ouvrir, Ziva s’était redressée brusquement pour apercevoir celui ou celle qui arrivait. Constatant qu’il ne s’agissait que de Tony et McGee, elle se rassit, l’air visiblement déçu. Son petit manège n’échappa pas à Tony qui chercha immédiatement à savoir ce qu’il se passait.

 «Tu as l’air déçue de nous voir, Ziva. Tu attendais quelqu’un d’autre? » railla-t-il.

 «J’espérais que McGee t’aurais perdu en route, Tony, tout simplement. » rétorqua-t-elle sur le même ton.

 «Aucune chance. J’ai un sens de l’orientation infaillible. Et tu n’as pas répondu à ma question, Ziva…»

Elle hésita un instant.

 «Abby a trouvé à qui appartenait les traces d’ADN sur l’épée qui a servi à assassiné le capitaine Woerth et c’est…»

Elle fut interrompue une nouvelle fois par l’ascenseur d’où émergèrent Gibbs et Abby.

 «Elle m’a promis qu’elle allait venir. »

 «Il y a deux heures qu’elle devrait être là, Abby…»

 «Et si je vais la chercher moi-même? »

 «Abby…»

 «Je sais qu’elle est innocente, Gibbs. Je le sais.»

 «Plus vite on l’aura interrogée, plus vite on le prouvera, Abby.»

Il se tourna vers ses agents sans tenir compte du regard suppliant d’Abby.

 «Tony, Ziva vous allez… »

Une troisième fois, l’ascenseur les interrompit. Ils tournèrent tous la tête vers les portes qui s’ouvrirent sur un agent accompagnant une jeune femme souriante. Mis à part des cheveux châtains aux reflets roux –et l’accoutrement général, qui était très différent!-, celle-ci était une réplique quasiment exacte d’Abby.

 «Cette jeune femme affirme avoir rendez-vous avec vous.» expliqua l’agent.

Gibbs acquiesça et l’agent disparut de nouveau dans l’ascenseur sur un remerciement de la jeune femme. Le regard des trois agents, à l’exception de celui de Gibbs, alternait entre l’inconnue et la jeune scientifique. Nullement intimidée par ces regards stupéfaits qui la dévisageaient, la jeune femme s’approcha de leur groupe et s’adressa directement à Abby.
 «Alors, petite sœur, il paraît que tu voulais me voir? »

 

 Lundi, 14h15 p.m., Bureaux du NCIS,

 

 La stupeur qui avait frappé McGee à l’arrivée de la sœur d’Abby laissait maintenant place à de l’étonnement indigné. Abby ne lui avait jamais dit qu’elle avait une sœur! Il se sentit vexé. Il jeta un regard à Tony dont l’expression ahurie le consola. Au moins, il n’était pas le seul à ne jamais avoir entendu parler de…

 «Mary-Jane! Tu devais être là il y a plus de deux heure!» s’exclama Abby.

 «Je sais.» répondit celle-ci avec une désinvolture qui n’était pas feinte.

Tony se pencha pour murmurer à l’oreille de McGee :

 «Mary-Jane. Comme la petite amie de Woerth…»

D’un signe de tête, McGee lui fit comprendre que la même réflexion venait de lui traverser l’esprit.

 «Si tu sais, pourquoi ce retard?»

Mary-Jane haussa les épaules avec désinvolture.

 «J’ai eu des choses plus importantes à faire… »

 «Des choses plus importantes que d’être convoquée par une agence fédérale?»

Mary-Jane eut un léger rire insouciant.

 «De quoi est ce que tu parles,‘gail? –Abby frémit en entendant ce surnom- Tu voulais me voir, je suis venue, j’ai un peu de retard, la belle affaire… J’ai été étonnée que tu m’invites à passer te voir au siège du NCIS d’ailleurs, je croyais que tu ne voulais pas que je vienne voir où tu travaillais…»

Elle se tourna vers les agents qui continuaient de l’observer avec curiosité et un intérêt non dissimulé et reprit son discours avec volubilité.

 «Abby m’a tellement parlé de vous. Je suis ravie de pouvoir enfin mettre un visage sur vos noms… Enfin, je connaissais déjà Jethro, -je suis contente de vous revoir, d’ailleurs, digressa-t-elle avec un magnifique sourire pour Gibbs- mais je suis ravie de savoir à quoi ressemble Ziva la guerrière sans peur, Tony le séduisant italien, Tim l’adorable probie…»

Son sourire se figea soudain et elle eut un léger froncement de sourcils. Elle venait d’apercevoir le dossier militaire de Colin Woerth, accompagné de sa photo, qui apparaissait sur l’écran situé derrière la team. Elle fit volte face et se planta face à Abby.

 «Tu m’espionnes, maintenant? Tu as demandé à tes amis de faire des recherches sur les gens que je fréquente?»

Ses yeux brillaient de colère.

 «Nous n’avons plus quinze ans, Abby! Je suis capable de décider seule de mes fréquentations et tu n’as pas à t’en mêler! En plus, Colin est quelqu’un de merveilleux! Aussitôt qu’il aura divorcé, nous allons nous marier et…»

 «Oh, Jane!» l’interrompit Abby en se jetant dans les bras de sa sœur et en l’étreignant.

 «Jane, je suis tellement désolée…»

Abasourdie, Mary-Jane se déroba à l’étreinte de sa sœur pour la fixer d’un air étonné.

 «Qu’est-ce qui te prends ?»

Abby prit une profonde inspiration avant de parler.

 «Colin Woerth a été assassiné ce matin, Jane…»

Il y eut un instant de silence avant que la voix inquiète de Mary-Jane ne perce le silence.

 «Non, non, non, non. Tu mens. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas possible.»

Elle se tourna vers les agents qui continuaient de l’observer, mais désormais avec plus de compassion que de curiosité. Elle put lire dans leurs regards navrés la confirmation de la nouvelle que sa sœur venait de lui annoncer.

 «Mais… Mais je l’ai vu ce matin, à l’hôpital! Il allait très bien! On devait se retrouver ce soir pour visiter un appartement tous les deux…»

Elle tomba assit sur la chaise la plus proche tandis qu’Abby tentait vainement de la consoler.
«Co…Comment est-ce arrivé?» finit-elle par demander à travers ses sanglots.

Abby se tourna vers Gibbs, ne sachant quoi répondre exactement.

 «Est-ce que je peux le voir?»

 «Pas pour le moment, je suis désolé.» lui répondit Gibbs avec une certaine douceur.

 «Nous avons quelques questions à vous poser.»

Mary-Jane hésita un instant avant d’acquiescer d’un petit mouvement de tête.

 «Demandez-moi ce que vous voulez. Mais ensuite, je veux voir Colin.» exigea-t-elle d’une voix ferme malgré ses pleurs.

Ce fut au tour de Gibbs de hocher la tête.

 «Nous serons mieux dans un endroit plus tranquille. Tony, Ziva, accompagnez Mary-Jane dans la salle de conférence…»

 «Dans la salle de conférence?» s’étonna Ziva.

Mais elle ne discuta pas d’avantage. Elle comprenait que Gibbs ne voulait pas interroger la sœur d’Abby dans la salle d’interrogatoire pour la simple et bonne raison qu’il avait sûrement déjà décidé que Mary-Jane Sciuto n’était pas coupable. Quant à elle, elle préférait réserver son jugement. Les preuves directes à son encontre étaient quand même non négligeables. Sans oublier qu’elle avait un mobile et qu’elle semblait être la dernière personne à avoir vu Colin en vie…. Quand elle sortit de ses pensées, ce fut pour s’apercevoir que Tony et Mary-Jane s’éloignait déjà et que Gibbs la regardait d’un air sévère.

 «Quelque chose à ajouter, agent David ?»

 «Heu, non, agent Gibbs.» répondit-elle en se hâtant de rejoindre Tony.

Abby lui emboîta le pas mais Gibbs la retint gentiment par le bras.

 «Pas toi, Abby.»

Elle se dégagea et fit face à Gibbs avec détermination.

 «Je veux venir avec vous et assistez à son interrogatoire.»

 «Non.»

Le ton de Gibbs ne souffrait aucune discussion.

 «Gibbs. C’est ma sœur! Je dois l’aider. Je veux l’aide!» insista la jeune scientifique, les larmes aux yeux.

 «Je sais, Abby. Mais tu l’aideras bien plus en redescendant dans ton labo chercher la preuve qu’elle n’est pas coupable plutôt qu’ici où tu ne servirais à rien.»

Abby voulut répliquer mais Gibbs ne lui en laissa pas le temps.

 «McGee va t’accompagner. Et je ne veux pas te revoir avant que tu n’aies quelque chose d’important pour l’enquête, Abby!»

 «De toutes façons, dans ces cas-là, c’est toi qui apparaît…» maugréa Abby, résignée, en se dirigeant vers l’ascenseur sans prêter attention à McGee qui dut courir pour se glisser dans l’ascenseur derrière elle.

 

  Lundi, 15h06 p.m., Laboratoire d’Abby,

 

 McGee fixait avec intensité l’écran de l’ordinateur, dans l’espoir que celui-ci se décide enfin à donner une réponse quant à l’échantillon ADN recueilli sur Colin Woerth. Il n’y avait pas beaucoup de doute à avoir sur l’identité de celle qui avait laissé cet échantillon, Tony ayant appelé pour dire que Mary-Jane reconnaissait avoir eu un rapport avec Colin ce matin-là dans son bureau, mais une surprise était toujours possible. La raison pour laquelle McGee souhaitait une réponse au plus vite était pour le moment assise sur le sol non loin de lui et était d’une humeur insupportable. Depuis quarante-cinq minutes, elle n’avait pas ouvert la bouche sauf pour essayer de la convaincre de la laisser remonter voir sa sœur.
 «Ils doivent avoir fini de l’interroger, maintenant, McGee.» Elle se leva.

 «Je vais voir.»

Il soupira.

 «Non, Abby. Tony t’a dit qu’il te préviendrait quand ils auront fini. Alors, sois patiente…»
 «Il a peut-être oublié? Rappelle-le!» ordonna Abby.

 «Ça ne fait que cinq minutes depuis mon dernier appel, Abbs!» s’exaspéra McGee.

 «Tony m’a juré les pires représailles de la part de Gibbs si je rappelais encore une fois.»

Elle tendit la main.

 «Tony avait raison, Tim. Tu es beaucoup trop timoré! Donne-moi ce téléphone.»
 «Non.»

Elle essaya de l’attraper mais il leva le bras en l’air. Pendant quelques secondes, ils luttèrent, McGee pour garder le contrôle du téléphone, Abby pour le lui arracher des mains. Un bip de l’ordinateur les arrêta net. Il avait enfin fini d’établir la correspondance. Positive pour l’ADN de Mary-Jane Sciuto, comme McGee s’y était attendu. Cette confirmation figea Abby dans une stupeur proche du désespoir.

 «Elle n’a pas tué ce Colin, Tim.» gémit-elle.

 «Je le sais. C’est impossible.»

 «Sûrement… Mais toutes les preuves sont contre elle pour le moment, Abby.» murmura McGee d’un ton qu’il voulait compatissant, en passant un bras autour des épaules de la jeune scientifique, dans l’espoir de la rasséréner un peu. Malheureusement, sa phrase maladroite provoqua l’effet inverse de celui escompté, plongeant Abby dans une colère noire.

Elle se dégagea brusquement de l’étreinte de McGee et le regarda droit dans les yeux, les poings posés sur les hanches.

 «Je me fiche de ce que disent les preuves, Tim! Elles se sont trompées pour Tony…»
 «Mais…» tenta vainement de se défendre McGee, désemparé devant cet accès de fureur peu habituel de la part d’Abby.

 «Ne. M’interromps. Pas!» menaça la jeune scientifique, pointant son index juste sous le nez de McGee qui n’en menait pas large.

 «Elles se sont trompées pour Jethro.»

Elle marqua une pose.

 «Elles se sont trompées pour ta propre sœur, Tim, je te rappelle. Tu devrais être capable de me comprendre mieux que personne, de savoir ce que je ressens. Et tu devrais être convaincu de son innocence. Mais non, ce qui est valable pour Sarah McGee ne peut pas être valable pour Mary-Jane Sciuto, l’excentrique sœur d’Abby. D’ailleurs, de quel droit juges-tu ma sœur, Tim? Tu ne la connais même pas. A force de me fréquenter, tu devrais savoir qu’il ne faut pas juger les gens sur leurs apparences. Tu me déçois beaucoup, là, Tim.»

Sur ce, elle tourna les talons pour se diriger vers l’ascenseur. McGee resta étourdi quelques secondes après la fin de ce flot de reproches absolument injustifié. Jamais il ne lui serait venu à l’idée de juger Mary-Jane, puisqu’il venait à peine de la rencontrer! Certes, son attitude et son accoutrement général dénotaient sans ambiguïté son originalité, mais cela signifiait-il qu’il la jugeait? Peut-être….Le timbre caractéristique émis par la porte de l’ascenseur se refermant le tira de ses pensées et il réalisa qu’Abby venait de tromper sa surveillance pour voler au secours de sa sœur. Il soupira profondément.

 «Gibbs va me tuer» songea-t- il en se dirigeant vers les escaliers.  

 

 Lundi, 15h17 p.m., Salle de conférence,

 

 Plus Gibbs écoutait le récit de Mary-Jane, plus il était convaincu de son innocence. Elle s’était trouvé auprès de Colin Woerth quelques minutes avant le meurtre mais n’était certainement pas celle qui l’avait commis. Elle reconnaissait avoir eu un rapport avec Colin le matin même dans son bureau, ce qui expliquait l’ADN, elle s’était déjà servie de l’épée à plusieurs reprises, ce qui expliquait les empreintes. Malheureusement, ces preuves avaient beau n’être que des preuves indirectes, elles étaient largement suffisantes pour permettre à un jury de condamner Mary-Jane. Surtout en l’absence de tout autre suspect, comme c’était le cas jusqu’à présent. D’ailleurs, n’importe quel enquêteur aurait déjà classé l’affaire, même sans aveux, tellement l’affaire paraissait simple. Mais pas Gibbs. Son instinct lui disait que la jeune femme en larmes devant lui n’était pour rien dans ce meurtre. Elle était plutôt une victime collatérale. Et il ne ressentait pas ça uniquement parce que Mary-Jane était la sœur d’Abby et qu’il la connaissait. C’était plus une sorte d’intime conviction. Comme toujours.  Tony observait Gibbs à la dérobée depuis le début de l’entretien mais le visage de son énigmatique patron était aussi illisible qu’à l’accoutumée. Seule Jenny arrivait à le lire. Et encore. Il soupira. Il allait devoir se faire une opinion sur Mary-Jane lui-même. Celle-ci ressemblait tant à Abby –hormis la couleur de ses cheveux- qu’il était difficile d’avoir un à-priori négatif sur elle. Elle semblait réellement bouleversé par la mort de son amant et était complètement déboussolée de se trouver là, interrogée par des agents fédéraux. Malgré tout, elle essayait de répondre du mieux qu’elle pouvait aux questions qu’ils lui posaient, entre deux crises de sanglots.

 «Je ne sais pas, agent Gibbs. Je sais seulement qu’il avait une grosse opération ce matin et qu’il voulait être seul pour s’y préparer. On devait… On devait se… revoir plus tard dans la journée…Pour… Pour… préparer son départ en Irak… Il ne m’a pas parlé de quelque rendez-vous que ce soit en dehors de cette opération…»

Elle sortit un petit mouchoir rose de son sac. Tony décida à ce moment qu’elle n’était pas coupable.
 Ziva s’étonnait elle-même. Jamais elle n’avait ressenti de réelle compassion pour un suspect auparavant. Peut-être était-ce parce que Mary-Jane ressemblait étonnamment à Abby et qu’elle avait l’impression de voir la jeune scientifique au lieu de sa sœur ? Toujours est-il que Ziva se sentait touchée par les larmes de cette fille qu’elle ne connaissait même pas. Elle se secoua pour reprendre contenance et ne pas laisser ces sentiments idiots l’envahir. Cette fille n’était pas coupable, certes, mais ce n’était pas du tout parce qu’elle avait l’air gentille ou touchante ou sympathique, ou quelque autre niaiserie dans ce genre que ce soit. Elle n’était pas coupable parce qu’elle était tout simplement trop frêle pour avoir transpercé le corps d’un homme qui devait faire trois fois son poids, voilà tout.

 Sans se soucier des conséquences, Abby entra brusquement dans la salle de conférence et se précipita vers sa sœur pour l’enlacer. Tony et Ziva regardèrent Gibbs pour savoir s’il était nécessaire de séparer les deux sœurs mais celui-ci leur fit signe que non.
 «Ca va? Gibbs n’a pas été trop terrifiant?» s’enquit Abby.

Cette question arracha un léger sourire à Mary-Jane.

 «Gibbs peut être terrifiant?»

Tony acquiesça discrètement derrière le dos de son patron.

 «Si tu es un vrai méchant, oui…» expliqua Abby.

Un McGee penaud arriva sur ces entrefaites.

 «Désolé, patron, Abby a réussi à monter quand même…»

Tony eut un sourire ironique.

 «Ah bon, le Bleu? On s’en était pas aperçu, c’est gentil de passer nous prévenir…»
McGee se contenta de le fusiller du regard avant de reprendre aussitôt un air contrit sous le regard bleu de Gibbs.

 «Agent McGee…»

Celui-ci rentra les épaules, prêt à recevoir une claque sur le crâne. Ou, à défaut, au moins une remarque cinglante sur son incapacité à faire respecter un ordre simple.
 «…vous allez récupérer l’ordinateur personnel de Colin Woerth et chercher tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un motif de meurtre. Et je veux que vous rappeliez la secrétaire qui doit vous donner la liste des patients de Woerth. Et le docteur Anders, pour le nom des anciennes maîtresses de notre victime. Tony, Ziva, vous allez interroger madame Woerth, les voisins, le postier, le laitier, qui vous voulez, mais je veux connaitre la moindre personne ayant eu un différent quelconque avec Woerth. Je vais retourner à l’hôpital parler avec ses collègues.»

Les trois agents se mirent aux travaux qui venaient de leur être confiés sans perdre une seconde. L’objectif était on ne peut plus clair, même si Gibbs ne l’avait pas explicité clairement : trouver un autre coupable possible que Mary-Jane Sciuto.

 Abby rattrapa Gibbs dans les escaliers.

 «Et moi, je dois faire quoi?»

 «Rentrer chez toi et ne plus t’approcher de ta sœur ou des preuves qui la concerne, sauf si tu veux que l’affaire nous soit retirée et qu’elle soit confiée à une autre équipe. Ou pire, au FBI.»

 «Mais…» commença par protester Abby.

 «Pas de mais, Abby. Si je te vois encore dans les locaux quand je reviens, je te fais expulser par la sécurité et interdire d’accès aux bâtiments.»

Abby ne douta pas un instant du sérieux de l’affirmation de Gibbs, aussi se résigna-t-elle à contrecœur à lui obéir.

 «Promets-moi que tu vas sortir Mary de là.» murmura-t-elle en s’arrêtant pour le regarder s’éloigner.

 «Je te le jure, Abby!» lui répondit-il malgré la distance qui les séparait déjà.

 

 Lundi, 16h05 p.m., Domicile de Colin Woerth,

 

 La maison de Colin Woerth était une grande villa isolée au milieu d’un parc luxuriant. Un domestique à l’air pincé vint ouvrir la porte à Tony et Ziva.

 «Madame, monsieur, que puis-je pour vous? Sachez que nous ne sommes pas intéressés, quelque soit ce que vous vendez.»

Tony et Ziva furent également vexés, mais pas pour les même raisons.

 «Madame?»

 «Nous ne sommes pas des démarcheurs!» s’exclamèrent-ils en même temps.

Le domestique se contenta de leur jeter un regard condescendant et fit mine de refermer la porte mais Tony l’en empêcha tandis que Ziva sortait sa carte d’agent fédéral.

 «NCIS. Nous aimerions nous entretenir avec Madame Woerth.»

 «Madame est souffrante ? De plus, elle ne reçoit jamais l’après-midi.» rétorqua le domestique d’un ton froid.

Ziva eut un sourire.

 «Vous ne m’avez pas bien comprise, je crois. Ce n’était pas une demande, c’était un ordre. Dites à votre patronne que les agents DiNozzo et David du NCIS doivent lui parler maintenant, que c’est grave et que c’est urgent.»

Le majordome prit un air outragé mais s’exécuta. Il disparut quelques instants dans les profondeurs de la maison, laissant les deux agents patienter sur le perron. Quelques instants plus tard, la porte se rouvrit sur une silhouette frêle visiblement déformée par une grossesse avancée.

 «Je suis Margaret Woerth. Que puis-je pour vous?»

Contrairement à ce qu’avait craint Tony, Amy Woerth resta digne lorsque lui et Ziva lui annoncèrent que son mari avait été assassiné. Elle sortit un chapelet de sa poche et débuta une longue prière qui dura une dizaine de minutes au bout desquelles elle appela une jeune fille d’origine sud-américaine à laquelle elle commanda du thé pour tout le monde avant de se rassoir en face de Tony et Ziva.

 «Je vous en prie, demandez moi ce que vous voulez, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider à retrouver celui ou celle qui a fait ça à mon mari.»

 «Certaines de nos questions peuvent vous paraître déplacées ou indiscrètes mais elles sont nécessaires pour nous aider à avancer dans notre enquête…» expliqua Ziva.
Amy Woerth acquiesça d’un air fatigué. 

 «Il n’y a presque rien dans ma vie dont j’ai eu à rougir, mademoiselle. Vous pouvez me demander ce que vous voulez.»

 «Votre mari avait il des ennemis, quelqu’un susceptible de lui en vouloir?»

 «Non, pas que je sache. A part peut-être une de ses anciennes maîtresses.»

 «Vous saviez qu’il avait des liaisons extra conjugales?» s’étonna Ziva.

 «Oui.» répondit-elle avec un fugace sourire désabusé.

 «Et vous ne lui en vouliez pas?» s’exclama presque Ziva d’un ton abasourdi.

 «Non. Dieu m’a envoyé croiser le destin de Colin pour l’aider, non pour l’accabler. C’était la mission qu’Il m’avait confiée : ramener l’âme de Colin dans le droit chemin, celle de la foi.»

Une larme roula sur ses joues.

 «J’ai échoué. Dieu a repris Colin parce que je n’ai pas réussi à le sauver.»

Tony et Ziva restèrent décontenancés par le tour que prenait la conversation.
 «Vous pensez que c’est Dieu qui a assassiné votre époux?» la questionna Tony, stupéfait.

 «Bien sûr que non, agent DiNozzo.» répondit-elle.

 « Dieu a mis son assassin sur le chemin de mon mari pour le punir de ses péchés et pour mettre ma foi à l’épreuve ; je veux que vous retrouviez la personne qui a fait ça afin que je puisse lui pardonner et retrouver la confiance que le seigneur avait placé en moi.»

La jeune femme que les deux agents avaient entraperçue quelques instants plus tôt réapparus, les bras chargés d’un plateau sur lequel trônait un magnifique service à thé qu’elle déposa devant Amy Woerth.

 «Merci, Rosita.» Puis, se tournant vers Tony et Ziva : «Excusez-moi, mais j’ai besoin de prendre une tasse de thé pour me calmer. En désirez-vous une tasse également?»

 Lundi, 18h35 p.m., Bureaux du NCIS,

 

 Gibbs, Tony et Ziva revinrent au NCIS à peu près au même moment. McGee était installé derrière son écran de PC lorsqu’il les aperçut. Il bondit de son fauteuil et fondit littéralement sur Gibbs, débitant à toute vitesse tout ce qu’il avait pu trouver d’intéressant dans l’ordinateur de Colin Woerth. On sentait qu’il avait à cœur de se racheter pour son échec dans la surveillance d’Abby, un peu plus tôt dans l’après midi.

 «J’ai fait un scan approfondi du disque dur et j’en ai extrait les données les plus pertinentes à notre enquête. Ses e-mails recelaient surtout des spam, quelques e-mails concernant des opérations ou des rendez-vous professionnels, rien de personnel. Idem dans ses documents, son carnet d’adresse ou son agenda. S’il gardait des notes personnelles concernant sa vie privée, ce n’était pas dans cet ordinateur.»

Gibbs posa son manteau avant de se tourner vers Tony et Ziva.

 «Vous avez quoi que ce soit de plus intéressant à m’apprendre?»
Les deux agents se regardèrent et ce fut Ziva qui prit la parole.

 «Amy Woerth est… très croyante. Elle a parut affecté par la mort de son mari mais elle a vite reprit contenance après avoir prié pour lui. Elle semblait plus malheureuse de n’avoir pas réussi a sauver l’âme de Colin que de savoir qu’il avait été assassiné. Et elle était au courant pour toutes les maîtresses de ce dernier mais affirme que cela lui inspirait de la compassion à son encontre et non de la haine…»

 «Elle aurait pu commettre le meurtre, oui ou non?» la coupa Gibbs.

Tony eut une moue sceptique.

 «Elle doit mesurer aux alentours d’1m60 et est enceinte de 8 mois. Dans une crise de rage ou de mysticisme, elle aurait pu réussir à tuer Colin, mais ça paraît quand même peu probable.»

Gibbs eut un hochement de tête.

 «J’ai reparlé au gardien. Il confirme que Colin est arrivé en voiture, seul, à l’heure habituelle. Par contre, il a reconnu Mary-Jane sur les photos. Il dit qu’elle est arrivée un peu avant le docteur Woerth. Et un infirmier se souvient parfaitement l’avoir conduite dans la petite salle d’attente attenante au bureau de Woerth. Il a pensé qu’il s’agissait d’une patiente, tout simplement. Tout cela concorde avec le témoignage que nous a fourni Mary-Jane qui dit avoir voulu faire une surprise à Woerth. C’est après que tout se complique. Elle affirme être repartie vers 7h15, mais personne ne peut le confirmer. Pas plus que quiconque ne peut nous dire si le docteur Woerth a reçu ou non une seconde visite après le départ de Mary-Jane…»
 «En gros, Mary-Jane reste notre seule suspecte. Et elle avait un sacré bon mobile. Sans compter les preuves circonstancielles déjà accumulées contre elle…» rappela Ziva.

 «Retour au point de départ.» marmonna Tony, découragé.

 «Et nous n’avons plus aucune piste à suivre…»

 «Détrompe-toi, Tony.» le contredit McGee.

 «Nous en avons au contraire plus que nous le voudrions…»

 «C’est-à-dire?» demanda Gibbs, sceptique.

McGee désigna un carton posé sur son bureau.

 «Helen est passée pendant que votre absence. Elle nous a laissé tous les dossiers que Woerth a traités ces deux dernières années. Plus…»

Il désigna un gros agenda à côté du carton.

 «…l’agenda personnel de Woerth, qui nous est généreusement offert par son associé. Des dizaines de noms à éplucher…»

Tony et Ziva soupirèrent. Ils en avaient pour des heures. Pour toute la nuit, sûrement. Gibbs saisit les regards de ses agents et eut un imperceptible sourire.

 «Je veux que vous lisiez toute cette passionnante littérature et que vous notiez la moindre chose qui vous paraît suspecte. Inutile de préciser que je veux un rapport pour demain matin.»

Avec mauvaise grâce, mais sans protester, les trois agents prirent chacun un dossier dans le carton et se dirigèrent vers leur bureau respectif. Ils tiraient tous les trois une mine si déconfite et résignée que Gibbs eut pitié d’eux.

 «Vous êtes autorisés à potasser tout ça chez vous. Mais je vous veux ici demain matin à huit heures tapantes, rapport en main.»

Il n’eut pas besoin de se répéter. Les agents le remercièrent et ramassèrent leurs affaires en vitesse, de crainte qu’il ne change d’avis. Tony récupéra le gros agenda, sous prétexte qu’il était ‘le mieux placé pour déceler quelque chose d’anormal’ parmi les mots doux et numéros de téléphone qui en couvrait les pages, ce qui fit lever les yeux au ciel à Ziva. Elle et McGee se partagèrent les dossiers médicaux, puis ils prirent congé les uns des autres, se souhaitant mutuellement bonne chance dans leurs recherches d’une éventuelle nouvelle piste.

 

    Ziva rejoignit sa jolie petite Mini Cooper et démarra en direction de son appartement, situé assez loin dans la partie basse de Norfolk. Elle avait hâte d’être chez elle afin de se préparer un dîner léger avant de se mettre aux dossiers qui lui avait échus. Elle espérait que leur examen ne serait pas trop long, car elle était fatiguée et aspirait à se coucher tôt. Absorbée dans ses pensées, son esprit n’enregistra pas immédiatement le problème. Ce ne fut que lorsqu’elle franchit le premier carrefour qu’elle réalisa que quelque chose n’allait pas avec sa voiture. Que quelque chose n’allait pas du tout. Une angoisse lui étreignit la gorge. Inquiète, elle appuya de toutes ses forces sur le frein. La voiture ne réagît pas à son ordre, ce qui confirma aussitôt ses pires craintes: sa Mini n’avait plus de freins. 

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Commentaires
B
JE suis FAN tu le sais depuis longtemps je tenais juste à te laisser un tit message ici :) <br /> Continue à écrire, cay une tuerie <br /> Je t'adore
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