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Le jeu
27 mai 2008

"Skye" partie 1/2

    Dimanche, 7h45 a.m., Base militaire de Norfolk,

    La jeune fille fut réveillée brutalement par des éclats de voix provenant de l'étage inférieur. Un regard sur son réveil lui indiqua qu'il n'était pas encore huit heures, ce samedi matin. Avec un grondement indigné, elle se traina hors de son lit et ouvrit la porte de sa chambre. Elle n'avait pas fait trois pas dans le couloir qu'un bruit sec la stoppa net dans sa progression. Un second bruit, bien plus mat, suivi le premier. Un bruit qui ressemblait étrangement à celui d'un corps chutant sur le sol. Le silence qui s'abattit alors sur la maison acheva de la terroriser. Elle renonça à aller voir en bas de quoi il retournait et fit demi-tour pour se précipiter dans la chambre à côté de la sienne. Elle y entra et constata avec stupeur que celle-ci était vide. La peur la laissa prostrée quelques instants. Le silence fut soudain troublé par un pas rapide. Un pas qui montait les escaliers. Sans réfléchir, elle se précipita à la fenêtre, l'ouvrit, se suspendit doucement au rebord et se laissa tomber dans l'épais buisson de troène qui bordait les murs du pavillon. Sans prendre garde aux égratignures qu'elle venait de récolter et tout en remerciant le ciel pour les cours de gym que son père lui avait imposé et qu'elle avait jusqu'ici toujours détesté, elle se releva et se mit à courir vers la maison de ses voisins les plus proches et frappa de toutes ses forces sur leur porte d'entrée. En attendant qu'ils lui ouvrent, elle ne put s'empêcher de garder les yeux rivés sur sa maison, mais rien ne bougeait. Celui ou celle qui s'était introduit chez elle avait probablement du déguerpir par derrière pendant qu'elle-même s'échappait. Peu à peu, les battements de son cœur retrouvaient un rythme normal. Après tout, son père l'avait prévenu que ce genre de choses pourrait se produire un jour. Et il lui avait expliqué quoi faire si elles se produisaient.

    Dimanche, 8h00 a.m., Q.G du NCIS,

    Tony déposa son sac par terre sans ménagement avant de s'asseoir dans son fauteuil. Il se cala confortablement et regarda autour de lui. Il était le premier arrivé, ce matin là. Il se laissa bercer par le bruit de fond produit par les divers employés qui arrivaient. Le ronronnement des photocopieuses qui se mettaient en marche, le bla bla des secrétaires qui se racontaient leur soirée, le crissement des feuilles de papier qui se froissaient... Un rayon de soleil filtrait à travers la fenêtre toute neuve, en blindage à toute épreuve, qui avait été posée la veille. Il adressa un sourire charmeur à une jeune et jolie assistante qui passait non loin, sourire qu'elle lui rendit en rougissant.
Tony en soupira d'aise. Etonnant de constater à quel point il se sentait bien au NCIS.
Il était sur le point de s'endormir quand une voix le tira brusquement de sa torpeur. Il sursauta si fort qu'il manqua de tomber de sa chaise.
« C'est la nuit qu'il faut dormir, Tony, pas pendant les heures de travail ! »
L'incriminé ouvrit les yeux pour voir passer Gibbs répandant une bonne odeur de café derrière lui.
Ziva s'approcha du bureau et en déposa une tasse devant Tony.
Il leva les yeux vers elle.
« Pourquoi c'est toujours moi qui prend ? Il aurait pu me féliciter pour être le premier arrivé, mais naaaan... Est-ce que je lui demande ce qu'il fait de ses nuits, moi ? » maugréa Tony à voix basse à l'intention de sa coéquipière.
« Tu le ferais si tu pensais qu'il pouvait te répondre, Tony. » lui répondit Ziva.
Gibbs releva la tête vers eux.
« Mais justement il sait très bien que je ne répondrais pas, Ziva... Bien, maintenant que nous avons éclairci ce point essentiel, vous avez l'intention de vous mettre au travail ? »
Comme pour appuyer ses paroles, le téléphone se mit à sonner.
Ziva regagna son bureau tout en échangeant un regard éloquent avec Tony pendant que Gibbs décrochait.
Ils étaient toujours confondus par la capacité de Gibbs à entendre la moindre phrase qu'ils échangeaient, quand bien même ils avaient chuchoté et que leur patron se trouvait pourtant à une distance respectable.

    Dimanche, 17h25 p.m. heure locale, Golfe Persique,

    Tous ceux qui le connaissaient s'accordaient à dire que l'amiral Jenkins était un homme très calme et qui paraissait toujours maître de lui-même, même au plus fort de la guerre.
Aussi furent-ils tous passablement surpris de le voir sortir de son bureau visiblement bouleversé après avoir reçu un appel en urgence et criant des ordres sans la moindre explication.
Le pauvre sergent chargé des communications radios avec les Etats-Unis en tremblait encore. Il s'était vu sommé de contacter le directeur du NCIS dans les plus brefs délais, mais sans en connaître la raison.
Or, réussir à joindre le directeur d'une agence fédérale américaine sans le moindre motif... Et bien, autant dire qu'il s'agissait d'une mission impossible. Même avec une bonne raison, c'était déjà difficile...
Depuis une bonne demie heure qu'il essayait, il avait déjà parlé à une bonne centaine de secrétaires et intermédiaires en tout genre qui s'obstinaient à lui demander s'il était vraiment nécessaire de déranger le directeur, qui était fort occupée, et pourquoi c'était vraiment nécessaire. Il n'avait de réponses à aucune de ces deux questions, bien qu'il supposât que l'amiral ait une bonne raison de demander à parler au directeur du NCIS. C'est ce qu'il se tuait à répéter à tous ceux à qui il s'était adressé depuis le début de son appel.
Exaspéré, l'amiral Jenkins finit par remercier sans ménagement le marin et par prendre sa place. Il avait déjà bien trop attendu pour faire appel au NCIS pour se permettre de perdre encore ne serait-ce qu'un quart d'heure. Il avait eu tort de ne pas prendre les menaces qu'il avait reçu suffisamment au sérieux. S'il devait arriver quoi que ce soit à sa fille, il ne s'en remettrait jamais.

    Dimanche, 8h30 a.m., Base militaire de Norfolk,

    Ziva se gara non loin de l'adresse que Gibbs lui avait indiquée. Ils descendirent tous les quatre de la voiture et se dirigèrent vers la maison à laquelle correspondait l'adresse, un de ces petits pavillons réservés aux familles de marins qui sont souvent en mission.
Gibbs ne mit que quelques secondes à reconnaître la jeune fille qui lui avait téléphoné. Elle se tenait les bras croisés, un air buté sur le visage, appuyée contre la barrière des voisins et elle les regardait approcher sans sembler manifester la moindre émotion. A côté d'elle se tenait un homme relativement âgé dont la façon de se tenir dénotait sans ambigüité sa qualité d'ancien marin.
Voyant que la gamine ne bougeait toujours pas, le vieux marin s'approcha de l'équipe.
« Bonjour. Je m'appelle Terry Boot, je suis le voisin de Skye... Excusez la petite, elle est encore sous le choc... »
''La petite'' leva les yeux au ciel. 'Vieux débris' pensa-t-elle très fort.
Elle s'aperçut que Gibbs l'observait. Elle lui fit un sourire narquois et soutint son regard.
« Très bien, Skye. Tu vas rester avec l'agent McGee à qui tu vas raconter ce qui s'est passé ce matin, exactement. »
« Et vous, vous allez où ? » demanda-t-elle à Gibbs sans un regard pour McGee.
« Nous allons inspecter la maison, afin de nous assurer que ton agresseur est parti. »
« Je veux venir avec vous... Je veux savoir ce qui est arrivé à Dick... »
« Qui est Dick ? »
« C'est l'abruti qui me servait de garde du corps. Il n'était pas dans sa chambre, ce matin. J'crois que c'est lui qui est mort... »
Gibbs resta interloqué un moment. Elle n'avait jamais précisé que qui que ce soit soit mort, quand elle avait téléphoné, alors que c'était quand même un sacré détail.
« Comment sais-tu que qu'il y a un mort ? Je croyais que quelqu'un s'était simplement introduit chez toi, ce matin ? »
« Oui, mais j'ai entendu du bruit qui venait de la cuisine... Et j'ai reconnu la voix de Dick avant qu'il n'y ait ce coup de feu... »
« Il y a eu un tir ? »
Elle opina de la tête.
« Tony, Ziva, sortez vos armes. Il est possible que l'individu soit encore dans la maison et qu'il soit armé... Quant à toi, » continua-t-il à l'adresse de l'adolescente qui était sur le point de leur emboîter le pas. « Je veux que tu restes ici avec McGee et que tu n'oublies aucun détail ! »
« Mais... » protesta-t-elle.
« McGee, occupez vous d'elle ! » ordonna Gibbs en rejoignant ses agents.
« Euh, oui, patron. »
Mr Boot intervint.
« Bon, ben, si vous n'avez plus besoin de moi, je vais rentrer. Tu me tiens au courant, hein, Skye ?... »
« Bien suuuur, Mr Boot... » dit-t-elle à l'intention du vieil homme qui s'éloignait, avant de grommeler « Compte là-dessus, vieil hibou. »
Elle se retrouvait seul avec l'agent McGee, visiblement mal à l'aise.
« Heu, Skye, je vais te poser quelques questions sur les évènements de ce matin... Si... Si tu ne te sens pas capable de répondre... Ou quoique ce soit... Tu... Je... » bafouilla-t-il.
Skye le fixait intensément, histoire de renforcer le malaise de l'agent.
« Où sont tes parents, Skye ? » finit-il par demander.
Skye ne put s'empêcher de sourire. Elle s'était doutée qu'il allait commencer par ça. Et bien, il n'allait pas être déçu.
« Ma mère est morte quand j'étais encore bébé et mon père est en mission en Irak. »
« Oh... Je suis désolé... Tu vis seule, alors ? »
Et voilà, il la regardait avec cet air apitoyé qu'elle détestait tant. Que les gens étaient prévisibles. Lassants, même.
« Mais nan, j'vis pas seule, vous voyez bien que la maison déborde de mes amis imaginaires. »
Elle leva les yeux au ciel.
Le pauvre McGee était clairement décontenancé par la réponse mais décida qu'il devait s'agir d'ironie.
« Et le fameux ''Dick'', alors ? Il vit avec toi, non ? Qui-est-ce exactement ? »
« Dick, c'est... Dick. Mon père l'a engagé pour me protéger depuis qu'il a reçu des menaces me concernant... J'ai toujours été convaincu qu'il était complètement nul comme garde du corps et il semble bien que j'avais raison, finalement... » répondit-t-elle en désignant sa maison du menton.
« Est-ce-que ton père t'a dit qui était à l'origine des menaces qui pesaient sur lui ? »
« Agent McGee... Vous ne croyez pas sincèrement que celui qui est à l'origine des menaces à mon égard a eu la bêtise de dévoiler son identité à mon père ? Si ? » ironisa-t-elle.
« Non, bien sûr que non, mais... »
« Bah, pourquoi vous me posez la question, alors ? »
« Hum, oui, reprenons, s'il-te-plaît. Qu'as-tu fais quand tu t'es aperçue qu'il y avait quelqu'un dans la maison ? »
« Bah, vu que vous êtes là parce-que je vous ai téléphoné de chez mon voisin, qu'est-ce-que vous en déduisez ? »
« Je veux dire avant de téléphoner ! »
« Ben, j'ai couru chez mon voisin ! J'viens de vous le dire ! Vous avez du mal à percuter, on dirait... » se moqua-t-elle.
McGee jeta un coup d'œil vers la maison où son patron avait disparu quelques minutes plus tôt, le maudissant de lui avoir confié encore une fois la tâche la plus ingrate.

    Gibbs avait été surpris de constater qu'il y avait effectivement un homme mort dans la cuisine. Pour être franc, il s'était demandé un moment si toute cette histoire n'était pas une blague d'ado qui s'ennuie. Mais non. Inutile d'être un génie pour déterminer la cause du décès de l'homme étendu sur le sol de la cuisine étant donné qu'il avait un gros trou au milieu du dos. Vu la brûlure autour de l'orifice d'entrée de la balle, celle-ci avait probablement été tirée à bout portant. Mais ça, ce serait Ducky qui le confirmerait.
Ils avaient rapidement fait le tour de la demeure, qui était vide. Qui que puisse être l'assassin, il s'était évanoui dans la nature.
Tony et Ziva rangèrent leurs armes et retournèrent auprès du corps pour l'examiner plus en détail, pendant que Gibbs terminait d'inspecter l'étage.
« D'après le paquet de cartes qu'il avait dans son portefeuille, cet homme s'appelait Richard Carewell et il travaillait dans la ''protection des civils''. » lut Ziva, sortant de petits bouts de carton colorés d'un vieux portefeuille en cuir qu'elle venait de trouver dans la poche du pantalon de la victime.
« Police ? »
« Non, boîte privée, à en croire ce qui est écrit là-dessus. » 
Elle tendit une des cartes à Tony qui l'examina avant de se mettre à rire.
« Tu sais à quoi ce truc me fait penser, Ziva ? »
« Non, mais quelque chose me dit que je vais bientôt le savoir, Tony. »
« A ce film avec Vin Diesel. ''Le baby-sitter''. Tu sais, l'histoire de ce gars qu'on envoie protéger quatre mômes insupportables... »
« Ah bon ? Lui aussi se fait assassiner ? »
« Heu... Non. Il arrive à neutraliser les méchants avec l'aide des enfants... »
« Dans ce cas-là, je ne vois pas le rapport entre ce film et la situation présente, Tony. » le rabroua Ziva.
« Moi non plus, justement. » renchérit Gibbs, réapparaissant au bas des escaliers. « Au lieu de discuter, vous pourriez peut-être vous occuper de la scène de crime ? »
Tony brandit l'appareil photo qu'il avait apporté avec lui et commença à prendre divers clichés du corps qui gisait sur le sol.
« C'est ce que j'étais en train de faire, patron ! Mais Ziva n'arrête pas de m'interrompre ! »
Celle-ci n'eut pas le temps de protester que Tony s'était déjà pris une claque sur le crâne.
« Aaaaïeuh... » s'exclama Tony. « J'ai l'impression que tu tapes de plus en plus fort à chaque fois ! »
Gibbs ne releva pas la mauvaise foi de son agent et sortit de la maison en faisant signe à Ziva de le suivre.

    McGee n'avait jamais été davantage soulagé qu'en voyant son boss s'approcher de lui ce matin là. Depuis plus d'un quart d'heure qu'il interrogeait Skye, celle-ci n'avait pas cessé de le ridiculiser. Elle était la plus insupportable des ados qu'il n'ait jamais rencontré. Il était certain qu'à cet âge là, il était nettement moins désagréable.
« Tout s'est bien passé ? » demanda Gibbs à son agent, tout en sachant parfaitement que la réponse était non. Il suffisait de voir la tête de ce pauvre McGee.
« Euh... » commença ce dernier, qui ne savait pas trop comment avouer qu'il s'était laissé marcher dessus par une gamine de 15 ans.
« Tant mieux, agent McGee ! » le coupa Gibbs avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit. « Parce-que j'ai une nouvelle mission pour vous. L'homme qui a été assassiné possède deux ordinateurs portables que vous allez ramener au NCIS et étudier de près... »
« Bien, patron. » McGee était ravi. Non seulement il allait échapper à la petite teigne mais en plus il allait devoir pénétrer dans la base de données, non pas de un, mais de DEUX ordinateurs. Dieu l'avait entendu.
« Quand vous aurez récupéré ces ordinateurs, -et DiNozzo, au passage- rejoignez-moi à la voiture... »
McGee acquiesça d'un signe de tête avant de se dépêcher d'aller accomplir sa tâche.
Ziva avait déjà sorti les clefs de voiture et s'apprêtait à se diriger vers elle quand la voix de Gibbs la retint.
« Que faites-vous, agent David ? »
« Vous venez de dire à McGee de nous retrouver à la voiture, agent Gibbs, alors... »
« Non, j'ai dit à McGee de me retrouver à la voiture, Ziva...  Vous, je veux que vous restiez avec notre jeune témoin jusqu'à ce que Ducky ait fait évacuer le corps puis que vous l'accompagniez dans la maison afin qu'elle vous dise si quoi que ce soit a été dérangé ou volé. Alors, seulement, vous reviendrez au NCIS avec elle. »
Ziva et Skye se regardèrent d'un air horrifié, visiblement aussi ravie l'une que l'autre par la perspective de passer la prochaine heure ensemble.
« Mais, patron, » objecta Ziva, « nous n'avons qu'une seule voiture... »
« Et alors, Ziva ? Nous ne sommes pas loin du NCIS, vous pourrez revenir en bus. »
Elle écarquilla les yeux et essaya de le sonder afin de savoir s'il était sérieux. Il semblait que oui. Elle soupira. L'heure à venir s'annonçait encore plus longue que prévu.

    Dimanche, 9h15 a.m., Q.G. du NCIS,

    Gibbs n'avait pas fait un pas vers son bureau qu'il était interpellé par une Cynthia visiblement impatiente.
« Agent Gibbs ! Madame le directeur vous attend au MTAC. »
« Ça ne peut pas attendre que j'ai posé mes affaires, Cynthia ? »
Celle-ci haussa les épaules.
« Je n'en sais rien, agent Gibbs, je vous transmets le message, c'est tout. »
Gibbs monta rapidement les escaliers et se rendit au MTAC.
Jenny était en visioconférence avec un marin. Elle se retourna en entendant entrer son agent qui se saisit d'un casque que lui tendait une des secrétaires.
« Amiral Jenkins, je vous présente, l'agent Gibbs. »
« Je suppose que vous devez être le père de la jeune fille qui nous a téléphoné ce matin pour nous signaler que l'homme chargé de sa protection venait d'être assassiné... » commença Gibbs.
« Vous avez vu Skye ? Elle va bien ? »
Gibbs entendit dans la voix de l'amiral toute l'angoisse qu'un père pouvait ressentir à l'idée que sa fille unique était en danger.
« Elle va très bien, amiral. Nettement mieux, en tout cas, que celui qui était chargé de sa protection... »
« Où-est-elle ? Elle est en sécurité ? »
« Elle est sous la protection d'un de mes meilleurs agents. »
L'amiral Jenkins sembla soudain nettement soulagé, même si une ride d'angoisse barrait toujours son front.
« C'est à ma fille que le tueur en voulait. Il y a quelques temps, j'ai reçu des menaces la désignant clairement comme cible par celui qui cherche à m'atteindre... »
« Pourrais-je avoir une copie de ces menaces ? »
« Je viens de les faxer, agent Gibbs. »
En effet, un des jeunes agents de liaison arrivaient avec une liasse de quelques feuillets. Gibbs étaient sur le point de les prendre lorsqu'il réalisa que c'était à Jenny, et pas à lui, que le jeune agent les tendait. Remarquant sa réaction, elle sourit et lui tendit la moitié des lettres. Il les parcourut rapidement avant de relever la tête.
« Ce n'est pas la manière de faire des terroristes intégristes... »
« Oh, non, ces lettres sont beaucoup trop personnelles. D'ailleurs, j'avais écarté la piste du terrorisme dès le début. »
« Avez-vous la moindre idée de qui pourrait avoir écrit ces lettres ? »
« Vous pensez bien que j'y ai réfléchi nuits et jours depuis que je les ai reçues... Je ne vois que deux personnes capable de faire ce genre de choses... Malheureusement, de là où je suis, je n'ai rien pu faire pour vérifier mes théories... »
« Pourquoi ne pas avoir fait appel au NCIS avant, amiral ? »
« Parce-que, hormis ces lettres qui pouvaient tout à fait être une simple plaisanterie de mauvais goût, je n'avais aucune preuve contre les personnes que je soupçonne... »
« Je doute que Richard Carewell soit mort uniquement parce que quelqu'un cherchait à vous faire une plaisanterie de mauvais goût, amiral... »
L'amiral Jenkins soupira, les traits de nouveaux tendus.
« Je sais, agent Gibbs. C'est pour ça que j'ai appelé le NCIS aussitôt après que ma fille m'ait téléphoné. »
« Qui sont les gens que vous soupçonnez, amiral ? »
« Le premier s'appelle Liam O'connell, un petit caïd à la tête d'un gang d'irlandais qui sévit dans le nord de Norfolk. Son frère Danny était sous mes ordres et j'ai découvert que Liam se servait de lui pour de petits trafics. Je l'ai fait traduire en cours martial. Le jour du verdict, Liam a promis de me le faire payer. Le second s'appelle George Barlow. C'est un ex-marin, reconverti en politique. Il est avocat et adjoint au sénateur de Virginie. Avant que je ne devienne amiral, nous travaillions ensemble, mais déjà à l'époque, nous ne nous entendions guère. C'est un homme dévoré d'ambition et il n'a pas supporté que je sois nommé amiral à sa place. Il a préféré démissionner que de servir sous mes ordres. Je ne l'ai pas revu pendant plusieurs années, après ça, jusqu'à peu avant mon départ. Un cabinet d'avocats à commencer à racheter des terrains à l'armée... Des pots de vin avaient été touchés par des responsables et les terrains étaient sous évalués à plus de la moitié de leur valeur. J'ai été alerté et toutes les transactions ont été cessées. C'était George Barlow qui était à l'origine de ces transactions et il a peu apprécié mon intervention, ainsi que vous pouvez vous en douter, d'autant plus que cela a entaché en partie sa réputation politique. Il a juré que c'était la dernière fois que je me mêlais de ses affaires... »
« Nous allons vérifier tout cela le plus vite possible. » répondit Jen. « En attendant, je vous promets que votre fille sera placée sous la protection de mes agents vingt-quatre heures sur vingt-quatre, amiral Jenkins. »

    Après avoir promis à son tour de veiller sur Skye et avoir salué l'amiral, Gibbs quitta rapidement le MTAC et redescendit les escaliers. Il s'interrompit devant le spectacle qui s'offrait à ses yeux : Tony et McGee entouraient Ziva qui faisait une tête d'enterrement. Aucune trace de l'adolescente nulle part.
« Ziva... Où est Skye ? »

   
Dimanche, 9h45 a.m., Q.G. du NCIS,

     En ne voyant pas la gamine en bas des escaliers, Gibbs avait reçu un coup au cœur. Il
n’avait pas pu s’empêcher de crier lorsqu’il avait demandé où elle était et avait fait sursauter ses agents.
« Aux toilettes… » répondit Ziva avec un soupir. « Et pourvu qu’elle y reste un bon moment ! »
McGee acquiesça avec un imperceptible mouvement de tête. DiNozzo eut un rire moqueur.
« Ce n’est qu’une gamine de treize ans, Ziva ! Tu ne vas pas me dire qu’une gamine de treize peut effrayer l’agent du Mossad Ziva David ?! »
« Elle a quinze ans, Tony. » rétorqua McGee, avec véhémence.
Tony se tourna vers lui.
« Ouah, mon Dieu, mais alors, ça change tout ! » s’exclama Tony, avec une voix faussement paniquée. « Cache-toi vite, le bleu, je crois qu’elle arrive… »
Il se retourna pour désigner à McGee la porte des toilettes mais, ce faisant, il croisa des yeux bleus glaciers… -et glacés !- qui le fixaient.
Il fila aussitôt s’asseoir derrière son bureau suivi par le sourire satisfait de McGee.
« Euh… Alors, patron, que voulait Jenny ? » demanda Tony, d’un air qui se voulait détaché.
Gibbs continua à fixer son agent sans ciller.
« Euh, je veux dire ‘‘madame le directeur’’ » ajouta –t-il précipitamment.
Gibbs se décida enfin à détourner son regard pour le poser sur McGee.
« McGee, je veux que vous m’affichiez tout de suite toutes les informations que vous trouverez sur les dénommés Liam O’Connell et George Barlow. »
Habitué à obéir sans poser de question, Tim entra les deux noms dans l’immense base de données auquel il avait accès. Il savait que ça ne servait à rien de demander, les informations viendraient quand Gibbs estimerait qu’il était temps de les donner.
« Ziva… Je veux que vous conduisiez Skye auprès d’Abby aussitôt qu’elle reviendra… »
Ziva lui lança un regard furtif.
« Je suis autorisée à me contenter de la mettre dans l’ascenseur en appuyant sur le bon bouton, agent Gibbs ? »
Il ne répondit pas mais le regard qu’il lui fit ne laissait aucun doute quant à la réponse.
« Je vais prendre ça pour un non. » souffla Ziva.

    Skye avait fait exprès de passer le plus de temps possible dans les toilettes, histoire d’inquiéter la bande de ploucs qui avait décidé de lui coller aux basques. D’abord, il y avait celui qui s’appelait McGee, ‘‘plus-geek-tu-meurs’’, y’avait qu’à voir comment il avait sauté de joie en entendant parler d’ordinateurs. Après, il y avait la fille qui lui avait servi d’escorte jusqu’à ces locaux pourris, –ÇA, un bâtiment fédéral ?- Zara ou quelque chose comme ça. Quelle psycho rigide, celle-là ! Enfin, il y avait celui qu’elle avait juste vu de loin quand il était sorti de la maison. Il avait jeté un regard moqueur vers elle et Zara –non, Zora ?- avant de monter en voiture. Il aurait pu avoir ‘‘sombre crétin’’ tatoué en gros sur le front, y’avait aucun doute. Elle en était là de ses réflexions lorsque la porte des toilettes des femmes s’ouvrit brutalement, la faisant sursauter. Elle tourna brusquement la tête pour identifier l’intrus qui venait de lui causer une peur bleue. ‘Bah tiens ! Quand on parle du loup...’ ‘‘Sombre crétin’’ était appuyé contre l’embrasure de la porte avec le même petit sourire stupide que celui qu’il arborait un peu plus tôt dans la matinée.
« J’peux savoir ce que vous faites là, espèce de vieux pervers ? C’est les toilettes des femmes, j’vous signale ! »
Tony resta un instant abasourdi. L’insulte l’avait touché au cœur. Ce n’était pas ‘‘pervers’’ qui lui restait en travers de la gorge, nan, pas avec le nombre de fois où Kate lui avait dit la même chose. C’était le ‘‘vieux’’.
« Vieux ? » s’exclama-t-il, sans pouvoir s’en empêcher.
« J’vous dis que vous êtes un pervers et c’est tout ce qui vous inquiète ? » ironisa Skye. « Bon, c’est pas tout ça, mais quand est-ce-que je vais pouvoir y aller ? Je dois aller au ciné avec une copine et j’aimerai bien rentrer me préparer. »
« Je crains fort que tu ne doives annuler le cinéma, ma petite… Mais tu es sous la protection des meilleurs agents du NCIS maintenant. » lui expliqua Tony en se rengorgeant.
« Les meilleurs agents du NCIS ? Waouh ! Et ils viennent me chercher quand ? » s’exclama l’adolescente avec un enthousiasme suspect.
« Ah ah, très drôle, Skye. Tu sais parfaitement que je voulais parler des agents David, McGee et moi-même, bien sûr… Encore que je ne sois pas convaincu que l’agent McGee… » Il se reprit. « On va te confier à Abby, notre experte en… en plein de trucs en fait. »
« De quoi ? Y’a deux secondes, vous me disiez que je devais être sous votre protection permanente et maintenant vous me refilez à quelqu’un d’autre ? Ben, franchement, comme protection, j’ai vu plus efficace… »
« Attendez de voir le labo où travaille Abby, mademoiselle sceptique ! Depuis certains incidents… malheureux, il est plus difficile d’accès que le bureau du président ! »
Ziva apparut à son tour dans l’embrasure de la porte.
« Tony, on te demande d’aller voir si tout va bien pour Skye et de la ramener auprès de nous et tu organises une petite discussion entre filles dans les toilettes ! »
« C’était tout SAUF une discussion entre filles, Ziva. J’expliquais simplement à Skye que… »
« Tu n’as pas besoin de te justifier, tu sais, Tony… » le coupa Ziva.
« Je ne me justifie pas ! Je dis simplement que… »
« Mais oui, Tony. » puis, se tournant vers l’adolescente. « Tu as fini, Skye ? Je vais t’accompagner chez Abby… »
« T’aurais au moins pu me laisser finir ma phrase, Ziva. Tu sais que c’est très malpoli de couper la parole aux gens ? » demanda Tony d’un ton presque boudeur.
Ziva leva les yeux au ciel et eut un sourire.
« Typiquement féminin, comme réflexion. » murmura-t-elle suffisamment fort pour être certaine que Tony l’ai entendue, tout en s’éloignant en poussant une Skye visiblement rétissante dans le dos.
Tony sortit précipitamment des toilettes derrière elle. « Je n’ai rien de féminin ! » s’écria-t-il. « Je ne suis pas McGee ! »
Celui-ci qui était absorbé dans son ordinateur, releva la tête en entendant Tony.
« Oui, Tony ? »
Tony regarda Ziva lui jeter un dernier regard moqueur pendant que les portes de l’ascenseur se fermaient. Puis, il se tourna vers McGee qui le regardait toujours d’un air interrogateur.
« Rien, le bleu ! » maugréa-t-il en se rasseyant fasse à son propre ordinateur.

    « Ziva ! » s’exclama Abby. « Mais… Qu’est-ce-que tu fais déjà là ? Ducky ne m’a rien donné encore, il vient à peine de commencer l’autopsie… »
« L’autopsie ? Cooooool. » déclara Skye. « Où ça ? »
« Nulle part où tu sois autorisée à aller, en tous cas. » la rabroua Ziva.
Abby regarda Skye avec étonnement.
« Salut, toi. Que fais-tu dans mon labo ? » C’était à Ziva que la question s’adressait.
« Elle, elle vient visiter… Et toi, tu vas faire un peu de baby-sitting… »
« MOI ? Euh, tu dois confondre, Ziva. La dernière fois que j’ai fait ça je devais avoir 16 ans et le gosse a foutu le feu à son chien. Je ne peux pas m’occuper d’elle ! Tu ne peux pas me demander ça ! »
« Ce n’est pas moi qui demande, Abby, c’est Gibbs ! Elle est menacée par quelqu’un qui veut la tuer et qui a déjà assassiné son garde du corps… »
« C’est sensé être un argument convaincant, ça, Ziva ?! Pourquoi vous ne la gardez pas avec vous ?»
« Parce qu’on est à la recherche de celui qui veut s’en prendre à elle et que la garder avec nous ne semblait pas l’idée du siècle, Abby ! Je suis certaine que vous allez bien vous amuser, toutes les deux ! Tu verras, elle est charmante… »
« Elle est LA, surtout. Et elle ne veut pas rester non plus avec Halloween-girl ! Je veux chercher avec vous les sales types qui s’en sont pris à Dick ! C’est à moi qu’ils en veulent, après tout ! Je suis la première concernée ! »
« Bon, et bien, bon courage, Abby ! » l’encouragea Ziva en s’esquivant le plus vite possible, la laissant seule avec Skye.
« Bon, et bien je crois que nous sommes contraintes de rester toutes les deux on dirait… » tenta Abby. « Tu veux que je te montre comment fonctionne tous mes soldats ? »
« Tes soldats ? »
« Oui… Mes appareils scientifiques si tu veux… »
Skye recula d’un pas. « Je vois… Euh, c’est gentil mais… »
« Tu préfère que je te prête Bert ? »
« C’est qui, Bert ? »
« Mon hippo péteur, Bert ! »
« Je sais pas, j’ai l’air d’avoir trois ans ? »
« Euh, non. Mais quel rapport avec Bert ? »
« Enfin, c’est pour les mômes, ce truc ! »
« Très bien, dans ce cas, amuse-toi toute seule, j’ai du travail ! » lui rétorqua Abby, vexée.

    « T’as trouvé ce que Gibbs t’a demandé, le bleu ? » s’enquit Tony, qui n’avait pas décoléré contre Ziva et avait décidé de passer sa mauvaise humeur sur quelqu’un. « Parce que si c’est pas fait quand il va revenir avec son café…  Ça va chauffer pour toi ! »
« Et pas seulement pour lui, Tony, tu peux me faire confiance ! »
Gibbs s’approcha de ses deux agents.
« Alors, McGee, qu’est-ce-que vous avez ? »
Tim fit apparaître ce qu’il avait trouvé sur le grand écran qui trônait au milieu de la pièce.
« Liam O’connell. Petit caïd notoire, arrêté pour vols de voiture, détention de petites quantités de drogue, trafics et recels en tout genre. Il fait des allers-retours entre la rue et la prison depuis ses onze ans. »
« Il a une bonne tête de vainqueur. » commenta Tony en examinant le profil patibulaire de leur suspect numéro un.
« Il a toujours été arrêté en compagnie d’au moins un membre de sa famille, frères, cousins… Ils ont un gang très organisé dont le quartier général se trouvait, aux dernières nouvelles, près d’Olid East Road, à Norfolk. »
Tony fit une grimace.
« Ouille ! Définitivement pas un coin pour toi, le bleu ! »
« Et pourquoi ça Tony ? »
« Enfin, McGee, y’a qu’à te regarder ! Tu ne survivrais pas deux secondes dans un quartier comme Olid East ! » s’esclaffa Tony.
Une claque sonore coupa net son hilarité.
« Et l’autre ? »
« Quel autre, patron ? » s’étonna McGee, qui était déjà prêt à aller arrêter ce fameux Liam.
Gibbs regarda McGee une seconde.
« Ah, oui, bien sûr. George H. Barlow. »
Une seconde image apparut sur l’écran. Celle d’un homme d’une cinquantaine d’années environ, arborant un sourire plein de dents. Il y eut un silence pendant que tous fixaient cette image digne d’une affiche électorale.
« Qu’est-ce-que vous attendez, McGee ? » le rappela à l’ordre Gibbs.
« Euh, oui, alors… George Barlow. C’est le premier adjoint du sénateur de Virginie, mais depuis que celui-ci est souffrant, autant dire que Barlow est devenu sénateur à sa place. Il est avocat d’origine –l’armée a servi à payer ses études- et il dirige toujours l’un des plus prestigieux cabinets de Virginie… »
« Pas le genre de type à avoir besoin de kidnapper ou tuer une gamine pour faire valoir ses droits, quoi. » fit remarquer Tony.
« Tu crois, Tony ? » Gibbs ressentait clairement une profonde antipathie pour ce Barlow. Plus il voyait sa tête de faux jeton afficher ce sourire de campagne et plus il était convaincu que ce type était suspect.
Tony se contenta de fixer l’écran quelques instants sans répondre. Il n’aurait jamais commis la bêtise de contredire Gibbs –en tout cas, pas devant lui, il n’était pas fou non plus !- mais entre l’irlandais au regard sournois et l’autre, il n’y avait aucun doute sur celui qu’il préférerait croiser une nuit au coin de la rue.

    Depuis cinq bonnes minutes, Abby était plongée dans… ‘Dans quoi, d’ailleurs ?’ songea Skye en tendant la tête afin d’apercevoir ce qui semblait tant passionner la brune laborantine. Celle-ci était en train d’examiner des vêtements que le vieux, qui s’était occupé du corps de Dick, avait fait déposer pour elle une minute plus tôt. Des vêtements qui ressemblaient étrangement à ceux de Dick, d’ailleurs. ‘Erk !’ C’ETAIT ceux de Dick. Franchement, qui d’autre que lui porterait des chemises hawaïennes -style McGiver- aussi moches ? Et puis ces horribles pompes… ‘Re-erk !’ Le caleçon de Dick. Ce qui signifiait qu’il était allongé quelque part, tout nu. Définitivement pas l’image qu’elle souhaitait avoir dans la tête. Elle reporta son attention sur Abby qui examinait maintenant une sous-chemise couverte de sang avec une expression extatique. Skye se retourna discrètement. L’ascenseur était tout près. Parfait.

    Elle sortit de l’ascenseur pour se retrouver de nouveau dans la salle pleine de bureaux par laquelle elle était arrivée un peu plus tôt dans la matinée. Personne n’avait fait attention à elle, tous concentrés qu’ils étaient sur l’écran en face d’eux. Elle s’approcha doucement afin de discerner ce qui semblait tous tellement les intéresser.
« Bon, patron, on commence par quoi ? Enfin, par qui ? »
« On commence par demander aux voisins s’ils n’ont pas aperçu l’un ou l’autre de nos deux hommes rodant autour de la maison des Jenkins, Tony. »
« Ça m’étonnerait fort que Barlow soit du genre à se déplacer en personne. C’est plutôt le genre à envoyer quelqu’un faire le sale boulot… » argumenta Tony, qui avait horreur de faire du porte à porte. Les gens tenaient toujours à leur raconter leurs vies et leurs problèmes. Franchement, est-ce qu’il avait une tête de flic de quartier ?
« Tu préfères rester ici et te charger de téléphoner à la veuve du type que Ducky est en train d’autopsier, Tony ? Parce-que, crois-moi, ça peut s’arranger… »
« Hein ? Non ! Je veux dire, euh, que j’adore interroger des témoins, Gibbs, tu le sais bien ! » assura Tony avec véhémence et un sourire convaincant.
« Même si tu n’aimais pas ça, ça reviendrait au même pour moi, Tony… McGee, imprimez plusieurs exemplaires des photos de ces individus, que nous puissions nous séparer une fois sur place… »
Skye décida qu’il était temps d’intervenir.
« Votre gars, là… Celui de droite… J’le connais. Il s’appelle Liam…. »

    Gibbs n’aurait jamais admis devant qui que ce soit que la jeune fille venait de lui faire une peur bleue en se glissant de cette façon dans son dos. N’empêche que c’était vrai.
« Cet homme… Ce Liam, il est venu t’importuner ou bien te menacer ? »
« Pas du tout… En revenant de l’école avec une copine, l’autre jour, on l’a croisé. Il venait rendre visite à son frère qui habite dans la résidence et il nous a raccompagnées jusque chez moi. »
« Un type suspect qui aborde deux jeunes filles de quinze ans quittant le lycée, ça ne vous a pas paru louche du tout ? » ironisa Tony.
« Si ça avait été quelqu’un dans votre genre, je dis pas… » lui rétorqua-t-elle en haussant les yeux au ciel. « Il avait un passe d’autorisation pour entrer dans le quartier résidentiel de la base et puis j’avais déjà entendu mon père parler de son frère. Un gars pas très malin, d’après ce que j’ai compris, d’ailleurs. »
Gibbs fit un signe de tête à Tony qui avait récupéré son arme posée sur son bureau. Liam paraissait effectivement être le suspect idéal. Malgré tout, Gibbs n’arrivait pas à se débarrasser du sentiment que quelque chose ne collait pas dans tout ça… Sauf qu’il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

    Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent de nouveau mais cette fois, cela n’échappa à personne. Abby apparut, l’air complètement paniqué.
« Gibbs, mon Dieu, Gibbs. C’est horrible ! » Elle était au bord des larmes. « Je t’en prie, ne me hurle pas dessus, je m’en veux déjà tellement ! Je te jure, j’ai dû la quitter des yeux une seconde… Même pas… »
« Abby… »
« Et de toutes façons, c’est la faute de Ziva, je lui avais dit que je n’étais pas capable de faire ça ! »
« Abby ! »
« Je l’ai cherchée partout mais elle n’est nulle part… »
« ABBY ! » Il lui désigna Skye, qui semblait très contente d’elle-même.
« Oh… » Elle se tourna de nouveau vers Gibbs avec un sourire contrit. « Ça n’arrivera plus ? »
« J’y compte bien, Abby… »
« Non, je veux dire, tu ne me confieras plus personne à garder –hormis Timothy, bien sûr- ? »
Gibbs la regarda d’un air sévère.
« Ramène là en bas avec toi, Abby… »
« Tu plaisantes, c’est ça ? »
« Pas du tout… Tony, McGee et Ziva, préparez-vous, on va rendre une petite visite à ce Liam et à sa famille. »
« Mais Gibbs, comment peux-tu me la confier à nouveau alors que j’ai lamentablement échoué à la surveiller une première fois ? » insista Abby.
Gibbs lui sourit.
« Justement, il ne faut jamais rester sur un échec, tu le sais bien, Abby ! Tu vas très bien t’en sortir, Abby ! »
« Et si je ne m’en sortais pas ? »
Il avait rejoint son équipe dans l’ascenseur.
« Quand je dis que tu vas très bien t’en sortir, ce n’est pas une supposition, Abby, c’est un ordre… »
 

    Olid East Road, Dimanche, 11h05 a.m., banlieue nord de Norfolk,

    Ce qui était certain, c’était que leur suspect savait qu’ils arrivaient. Tout au long de la route qui menait à l’adresse indiquée, ils avaient croisé une bonne dizaine de jeunes hommes qui avait dû s’empresser de prévenir Liam de leur arrivée imminente. Il faut dire qu’une voiture noire blindée dans ce quartier ? Autant prendre un haut parleur, ouvrir la fenêtre et crier ‘‘aaaaagents fédéraaaaaux’’. Ils finirent par arriver devant un bâtiment à la limite de la salubrité, où une vieille inscription au-dessus de la porte indiquait ‘‘Au vieux korrigan’’. Manifestement, il s’agissait d’une enseigne de bar, ce qui n’était pas flagrant au premier abord, tant les fenêtres disparaissaient sous la crasse.
« ‘‘Au vieux korrigan’’ » répéta Tony à voix haute. Il se tourna vers McGee. « C’est un endroit pour toi, ça, Seigneur des Elfes… »
« Les korrigans n’ont rien à voir avec les elfes, Tony. Les korrigans sont des êtres légendaires spécifiquement irlandais qui… » Il s’interrompit devant l’air goguenard de Tony. « Ce que tu peux être gamin, parfois, Tony ! »
« Moi, gamin ? Qui joue à des jeux en ligne avec un pseudo sorti tout droit d’un roman d’Heroic Fantasy, le bleu… »
Deux claques simultanées derrière la nuque les ramenèrent brutalement à la réalité du terrain.
« C’est bon, vous avez fini ? » leur demanda Gibbs avec aménité.
« Oui, patron… » répondit Tony en se massant la nuque.
Ils s’avancèrent ensemble vers l’entrée.         
Gibbs fit signe à Ziva et Tony de contourner le vieux bar peu engageant qui servait de résidence secondaire à Liam et ses acolytes et d’entrer discrètement par derrière. L’arme au poing, McGee et lui se dirigèrent vers l’entrée principale du bar et poussèrent doucement la lourde porte d’entrée. Ainsi que Gibbs s’y était attendu, la salle où se trouvait le bar, sale et mal éclairée, était déserte à cette heure-ci. Seul un gros chat noir les fixait du haut du bar avec un évident mépris pour ces intrus. Sans ranger son arme, Gibbs désigna à McGee d’un signe de tête une porte qui menait vers l’arrière de la bâtisse.
« Allez-y, McGee, je vous couvre. »
McGee fit un signe d’assentiment et s’approcha lentement de la porte. Doucement, il posa sa main sur la poignée de la porte. Au moment où il allait tirer la porte vers lui, un coup de feu retentit, les glaçant tous les deux.

    Tony et Ziva avait trouvé à l’arrière du bar une petite porte à la moustiquaire rouillée. Elle était tellement usée qu’elle ne fermait plus. Elle s’ouvrit dans un grincement qui devait s’entendre jusqu'à la côte Ouest sans aucun problème. Tony grimaça et marmonna un ‘‘chuuuuuuut’’ à l’adresse de Ziva qui se contenta de hausser les épaules pour lui signifier qu’elle n’y était pour rien.
Ils se glissèrent dans un couloir sombre et malodorant. Ils s’arrêtèrent devant une porte un peu plus loin sur la gauche et Tony tendit la main pour l’ouvrir. Mais avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, la porte s’ouvrit d’elle-même et Tony se retrouva nez à nez avec le canon d’une arme. Arme tenue par Liam en personne.
« Salut, le flic. Tu cherchais quelque chose ? »

   Quand il avait ouvert brusquement la porte pour savoir qui était à l’origine du coup de feu tiré, Gibbs c’était attendu à beaucoup de choses. A beaucoup de choses, mais certainement pas à ça. Devant lui se trouvait un Tony hébété et un Liam hilare, un vieux Colt à la main. Gibbs pointa son arme sur ce dernier.
« Jetez tout de suite cette arme à terre ! » ordonna-t-il sèchement.
Le rire de Liam se calma mais il conserva son sourire goguenard. Il désigna son arme d’un signe de tête.
« Celle-ci, vous voulez dire ? » Son rire reprit devant la tête de Gibbs. « Si vous y tenez. » Il écarta le pan de sa veste et rangea l’arme dans sa ceinture.
Gibbs n’abaissa pas son arme pour autant.
« Je vous ai demandé de la jeter, Liam… »
« Wow ! Liam ? Vraiment ? Je ne savais pas qu’on était devenu si proche, tout à coup ! A qui ai-je l’honneur ? Non, non, ne me dites pas, je vais deviner… FBI, je parie ! »
Un éclat de rire secoua les gars qui attendaient derrière lui. Son gang, probablement.
« Votre arme ! » répéta Gibbs, visiblement agacé.
« Je n’ai aucune raison de vous obéir, vous savez… Vous êtes entrés ici sans même un avertissement –ce qui est illégal, je vous signale- et vous me réclamez une arme déclarée –vous pourrez vérifier- qui n’est même pas chargée avec de vraies balles… Mais comme je suis un mec sympa qui a un immense respect pour la fonction que vous exercez… » Il sortit son arme de nouveau et la tendit à Tony. « Tenez. Et sans rancune, hein ? » Nouvel éclat de rire.
Il s’appuya contre le chambranle de la porte avec désinvolture.
« Bon, c’est pas qu’on s’amuse pas avec vous, mais j’ai des trucs à faire alors on va faire court. De quoi on m’accuse ce coup-ci ? »
« Meurtre avec préméditation et tentative d’enlèvement sur mineure… » le renseigna Ziva, encore très énervée d’avoir vraiment eu peur pour Tony, tout en s’approchant de lui pour le menotter.
« Fiou… » siffla Liam. « Rien que ça ? Vous êtes sûre de n’avoir rien oublié ? »
« Oui, mais on peut en inventer, si vous voulez… » lui souffla Tony.
« Oh, ça, je sais. C’est ce que vous faîtes à chaque fois… Mais vous vous trompez de gars. J’ai jamais enlevé personne, moi… »
« On le sait bien, c’est pour ça qu’on a dit tentative d’enlèvement. »
« Ça confirme ce que je disais : si j’avais voulu enlever quelqu’un, -je dis bien ‘‘si’’- je n’aurais pas raté mon coup. Donc, ce n’est pas moi. Voilà. Fin de l’histoire. Je suis navré de ne pas pouvoir vous aider davantage. »
Il avait toujours un air ironique ce qui acheva d’impatienter Gibbs. Il attrapa les menottes des mains de Ziva, les passa prestement à Liam et l’attrapa par le haut du col pour le pousser dehors.
Ce dernier ne se rebella pas vraiment, se contentant de protester avec désinvolture.
« Hé, ho, doucement papy ! Tu vas te faire du mal, tu sais… A ton âge, il f…»
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase : il entra en collision violente avec le mur.
« Désolé, je n’avais pas vu le mur… La vue qui baisse, vous savez ce que c’est… » s’excusa Gibbs avec un ton dépourvu du moindre remord.
Tony et Ziva ressortirent soudain leurs armes. Les membres du gang de Liam s’étaient rapprochés, l’air menaçant mais un signe de tête de leur leader les dissuada de faire quoi que ce soit.
« Au lieu de faire un truc complètement idiot, les gars, appelez plutôt Patrick… Sam, je te confie le bar… Et toi, Connor, tu sais ce qu’il te reste à faire, hum ? »

    Dimanche, 12h20, Salle d’interrogatoire du NCIS,

    Tony frappa violemment les photos qui se trouvaient devant Liam. Celui-ci se contenta de les regarder vaguement.
Depuis près d’une demi-heure que Liam se moquait ouvertement de lui, il commençait à être sincèrement à bout de patience.
« Je répète une dernière fois : pourquoi assassiner Dick, Liam ? Un meurtre, ça va chercher dans les vingt ans. Avec ton casier, ce sera la perpétuité. Et si le juge retient la préméditation alors là… La peine de mort, c’est certain. Alors que si tu avoues… Tu ne voulais pas le tuer, n’est-ce-pas ? Tu voulais juste embarquer la fille pour faire peur au papa… Qu’il laisse ton frère sortir du trou à rat dans lequel l’amiral Jenkins l’a enfermé… Vouloir aider son frère, c’est un truc que je peux comprendre … »
« Ah ouais ? Pourquoi, ton frère est en taule ? »
« Euh, non, mais… » Liam eut un sourire ironique qui poussa l’exaspération de Tony à son comble. « Là n’est pas la question ! »
« C’était quoi la question, déjà ? »
« Pourquoi as-tu tué Dick ! »
« Dick ! » s’esclaffa Liam. « Quel surnom à la con ! »
« Ce n’est quand même pas pour ça que tu l’as tué, si ? »
« Ah, non, je ne savais même pas que votre gars s’appelait Dick… »
« AH AH ! » rugit Tony. « Tu reconnais donc l’avoir tué, même si le surnom n’était pas le mobile ? »
« Je reconnais rien du tout, je constate un fait, c’est tout. »
« Très bien. Alors si ce n’est pas toi qui as tué notre homme, tu vas sans doute pouvoir me fournir un alibi en béton en m’indiquant ce que tu faisais ce matin un peu avant huit heures. Et je te préviens : ‘‘j’étais seul dans mon lit en train de dormir’’ n’est PAS un alibi valable. » 
« Ah ? Être seul dans son lit n’est pas un alibi ? Arf, c’est dommage ça ! T’es suspect, toi aussi, du coup… » Nouvel éclat de rire.
La patience de Tony avait atteint ses limites.
« Il vient cet alibi, ou tu préfères que je t’inculpe pour meurtre directement ? »
Liam se renversa sur sa chaise le plus nonchalamment du monde et prit son temps avant de répondre. Enfin, alors que Tony, exaspéré, s’apprêtait à quitter la pièce, il daigna répondre avec une voix goguenarde :
« Bah, c’est simple, ce matin, j’étais à la messe de sept heures comme tout les dimanches. Et j’y suis resté pendant tout l’office, toute l’église pourra vous le confirmer. »

    Au même moment, de l’autre côté de la vitre sans tain,

    « A la messe ? C’est le mensonge le moins crédible que j’ai jamais entendu de ma vie ! » s’exclama Ziva.
Gibbs resta un instant silencieux, plongé dans ses pensées. Décidément, il y avait quelque chose qui clochait dans toute cette affaire.
« Je ne pense pas qu’il mente, Ziva. » finit-il par dire.
« Vous pensez vraiment que ce type là va à la messe ?! » s’écria Ziva, incrédule. « A la MESSE ?!! »
« Oui, Ziva, c’est ce que je pense. Les irlandais sont réputés pour cela. Et puis, ce n’est pas la seule chose qui ne colle pas avec ce Liam. C’est un gars intelligent, il a préparé son enlèvement, il a mis Skye en confiance, il a repéré les lieux… »
« Mais il n’avait peut être pas prévu le garde du corps. Ils se sont battus… »
« D’après les premières conclusions de Ducky, il n’y a aucune trace de lutte. Richard Carewell ne s’est pas défendu. Il a tourné le dos à son agresseur, volontairement, Ziva. D’après ce que vous avez vous-même constaté, il préparait un petit déjeuner quand on l’a assassiné. Vous croyez qu’il aurait tranquillement continué son omelette si Liam O’Connel était entré dans la cuisine avec une arme à la main ? »
« Ils étaient peut être de mèche et Liam a décidé de mettre fin à leur collaboration… un peu prématurément ? »
« Non, je ne crois pas. Les irlandais ne font leur coup qu’en famille. Je suis de plus en plus convaincu que ce O’Connel n’a rien à voir là-dedans… »
« C’est le seul suspect… » objecta Ziva.
« Non, il nous reste Barlow… »
« Je n’aurais jamais cru que je dirais ça un jour mais, pour une fois, je suis plutôt d’accord avec Tony… Barlow n’a aucune raison de s’abaisser à de telles extrémités pour obtenir ce qu’il veut. »
« Ce qu’il veut Ziva, c’est se venger. Vous n’allez pas me dire que vous ne savez pas jusqu’où peut aller un homme qui veut se venger. Que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons… »
Il la regardait droit dans les yeux, ce qui la mit horriblement mal à l’aise. Elle détourna le regard pour le reporter de nouveau sur Tony et Liam toujours en salle d’interrogatoire.
« Admettons. » reprit-elle, « Admettons qu’il veuille se venger de Jenkins. Pourquoi assassiner le garde du corps ? Et puis, nous n’avons rien qui relie Barlow à Skye, contrairement à Liam.»
Gibbs ne répondit pas.
Ils restèrent silencieux un instant, à écouter Tony répéter pour la dixième fois à Liam que c’était l’alibi le plus nul qu’il ait jamais entendu de sa vie.
Soudain, la porte de la petite pièce s’ouvrit brusquement, laissant apparaître un McGee essoufflé, mais affichant un air ravi.
« Patron, j’ai réussi à entrer dans l’ordinateur de Richard Carewell ! »
Ziva et Gibbs se tournèrent vers lui. McGee s’aperçut de l’air fermé de Gibbs.
« …Mais vous êtes occupé, peut-être. Euh, je repasserai. » ajouta-t-il avec déception. Il s’apprêtait à refermer la porte sur lui quand Gibbs le retint.
« Si ce que vous avez trouvé est important, McGee, je vous conseille de me le dire maintenant ! »
« C’est important ! » s’exclama-t-il. « Enfin, je crois… Richard Carewell a reçu plusieurs emails d’un certain Nick Stravinsky, qui, après recherche, s’avère être un des conseillers du sénateur… Autrement dit, un des conseillers de notre ami Barlow… Et ce n’est pas tout… Si j’en crois son portable, ce cher ‘‘Dick’’ a appelé cinq fois rien qu’au cours des deux jours précédents un numéro correspondant à celui d’une cabine situé en face des locaux sénatoriaux… Ça fait beaucoup de coïncidence, non ? »
« Et je ne crois pas aux coïncidences ! Ziva, allez me chercher Tony et laissez partir cet abruti… »
« Que je laisse Tony partir où ? » s’étonna Ziva qui n’avait pas compris.
« Pas Tony, LIAM ! »
McGee eut un léger rire qui s’arrêta aussitôt devant le regard sévère de Gibbs.

    Tony quitta la pièce juste au moment où Ziva allait y entrer.
« Ziva ! Non, mais tu as entendu l’alibi que ce gugusse vient de me sortir ? »
« Oui, Tony mais Gibbs pense qu’il dit la vérité… »
Le rire de Tony s’arrêta net. Il regarda Ziva d’un air suspicieux.
« Je sais que tu me fais marcher, là, Ziva… Hein, tu me fais marcher ? »
« Pas le moins du monde, Tony. En fait, McGee a trouvé des emails et des appels reliant le garde du corps au sénateur. Vice-sénateur. A Barlow, quoi… »
« Hein ? Ca fait longtemps que vous le savez, ça ? »
« Euh, cinq bonnes minutes ? »
« Ça fait CINQ MINUTES que tu me laisses m’enfoncer tout seul avec ce gars ?!!! »
« Oui, Tony… Mais c’était tellement marrant… »

    « Alors, qu’est ce qu’on fait patron ? »
« Comment ça qu’est ce qu’on fait, McGee ? On va chercher Barlow pour l’interroger. »
« Mais, patron, c’est quand même un sénateur… »
« Et alors, agent McGee ? »
« Ben, c'est-à-dire qu’il est possible qu’il ne soit pas tellement d’accord… Comme je vous l’ai déjà fait remarquer un peu plus tôt, c’est le genre de personne qui sait s’entourer… Et il est défendu par son propre associé, Miles Harrington. Probablement l’avocat le plus en vue du moment. Autrement dit, on n’aura même pas le temps d’amener Barlow jusqu’à la salle d’interrogatoire que Harrington aura déjà sa remise en liberté pour un motif ou un autre… »
« Emmenons-le et ‘‘oublions’’ de prévenir son avocat dans ce cas… »
« Lui n’oubliera pas… Miles et lui sont quasiment inséparables. Quand ils ne sont pas ensemble, c’est qu’ils sont au téléphone l’un avec l’autre.»
McGee fit apparaître une nouvelle photo de Barlow sur l’écran. Avec son avocat.
Gibbs sourit en découvrant le Miles en question. Dès qu’il l’avait vu, la semaine précédente, dans le bureau de Jenny, il avait su que ce type était louche.
«…Il appellera, mais on peut se débrouiller pour rendre Miles… Injoignable… Disons, pour un certain temps… »
« Mais comment ? »
« Et bien, je vais faire appel aux talents de notre directrice, Tony. »
Gibbs monta rapidement les escaliers laissant là une équipe abasourdie.
« C’est moi, où bien vous aussi vous trouvez la façon dont il a dit ça inquiétante ? »
« Inquiétante comment, Tony ? » demanda McGee, circonspect.
« Inquiétante comme : ‘‘Hey, si on envoyait Jenny divertir cet avocat pendant qu’on essaye de faire avouer notre suspect’’… »
McGee eut l’air soulagé. « Tu me rassures, Tony, je ne suis pas le seul à avoir compris ça, alors ! »

    Dimanche, 13h00 a.m., bureau du directeur du NCIS,

    « Agent Gibbs, le dir… » tenta vainement Cynthia.
« Le directeur est occupé et il ne peut pas me recevoir maintenant, je sais. » la coupa Gibbs en ouvrant la porte du bureau sans un regard pour la secrétaire.
Jenny ne releva même pas les yeux du document qu’elle était en train de parcourir.
« Oui, Jethro ? »
« Tu vois encore ce Miles, Jenny ? »
La question était tellement incongrue qu’il fallut dix bonnes secondes à Jen pour l’enregistrer parfaitement.
« Pardon ? »
« Ce Miles que j’avais croisé dans ton bureau l’autre jour. L’avocat. Tu le vois toujours ? »
« Tu es venu dans mon bureau me questionner sur mes fréquentations ? »
Jenny était abasourdie.
« Pas sur tes fréquentations. Sur cette fréquentation. »
« Je vois. Et en quoi cette fréquentation te concernerait-elle d’avantage que les autres ? »
« ‘‘Miles’’ est l’avocat de notre suspect numéro un : Barlow. Et il va probablement nous empêcher purement et simplement de l’interroger. »
« Pourquoi Miles vous empêcherait de faire votre travail, Jethro ? Tu ne crois pas que ce soit un avocat intègre ? »
La réponse sincère était ‘‘non’’, mais ce n’était pas le moment d’en rajouter.
« Barlow n’est pas un client comme les autres pour Miles, c’est aussi son associé, son meilleur ami… Si on en croit McGee, ces deux hommes pourraient être des frères siamois étant donné le temps qu’il passe l’un avec l’autre. »
« Tu veux dire que ton suspect, c’est George ? »
‘‘
George’’ ???
Gibbs jeta à Jen un regard qui en disait long sur ce qu’il pensait. Il fut tellement expressif que Jen éprouva le besoin de se justifier.
« Je ne l’ai jamais rencontré mais Miles m’a beaucoup parlé de lui ! Je crains en effet que tu n’aies du mal à parler à Barlow seul à seul… Il faudra que tu supportes la présence de son avocat…»
« A moins que… »
« Je n’aime pas beaucoup la façon que tu as de dire ‘‘à moins que’’, Jethro… »
« Il faudrait que tu occupes suffisamment Miles pour qu’il oublie son associé, disons, une heure ou deux… »
« ‘‘Occuper’’ ? »
Jen semblait outrée par la demande.
« Tu crois vraiment que je te demanderais ça, Jen ? »
Cette fois, c’était Gibbs qui avait l’air outré.
« Par ‘‘occuper’’ je voulais dire ‘‘faire diversion’’ au moment où Barlow essayera de le joindre ! Pour autant que je me souvienne, tu étais très douée pour faire diversion… »
« Peut-être… Mais là, tu parles de quelque chose d’impossible, Jethro. Miles a quitté un dîner en présence du secrétaire d’Etat à la défense pour pouvoir répondre à un appel de George… »
« Dans ce cas, essaye quelque chose de moins ennuyeux qu’un dîner avec le secrétaire d’état… Je suis certain que tu vas trouver quelque chose… »
« Et je suppose que tu veux ce miracle pour demain, bien sûr ? »
« En fait, Jen, ce serait plutôt pour aujourd’hui. Et étant donné que l’on a déjà de quoi interroger Barlow, pour maintenant serait l’idéal. » précisa-t-il.
Devant le regard qu’elle lui lança, il ajouta :
« S’il-te-plaît ? »
« Pour que tu dises ‘‘s’il-te-plaît’’, tu dois vraiment tenir à interroger Barlow… »
Elle le suivit jusqu’à la porte de son bureau.
« Très bien, laisse-moi une heure et tu pourras interroger ton suspect… Mais fais le avouer vite, Jethro, parce que je ne te garantie rien… »
« Vite, Jen ? Vraiment ? Décidément, ce Miles me déçoit beaucoup… »
Cynthia leva les yeux au ciel. Et dire qu’on leur confiait la sécurité de la moitié du pays… Effrayant.

    Gibbs redescendit les escaliers et trouva ses agents installés derrière leur bureau. A en juger par l’air peu naturel que prirent ses agents en l’apercevant, ainsi que le silence brutal qui l’accompagna, il était clair que ceux-ci étaient en train de parler de lui.
« Un problème ? » leur demanda-t-il nonchalamment.
« Euh, non, patron… » risqua prudemment Tony. « On se demandait juste comment Jenny allait faire pour éloigner Miles de notre suspect… »
C’était donc ça.
« Ça, c’est un problème réglé, Tony… On passe au suivant… Vous avez vérifié l’alibi de Liam O’Connel ? »
« Oui, patron ! » répondit McGee. « Au moins cinquante personnes nous ont juré sur la sainte Bible que Liam était bel et bien à la messe ce matin… »
« Parfait ! » Gibbs jeta un bref coup d’œil à l’heure qui s’affichait sur son écran d’ordinateur. « Vous avez une heure devant vous avant que nous ne puissions aller arrêter Barlow… Je vous conseille de la mettre à profit en faisant quelque chose d’utile… »
« Vraiment, patron, on est autorisés à faire un vrai déjeuner pour une fois ? » s’enthousiasma Tony.
Gibbs ne lui prêta pas la moindre attention et termina sa phrase :
«…en vous rendant chez Mme Carewell lui annoncer le décès de son époux dans l’exercice de ses fonctions. »
« Pourquoi c’est toujours nous qui devons faire ça ? » protesta Tony. « Y’a pas un service de la mairie ou quelque chose comme ça qui pourrait s’en occuper ? »
Une nouvelle claque derrière le crâne lui donne la réponse à sa question.
« Ouaaaïe ! J’ai l’impression que tu fais ça de plus en plus souvent, ces derniers temps… »
« Peut être parce que tu dis de plus en plus de trucs stupides, ces derniers temps, DiNozzo ! Comment se fait-il que vous ne soyez pas déjà en route pour rendre visite à cette veuve ? »
« Ben… C'est-à-dire qu’on ne sait pas où elle habite… »
Gibbs leva la main.
«…mais on va trouver très vite, n’est-ce-pas, McGee ! » termina précipitamment Tony en reculant pour éviter une seconde estocade.
McGee tapa à toute vitesse sur son ordinateur avant de se relever triomphalement et de se précipiter sur son manteau.
« Ça y est, j’ai son adresse, on peut y aller. »
Tony emboîta aussitôt le pas à McGee, désireux de mettre une distance suffisante entre lui et la main de Gibbs.
Ziva s’apprêtait à les suivre quand Gibbs la retint.
« Je ne crois pas qu’il soit indispensable que vous soyez trois pour remplir cette mission, si ? Tant mieux, parce que j’ai autre chose à vous demander… »

    Dimanche,  13h50, 52 Milwaukee Avenue,

    « Vas-y, le bleu, à toi l’honneur… »
« Et moi qui croyait que tu adorais consoler les jolies femmes… »
« Les jolies femmes, oui. Mais les veuves éplorées et gémissantes se mouchant sur ton épaule, très peu pour moi. J’ai déjà donné. A ton tour de payer de ta personne, le bleu. » rétorqua Tony.
McGee haussa les épaules et sonna. La porte s’ouvrit sur une magnifique jeune femme d’une trentaine d’années, une belle rousse aux yeux bleus, le visage piqueté de tâches de rousseur.
« Que puis-je pour vous, messieurs ? »
Tony se précipita entre McGee et la jeune femme et prit un air de circonstance. McGee ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Tony était vraiment incroyable.
« Madame Carewell ? »
« Oui ? »
« Nous sommes des agents du NCIS… C'est-à-dire que nous enquêtons sur les affaires criminelles concernant la marine… Madame Carewell, j’ai le regret de vous annoncer…»
« Il est arrivé quelque chose à Richard ? » s’écria-t-elle, brusquement inquiète.
« Il a été assassiné ce matin, probablement en défendant courageusement la vie de la fillette qu’il protégeait… »
Caroline Carewell dut se retenir à la porte sous le coup de l’émotion.
« Mon Dieu… »
Et elle s’évanouit dans les bras de Tony.

    Tony se rendit dans le salon, Caroline toujours dans les bras, et la déposa sans ménagement sur le divan, pendant que McGee remplissait rapidement un verre d’eau dans la cuisine.
« Ouvre-lui un peu son chemisier, le Bleu, qu’elle puisse respirer un peu mieux ! »
« Non, mais ça va pas, Tony !? » s’indigna McGee. « Elle porte un T-shirt, en plus, je te signale ! »
Tony se redressa avec un sourire railleur aux lèvres.
« Je sais, le Bleu, je voulais juste voir la tête que t’allais faire si je te demandais ça ! »
McGee se contenta de lever les yeux au ciel.
Caroline revint peu à peu à elle. Un instant, elle sembla désorientée, puis elle aperçut McGee qui lui tendait le verre et sembla prendre pleinement conscience de ce que la présence des deux agents qui la fixaient d’un air inquiet signifiait. Son mari était mort. Elle fixa le verre avec intensité quelques secondes et deux larmes roulèrent sur ses joues.
« Comment ? » demanda-t-elle d’une voix blanche.
Tony et McGee se regardèrent en fronçant les sourcils, sans comprendre le sens de sa question.
« Comment Richard est-il… est-il mort ? » répéta-t-elle.
« Il… Hum. Il semblerait qu’il se soit pris une balle dans le dos, ce matin. » expliqua Tony avec douceur. « Je suis désolé, madame Carewell. »
« C’est impossible ! Dick… Ça ne peut pas être lui ! Vous vous êtes trompés ! » sanglota-t-elle, le désespoir se reflétant dans ses yeux bleus.
McGee avait prévu ce genre de déni et avait emmené une photo de Dick allongé sur la table d’autopsie.
« Cet homme est votre mari, n’est-ce-pas ? »
Caroline prit la photo et retomba assise dans le canapé qu’elle venait à peine de quitter. Elle rendit brutalement la photo à McGee, tellement la vue du corps sans vie de son mari lui était insupportable.
« Mon Dieu, Dick… » Elle se tut un moment. Tony et McGee la laissèrent se reprendre en silence. « Je savais que ça finirait mal, toute cette histoire avec cette petite ! »
« Vous voulez parler de Skye Jenkins ? » réagit aussitôt Tony.
La jeune femme acquiesça en sortant un mouchoir de sa poche.
« C’était une mauvaise idée de s’embarquer là-dedans, je l’avais dit à Dick dès le départ… Au début, ça se passait bien… Et puis, un jour, je suis tombée sur ces e-mails bizarres… Soit disant des pubs, d’après lui. Mais je me suis étonnée qu’il les ait conservées aussi longtemps dans sa boîte de réception alors, j’ai regardé de plus près… Je sais que je n’aurais pas dû… C’était le genre de pubs, vous savez, qui vous annonce que vous avez gagné telle ou telle somme d’argent si vous répondez sous dix jours… »
Tony et McGee acquiescèrent en silence.
« Et puis, ça m’était sorti de la tête. Jusqu'à ce que, en consultant notre livret de compte, je m’aperçoive que des sommes correspondantes étaient venues s’ajouter à notre épargne. Quand j’ai demandé des explications à Dick, il m’a répondu qu’il avait gagné cet argent. Je lui ai demandé si c’était bien légalement, qu’il l’avait gagné, il s’est mis dans une fureur noire et il est parti chercher la gamine au lycée. Je… C’est la dernière fois que je l’ai vu… »
Un nouveau sanglot la secoua.
« Vous n’avez pas la moindre idée de l’expéditeur de ces e-mails ? » s’enquit Tony.
« N..non… Je…Je crois que cela provenait de diverses agences de publicité… »
« J’ai tracé ses e-mails dans le portable de votre mari, madame Carewell et ils provenaient d’un ordinateur appartenant à Nick Stravinsky, adjoint du vice-sénateur de Virginie… Ce nom vous dit quelque chose ? Votre mari vous en a-t-il déjà parlé ? »
Caroline secoua négativement la tête.
« Non, non, je n’ai jamais entendu ce nom… »
« Et celui de George Barlow… »
La jeune femme resta pensive un instant.
« Barlow… Oui, ce nom me dit quelque chose… »
« Vous avez pu l’entendre à la télévision, c’est un homme politique assez influent… »
« Non, c’est autre chose… » Elle se tut quelques instants avant de redresser la tête. « C’était il y a trois ou quatre jours… Je rentrais de faire quelques courses. Quand je suis arrivée, Dick était sur le perron, il discutait avec un homme… J’ai même eu la nette impression qu’ils se disputaient… Je n’ai pas tout saisi de leur conversation mais j’ai quand même compris quelques bribes… L’homme disait à mon mari ‘‘Barlow ne va pas être content, il n’aime pas beaucoup les gens qui se moquent de lui…’’ Là-dessus, il m’a vu, m’a fait un signe de la main et est reparti aussitôt. J’ai interrogé Dick sur cet incident, mais il n’a rien voulu entendre et m’a demandé de ne plus jamais reparler de ça à qui que ce soit… Oh, mon Dieu, peut être que si j’avais dit tout ça à quelqu’un, Dick serait… Il ne serait pas… »
« Ça n’aurait sans doute rien changé… Ces gens-là ne tolèrent aucun obstacle entre eux et ce qu’ils veulent, madame Carewell… »
Elle ne semblait même pas avoir entendu Tony.
« Je peux voir mon mari, s’il-vous-plaît » demanda-t-elle.
« Euh… Je vais demander à mon patron mais ça ne devrait pas poser de problème. Je vous laisse avec l’agent McGee si vous avez encore des questions. Je reviens tout de suite. »
Tony quitta la pièce tout en composant le numéro de son patron. Non seulement la piste Barlow se précisait, mais en plus, il disposait désormais d’un témoin oculaire. Que demander de plus ? C’était la meilleure nouvelle de la journée et il n’aurait laissé à personne d’autre le soin de l’annoncer à Gibbs.

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